Lorsqu’on ne croit pas ce qu’on dit

Publié le 16 mars 2024 | Temps de lecture : 2 minutes
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Plus tôt cette semaine, le président de la République française accordait une entrevue télévisée au cours de laquelle il défendait l’appui de son gouvernement à l’Ukraine dans le conflit qui l’oppose à la Russie.

Dans le résumé qu’en a fait le quotidien Le Monde, on voit Emmanuel Macron osciller constamment la tête à droite et à gauche, se toucher le nez, fuir du regard la ou le journaliste auquel il répond, et cligner des yeux (ou les baisser) quand il devrait paraitre le plus déterminé.

Comme d’autres dirigeants européens, le président français y soutient la nouvelle Théorie des dominos, une thèse selon laquelle si l’Ukraine tombe, le reste de l’Europe tombera bientôt entre les mains de la Russie.

Nous aurons l’occasion d’analyser cette thèse plus en détail dans les jours qui viennent. Pour l’instant, soulignons que si Emmanuel Macron voulait galvaniser les Français à se préparer à la guerre, c’est raté; exprimant le doute, son langage corporel est l’antithèse de ce qu’il affirme.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland

Publié le 11 mars 2024 | Temps de lecture : 10 minutes

Introduction

Aux États-Unis, le secrétariat d’État est l’équivalent chez nous du ministère des Affaires étrangères.

Jusqu’à la semaine dernière, Victoria Nuland y était la troisième personne en ordre d’importance.

Depuis vingt ans, elle fut l’éminence grise de six présidents consécutifs au sujet des relations américaines avec la Russie. Sauf au cours du mandat de Donald Trump

Le changement de régime en Russie

Impitoyable pour ses ennemis politiques — comme le sont tous les dirigeants autoritaires — Vladimir Poutine est froid, calculateur, et probablement le chef d’État le plus compétent parmi ceux actuellement au pouvoir à travers le monde.

En 2000, Vladimir Poutine a hérité d’un pays devenu l’ombre de lui-même. Un quart de siècle plus tard, sous sa gouverne, la Russie a connu un spectaculaire redressement économique et dernièrement, une adaptation tout aussi surprenante aux sanctions occidentales.

Pour Victoria Nuland, l’hégémonie américaine ne peut tolérer quelqu’un comme lui. Malheureusement pour elle, les États-Unis ont raté une belle occasion.

Au lendemain de l’effondrement du régime communiste, la Russie était à genoux. L’espérance de vie y avait chuté d’un an en raison de la misère qui y régnait (notamment chez les retraités) et de l’augmentation de l’alcoolisme. Concrètement, cette diminution de l’espérance de vie, ce sont des millions de Russes qui sont morts prématurément dans l’indigence.

Au début de son régime, alors que l’URSS s’était disloquée une décennie plus tôt, Vladimir Poutine espérait que la Russie serait admise au sein de l’Otan et participerait ainsi au maintien de l’ordre mondial.

L’Otan a conclu un certain nombre de partenariats avec les pays de l’Europe de l’Est (y compris la Russie), mais a fait passer les autres avant elle. Si bien que la Russie, bernée par l’Otan, s’est retrouvée entourée d’ennemis militaires.

Cela s’est produit avant que Victoria Nuland acquière l’influence qu’elle avait jusqu’à la semaine dernière.

La tâche qu’elle s’est donnée a été de travailler au renversement du régime de Poutine.

Sous son influence, les États-Unis ont mis tous leurs œufs dans le panier d’Alexeï Navalny. Ce dernier fut un leadeur charismatique d’une grande intelligence.

Grandement exagérée par nos médias, sa popularité était limitée aux adolescents (qui ne votent pas) et aux jeunes adultes branchés sur les médias sociaux.

Dans l’ensemble de la population russe, sa popularité n’a jamais dépassé cinq pour cent des intentions de vote. Pourquoi ? Parce les Russes ne sont pas stupides.

Les États-Unis n’ont jamais caché leur préférence pour Navalny. Or quel peuple voterait pour le candidat chouchou de ses ennemis militaires ? Aux yeux des Russes, Navalny était le cheval de Troie de l’Occident.

Actuellement, la principale opposition politique à Vladimir Poutine, c’est le Parti communiste (à environ vingt pour cent des intentions de vote).

Quant aux sanctions économiques draconiennes décidées contre la Russie, leur but était, dans l’esprit de Nuland, de provoquer l’effondrement de l’économie russe et de manipuler les Russes afin qu’ils se soulèvent contre Poutine.

Ce n’est pas vraiment ce qui est arrivé.

Au contraire, en saisissant les avoirs des oligarques russes à l’Étranger, les pays occidentaux ont interrompu la fuite des capitaux hors de Russie. Dorénavant, le seul endroit au monde où ils peuvent faire fructifier leur fortune, c’est en investissant dans l’économie russe. Et pour ce faire, ils doivent dorénavant baiser les mains de Poutine.

Le changement de régime en Ukraine

C’est en 2004 que les États-Unis commencèrent à se mêler directement des affaires intérieures de l’Ukraine. Lors de la campagne électorale présidentielle de cette année-là, les États-Unis dépensèrent 65 millions de dollars pour soutenir le candidat pro-occidental.

À l’élection présidentielle de 2010, c’est le candidat pro-russe qui fut élu pour cinq ans. Au grand déplaisir de Washington. En plus, à l’élection législative de 2012, son parti fit élire suffisamment de députés pour former un gouvernement minoritaire.

Toutefois, en novembre 2013, les dirigeants ukrainiens annonçaient leur décision de renoncer à une association économique avec l’Union européenne au profit d’une autre, plus avantageuse, avec la Russie.

Cette décision provoqua des manifestations violentes sur la place de l’Indépendance de Kyiv qui durèrent jusqu’en février.

Profitant de ce climat insurrectionnel, Victoria Nuland conçut un plan qui visait non seulement à renverser le président au pouvoir, élu démocratiquement, mais à provoquer un changement de régime.

Pour ce faire, il fallait un évènement si odieux que les Ukrainiens se révolteraient contre les responsables présumés, c’est-à-dire à la fois le président pro-russe et son gouvernement. À cette fin, quoi de mieux qu’un massacre.

Précédemment, en raison des violences sur la place de l’Indépendance, les autorités avaient déjà tenté, en vain, d’y interdire les manifestations. Puis ils avaient essayé de déloger les protestataires par la force.

Le massacre du 20 février changea la donne. Il fit 49 tués (et 157 blessés) chez les manifestants, et 4 tués (et 39 blessés) parmi les forces de l’ordre. À juste tire, il souleva l’indignation de l’ensemble de la population ukrainienne.

Washington n’a même pas eu le besoin de demander à ses ONG de répandre la rumeur selon laquelle c’était la faute du président autoritaire pro-russe. Pour tout le monde, le responsable ne pouvait être que lui.

Et ce qui devait arriver arriva. Peu après, le président s’enfuit à l’Étranger et un peu plus tard, le parlement déclencha des élections anticipées à l’issue desquelles les partis pro-occidentaux prirent le pouvoir.

Victoria Nuland était si certaine de son coup que deux semaines avant le massacre, elle faisait savoir à l’ambassadeur américain à Kyiv les exigences de Washington quant à la composition du prochain gouvernement ukrainien.

Effectivement, plusieurs dirigeants pro-nazis (compromis secrètement dans le massacre) héritèrent de postes ministériels clés.

Mais Nuland connaissait suffisamment l’Ukraine pour savoir que si ceux-ci sont pro-occidentaux, ils sont surtout hypernationalistes. Donc, pas aussi serviles qu’on pourrait le penser.

