Le ministère des Transports connaissait le danger
Après avoir refusé dans un premier temps de rendre public les rapports d’inspections effectuées dans le tunnel Ville-Marie au cours des dernières années sous le prétexte que les épais que nous sommes n’y comprendraient rien, le ministre des Transports a finalement cédé sous la pression populaire.
On apprend donc qu’en 2008, SNC-Lavalin écrivait : « L’état actuel des paralumes en béton est douteux et nous recommandons, à très court terme, un relevé des dommages ainsi qu’une analyse structurale pour l’ensemble de ces éléments… On peut donc considérer l’état général (du tunnel) comme étant critique quant à l’aspect sécurité des usagers. »
Le ministère des transports a manqué à son devoir
Dans une conférence de presse donnée mardi dernier, la sous-ministre adjointe à la direction générale des infrastructures pour le ministère des Transports, Anne-Marie Leclerc, déclarait publiquement que toutes les recommandations de SNC-Lavalin avaient donné lieu à des mesures correctives de la part du ministère.
Pressé de questions, le ministre Sam Hamad est incapable de trouver un seul contrat accordé par son gouvernement depuis 2008 qui aurait eu pour but de solidifier les paralumes du tunnel Ville-Marie.
Dans une entrevue à La Presse, Daniel Bouchard — chef du service des structures au ministère des Transports — a confié mercredi que les travaux de réparation n’avaient pas été faits avant l’effondrement de dimanche.
Donc, de toute évidence, Anne-Marie Leclerc ment : le ministère des Transports a négligé d’agir de manière responsable et de donner suite, fondamentalement, au rapport alarmant de 2008.
L’État, responsable de la sécurité de la voie publique
Miraculeusement, l’effondrement survenu dimanche dernier n’a pas fait de victimes. Si l’issue avait été autre, l’État aurait été responsable du drame.
Si je paie le fils de mon voisin pour qu’il déneige mon entrée, qu’il néglige d’acquitter de cette tâche et que vous vous blessez gravement en glissant sur ma propriété, qui est responsable de l’accident ?
N’importe quel juge tranchera que si le fils du voisin ne vient pas déneiger, je dois voir à ce quelqu’un d’autre le fasse, de manière à ce que ma propriété soit sécuritaire en tout temps.
Le ministère des transports a une responsabilité analogue. Il peut déléguer tout ce qu’il voudra à l’entreprise privée : il demeure responsable de la sécurité de la voie publique.
La tentative de diversion de Sam Hamad
Le ministre des Transports s’empresse de blâmer l’entrepreneur privé qui a fragilisé les assises des poutres qui soutenaient les paralumes.
En effet, là où une poutre s’est effondrée, le dessous de l’assise avait été réduit de manière importante lors du décapage du mur de soutien. Il ne restait plus alors qu’un petit rebord de ciment dépourvu de toute armature d’acier. Conséquemment, le rebord a cédé, entrainant dans sa chute la poutre de trente tonnes et plus de cent tonnes de paralumes.
Qui avait demandé que ces travaux soient effectués ? Le ministère des transports. D’après ce qu’on sait, l’entrepreneur suivait le cahier de charges préparé par une firme d’ingénieurs privée, au nom du ministère.
Que cet entrepreneur ait suivi scrupuleusement (comme il l’affirme) ou non (comme le dit le ministre), cela a peu d’importance : des centaines de tonnes de paralumes reposent non pas sur du béton armé mais plutôt sur du ciment dépourvu d’armature de métal. C’est la recette idéale d’une catastrophe semblable à celle de l’effondrement de deux viaducs à Laval.
Ce ciment a été abîmé par le temps et est devenu fragile. Alerté par SNC-Lavalin, que fait le ministère ? Il ne répare rien et ordonne qu’on fragilise encore plus les assises des poutres qui soutenaient les paralumes.
Que le ciment soit aminci de quelques centimètres de plus ou de moins ne change rien de fondamental. C’était déjà dangereux avant qu’on enlève quelque chose : ce l’est encore plus après. Dans le fond, si l’entrepreneur en a trop enlevé comme le dit le ministre, tout ce que ça change, c’est que l’effondrement survient maintenant au lieu de survenir dans quelques mois ou quelques années.
Le gouvernement a réussi à éviter toute poursuite dans le cas de l’effondrement des viaducs du Souvenir (en 2000) et de la Concorde (en 2006) parce que les parents des victimes ont eu la naïveté de croire aux conclusions du rapport Johnson. Mais il semble bien que cette fois-ci les tentatives de diversion du gouvernement n’ont pas beaucoup de succès auprès de la population.
Les propos diffamatoires du ministre
En accusant l’entrepreneur qui exécuté le contrat, le ministre tente de faire porter sur d’autres le blâme qui lui revient.
Les tribunaux n’ont jamais été tendres envers ceux qui portent atteinte malicieusement à la réputation d’autrui. Le ministre est parti de Québec pour se rendre sur les lieux de l’accident avec l’intention réfléchie de salir la réputation de cet entrepreneur. Il ne s’agit pas d’une accusation prononcée par mégarde ou sous le coup de l’emportement.
Qui paiera pour les propos diffamatoires du ministre ? Nous tous. Que le gouvernement soit condamné par les tribunaux ou qu’il règle ce différent à l’amiable, dans tous les cas, ce sont les contribuables qui paieront la note.
L’irresponsabilité de M. Sam Hamad face aux recommandations pressantes de SNC-Lavalin, exige qu’il quitte des fonctions pour lesquelles, de toute évidence, il est indigne.
Pourquoi démettre le ministre et la sous-ministre ?
Il est totalement inacceptable qu’un serviteur de l’État tente d’induire effrontément le public en erreur. Sa première loyauté doit être à l’égard de la nation québécoise et non d’un parti politique (quelqu’il soit) temporairement au pouvoir. Et parce que la sous-ministre s’est prêtée à un exercice de relation publique aussi vain que mensonger, ce très mauvais précédent mérite une punition exemplaire, soit d’être congédiée, tout comme le ministre Sam Hamad.
Références :
Autoroute Ville-Marie – L’état du tunnel Viger jugé critique en 2008
Des effondrements écrits dans le ciel
Effondrement sur l’A720: «On a failli mourir»
Inspections de structures: le Québec parmi les champions de la sous-traitance
Irresponsable!
La bullshit de Sam Hamad
Les assises du tunnel Viger n’avaient pas été inspectées
Montréal, sauve-qui-peut
Viaduc Viger: d’autres poutres pourraient être instables
Post-Scriptum : Monsieur Sam Hamad a finalement perdu ce ministère à l’occasion d’un remaniement ministériel survenu le 7 septembre 2011, soit un mois après la publication du texte ci-dessus.