Ce qui était primordial pour Washington, c’est que la personne nommée au poste de ministre de l’Économie soit vouée aux intérêts américains. Pour ce faire, Victoria Nuland exigea que ce soit Natalie Jaresko, cheffe de la section économique de l’ambassade des États-Unis en Ukraine.

Celle-ci obtint la citoyenneté ukrainienne d’urgence le 2 décembre 2014, le jour de sa nomination comme ministre de l’Économie. On aimerait que le ministère canadien de l’Immigration soit aussi efficace…

Mais elle ne demeura à ce poste que deux ans.

Sous le prétexte de favoriser la modernisation du secteur agricole par le biais d’investissements étrangers, son ministère fit adopter une loi qui libéralisait la vente des terres ukrainiennes, les plus fertiles d’Europe.

De 2014 à aujourd’hui, la moitié du territoire ukrainien — à l’exclusion donc des villes et du territoire occupé par la Russie — est devenue la propriété de spéculateurs américains.

La guerre russo-ukrainienne a donc été une occasion pour les États-Unis de spolier l’Ukraine.

Quand la poussière de cette guerre retombera, les Ukrainiens réaliseront à quel point les États-Unis se sont moqués d’eux.

La vulnérabilité militaire de l’Occident

Pour les États-Unis, le conflit russo-ukrainien est devenu un gouffre financier sans fin.

Cette guerre a fait fondre leurs réserves d’armement. Il a révélé qu’une guerre de haute intensité nécessitait des quantités colossales de munitions. Beaucoup plus qu’on pensait.

Si bien que le niveau estimé des réserves stratégiques est non seulement trop bas, mais en soutenant l’Ukraine comme ils l’ont fait, les États-Unis se sont mis dans un état de vulnérabilité dont la première responsabilité incombe à Victoria Nuland, aveuglée par son anticommunisme.

De plus, l’idée de rapprocher les missiles nucléaires américains pointés contre la Russie en les déplaçant de la Roumanie à l’Ukraine est moins utile qu’avant puisque cette guerre a provoqué un basculement géostratégique que personne (y compris moi-même) n’avait anticipé; la perte de la neutralité militaire de la Finlande.

Que les États-Unis déplacent leurs missiles en Ukraine ou en Finlande, c’est pareil. Donc l’Ukraine, à bout de souffle, ne leur sert plus à grand-chose.

Plus grave encore, avant cette guerre, on savait déjà que toute guerre était ruineuse. Mais on découvre maintenant à quel point.

Du coup, les investissements auxquels les pays membres de l’Otan se sont engagés volontairement en 2014 — deux pour cent du PIB — apparaissent dix ans plus tard largement insuffisants pour affronter une Troisième Guerre mondiale.

En raison de la délocalisation de leur secteur manufacturier vers le Sud global, les pays occidentaux n’ont plus la capacité industrielle de soutenir un effort de guerre de grande envergure.

De plus, en militarisant l’accès au dollar américain, les États-Unis ont retiré à leur devise son statut de pilier sécuritaire des réserves de change. Pour beaucoup de pays du Sud global, il est dorénavant imprudent de compter aveuglément sur cette devise.

Voilà pourquoi le yuan chinois est devenu la deuxième devise utilisée pour les transactions financières, encore loin derrière le dollar, passant de 1,89 % en janvier 2012 à 8,66 % en octobre 2023.

Ceci étant dit, faisons le bilan.

Conclusion

Navalny est mort. Poutine est plus fort que jamais. Les sanctions occidentales ont jeté la Russie dans les bras de la Chine. En renonçant à l’avantage concurrentiel que leur donnait l’approvisionnement en hydrocarbures russes, l’industrie lourde européenne est en crise.

Tout cela, c’est l’effondrement de la politique que poursuivait depuis vingt ans Victoria Nuland. Sa démission ne sonne pas vraiment le glas de l’hégémonie américaine; l’économie américaine progresse, mais aux dépens d’alliés dont elle aurait besoin en cas de conflit armé avec la Chine.

Consciente de ce fiasco, à l’approche d’un retour possible de Donald Trump à la Maison-Blanche, Victoria Nuland a préféré quitter le Titanic.

À l’heure où le PIB des BRICS dépasse maintenant celui des pays du G7, les États-Unis devront partager avec la Russie et la Chine la responsabilité de maintenir l’ordre mondial.

À défaut de quoi, celui-ci s’effondrera.

Références :
Le yuan, deuxième devise pour les transactions financières
Natalie Jaresko
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Victoria Nuland

Parus depuis :
U.S. Security Cooperation with Ukraine (2025-01-20)
« Contraints à l’étranger, les oligarques russes rapatrient leur argent et l’investissent dans l’immobilier de luxe à Moscou » (2025-02-04)

Compléments de lecture : L’engrenage ukrainien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan

Publié le 1 mars 2024 | Temps de lecture : 12 minutes

Introduction

Au moment de l’éclatement de l’URSS et de l’indépendance ukrainienne, en 1991, l’Ukraine était alors un pays relativement harmonieux.

De 1991 à 2014, le pays fut gouverné alternativement par des gouvernements pro-russes et pro-occidentaux, rappelant l’alternance au Québec entre le PLQ et le PQ.

L’élection de 2004 provoquera d’immenses manifestations auxquelles participèrent plus d’un demi-million de personnes et qui aboutirent au renversement du président élu frauduleusement et l’adoption d’une nouvelle constitution.

Les années qui suivirent marquèrent le retour de la paix sociale. Mais tout bascula définitivement en 2014.

Le contexte politique en 2014

En Ukraine, les élus le sont pour une durée de cinq ans.

À l’élection présidentielle de 2010, le candidat pro-russe — sous la bannière du Parti des Régions — avait été élu de justesse avec 48,95 % des votes (contre 45,47 % pour sa rivale pro-occidentale).

Deux ans plus tard, à l’élection législative de 2012, c’est également le Parti des régions qui obtint plus de sièges au parlement, sans toutefois en obtenir la majorité. La répartition des sièges fut la suivante :
Parti des Régions : 187 sièges,
Union panukrainienne ‘Patrie’ : 101 sièges,
Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme : 40 sièges,
Parti communiste d’Ukraine : 32 sièges,
Svoboda (Liberté) : 37 sièges.

Pour redonner un second souffle au mouvement pro-occidental, l’Europe avait proposé à l’Ukraine un accord qui visait, à long terme, à paver la voie à son adhésion en bonne et due forme.

En 2013, au moment où l’Ukraine s’apprête signer cet accord, le pays est au bord de la faillite.

En novembre de cette année-là, il lui reste 18,79 milliards de dollars de réserves de change alors qu’elle doit bientôt rembourser sept-milliards de dollars à ses créanciers, dont la Russie (à qui elle doit dix-sept-milliards de dollars de gaz fossile impayé).

Depuis quelques mois, Vladimir Poutine offrait secrètement au gouvernement ukrainien la levée des barrières tarifaires entre l’Ukraine et la Russie, une baisse du prix de son gaz fossile, de même qu’un prêt de quinze-milliards de dollars. L’offre est irrésistible.

Le premier ministre ukrainien (désigné par le président) se tourne alors vers Bruxelles pour lui demander un prêt de vingt-milliards d’euros. Ce qui lui est refusé. En contrepartie, on lui promet vaguement une aide financière. Bref, rien de concret.

Conséquemment, le 21 novembre 2013, le président pro-russe annonce son refus de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. Ce qui déclenche des manifestations dès ce jour-là sur la place de l’Indépendance (ou Maïdan), la plus importante place publique de Kyiv.

D’abord pacifiques, celles-ci dégénèrent entre le 30 novembre et le 8 décembre. Elles atteignent le maximum de leur violence entre le 18 et le 21 février 2014.

Jusque là, tant du côté des manifestants que celui des escouades anti-émeutes, personne n’utilise d’armes mortelles.

Pour éviter qu’au sein des forces de l’ordre, un policier pris de panique dégaine son arme et ne tue quelqu’un, ces escouades (en Ukraine comme en France et au Québec) sont équipées de canons à eau, de bombes assourdissantes, de matraques et d’armes à projectiles à mortalité réduite.

Ces dernières ont une force d’impact suffisante pour casser des dents ou des mâchoires, crever des yeux, et provoquer des commotions cérébrales. Mais elles tuent rarement.

Le 20 février, des manifestants et des policiers sont blessés ou tués par balles pour la première fois. Que s’est-il passé ?

L’opération du 20 février 2014

Traversée par un boulevard, Maïdan est une place allongée, aux extrémités arrondies, qui est bordée par des immeubles de prestige, dont des hôtels de luxe et des édifices gouvernementaux.

C’est sur cette place que depuis trois mois se réunissent quotidiennement des manifestants qui réclament le départ du président pro-russe.

Mais ce jour du 20 février fut différent des autres.

Place de l’Indépendance et hôtel Ukraina à l’arrière-plan

Venus surtout de l’ouest de l’Ukraine, c’est à l’hôtel Ukraina que logent les députés du parti Svoboda quand ils siègent au parlement.

Afin d’assurer la sécurité de ses députés dans le contexte insurrectionnel ambiant, ce parti avait confisqué l’hôtel le 25 janvier et en assurait la garde depuis.

Le hall de l’hôtel servait d’infirmerie pour les manifestants blessés.

Contrairement aux hôtels plus modernes dont les fenêtres sont scellées, les fenêtres à guillotine de l’hôtel Ukraina peuvent s’ouvrir afin de mieux admirer la vue sur la ville.

Simple manifestant (et non député), Ivan Bubenchik avait fait monter à sa chambre plusieurs caisses de balles de Kalachnikov la veille du 20 février.

Au 11e niveau de l’hôtel — le 10e étage au sens français du terme, c’est-à-dire en excluant le rez-de-chaussée — plusieurs tireurs avaient pris position dans des chambres réservées à des dirigeants du parti Svoboda.

De nombreux sympathisants néo-nazis, recrutés par ce parti dans son fief de l’ouest de l’Ukraine, avaient convergé armés vers cet hôtel la veille. Le lendemain, ils se posteront un peu partout dans des chambres en hauteur qui donnent sur la place de l’Indépendance.

Postés derrière la balustrade de l’Académie de musique (à droite sur la photo ci-dessus), des tireurs ont une vue encore plus dégagée sur la place. Ceux-ci proviennent principalement de Galicie orientale.

Tout comme l’Académie de musique, le Bureau de poste central de Kyiv est situé du côté ouest de la place de l’Indépendance, immédiatement de l’autre côté du boulevard qui la traverse. Or à l’époque, cet édifice est le quartier général du mouvement ultranationaliste Secteur Droit (Прáвий сéктор). Sur son toit, d’autres tireurs sont postés.

Pour terminer, au nord de la place, des tireurs étaient montés sur le toit de l’hôtel Kozatsky. Or cet hôtel est le poste de commandement des Patriotes d’Ukraine, un mouvement paramilitaire néo-nazi qui, plus tard en 2014, sera incorporé dans le bataillon Azov, principal responsable des exactions qui seront commises contre la minorité russe de l’Est de l’Ukraine.

Mais il y a plus. Parmi ces tireurs postés çà et là, on trouve des mercenaires provenant de Géorgie et de quelques pays baltes.

Lors du procès tenu en novembre 2021, ceux-ci témoigneront que les dirigeants de l’Union panukrainienne ‘Patrie’ et certains des chefs du mouvement de protestation leur avaient donné l’ordre de massacrer des manifestants et des policiers — en fait, de les dresser les uns contre les autres — afin d’empêcher le parlement ukrainien d’entériner l’entente intervenue entre le gouvernement minoritaire pro-russe et la Russie.

Toujours au cours de ce procès, d’autres témoins ont déclaré qu’ils avaient capturé des tireurs d’élite, mais que les organisateurs des manifestations avaient choisi de les libérer aussitôt sans donner de raison.

On peut s’étonner d’apprendre aujourd’hui que certains des chefs du mouvement de contestation étaient complices du massacre de la place de l’Indépendance.

Ceux-ci étaient des organisateurs politiques. Des gens habitués d’organiser des marches de protestation, des campagnes de financement, et de la mobilisation sur des réseaux sociaux.

Ces gens n’auraient jamais entrepris la contestation contre le régime du président pro-russe s’ils avaient su dès le départ que cela finirait par un bain de sang commis grâce à leur complicité.

Mais de fil en aiguille, on finit par consentir à des actes désespérés lorsqu’on les présente comme un sacrifice destiné à sauver la patrie.

Le massacre

Après avoir été chassés de la place de l’Indépendance dans la nuit du 29 au 30 novembre 2013, les manifestants y étaient revenus plus nombreux et décidés de l’occuper jour et nuit.

Quand le jour du 20 février se lève sur cette place, des camps de fortune et des barricades ont été érigés un peu partout. Et depuis plusieurs semaines, ceux qui s’y trouvent effectuent un va-et-vient entre leur logement et la place afin de se laver et d’apporter des vivres.

Dès le lever du jour, les tireurs postés sur l’un ou l’autre des dix-huit édifices contrôlés par les forces de l’opposition se mettent à tirer à la fois sur les manifestants et les policiers.

Or ces derniers n’ont pas la permission de tirer avec des balles réelles. Ils répliquent avec ce qu’ils ont.

Il faudra un certain temps aux manifestants pour réaliser que les claquements qu’ils entendent ne sont pas ceux émis par l’arsenal habituel des escouades antiémeutes et que les tirs proviennent d’ennemis retranchés dans les hauteurs de la place. Mais pour ces manifestants, c’est du pareil au même; ils présument que ces tireurs sont de l’escouade antiémeute.

Pris au piège, policiers et protestataires tentent séparément de se protéger comme ils peuvent.

Entre 5h30 et le retrait des policiers (de 8h50 à 9h00), 4 policiers avaient été tués et 39 autres avaient été blessés.

Après le retrait des policiers, un autobus transportant des renforts (15 à 20 policiers équipés entre autres de Kalachnikovs) est venu permettre l’évacuation des policiers coincés à l’hôtel Zhovtnevyi.

Au cours de cette opération de sauvetage, trois manifestants ont été tués. Toutefois, l’examen des vidéos démontre que les moments où les manifestants ont été tués ou blessés ne coïncident pas avec les moments où ces armes étaient pointées vers eux par les policiers.

C’est seulement à 10h37 que les policiers reçurent la permission de tirer avec des balles réelles. Bien après que l’immense majorité d’entre eux eurent quitté les lieux.

Chez les protestataires, le bilan du massacre du 20 février se solde par 49 tués et 157 blessés.

Conséquences politiques du massacre

Le massacre de la place de l’Indépendance a enlevé toute légitimité au pouvoir du président Yanukovych (le président pro-russe dont on parle depuis le début).

Interdire des manifestations, cela s’est vu récemment en France et, à l’occasion, dans bien d’autres pays démocratiques. Mais massacrer son propre peuple, c’est la caractéristique des tyrans.

Si bien que même des députés de son propre parti (le Parti des Régions) se joignirent aux partis de l’opposition pour exiger sa démission.

Le soir du 21 février, le commandant des tireurs de l’hôtel Ukraina adresse par vidéo au président pro-russe l’ordre de démissionner d’ici 10h le lendemain matin. À défaut de quoi il lancera un assaut contre lui.

Le lendemain, le président pro-russe avait quitté le pays.

Une opération orchestrée par qui ?

Tôt le matin du 20 février, un dispositif meurtrier de grande envergure s’est déployé, préparé de longue date, et qui nécessitait la concertation d’un grand nombre d’acteurs d’idéologie apparentée.

Ceux-ci ont été convaincus de mettre de côté leurs rivalités politiques et leurs conflits de personnalités afin de servir une grande cause; un coup d’État destiné à empêcher un accord économique avec la Russie.

Dans leur témoignage lors du procès de novembre 2021, les mercenaires géorgiens ont non seulement incriminé les dirigeants du principal parti d’opposition et les organisateurs des manifestations sur la place de l’Indépendance, mais également d’anciens dirigeants anticommunistes de leur pays, la Géorgie.

Un seul organisme est capable de fédérer tous les grands partis d’opposition et recruter, directement ou indirectement, un grand nombre de tireurs d’élite provenant d’un territoire s’étendant de l’ouest de l’Ukraine à la Géorgie, en passant par les pays baltes.

Cet organisme est la CIA. Tout, ici, porte sa griffe. C’est le même mode opératoire que le recours aux Contras pour renverser le régime sandiniste au Nicaragua.

Depuis 2004, les États-Unis n’ont eu de cesse que de manipuler le peuple ukrainien afin de le convaincre de devenir un ennemi militaire de son puissant voisin et de faire fi de l’avertissement de Poutine selon lequel entreprendre une démarche visant à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan serait un casus belli.

S’appuyant sur les partis politiques et les mouvements les plus racistes d’Ukraine, les États-Unis ont mené ce pays à la ruine en le poussant à la guerre dans le dessein d’affaiblir l’armée russe.

Maintenant que l’Ukraine est à bout de souffle, les États-Unis laissent tomber ce pays comme un citron pressé…

Références :
Élections législatives ukrainiennes de 2012
La nostalgie nazie en Ukraine
L’engrenage ukrainien
Le problème du nazisme en Ukraine
The “snipers’ massacre” on the Maidan in Ukraine
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

Paru depuis : Ukraine war briefing: Washington clears Azov brigade for US weapons and training (2024-06-12)

Complément de lecture : Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland

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Ukraine : des dizaines de milliers de morts de trop

Publié le 26 février 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Le président Zelensky déclarait hier qu’en deux ans de guerre, 31 000 soldats ukrainiens étaient morts au combat. Cela ne comprend pas les pertes civiles. Ni les blessés.

Normalement, en temps de guerre, on évite de préciser le cout humain du conflit afin de ne pas nuire au moral de la population.

Le président ukrainien l’a probablement fait pour atténuer le jusqu’au-boutisme qui prévaut dans les régions les moins affectées par la guerre et pour préparer la population du pays à des choix difficiles.

De nos jours, un nombre croissant d’Occidentaux croient que les milliards de dollars donnés à l’Ukraine ne font que prolonger les souffrances de son peuple.

La réalité crue est évidente; la Russie gagnera la guerre.

En mars 2022, quelques semaines après le début du conflit, les pourparlers entrepris à l’initiative de la Turquie étaient sur le point d’aboutir; les négociateurs russes et ukrainiens en étaient venus à une entente.

Dès que la rumeur s’est répandue, Boris Johnson (alors premier ministre britannique) s’était précipité à Kyiv pour convaincre le cabinet de Zelensky de ne pas signer cet accord, que grâce à l’appui de la machine de guerre occidentale, l’Ukraine serait victorieuse et qu’auréolé de gloire, ce pays serait accueilli triomphalement dans l’Otan.

Des dizaines de milliers de morts plus tard, les États-Unis réalisent qu’ils n’ont plus besoin de l’Ukraine.

Ils ont affaibli l’armée russe en versant le sang des autres.

Ils ont eu deux ans pour faire tester leur armement dans les conditions réelles d’une guerre et découvert l’usage qu’on peut en faire des nouvelles technologiques (les drones et les données de géolocalisation).

L’Allemagne s’est sevrée des hydrocarbures russes et conséquemment, a perdu son plus important avantage concurrentiel face aux États-Unis. Elle a même consenti (stupidement) à la destruction des gazoducs Nord Stream I et II. Ce qui consomme le divorce économique russo-européen.

De plus, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer au plus près ses missiles nucléaires contre la Russie puisque cela est maintenant possible à partir de la Finlande (depuis son adhésion récente à l’Otan).

À moins qu’ils soient chassés du pouvoir à l’occasion des élections prévues cette année, les gouvernements européens sont actuellement convaincus d’une nouvelle version de la théorie des dominos.

En vertu de cette théorie, si l’Ukraine tombe, la Russie victorieuse se lancera aussitôt (ou dans quelques années) à la conquête du reste de l’Europe. Et le monde libre tombera alors entre les ‘griffes du communisme’.

Après que la Russie ait péniblement gagné la guerre contre un pays d’environ 44 millions d’habitants, on veut nous faire croire qu’elle lancerait ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions d’habitants (vingt fois plus).

Du coup, on voit l’Europe se précipiter pour acheter de l’armement américain pendant que nous, en Amérique du Nord, accueillons à bras ouverts la délocalisation de son industrie lourde.

Grâce au narratif des agences de presse inféodées à Washington, les Européens ont consentis à la plus vaste opération de pillage industriel depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Pendant ce temps, l’Ukraine compte ses morts.

Bref, à l’heure où les peuples d’Europe, appauvris par la pandémie au Covid-19 et le cout des sanctions contre la Russie, prennent conscience de leur appauvrissement, on tente de leur faire croire qu’il leur faut maintenant se serrer la ceinture et consentir à des investissements colossaux en matière de défense…

En 2011, j’ai écrit que l’Humanité était entrée dans l’Âge des révoltes. Il est douteux que les années qui viennent fassent la démonstration du contraire…

Références :
Guerre en Ukraine : environ 31 000 soldats ukrainiens sont morts depuis le début de la guerre, déclare Volodymyr Zelensky
Guerre russo-ukrainienne et désindustrialisation de l’Europe
La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe
Le sabotage des gazoducs Nord Stream par les États-Unis

Complément de lecture : L’engrenage ukrainien

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L’impossibilité pour l’Ukraine de gagner la guerre

Publié le 22 février 2024 | Temps de lecture : 1 minute
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Du 16 au 18 février se tenait à Munich la Conférence internationale annuelle sur les politiques de défense et sur la sécurité mondiale.

À cette occasion, le général à la retraite Harald Kujat — ex-chef des armées de l’air allemandes et ex-président du Comité militaire de l’Otan — a prononcé une conférence intitulée : « La guerre en Ukraine: rivalité des grandes puissances et affirmation de l’Europe ».

Cette conférence, prononcée en allemand, est présentée ici dans une version accompagnée d’une traduction simultanée en français d’excellente qualité.

Elle permet de comprendre pourquoi, ces jours-ci, certains dirigeants occidentaux tiennent le langage des mauvais perdants face à Vladimir Poutine.

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Les accords de libre-échange avec l’Ukraine

Publié le 21 février 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Après un premier accord de libre-échange conclu en 2016, le Canada et l’Ukraine en ont signé une deuxième version le 23 septembre dernier.

Selon Ottawa, cet accord permettra aux entreprises canadiennes de participer plus activement à la reconstruction de l’Ukraine. Ce qui n’est pas pour demain.

Pour l’instant, l’entente fait que le Canada a éliminé ses droits de douane sur 99,9 % de ses importations provenant d’Ukraine et qu’en retour, celle-ci a fait de même pour 86 % de ses importations canadiennes.

Le commerce international a subi d’importants bouleversements depuis quelques années en raison de la pandémie au Covid-19 et des sanctions occidentales contre la Russie.

On peut soupçonner que ces bouleversements ont empêché l’Ukraine de profiter pleinement de la libération de ses échanges avec le Canada et donc, que ce pays est demeuré un partenaire commercial très secondaire pour notre pays.

Il en est autrement en Europe.

Au début de la guerre russo-ukrainienne, le peuple polonais a fait preuve d’une hospitalité exemplaire à l’égard des réfugiés ukrainiens qui fuyaient le théâtre de la guerre.

Toutefois, l’opinion publique s’est retournée contre eux lorsque cette immigration massive y a provoqué une grave pénurie de logements.

Après avoir écoulé en l’Ukraine son important arsenal militaire qui datait de l’époque soviétique, le gouvernement polonais est maintenant ulcéré de voir qu’on organise dans ce pays des processions qui célèbrent annuellement la mémoire des milices pro-nazies ukrainiennes qui, sur ordre SS, ont massacré des dizaines de milliers de Polonais au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Pour aider l’économie ukrainienne en favorisant ses exportations, l’Union européenne a décidé de dispenser les camionneurs ukrainiens de l’obligation de posséder le permis couteux qui est normalement exigé pour transporter des marchandises au sein du marché commun.

En décembre dernier, les camionneurs polonais bloquaient la frontière ukrainienne afin de protester contre cette concurrence déloyale puisqu’eux sont obligés de posséder ce permis.

D’autre part, depuis deux décennies, l’Union européenne et l’Ukraine signent des ententes économiques qui visent progressivement à une intégration règlementaire et économique préparatoire à une adhésion formelle (et lointaine) de l’Ukraine au marché commun.

À terme, l’agriculture ukrainienne bannira les mêmes pesticides et les mêmes insecticides que ceux interdits dans l’Union européenne et appliquera les mêmes normes quant au bien-être animal.

D’ici là, le parlement européen adopte un certain nombre de mesures d’exception qui visent à aider dès maintenant l’économie de ce pays.

La plus récente de ces mesures est le règlement 2013/1077, en vigueur pour un an à partir du 6 juin 2023.

Il prévoit que les droits antidumpings appliqués normalement aux importations ukrainiennes ne seront pas perçus au cours de cette période et, de manière générale, toutes les mesures de défense commerciales actuelles seront suspendues.

Récemment, les agriculteurs polonais ont bloqué une centaine de routes et de voies ferrées à la frontière ukrainienne afin de protester contre les importations agroalimentaires ukrainiennes jugées incontrôlées.

Parallèlement, les agriculteurs français érigent depuis trois semaines des barricades pour protester contre les importations massives de poulet ukrainien.

Dispensée des normes de production européennes, l’industrie de la volaille est dominée en Ukraine par un oligarque dont l’entreprise est enregistrée dans un paradis fiscal et qui est dirigée à partir d’une pétromonarchie. Cette entreprise réussit à vendre du poulet à trois euros du kilo alors que le prix coutant des éleveurs français est de sept euros du kilo.

En réalité, la France importe moins de poulet frais ou congelé d’Ukraine que la plupart des autres pays européens. Mais le poulet ukrainien se retrouve dans les produits dérivés (ex.: les croquettes congelées de poulet) qui inondent l’Europe, dont le marché français.

Face à ces protestations, le gouvernement Macron s’est engagé à défendre bec et ongles les agriculteurs français. Ce qui ne fait pas oublier que les représentants de la France ont consenti aux mesures adoptées par l’Union européenne en guise de solidarité avec l’Ukraine sans en prévoir les conséquences.

Références :
Accueil des réfugiés : l’usure de la bonne volonté
Frontière polonaise bloquée : « La situation est catastrophique » pour l’Ukraine
La Chambre des communes adopte un accord de libre-échange avec l’Ukraine
La nostalgie nazie en Ukraine
La Pologne ne fournit plus d’armes à l’Ukraine pour se concentrer sur son armement
Le loup dans le poulailler de l’Europe
Les agriculteurs polonais déversent des céréales ukrainiennes, Kyiv en colère
Règlement 2023/1077 du Parlement européen
Trudeau signe l’accord de libre-échange Canada-Ukraine

Paru depuis : UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default (2024-07-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La nostalgie nazie en Ukraine

Publié le 26 septembre 2023 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

Le 23 septembre dernier, en présence du président ukrainien Vlodymyr Zelensky, la Chambre des Communes a ovationné le Canadien d’origine ukrainienne Yaroslav Hunka, 98 ans, présenté par l’ex-président de la Chambre comme un héros qui s’est battu pour l’indépendance ukrainienne contre les Russes.

Contexte historique

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, le Troisième Reich s’est attiré la sympathie de nombreux Ukrainiens en promettant l’indépendance de leur pays si jamais l’Allemagne devait triompher de la Russie.

La campagne nazie de recrutement, menée durant l’hiver 1942-1943, rencontra un immense succès; près de 80 000 Ukrainiens se portèrent volontaires.

C’est ainsi que des milices composées de volontaires ukrainiens ont combattu la Russie. Rappelons qu’à l’époque, la Russie était l’allié du Canada dans cette guerre.

Ces milices étaient armées et entrainées par les SS. L’une d’elles est la Quatorzième division d’infanterie de la SS (galicienne No 1), surnommée Division SS Galicie.

Au procès de Nuremberg, cette unité a été pointée du doigt comme étant responsable de quelques-uns des pires massacres survenus au cours de la guerre.

Au moment où Yaroslav Hunka adhère à cette unité au printemps de 1943, il est âgé de 17 ou de 18 ans. La majorité des Juifs d’Europe centrale ont déjà été exterminés. Conséquemment, les massacres commis par son unité ont concerné essentiellement des populations civiles slaves, notamment en Pologne.

D’où le fait que la Pologne songe à demander l’extradition de Yaroslav Hunka afin de le juger pour crime de guerre.

De collabos à héros

De la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945 jusqu’à l’indépendance de l’Ukraine en 1991, l’Union soviétique a considéré ces volontaires nazis comme des collabos et des traitres.

Mais depuis l’indépendance, l’Ukraine a revisité son histoire. Plus précisément, depuis la Révolution orange, ce pays a réévalué le statut de ces combattants de la première heure en faveur de l’indépendance nationale. Même si, pour ce faire, il leur a fallu combattre du côté des Allemands (sans nécessairement partager l’idéologie nazie).

C’est ainsi qu’en septembre 2020, la Cour suprême ukrainienne a statué que les symboles de la Division SS Galicie — dont son emblème, ci-contre — n’étaient pas liés au nazisme et ne pouvaient donc pas être interdits en Ukraine.

Pour la première fois en 2021, 300 personnes participèrent à une marche tenue à Kyiv (la capitale du pays) afin de célébrer le 78e anniversaire de la création de la Division SS Galicie.

Une marche similaire se tient depuis déjà plusieurs années dans la ville ukrainienne de Lviv (située à 70 km de la frontière polonaise).

La Brigade Azov

Afin de lutter contre les séparatistes russophones de l’Est du pays, le ministre ukrainien de l’Intérieur décide en 2014 de former des milices spéciales dont la plus importante deviendra la Brigade Azov.

Au départ, celle-ci est un bataillon paramilitaire composé de quelques dizaines de volontaires néonazis et ultranationalistes. En février 2023, ce bataillon (fort maintenant de 3 500 à 5 000 combattants) sera incorporé à l’armée ukrainienne.

Mais à l’époque où ce bataillon était indépendant de l’armée régulière, il opérait dans l’Est du pays.

Entre 2014 et 2020, la guerre civile au Donbass a fait plus de treize-mille morts, très majoritairement parmi la population russophone de l’Est du pays. Or la Brigade Azov a commis la grande majorité (si ce n’est pas la totalité) des exactions contre la population russophone d’Ukraine.

Conclusion

Il ne faut pas attacher plus d’importance qu’il en faut à l’accusation russe selon laquelle les Ukrainiens auraient des sympathies nazies.

La cause fondamentale de la guerre russo-ukrainienne est l’expansionnisme toxique de l’Otan.

En quelques mots, la Russie ne peut pas accepter d’être menacée d’ogives nucléaires américaines dans sa cour arrière (c’est-à-dire en Ukraine). Ce qui arrivera inévitablement après l’adhésion de ce pays à l’Otan.

Pas plus que les États-Unis ne pouvaient accepter que des missiles russes soient déployés à Cuba en 1962. Et pas plus qu’ils pouvaient tolérer que des armes de destruction massive soient prétendument détenues par l’Irak, à plus de dix-mille kilomètres de chez eux.

Ceci étant dit, la gaffe de l’ex-président de la Chambre des Communes est typique d’un pays dirigé par des personnes qui n’ont pas encore compris les ressorts véritables de cette guerre et qui, aveuglées par la propagande américaine, font involontairement l’apologie des personnes qui combattaient un allié du Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire la Russie.

Références :
Brigade Azov
Comment des militaires d’une unité SS sont-ils arrivés au Canada ?
Crise des missiles de Cuba
FSWC Appalled by Standing Ovation in Parliament for Ukrainian Veteran Who Served in Nazi Military Unit
Guerre du Donbass
Hundreds in Ukraine attend marches celebrating Nazi SS soldiers
J’ai vu l’autre Ukraine, celle qui célèbre les SS et crimes nazis
La Shoah par balles
La Pologne veut faire extrader l’ex-soldat d’une unité nazie Yaroslav Hunka
L’épouvantail russe
Les malheurs de l’Ukraine
L’ex-combattant nazi ovationné au parlement n’est pas le seul à avoir refait sa vie ici en héros
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Long-Distance Nationalism: Ukrainian Monuments and Historical Memory in Multicultural Canada
14e division SS (galicienne no 1)

Parus depuis :
Hunka un ex-SS : les Ukrainiens canadiens le savaient (2023-09-27)
La Russie poursuit pour génocide l’ex-soldat nazi applaudi au Parlement canadien (2023-10-20)
Ukraine war briefing: Washington clears Azov brigade for US weapons and training (2024-06-12)
Ukraine : « Ce que j’ai vu, ils ne vous le disent pas » (vidéo du 2025-05-27)
Guerre en Ukraine : au sein de la 3ᵉ brigade d’assaut ukrainienne, des soldats arborent toujours des symboles néonazis (2025-06-18)

Complément de lecture : À l’Onu, le Canada refuse de condamner le nazisme

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’inflation et la réponse enfantine du fédéral

Publié le 18 septembre 2023 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Accusé de laxisme depuis des mois par le chef de l’opposition conservatrice, le gouvernement libéral s’est trouvé un bouc émissaire; les grandes chaines d’épicerie.

Celles-ci ont été sommées de se présenter à Ottawa aujourd’hui pour expliquer la hausse marquée du panier d’épicerie des Canadiens.

Signalons qu’en juin dernier, sous la pression du gouvernement français, les transformateurs et distributeurs alimentaires ont consenti volontairement à un gel de prix sur certains aliments.

Deux mois plus tard, le taux d’inflation du prix des aliments en France était encore le double du taux d’inflation pour l’ensemble de l’économie de ce pays. On a donc renforcé cette mesure en l’étendant à environ cinq-mille articles.

L’inflation au Canada et dans le monde
 

Dans un rapport sénatorial publié l’an dernier (et dont le graphique ci-dessus est tiré), les auteurs écrivent qu’un nombre relativement faible d’éléments — notamment l’énergie et les couts de l’habitation — explique en grande partie la hausse des prix moyens à la consommation.

Mais l’inflation n’est pas limitée au Canada; elle est mondiale.
 

 
Depuis trois ans, l’inflation a connu deux phases consécutives qui se sont superposées au point de créer, en apparence, une seule ‘vague’.

La première phase est apparue lors de la reprise économique consécutive à la levée des mesures sanitaires. La brutale augmentation de la demande qui en a résulté a provoqué la rupture temporaire des chaines d’approvisionnement avec l’Asie et l’engorgement des ports américains qui donnent sur l’océan Pacifique.

À cette inflation d’environ 3 %, s’est ajouté depuis l’effet des sanctions occidentales contre la Russie. Celles-ci ont provoqué une rupture permanente de milliers de chaines d’approvisionnement.

Obligées de s’approvisionner ailleurs, les entreprises ont dû, en catastrophe, rompre des contrats à long terme qui leur garantissaient un approvisionnement stable et économique, pour se tourner vers le marché libre où elles ont dû payer le gros prix pour obtenir la même chose.

Dans certains cas, ‘la même chose’ doit s’interpréter littéralement. C’est ainsi que les pays d’Europe occidentale achètent autant (sinon plus) d’hydrocarbures russes. Mais au lieu d’effectuer leurs achats directement de la Russie, ces pays achètent du pétrole russe une fois raffiné dans des pays intermédiaires.

D’autre part, afin d’éviter de pénaliser ses agriculteurs, Washington a pris soin d’exclure les engrais russes de la liste des produits interdits.

Mais Ottawa — sous l’influence de la vice-première ministre Chrystia Freeland (de descendance ukrainienne) — a interdit l’importation d’engrais russes. Ce qui a obligé les agriculteurs québécois à se tourner vers d’autres fournisseurs et à payer plus cher. Ce qui a contribué à hausser le prix des aliments au Canada.

Les taux d’intérêt

Les États-Unis ayant décidé de hausser substantiellement leurs taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, le Canada a été obligé de suivre.

Obligé parce que sans une hausse similaire de ce côté-ci de la frontière, les gestionnaires de capitaux auraient boudé les obligations canadiennes et se seraient tournés massivement vers le marché obligataire américain, plus rentable. Et cette fuite des capitaux aurait provoqué une dépréciation de la devise canadienne.

Fondamentalement, toute hausse des taux d’intérêt diminue l’inflation en réduisant la demande de biens et services. En d’autres mots, en provoquant un ralentissement économique, voire une récession.

Les sanctions économiques contre la Russie s’étant avérées inefficaces, la solution de dernier recours est la récession économique.

En entrainant une diminution de la consommation mondiale des hydrocarbures, celle-ci provoquerait une chute des revenus d’exportation de la Russie et une diminution du financement de sa guerre en Ukraine.

Ici et ailleurs, les politiciens promettent diverses mesures pour faire face à l’inflation. On adopte ainsi des mesures de mitigation qui rendent nécessaires des hausses encore plus importantes des taux d’intérêt.

Conclusion

Plutôt que de laisser les peuples occidentaux assumer les conséquences des sanctions économiques qu’ils réclamaient hier à grands cris (et qu’ils appuient toujours), on infantilise la population en lui faisant croire qu’on peut indirectement faire la guerre sans en éprouver le moindre inconvénient.

La hausse du prix des hydrocarbures augmente le prix de tout ce qui est transporté sur de longues distances. Et cette hausse augmente également le prix des engrais puisque ceux-ci sont produits à partir de gaz fossile.

Donc la principale composante de l’inflation canadienne — la hausse du prix de l’énergie — est liée aux décisions géopolitiques d’Ottawa.

Et parce que cette inflation est intolérable aux yeux des banques centrales, celles-ci haussent leurs taux d’intérêt. Ce qui entrave l’accès à la propriété, aggrave la crise du logement, et pousse les loyers à la hausse.

Voilà l’origine de la deuxième composante de l’inflation canadienne en ordre d’importance.

Bref, le ‘show de boucane’ auquel Ottawa s’apprête à procéder aujourd’hui est un vieux truc qui fonctionne très souvent. Il consiste à faire d’un bouc émissaire le responsable de ses choix politiques.

Références :
Derrière les chiffres : ce qui cause la hausse des prix des aliments
France announces more food price caps, takes aim at multinational firms
La hausse (et le recul?) de l’inflation au Canada : une analyse détaillée de son évolution post-pandémie
Les baisses d’impôts, l’inflation et la guerre
Les PDG des grandes chaînes d’alimentation convoqués à Ottawa

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le sabotage des gazoducs Nord Stream par les États-Unis

Publié le 14 février 2023 | Temps de lecture : 10 minutes

Avant-propos

Gagnant de plusieurs distinctions, dont le prix Pulitzer en 1970, le journaliste d’investigation Seymour Hersh a publié le 8 février un article qui explique comment les États-Unis auraient procédé, selon lui, pour obliger l’Allemagne à se sevrer de manière irréversible au gaz fossile russe.

Le texte qui suit résume sa thèse et en présente le contexte.

L’adoption du gaz fossile russe par l’Allemagne

En 2010, le nucléaire comptait pour environ le quart de la production électrique totale de l’Allemagne. À la suite de la catastrophe japonaise de Fukushima l’année suivante, l’Allemagne s’était donné une décennie pour fermer ses centrales.

Ses engagements internationaux en matière de réduction des gaz à effet de serre l’empêchaient de compenser cela par le recours accru au charbon comme combustible. L’Allemagne a donc investi massivement dans l’éolien et le solaire.

En raison de l’instabilité de la production électrique obtenue à partir de ces moyens, le pays adopta le gaz fossile comme moyen de stabiliser sa production électrique et comme source d’énergie privilégiée pour son industrie lourde.

À cette fin, l’Allemagne s’est tournée vers la Russie, deuxième producteur mondial, en raison de sa proximité et du prix de vente très bas de ses hydrocarbures (ce qui donnait à l’industrie lourde allemande un avantage compétitif).

Les États-Unis et Nord Stream 2

Le marché allemand étant convoité par les États-Unis (premier producteur mondial de gaz fossile), ces derniers ont exprimé leur opposition à la construction d’un premier gazoduc (Nord Stream 1) reliant directement la Russie à l’Allemagne.

Puis, dès novembre 2021, ils ont fait pression sur cette dernière pour qu’elle retarde le processus de certification du gazoduc Nord Stream 2.

Reliant lui aussi la Russie à l’Allemagne par le golfe de Finlande et la mer Baltique, ce gazoduc était destiné à accroitre l’approvisionnement de l’Allemagne en gaz fossile russe, sans toutefois être strictement nécessaire dans l’immédiat.

Deux semaines avant le début de l’invasion russe en Ukraine, le président américain déclarait :

« Si la Russie envahit [l’Ukraine], alors il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin. […] Je vous le promets; nous serons en mesure de le faire.»

Au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, la certification de ce gazoduc fut refusée le 22 février 2022.

Dans un premier temps, ce refus n’empêcha pas l’Allemagne de continuer d’être approvisionnée par d’autres moyens, notamment par le gazoduc maritime Nord Stream 1, et par des gazoducs terrestres traversant la Pologne et l’Ukraine.

Pour les États-Unis, le sevrage allemand aux hydrocarbures russes était une pièce maitresse de la stratégie qu’ils entendaient déployer dans leur guerre économique et militaire contre la Russie.

En effet, tant que l’Allemagne dépendait du gaz russe, Washington craignait que ce pays hésite à adopter des sanctions économiques contre la Russie et à livrer des armes à l’Ukraine.

Le 1er mars 2022, une des premières sanctions américaines fut d’empêcher l’accès de la Russie au système SWIFT. Celui-ci facilite les flux financiers qui permettent, entre autres, aux banques russes d’encaisser le paiement des achats d’hydrocarbures par l’Europe (libellés en euros).

Le but de ce blocus financier était de faire en sorte que la Russie coupe l’approvisionnement en gaz à l’Allemagne pour non-paiement. Évidemment, d’autres pays européens étaient affectés, mais la cible américaine était principalement l’Allemagne.

Pour contourner ce blocus, Poutine décréta le 23 mars que le gaz russe se paierait dorénavant en roubles. Ce que l’Allemagne accepta quatre jours plus tard.

La Pologne, elle, refusa. Puisque la consommation de gaz russe se paie mensuellement, la Russie ferma le 26 avril le robinet du gazoduc Yamal-Europe qui approvisionnait la Pologne, privant indirectement l’Allemagne de ses approvisionnements par le biais de ce gazoduc.

Comble de malchance, le gaz russe destiné à l’Europe qui transitait par l’Ukraine fut détourné le mois suivant par l’armée d’occupation russe pour desservir les régions séparatistes de l’Est de l’Ukraine.

Les États-Unis et Nord Stream 1

Pour l’Allemagne, il restait heureusement Nord Stream 1. Mais les États-Unis avaient une autre carte dans leur jeu.

Les turbines et les compresseurs de tous les gazoducs au monde font périodiquement l’objet de maintenance et de réparations.

Or, pour des raisons inconnues, le conglomérat allemand Siemens avait décidé de confier imprudemment l’entretien des turbines de Nord Stream 1 à sa filiale canadienne.

Sous l’influence de la vice-première ministre canadienne (de descendance ukrainienne), le Canada refusa en juin 2022 de laisser partir les turbines remises à neuf au Canada, à la surprise des dirigeants allemands, soudainement conscients du piège qui se refermait sur eux.

Même si le Canada permit finalement en juillet 2022 aux turbines de quitter le pays vers l’Allemagne, il fut impossible de les acheminer en Russie.

Cette dernière exigeait que l’Allemagne, le Canada et la Grande-Bretagne lui garantissent que les turbines réparées au Canada ne seraient pas sabotées au cours de leur transit en Pologne et dans deux républiques baltes.

L’Allemagne échec et mat

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En six mois, tout cela provoqua l’interruption de la fourniture directe du gaz fossile russe en Allemagne.

Par le jeu des vases communicants — celui du réseau de gazoducs qui sillonnent l’Eurasie (voir la carte) — on estime qu’une bonne partie du gaz fossile que reçoit actuellement l’Europe est du gaz russe réacheminé (à des prix plus élevés) par le biais de fournisseurs asiatiques.

Puisque ce gaz coute plus cher, cela réduit d’autant l’avantage compétitif dont bénéficiait l’Allemagne jusque-là.

Pour Washington, le sevrage imposé à l’Allemagne ne suffisait pas; il fallait qu’il soit irréversible.

La planification du sabotage

De mars à décembre 2021, Washington prétendait officiellement que l’armada que la Russie amassait aux frontières de l’Ukraine n’était qu’un bluff de Poutine.

Mais en décembre, l’administration Biden avait acquis la conviction que l’invasion de l’Ukraine par la Russie était imminente.

Au cours d’une réunion secrète tenue ce mois-là dans un édifice à proximité de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, conseiller du président à la Sécurité nationale présenta un plan de destruction des gazoducs Nord Steam. Et ce, afin de donner suite à la volonté présidentielle exprimée secrètement bien avant la déclaration publique que nous avons citée plus tôt.

Toutefois, il était essentiel de tout mettre en œuvre pour que ce casus belli ne laisse aucune trace qui pourrait le relier aux États-Unis.

Le problème, c’est que cette partie de la mer Baltique est l’objet d’une surveillance étroite de la part de la marine russe en raison de son importance géostratégique

Ce sont les Suédois qui eurent la solution à ce problème.

Annuellement depuis 21 ans, l’Otan mène en juin un exercice militaire de grande envergure en mer Baltique.

Afin d’éviter un incident militaire qui pourrait dégénérer, il est coutumier pour l’armée russe de se tasser pour laisser la place aux armées occidentales. D’où l’idée de servir de cet exercice comme paravent à l’opération secrète de sabotage.

Conséquemment, du 5 au 17 juin 2022, un commando de plongeurs de la marine américaine a planté des explosifs à retardement qui, trois mois plus tard, allaient détruire les gazoducs Nord Stream.

Au cours des premiers mois de 2022, l’entrainement de ce commando eut lieu à Panama City.

Panama City est une ville américaine située au nord-ouest de la Floride. L’armée américaine y possède la deuxième plus vaste piscine interne du continent américain, après celle du spectacle ‘O’ du Cirque du Soleil.

C’est là qu’elle entraine ses plongeurs en vue de sauvetages en mer ou d’opérations de sabotage.

Les réactions au sabotage

Le 26 septembre 2022 eut lieu finalement le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, scellant le sevrage officiel et définitif de l’Allemagne au gaz fossile russe.

En principe, le sabotage délibéré d’un oléoduc est un casus belli, c’est-à-dire un acte considéré comme justifiant une déclaration de guerre.

Mais l’Allemagne est gouvernée par une coalition politique de trois partis minée par des dissensions internes.

Incapable de s’entendre à ce sujet, la coalition au pouvoir n’a pas osé protester, préférant encaisser la gifle plutôt que de menacer de guerre un coupable (encore inconnu) qui pourrait s’avérer être le pays responsable de sa sécurité militaire.

Dès l’annonce du sabotage, les États-Unis et l’Otan ont tenté de faire diversion en accusant la Russie d’en être responsable. En réalité, on voit mal pourquoi la Russie se serait donné la peine de saboter ses propres gazoducs quand il lui suffit de fermer de chez elle les robinets qui les approvisionnent.

Conclusion

Indépendamment de savoir si la thèse du journaliste Seymour Hersh est exacte, il est certain que ce sabotage a été commis par les États-Unis.

Ce pays est le seul qui, à la fois, avait intérêt à ce sabotage, possédait les moyens d’une opération d’une telle envergure, et avait le pouvoir de s’assurer que l’enquête suédo-danoise n’aboutisse à rien.

Le silence de la Suède était facile à obtenir. Pour adhérer à l’Otan, ce pays a besoin de la bénédiction des États-Unis. Si ces derniers lui ont demandé de confier l’enquête à des inspecteurs dont le quotient intellectuel est en deçà du seuil de détection, comment pouvait-elle refuser cette faveur à un si bon ami…

Références :
Baisse des livraisons de gaz russe en transit via l’Ukraine
BALTOPS
Électricité en Allemagne
How America Took Out The Nord Stream Pipeline
La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe
L’Allemagne suspend la procédure de certification du gazoduc Nord Stream 2
Liste des pays par production de gaz naturel
Nord Stream : des explosions équivalant « à des centaines de kilos » de TNT
Nord Stream : une 4e fuite, l’OTAN dénonce des sabotages « irresponsables »
Poutine menace de couper le gaz si l’Europe ne paye pas en roubles
Renvoi de turbines en Allemagne : des ministres convoqués par un comité parlementaire
Sabotage des gazoducs Nord Stream
Si la Russie envahit l’Ukraine, « il n’y aura plus » de gazoduc Nord Stream 2
United States Navy Experimental Diving Unit
Yamal-Europe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guerre russo-ukrainienne et neutralité du tiers-monde

Publié le 5 février 2023 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Environ 85 % de la population mondiale vit dans des pays qui n’ont pas adopté de sanctions contre la Russie et qui refusent de s’impliquer (en vert sur la carte). Non pas que ces peuples approuvent l’invasion russe, mais ils croient que c’est une guerre qui ne les concerne pas.

Un sondage de la firme Pew effectué du 18 au 24 janvier 2023 révèle qu’aux États-Unis, de mars 2022 à janvier 2023, la proportion des électeurs républicains qui estiment que leur pays en fait trop pour l’Ukraine est passée de 9 à 40 % alors que chez les électeurs démocrates, elle est passée de 5 à 15 %. Dans l’ensemble du pays, le changement est de 7 à 26 %.

Plus intéressante est l’appréciation de la dangerosité de cette guerre.

En mars 2022, la moitié seulement des adultes américains — peu importe leur allégeance politique — percevaient cette invasion comme un danger majeur pour les intérêts de leur pays.

Le mois dernier, l’opinion des Démocrates avait un peu diminué, passant de 50 à 43 % alors que chez les Républicains, elle chutait de 51 à 29 %.

Dans l’ensemble de la population américaine, ce pourcentage est passé de 50 à 35 %. Pour un nombre croissant d’Américains, la difficulté rencontrée par l’armée de la Russie à faire la conquête de l’Ukraine suggère qu’on a peut-être exagéré la dangerosité militaire de ce pays pour l’Occident.

Depuis son accession au pouvoir en 1999, la popularité de Vladimir Poutine a varié grandement, surtout au début de son régime. Mais depuis 2000, elle fluctue entre 61 et 84 %, avec, actuellement, un des sommets de popularité, soit 81 % en décembre dernier.

Au XXe siècle, une bonne partie de la population des pays en voie de développement reprochait aux pays occidentaux leur passé colonial et leur gestion brutale des affaires mondiales tout au cours de ce siècle.

Vue comme allié des classes populaires, la Russie jouissait d’un préjugé favorable. Toutefois, ces populations étaient rebutées par les valeurs russes, que ce soit sa laïcité ou le droit des femmes d’exercer des métiers non conventionnels.

Depuis quelques décennies, les valeurs morales de l’Occident — la défense des droits des minorités sexuelles, le respect de l’identité de genre indépendante de l’identité sexuelle — font en sorte que la grande majorité des pays en voie de développement ne voient plus l’Occident comme un modèle à imiter.

Par exemple, la décision de l’armée canadienne de permettre aux soldats non binaires de sexe masculin de se maquiller, de porter des faux cils, du vernis à ongles et une jupe, suscite la risée.

On apprécie donc la technologie occidentale, mais on estime que l’insistance des pays riches à faire changer les lois qu’ils jugent arriérées comme une nouvelle forme de colonialisme.

Depuis l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie affiche un conservatisme à la fois religieux et moral — notamment par son homophobie et son machisme — qui rejoint les valeurs traditionnelles des pays du tiers-monde.

Puisque les mentalités évoluent beaucoup plus lentement que les lois, ces pays ont beau se soumettre aux dictats américains, leur population résiste à ces changements et refuse d’endosser la propagande occidentale contre la Russie, un pays qui leur semble plus respectueux de leur culture et de leurs traditions.

Références :
As Russian invasion nears one-year mark, partisans grow further apart on U.S. support for Ukraine
Do you approve of the activities of Vladimir Putin as the president (prime minister) of Russia?
L’inclusion et la diversité au fédéral

Paru depuis :
Pourquoi les pays du Sud sont ambivalents face à la guerre en Ukraine (2023-04-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel