Ukraine : quand l’Europe sabote les efforts de paix de Trump

Publié le 30 novembre 2025 | Temps de lecture : 13 minutes

Le premier sabotage européen

Trois semaines après son retour au pouvoir, plus précisément le 12 février 2025, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont entendus pour entamer incessamment des pourparlers en vue de mettre fin à la guerre en Ukraine.

Trois autres semaines plus tard, seize pays et deux organisations supranationales (l’Union européenne et l’Otan) participaient au Sommet de Londres sur l’Ukraine. De plus, ce 2 mars 2025, les pays européens les plus belliqueux se regroupaient en ‘Coalition des volontaires’.

Selon Wikipédia, ce sommet avait pour but la rédaction d’un plan de paix dans le cadre du conflit russo-ukrainien.

Sans qu’on sache très bien à quoi cela ressemble à un plan de paix, ces pays ont résolu de maintenir l’aide militaire à l’Ukraine et même de poursuivre cette fourniture au-delà de tout accord de paix afin de dissuader la Russie d’envahir de nouveau ce pays.

Le 7 mars 2025, Donald Trump cessait la fourniture d’armes et de données satellitaires à l’Ukraine. Et ce, à la stupéfaction de ses alliés occidentaux puisque la précision des frappes ukrainiennes réalisées à l’aide d’armement européen en dépend.

En somme, la décision de Trump équivalait à priver l’armée ukrainienne de nouvelles livraisons d’armes et du pouvoir utiliser les armes les plus puissantes qu’elle avait déjà.

Après un intense ballet diplomatique de part et d’autre de l’Atlantique, la fourniture des données américaines fut reprise quatre jours plus tard.

Pendant que Trump répétait une énième fois son intention de terminer cette guerre, la Coalition de volontaires proposait l’idée d’envoyer sur la ligne de front une force d’interposition destinée à faire respecter un cessez-le-feu imposé unilatéralement à la Russie sous menace de sanctions en cas de refus.

Alors résumons.

La Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine parce qu’elle juge que le déploiement des armées de l’Otan à 500 km de Moscou est un risque sécuritaire inacceptable pour elle.

Malgré cela, elle accepterait que ces mêmes pays de l’Otan (mais pas l’Otan elle-même) déploient leurs armées à 500 km de Moscou.

Concrètement, quelle est la différence ?

L’intervention européenne auprès de Trump équivalait à lui dire : ‘Laissez-nous essayer notre méthode — un mélange de sanctions plus sévères et de livraison d’armes plus puissantes — et vous verrez; l’Ukraine gagnera d’ici peu parce que la Russie est à bout de souffle.

Évidemment, tout cela n’a rien donné si ce n’est de gagner du temps.

Le deuxième sabotage européen

Le 26 octobre dernier, la télévision russe diffusait en entier un entretien entre Vladimir Poutine et général Valery Guerassimov.

À l’occasion de cet exercice de propagande, le chef militaire déclarait que dans les villes de Koupiansk et de Pokrovsk, environ 10 500 soldats ukrainiens étaient totalement encerclés et étaient en voie d’être anéantis par l’armée russe.

Jusque-là, Washington s’était fié aux comptes-rendus rassurants de Kyiv. Or l’analyse des données satellitaires américaines donnait plus de poids aux affirmations de Moscou qu’à celles de Kyiv.

Selon le géopoliticologue Jaques Baud, la perspective d’un effondrement du front ukrainien (au nord et au centre) aurait suscité une très vive inquiétude au sein de l’administration Trump. Ce qui l’aurait incité à concocter en toute urgence un cadre pour le règlement du conflit.

Le 18 novembre dernier, le média électronique Axios révélait que l’administration Trump préparait un plan secret en 28 points destiné à servir de base à des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine.

Après un nombre incalculable de sanctions, Washington n’a plus de levier pour forcer la Russie à accepter quoi que ce soit. Voilà pourquoi le document américain fait une place de choix aux exigences russes.

Conformément aux vœux de Washington, Vladimir Poutine s’est dit favorable à ce que la position américaine serve de base à des négociations ultérieures. Un appui qu’il a accordé avec d’autant plus d’empressement qu’il présumait, à juste titre, que le plan américain serait jugé totalement inacceptable par Kyiv.

Pour faire contrepoids aux consultations avec la Russie, la diplomatie américaine a procédé plus tôt cette semaine à des pourparlers avec l’Ukraine, accompagnée de ses plus importants partenaires européens.

Ceux-ci ont préparé le 23 novembre un document en 19 points où tout ce qui ne convenait pas aux dirigeants ukrainiens a été purgé. Si bien que cette contre-offre est l’antithèse du plan que Trump a soumis aux belligérants.

La contre-offre européenne (COE)

La taille de l’armée ukrainienne après la guerre

La COE propose que l’Ukraine puisse se doter d’une armée de 800 000 hommes en temps de paix, soit davantage que ce que propose l’administration Trump (600 000 hommes).

On doit savoir que les deux membres de l’Union européenne qui possèdent les plus grosses armées sont l’Italie et la France, avec respectivement 338 et 304 mille hommes.

En raison de la présence menaçante de son redoutable voisin, l’Ukraine pourrait donc se doter, au maximum en temps de paix, d’une armée équivalente à celle combinée de ces deux pays.

Pertes territoriales ukrainiennes

Les différentes versions du plan américain divergent quant à l’étendue exacte des pertes territoriales que subirait l’Ukraine. En gros, elles représentent les zones déjà conquises par l’Armée rouge.

Au contraire, la COE veut que le territoire de l’Ukraine revienne à ce qu’il était au moment de l’indépendance du pays en 1991.

Le principe qui guide les alliés européens de Kyiv, c’est que le crime doit être puni. Puisque la Russie est un envahisseur, la dernière chose à faire est de la récompenser pour son crime, disent-ils.

À entendre l’indignation des pays membres de la Coalition des volontaires face à l’invasion russe, on ne croirait jamais que ce sont d’anciennes puissances coloniales…

La reconstruction de l’Ukraine

En vertu du Droit international, un pays peut saisir les avoirs d’un pays ennemi, mais pas de les confisquer. En d’autres mots, on peut empêcher la Russie d’accéder à ses biens, mais on ne peut pas en disposer à sa place.

La banque centrale de Russie possède des réserves de change évaluées à environ 270 milliards d’euros, dont 210 milliards logés dans ses comptes à Euroclear, un organisme international de dépôts de fonds établi en Belgique. Les 60 milliards restants se trouvent aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni, en Suisse et en Australie.

Selon le plan de Trump, cent-milliards de dollars seraient prélevés des fonds russes gelés à Bruxelles et seraient utilisés à la reconstruction de l’Ukraine.

La moitié de cette somme serait confiée à des gestionnaires d’actifs (comme BlackRock) qui accorderaient les contrats de reconstruction à des firmes américaines et peut-être quelques miettes à des entreprises européennes.

La Russie n’a pas du tout l’intention de payer pour la reconstruction de l’Ukraine. Mais plutôt que s’opposer frontalement à Trump, Poutine a choisi d’appuyer son plan à titre de base de discussion. Ce qui ne veut pas dire qu’il consent à toutes ses dispositions.

La COE propose plutôt que ces fonds servent à financer l’effort de guerre de Kyiv.

Puisque l’administration Trump a décidé de ne plus donner d’armes à l’Ukraine, mais à les vendre à l’Otan (qui refilerait la note à l’Union européenne), cette dernière aimerait financer cela en pillant les avoirs bruxellois de la Russie.

Les garanties de sécurité pour l’Ukraine

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie n’a pas eu besoin de ‘garanties de sécurité’. Elle a simplement abandonné sa rhétorique belliqueuse contre ses ennemis d’hier et décidé de reprendre ses liens commerciaux avec eux.

L’administration Trump s’oppose à l’entrée de l’Ukraine dans l’Alliance atlantique (comme s’y opposait également l’administration Biden) et ne veut pas que l’Otan stationne des troupes dans ce pays.

Au contraire, les alliés européens de Kyiv souhaitent que l’Otan puisse y stationner des troupes (mais ‘pas de manière permanente’), et désirent que l’Otan poursuive son expansion vers l’Est.

Ce qui signifie qu’éventuellement, l’Ukraine pourrait en faire partie.

D’ici là, la COE propose que l’Ukraine soit protégée par l’article 5 du Traité de l’Otan, c’est-à-dire qu’elle dispose de tous les avantages de l’adhésion à l’Otan sans en faire partie.

Puisqu’un des deux prérequis à toute participation de la Russie à des négociations de paix est la renonciation définitive de l’Ukraine à adhérer à l’Otan, la stratégie poursuivie par la Coalition des volontaires consiste donc à s’assurer que ces négociations n’auront pas lieu et donc, à saboter l’effort de paix de Washington.

Préparer la guerre de revanche

À l’issue de la Première Guerre mondiale, la France a récupéré l’Alsace-Lorraine, un territoire qu’elle avait perdu lors de la guerre franco-prussienne de 1870.

Aux yeux des hypernationalistes ukrainiens, la protection offerte par l’article 5 du traité de l’Otan (proposée par la COE) est capitale afin de permettre à l’Ukraine de procéder en toute impunité à son réarmement en vue d’une guerre de revanche contre la Russie.

Déclenchée quelques années plus tard, celle-ci permettrait à l’Ukraine de récupérer les territoires perdus à l’issue de cette guerre-ci.

La camisole de force de Zelensky

On s’imagine généralement qu’il suffit de mettre ensemble les chefs d’État de deux pays belligérants, de les empêcher de s’échapper avant la conclusion d’un accord de paix, pour qu’ils finissent par s’entendre.

Malheureusement, ce n’est pas cela que les choses se passent dans la vraie vie.

Quand une guerre oppose deux pays éloignés — les États-Unis et le Vietnam ou l’Afghanistan — le conflit peut s’arrêter quand l’envahisseur plie bagage et rapatrie ses troupes.

Mais une guerre entre deux pays limitrophes ne s’arrête que lorsque le perdant capitule. Or dans ce cas-ci, le perdant, c’est l’Ukraine.

Le problème, c’est que l’article 2 de la Constitution ukrainienne déclare que le territoire national est indivisible. De plus, la loi ukrainienne interdit toute participation à des rencontres internationales où serait négociée une partition du territoire ukrainien.

C’est donc à dire que Zelensky se trouve dans un carcan juridique qui l’oblige à ne rien céder. En somme, à espérer une défaite russe qui n’arrivera pas et, entretemps, à assister, impuissant, à l’anéantissement progressif de son pays.

Comment un pays capitule-t-il ?

Juridiquement, la meilleure issue à cette guerre est la nomination par le parlement ukrainien d’un délégué plénipotentiaire — il s’agit généralement du chef des armées — dont le mandat est de négocier la paix sans que cela implique l’arrêt des hostilités au cours de cette négociation.

De plus, le parlement lui accorderait l’immunité contre toute poursuite ultérieure.

L’acte de capitulation du Troisième Reich a été signé par le général Alfred Jodl au nom du Haut commandement des forces armées allemandes. L’armistice italien a été signé par le général Giuseppe Castellano au nom du gouvernement italien.

À l’issue des négociations secrètes, ce délégué, investi de tous les pouvoirs (d’où son qualificatif de plénipotentiaire), signe l’acte de capitulation.

L’idéal serait que cette capitulation soit inconditionnelle. Ce qui lui éviterait de négocier les pertes territoriales de l’Ukraine.

Et parce que ce traité est supranational, il a juridiquement préséance sur les dispositions contraires de la constitution ukrainienne et des lois qui en découlent.

Théoriquement, Zelensky pourrait être investi des pouvoirs d’un délégué plénipotentiaire. Mais avec son taux d’impopularité, il n’a pas l’autorité de faire déposer les armes aux irréductibles qui voudront continuer le combat.

Seul un militaire de haut rang, estimé de ses troupes, pourra faire entendre raison aux mutins et écraser impitoyablement ceux qui tenteront de renverser le pouvoir intérimaire placé à la tête du pays d’ici de nouvelles élections.

Conclusion

Depuis son retour au pouvoir le 20 janvier de cette année, Donald Trump a tenté deux fois de régler le conflit russo-ukrainien.

Chaque fois, les dirigeants européens les plus belliqueux ont saboté ses efforts en espérant retarder l’heure de vérité.

L’heure de vérité, c’est lorsque les peuples d’Europe se demanderont à quoi ont servi les milliards d’euros que leurs dirigeants ont englouti dans une guerre perdue d’avance. Dans une boucherie qui aura fait inutilement plus d’un million de morts.

Quel respect portera-t-on à ces chefs d’État qui se seront avérés impuissants à modifier le cours de l’Histoire et qui ont révélé, aux yeux de tous, l’étendue de la vassalisation de leur pays à l’hégémonie américaine ?

C’est dans un contexte comme celui-ci que les régimes tombent…

Références :
Coalition des volontaires
Comment les occidentaux comptaient-ils démembrer la Russie ? (vidéo)
Jacques Baud – Le plan de Paix Américain en 28 points (vidéo)
Gel des avoirs russes : au nom du droit, de la justice et des intérêts
Les États-Unis annulent des livraisons d’armements vers l’Ukraine
Le sommet Poutine-Trump à Anchorage : un ‘anchoragement’ modeste
Maxar rétablit l’accès de l’Ukraine aux données satellitaires
Pourparlers sur l’Ukraine : des avancées, mais encore beaucoup de travail
Putin trying to negotiate an end to Ukraine war as he cannot win it on battlefield, says EU’s Kallas
Renseignement et satellites d’observation : arrêt sur image en Ukraine…
Russia-Ukraine war: What’s a ‘coalition of the willing’, Europe’s new plan?
Scoop: Trump plan asks Ukraine to cede additional territory for security guarantee
Sommet de Londres sur l’Ukraine
Sommet européen sur l’Ukraine : les faits saillants
Ukraine : Pokrovsk, l’effondrement d’un récit et la réalité d’une armée à bout de souffle
Un tournant majeur dans la guerre en Ukraine
« Vous n’êtes pas seuls » : des dirigeants européens appuient Zelensky face à Trump
Washington met de la pression sur l’Ukraine en suspendant son aide militaire
Zelensky est plus impopulaire que jamais après près de trois ans de guerre : les grands médias l’admettent
Zelensky says revised peace plan “doable” after key changes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine : la réhabilitation des mots ‘négociations de paix’

Publié le 29 novembre 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

Avant le retour au pouvoir de Donald Trump, aucun chef d’État européen n’osait utiliser les mots ‘négociations de paix’ car c’eut été un bris de solidarité avec les autres pays de l’Otan.

C’était à l’époque où on croyait que les sanctions financières de l’Occident feraient s’écrouler l’économie russe, provoqueraient la révolte des Russes incapables d’encaisser leurs chèque de paie ou de pension, et entraineraient renversement du régime de Vladimir Poutine.

Comme dans la fable ‘La Laitière et le pot au lait’, on salivait déjà à l’idée du démantèlement de la Fédération de Russie et de la spoliation de ses richesses naturelles par des sociétés occidentales.

Dans les forums de discussion et sur les médias sociaux, n’importe quel participant pacifiste était aussitôt qualifié de ’Munichois’, en référence à ces dirigeants européens qui pensaient amadouer Hitler en lui permettant (par l’accord de Munich) d’annexer une partie de la Tchécoslovaquie.

On se rappellera du scandale provoqué par la visite du premier ministre hongrois à Moscou en juillet 2024 dans le cadre, disait-il, d’une mission de paix. À l’époque, les dirigeants de l’UE dénonçaient toute politique d’apaisement; l’Europe soutenait alors la poursuite de la guerre jusqu’au dernier soldat ukrainien vivant.

Depuis trois ans, les partisans de la ligne dure à l’égard de Moscou — l’Otan et les dirigeants de l’Union européenne, de même que ceux de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne — n’entretenaient plus aucune relation diplomatique officielle avec le Kremlin.

Sans le dire explicitement, ce qu’on soutenait, c’était une guerre totale avec la Russie, c’est-à-dire une guerre dont l’issue ne serait rien d’autre que l’expulsion de l’Armée rouge du territoire ukrainien.

Mais le 12 février 2025, lors d’un appel téléphonique, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont entendus pour entamer incessamment des pourparlers en vue de mettre fin à la guerre en Ukraine.

Estomaqués d’apprendre par les médias que cette guerre pouvait se régler sans eux, les dirigeants européens se sont métamorphosés en apôtres de la paix… à la condition d’en pervertir le sens.

Dans leur bouche, les mots ‘négociations de paix’ signifiaient ’négociations en vue de la capitulation de la Russie’ en sachant très bien que cela n’arrivera pas.

Pour l’Ukraine, le choc était encore plus brutal puisqu’une négociation de paix, c’est comme un buffet; quand on est pas autour de la table, c’est qu’on est au menu…

Et c’est de cette manière que des mots que plus personne n’osait prononcer refont leur apparition dans la bouche des dirigeants de nos pays.

Références :
Accords de Munich
« La Russie n’a pas subi l’“effondrement” économique annoncé par Bruno Le Maire, fin février 2022 »
Ukraine : Poutine ferme sur ses exigences avec Orban à Moscou, vives critiques de l’UE

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le mystère des drones en Europe occidentale

Publié le 27 novembre 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Plus tôt, en Europe de l’Est

Après que l’Ukraine eût subi une attaque de 458 drones et missiles dans la nuit du 9 au 10 septembre dernier, au moins 19 drones russes ont pénétré l’espace aérien de la Pologne et, dans un cas, celui de la Roumanie trois jours plus tard.

Immédiatement, les agences de presse occidentales ont accusé la Russie d’être responsable de ces provocations. L’argument est connu; ce ne peut qu’être que les Russes.

Puisque l’Otan n’a pas jugé bon de publier le trajet précis emprunté par ces drones avant de frapper la Pologne et la Roumanie, des indices publiés sur des chaines Telegram ukrainiennes portent à croire que ces missiles auraient plutôt été tirés d’Ukraine.

L’explication la plus probable est que l’Ukraine ait récupéré des drones-leurres russes après leur chute au sol, leur aurait fait faire le plein de carburant et les aurait tirés vers la Pologne et la Roumaine (deux pays membres de l’Otan) dans l’espoir de pousser l’Alliance atlantique à entrer en guerre directement contre la Russie.

Vers la fin du même mois, d’autres drones suspects sont apparus au-dessus de bases militaires et d’aéroports d’Europe occidentale.

Quels types de drones ?

Pendant quelques jours, les agences de presse demeurèrent muettes quant à la nature des drones observés au Danemark, le premier pays touché en Europe occidentale.

S’agissait-il de drones militaires, alimentés par du carburant, qui possèdent l’autonomie nécessaire pour avoir été tirés de Russie ? Ou s’agissait-il de petits drones à batterie qui ne peuvent qu’avoir été utilisés localement ?

En réalité, des vidéos sur YouTube montraient des drones en état géostationnaire. Donc des drones à batterie.

Le 25 septembre, la nature de ces drones fut révélée après avoir trouvé une explication crédible pour accuser la Russie; trois navires ayant des liens directs ou indirects avec la Russie auraient servi de plateformes de lancement en mer Baltique, près du Danemark.

Le problème, c’est que bien après que ces navires eurent quitté la région, d’autres drones survolèrent des aéroports et des bases militaires en Allemagne, en France, en Norvège, et aux Pays-Bas. Des drones qu’on ne réussit jamais à abattre. Et des méfaits dont on n’arrive pas à trouver les auteurs.

On peut toujours supposer que ces drones à batterie aient été tirés par des agents russes infiltrés au cœur de l’Europe occidentale. Mais peut-on également imaginer que tout cela soit une mise en scène destinée à nous manipuler ?

Le cas d’une base militaire française

Le 2 octobre dernier, dix jours après une première incursion, la base militaire de Mourmelon-le-Grand a été survolée par des drones non identifiés.

Le quotidien L’Indépendant nous apprend que cette base de dix-mille hectares abrite depuis mars 2025 une centaine de centres d’entrainement au maniement de drones et que c’est également là qu’ont été formés 2 300 soldats ukrainiens.

On peut facilement croire que des espions russes veuillent épier le fonctionnement de cette base.

Mais on peut également suspecter que l’Ukraine ait déployé en Europe plusieurs commandos de dronistes très expérimentés avec la mission de survoler des bases militaires et des aéroports de divers pays, sachant que ces pays réagiraient de manière prévisible en accusant la Russie.

Et des pays heureux de justifier l’augmentation importante de leurs dépenses militaires, même au prix de coupes dans leur filet de protection sociale.

Références :
Drones au-dessus du Danemark : tous les chemins maritimes mènent à la Russie ?
Le Danemark dénonce des « attaques hybrides » après de nouveaux survols de drones
« Poutine monte d’un cran » : la France accuse la Russie d’être derrière une nouvelle incursion de drones qui ont survolé une base militaire française
Violations par la Russie de l’espace aérien de pays d’Europe de l’Est

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Drones : quand la russophobie tourne à la névrose

Publié le 20 octobre 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

La semaine dernière, un quotidien montréalais publiait un texte visant à souligner la vulnérabilité du Canada aux drones.

On comprend que le survol d’un aéroport danois par un drone d’origine inconnue puisse paralyser temporairement ses opérations. Ou que le survol d’une base militaire ou d’un site ultrasecret européen puisse compromettre la sécurité nationale d’un pays.

Toutefois, on peut se demander quel serait l’intérêt d’un pays ennemi (dirons la Russie) à survoler l’Arctique canadien. Nuire à la chasse aux phoques ? Perturber la migration des troupeaux de caribous ?

Il est indéniable que dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale, la Russie chercherait à détruire, par des missiles, nos barrages hydroélectriques puisque cela perturberait non seulement l’alimentation électrique du Québec, mais également celle des États américains qui dépendent partiellement de notre électricité.

Mais le survol de notre territoire par des drones est d’une importance militaire très limitée.

Drones domestiques vs drones militaires

Il faut distinguer les petits drones domestiques (qui fonctionnent à pile) des drones militaires (qui fonctionnent au carburant).

Lorsqu’on allume une voiture électrique dans des conditions hivernales, la première chose qu’elle fait est de réchauffer les cellules de sa batterie puisque ses performances chutent à basse température. Ce que ne font pas les drones domestiques.

De plus, la distance minimale séparant les côtes russes des côtes québécoises dépasse 3 600 km, soit la distance entre Montréal et Vancouver.

Aucun drone domestique n’est capable d’une telle autonomie. En clair, dans l’Arctique, leur dangerosité pour le Canada est nulle.

C’est ce que Norad a tenté de faire comprendre à la journaliste.

Après s’est fait dire que pour que Norad intervienne contre un drone, l’incident doit être d’une ampleur telle qu’il nécessite une réponse de défense nationale, l’expert Éric Sauvé va plus loin et lui précise subtilement : « En bas d’un certain seuil [de dangerosité], ce n’est pas une préoccupation pour le Norad

Un autre expert consulté ajoute que le fait que faire voler des drones dans le froid polaire représente un défi, en raison de la faible autonomie des batteries et de la glace qui peut se former sur les ailes.

Interrogé quant à savoir si le Canada était capable de détecter la présence de drones sur l’ensemble du territoire canadien, particulièrement en Arctique, le ministère de la Défense ne s’est même pas donné la peine de répondre.

Quant aux drones militaires, un des experts déclare : « un drone de 1,5 mètre, quels dommages ça peut faire ? Pratiquement rien. […] En termes de capacité de collecte [d’informations], c’est très limité aussi

Ce qui est amusant à la lecture de cet article, c’est à quel point la journaliste est sourde à ceux qui tentent de lui faire comprendre la futilité de sa quête.

Elle se laisse donc convaincre par une entrepreneur qui travaille à développer une technologie capable de détecter les drones dans l’Arctique.

Quand celui-ci lui déclare que si un brise-glace hostile naviguant dans les eaux internationales envoyait un drone dans l’espace aérien canadien, il est plus que probable qu’on n’en saurait rien, il ne vient pas à l’esprit de la journaliste que les eaux internationales dans l’Arctique, cela n’existe pas.

En effet, depuis 1986, le Canada estime que les eaux de l’archipel arctique constituent des eaux intérieures, sous souveraineté du Canada. Ce que la Russie ne conteste pas, mais que refusent de reconnaitre les États-Unis.

D’autre part, tous les brise-glaces russes et tous les navires chinois qui naviguent au-delà du cercle polaire le font dans l’Arctique russe, navigable une bonne partie de l’année, et non dans l’Arctique canadien, bloqué onze mois par année.

Conclusion

Depuis 2014, l’Otan, les chefs d’État atlantistes, et les agences de presse occidentales (financées secrètement par Washington) font valoir la nécessité d’augmenter substantiellement nos dépenses militaires.

Déjà, cette fabrication du consentement a rallié une bonne partie des journalistes canadiens.

Le texte du Devoir en est un exemple.

Il est coiffé d’un titre qui ressemble beaucoup plus à une hypothèse de départ qu’à la conclusion d’une démonstration irréfutable. Son plus grand défaut est d’escamoter les couts nécessaires à pallier la menace, mineure selon le Norad, des drones russes.

Parce fondamentalement, nous sommes en présence d’un choix politique; voulons-nous consacrer des sommes colossales à nous protéger d’une invasion militaire russe qui, du moins au Québec, n’arrivera pas ou voulons-nous consacrer cet argent à des fins plus utiles ?

Références :
En Arctique, le Canada vulnérable aux drones
Hausse des dépenses militaires : la fabrication du consentement
La géopolitique de l’Arctique

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Violations par la Russie de l’espace aérien de pays d’Europe de l’Est

Publié le 20 septembre 2025 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Après que l’Ukraine eût subi une attaque de 458 drones et missiles dans la nuit du 9 au 10 septembre dernier, au moins 19 drones russes ont pénétré l’espace aérien de la Pologne et, dans un cas, celui de la Roumanie trois jours plus tard.

Il n’existe pas de preuve que ces drones visaient à détruire des installations situées en sol polonais ni que ces drones se dirigeaient vers l’Ukraine en effectuant un détour par la Pologne.

Au contraire, plusieurs chaines Telegram ukrainiennes ont rapporté que trois engins quittaient la région de Volhynie pour la Pologne. Cette région est située au nord-ouest de l’Ukraine.

Il y a donc deux possibilités. Soit que ces drones ont été tirés de Russie avant de dévier vers la Pologne après un bref survol du territoire ukrainien. Ou soit que leur point de départ était situé en sol ukrainien et n’ont pas été tirés par la Russie.

La violation par des drones

Lors de ses attaques massives, la Russie utilise deux sortes de drones.

Il y a d’abord les leurres. Ceux-ci ne transportent pas de charge explosive.

Tirés dès le début de l’offensive, leur rôle est d’épuiser les défenses ukrainiennes afin d’augmenter les chances que les drones suivants (ceux armés, trois fois moins nombreux) atteignent leurs cibles.

Puisqu’il est impossible de distinguer les drones-leurres des drones armés, l’armée ukrainienne ne peut prendre de risque. Donc, elle recourt indistinctement à ses missiles sol-air afin, idéalement, de tous les détruire.

Dans plus de 83 % des cas, les systèmes de missiles sol-air occidentaux détruisent leurs cibles.

Toutefois, leur cout est astronomique, pouvant atteindre cinq-millions de dollars par missile. Par contre, les drones iraniens et chinois utilisés par la Russie lui coutent de dix-mille à quatre-vingt-mille dollars chacun.

La Russie n’utilise pas des drones-leurres puis soudainement, des drones armés. La transition entre les deux se fait progressivement. Donc, il n’y a pas de moment précis avant lequel l’armée ukrainienne pourrait ‘laisser faire’ et le moment où il faudrait absolument les détruire.

Dans le cas des drones-leurres, ils ne sont pas destinés à revenir en Russie après avoir échappé aux défenses de l’Ukraine parce que cela nécessiterait que la Russie les équipe de deux fois plus de carburant (pour leur permettre d’effectuer le voyage de retour). Or si plus de 80 % sont détruits à l’aller, autant le seraient au retour. Ce qui fait qu’à peine trois ou quatre pour cent d’entre eux reviendraient à leur point de départ.

En somme, les drones qui se sont écrasés en Pologne n’effectuaient pas un voyage de retour en Russie en faisant le détour par la Pologne ou la Roumanie.

Pour expliquer leur présence en Pologne, il y a deux hypothèses.

La première suppose que la défense ukrainienne soit capable de brouillage électromagnétique qui perturbe la navigation de ces drones et les fasse dévier de leur destination prévue.

L’autre hypothèse veut que l’Ukraine récupère les drones-leurres qui s’écrasent au sol en bon état après avoir épuisé leur carburant, leur fasse le plein d’essence et les reprogramme afin qu’ils survolent l’espace aérien de la Pologne dans le but de pousser l’Otan à entrer en guerre directement contre la Russie.

Étant donné que ce n’est pas la première fois que l’Ukraine s’essaie, l’Otan en a vu d’autres.

De plus, il est hautement improbable que l’Alliance atlantique déclenche une Troisième Guerre mondiale au motif que ces ‘attaques’ — qui n’ont fait aucune victime — ont percé le toit de quelques bâtiments agricoles.

Par contre, l’Otan n’allait pas manquer l’occasion d’en faire un drame. C’est ainsi que la Pologne a porté l’affaire au Conseil de sécurité de l’Onu où elle se butera au véto russe. Lorsqu’on tient compte des destructions israéliennes dans la bande de Gaza, on se rend compte de la futilité de la plainte polonaise à l’Onu.

La violation par des MIG-31


 
Hier, des chasseurs-bombardiers de l’Otan ont intercepté trois MIG-31 russes qui survolaient l’espace aérien de l’Estonie.

À aucun moment, les avions russes n’ont survolé le sol estonien; toutefois, ils ont pénétré pendant douze minutes l’espace aérien situé au-dessus de son territoire maritime.

Sur la carte ci-dessus, la Finlande et l’Estonie sont situées de part et d’autre du golfe de Finlande. En vertu du Droit international, l’espace aérien de chacun d’eux s’étend dans le golfe sur une distance de douze milles nautiques (équivalent à environ vingt-et-un kilomètres).

Le problème, c’est que la distance minimale qui sépare les rives de ces deux pays est de 45 km. Ce qui signifie que par endroits, les eaux internationales n’ont que trois kilomètres de large, le reste étant constitué des territoires maritimes de la Finlande et de l’Estonie.

Tracez une ligne droite entre Saint-Pétersbourg et la mer Baltique et vous avez nécessairement une intrusion dans l’espace aérien maritime d’un de ces pays.

Voilà pourquoi les ‘violations’ de l’espace aérien en golfe de Finlande sont devenues fréquentes depuis trois décennies.

Avant l’effondrement de l’URSS (en 1991), le golfe de Finlande et la mer Baltique formaient presque une mer intérieure soviétique puisque de la Russie à l’Allemagne de l’Est, tous les pays riverains étaient soit des républiques soviétiques, soit des pays neutres.

Depuis l’expansion de l’Otan vers l’Est et l’adhésion de la Suède et la Finlande à l’Alliance atlantique, cette mer intérieure a basculé dans le giron otanien.

La conséquence de ce basculement géostratégique majeure, c’est la multiplication des incidents entre ces deux blocs ennemis.

Ce qui prouve que deux empires militaires hostiles devraient toujours être séparés par des pays tampons.

Les pays baltes (dont l’Estonie) devraient être du nombre. Mais depuis que l’Otan a commis l’erreur de les admettre parmi ses membres, ils se sentent invulnérables. Et comme des chihuahuas, ils ne cessent de japper contre le bouledogue russe. S’il n’en tenait qu’à eux, la Troisième Guerre mondiale serait déjà déclenchée.

Fait à noter : l’Otan n’a pas rendu publique la trajectoire précise des trois avions russes au-dessus de la zone maritime estonienne. Ce qui nous empêche d’évaluer l’importance de cette intrusion.

Selon plusieurs experts, les violations mineures de l’espace aérien estonien par la Russie seraient volontaires et serviraient à tester les règles d’engagement des pays de l’Otan, notamment quant au sort à réserver à un avion qui pénètre l’espace aérien d’un membre de l’Alliance.

Références :
Ce que l’on sait des drones russes abattus en Pologne
Infographie : Des drones russes s’incrustent dans des pays de l’OTAN
Intrusion de drones : la Pologne met en garde contre un « conflit ouvert » avec la Russie
Intrusion de drones : le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit à la demande de la Pologne
La Russie passe les frontières de l’OTAN (vidéo)
Les missiles Patriot américains : caractéristiques, prix, puissance et répartition dans le monde
L’OTAN intercepte trois avions de chasse russes en Estonie

Paru depuis : Guerre en Ukraine : le virage des nouvelles règles d’engagement de l’OTAN face aux incursions russes (2025-09-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine amputée ? Le fond du problème

Publié le 27 août 2025 | Temps de lecture : 1 minute
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Le texte ci-dessus a été censuré par Radio-Canada.

Officiellement, ce média justifie ainsi sa décision : ‘Vous avez enfreint les directives de la communauté concernant les propos inappropriés ou les jurons.

En réalité, ce texte est ‘inapproprié’ parce qu’il contredit le narratif fallacieux que Radio-Canada entretient depuis le début au sujet de la guerre russo-ukrainienne et qui sert à manipuler l’opinion publique d’ici.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les Ukrainiens face à la capitulation

Publié le 26 août 2025 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

En novembre 2024, la firme de sondage Gallup publiait les résultats d’une consultation populaire selon laquelle une faible majorité d’Ukrainiens (57 %, après répartition des indécis) étaient favorables à une paix obtenue dans les plus brefs délais. Et ce, même au prix de concessions territoriales à la Russie.

Toutefois, en juin 2025, l’Institut international de sociologie de Kyiv (IISK) rendait public un sondage qui, à l’inverse, indiquait que le refus catégorique de céder des territoires actuellement conquis par la Russie était majoritaire à 58 % (après répartition des indécis) au sein de la population ukrainienne.

Mais voilà qu’un nouveau sondage Gallup relance la controverse; l’appui à une paix négociée dans les plus brefs délais serait passé de 57 % en octobre 2024 à 74 % en juillet 2025 (après répartition des indécis).

Analyse du sondage Gallup

Le graphique ci-dessus représente l’évolution de l’appui des Ukrainiens à une paix négociée de 2022 à aujourd’hui. Ce qui est frappant, c’est sa symétrie; sa moitié gauche est presque l’image inversée de sa moitié droite.

La contre-offensive ukrainienne de l’été 2023, annoncée longtemps d’avance, avait suscité beaucoup d’espoir. Mais son échec semble avoir été le point de bascule de la confiance des Ukrainiens en une victoire de leur pays contre la Russie.

À chacun des mois de 2024, la Russie a gagné plus de territoire ukrainien qu’elle en a perdu. Le cumul des gains russes pour 2024 est évalué à 3 200 km².

La suite presque ininterrompue de mauvaises nouvelles sur le front a finalement eu raison de l’optimisme de nombreux Ukrainiens, selon Gallup.

De plus, la victoire électorale de Donald Trump en novembre 2024 a coïncidé avec un changement de vocabulaire au sein des chancelleries occidentales. Jusqu’alors, jamais le mot ‘paix’ n’était prononcé.

Jusqu’alors, toute personne en Occident qui se disait favorable à une résolution diplomatique au confit russo-ukrainien était immédiatement qualifiée de ‘munichoise’, une allusion à ces dirigeants européens qui ont cru naïvement acheter la paix en consentant à l’invasion de la Tchécoslovaquie par Hitler.

Depuis l’élection de Trump, les mots ‘cessez-le-feu’ et ‘négociations’ sont apparus dans la bouche des dirigeants occidentaux.

Cette évolution se constate également en Ukraine. En juillet 2025, 69 % des répondants (ou 74 % après répartition des indécis) souhaitaient que des négociations de paix débutent dans les plus brefs délais.

Il est à noter que la formulation de la question posée cette année n’est pas identique à celle posée l’an dernier. En effet, en 2024, Gallup demandait l’appui à une paix négociée dans les plus brefs délais même au prix de concessions territoriales à la Russie. Alors que la question de cette année n’en fait pas mention, probablement parce que dans l’esprit des répondants, cela est implicite.

Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, la vie politique du pays a été caractérisée par une alternance de gouvernements qui étaient favorables à l’adhésion du pays à l’Otan et de ceux qui y étaient opposés.

C’est après l’indépendance de la Crimée et son rattachement à la Russie en 2014, l’Ukraine s’est définitivement engagée dans un processus d’adhésion à l’Otan. Au point d’inscrire cet objectif dans la constitution du pays.

Toutefois, au cours des douze derniers mois, l’optimisme a chuté quant à une adhésion à l’Otan à brève ou à moyenne échéance.

Il est à noter que cette question ne leur demande pas s’ils sont favorables à cette adhésion, mais seulement s’ils croient que cela se réalisera dans un avenir plus ou moins rapproché.

Le souhait de voir leur pays adhérer à l’Union européenne (UE) a toujours été majoritaire en Ukraine.

Si bien que cette idée fait consensus au sein la classe politique ukrainienne. Tous les gouvernements depuis l’indépendance — qu’ils aient été pro-russes ou pro-otaniens — ont partagé cette volonté commune de voir leur pays adhérer à l’UE.

En Occident, on ignore généralement que Vladimir Poutine lui-même ne s’y est jamais opposé.

C’est sans doute pourquoi l’espoir d’adhérer à l’UE se maintient en Ukraine en dépit de tout.

Le sondage de l’Institut international de sociologie de Kyiv (IISK)

Du 15 mai au 3 juin 2025, l’IISK a effectué un sondage téléphonique automatisé au cours duquel les participants répondaient en appuyant sur les touches de leur clavier.

Les personnes sollicitées habitaient toutes les régions de l’Ukraine à l’exception des territoires occupés par la Russie. Comme ce fut le cas pour le sondage Gallup.

En fonction du nombre de répondants (environ 500 personnes), la marge d’erreur est inférieure à 5,8 %.

Au sujet de la possibilité de concessions territoriales dans le cadre d’une négociation de paix, 52 % des Ukrainiens s’y opposent (58 % après répartition des indécis).

Il est à noter qu’avec le temps, la formulation de cette question a varié. Quand la question précise que ces concessions territoriales seraient irréversibles — ce qui signifie l’abandon de toute idée de les reconquérir un jour — l’opposition aux concessions territoriales grimpe à 68 % (74 % après répartition des indécis).

Quant à la concession à la Russie d’oblasts dans leur entièreté alors que la Russie n’en a conquis qu’une partie, l’opposition atteint 78 % (85 % après répartition des indécis).

Alors que Gallup affirme que le consentement à des pertes territoriales est majoritaire dans toutes les régions du pays, les résultats de l’IISK indiquent plutôt que les Ukrainiens ukrainophones de l’Est du pays s’opposent catégoriquement à ce que leur oblast devienne russe.

Ce qui est tout à fait plausible et contribue donc à la crédibilité des résultats de l’IISK.

Conclusion

En temps de guerre, exprimer sa foi en la victoire finale du pays peut révéler son degré de patriotisme.

Voilà pourquoi, sur un sujet aussi clivant que l’issue de la guerre, tout sondage doit révéler le pourcentage des gens qui ont refusé de répondre puisque cela est un indice de la confiance qu’ils accordaient en l’impartialité des sondeurs.

Malheureusement, ni Gallup ni l’IISK n’ont révélé le nombre de personnes qui ont refusé de participer à cette consultation (en raccrochant, tout simplement, dans le cas du sondage automatisé de l’IISK).

Cette omission est regrettable.

À défaut de pouvoir trancher entre leurs résultats, on peut néanmoins affirmer que le pourcentage des Ukrainiens qui souhaitent la paix dans les plus brefs délais, même au prix de concessions territoriales à la Russie, est compris entre 42 % (IISK) et 74 % (Gallup).

Références :
Dynamics of readiness for territorial concessions and impact of interpreting ‘Territorial concessions’
Half of Ukrainians Want Quick, Negotiated End to War
Contre-offensive ukrainienne de 2023
La Russie a conquis 3 200 km² de territoire ukrainien en 2024, mais le rythme de sa progression a ralenti en décembre
Les Ukrainiens et la paix
Relations entre l’OTAN et l’Ukraine
Ukrainian Support for War Effort Collapses

Paru depuis : Putin says Russia doesn’t oppose Ukraine joining the EU (2025-09-02)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le sommet Poutine-Trump à Anchorage : un ‘anchoragement’ modeste

Publié le 16 août 2025 | Temps de lecture : 6 minutes

Lorsqu’on regarde les guerres commerciales déclenchées par Donald Trump, aucune d’entre elles ne s’est résolue par une simple rencontre entre le président américain et son homologue d’un autre pays.

Dans tous les cas, les ententes bilatérales intervenues jusqu’ici ont été précédées de nombreuses négociations entre les ministres et fonctionnaires des pays concernés.

Pour prendre l’exemple de l’entente intervenue entre Trump et Ursula von der Leyen, cette entente n’a été possible qu’en raison de l’acceptation préalable de la Commission européenne de capituler devant Trump. Sans cela, la rencontre avec la présidente de la Commission européenne n’aurait rien donné.

La guerre russo-ukrainienne obéit à cette logique.

L’idée qu’il suffirait pour Donald Trump d’assoir à la même table Poutine et Zelensky pour que la guerre en Ukraine s’arrête est une idée simpliste; ce n’est pas comme cela qu’on met fin à une guerre.

Lorsque l’agresseur est un pays lointain, la guerre peut s’arrêter sans capitulation formelle quand l’envahisseur décide simplement de rapatrier ses troupes. Comme les États-Unis l’ont fait au Vietnam et en Afghanistan.

Lorsqu’il s’agit de deux pays contigus, seule la capitulation du plus faible met fin à la guerre. À la suite de quoi, le perdant peut alors se consacrer à sa reconstruction. Comme l’ont fait l’Allemagne et l’Italie après avoir capitulé.

Jusqu’ici, les membres de l’Union européenne ont armé l’Ukraine non seulement dans le but d’affaiblir la force miliaire de la Russie, mais leurs sanctions économiques avaient pour but avoué de provoquer un effondrement de l’économie russe. Et ce, en vue d’un changement de régime à Moscou. C’est du moins ce que la ministre canadienne des Affaires étrangères avouait candidement.

Malgré le fait qu’on ressasse périodiquement l’espoir d’une défaite militaire de la Russie, il ne semble pas que les pays de l’Otan puissent y parvenir dans un avenir prévisible.


 
Afin d’aider l’Ukraine à reprendre son souffle après une série presque ininterrompue de défaites militaires, plusieurs dirigeants européens plaident depuis des mois en faveur d’un cessez-le-feu dans le but, disent-ils, de donner l’occasion aux belligérants de s’entendre sur un plan de paix.

Au cours d’une guerre, un cessez-le-feu intervient exclusivement lorsque les belligérants, épuisés, le réclament d’eux-mêmes afin de refaire leurs forces. Et dès que cette pause pend fin, on se tape dessus avec une vigueur renouvelée.

En somme, un cessez-le-feu suspend temporairement les hostilités : il n’arrête pas le conflit de manière permanente.

C’est la conclusion à laquelle semble être arrivé Donald Trump à la suite du sommet en Alaska. Dans ce sens, c’est, pour l’instant, un progrès.

À moins d’une volteface — une éventualité toujours plausible avec Trump — l’administration américaine semble avoir réalisé que la solution du conflit est entre les mains de l’Ukraine.

Malheureusement pour Zelinsky, celui-ci est placé dans un dilemme insurmontable.

Contrairement à la Russie tsariste qui a vendu l’Alaska aux États-Unis en 1867 et la Russie soviétique qui a donné la Crimée à l’Ukraine en 1954, la constitution de l’Ukraine — comme celle de nombreux pays — déclare que le territoire national est indivisible.

Un mois après le début de la guerre russo-ukrainienne, une entente est intervenue entre les négociateurs de la Russie et de l’Ukraine. Ce plan de paix prévoyait la fin du conflit en contrepartie (entre autres) de concessions territoriales à la Russie.

Mais ce plan devait être ratifié par Kyiv. Non seulement le parlement ukrainien a-t-il refusé, mais il a adopté une loi qui, à l’avenir, interdit formellement toute négociation de paix qui inclurait l’amputation du territoire ukrainien.

C’est donc à dire que Zelensky se trouve dans un carcan juridique qui l’oblige à ne rien céder.

De plus, on doit savoir que Denis Kireev — un des négociateurs ukrainiens qui avaient participé le 28 février 2022 à des discussions préliminaires en Biélorussie en vue des négociations russo-ukrainiennes formelles qui se sont tenue le mois suivant en Turquie — a été assassiné en pleine rue à son retour en Ukraine après avoir été accusé de trahison par ceux qui s’opposaient à toute négociation de paix avec la Russie.

De plus, à plusieurs reprises au cours de cette guerre, des dirigeants de milices néo-nazies ont menacé de mort Zelenski (qui est Juif).

Ce qui signifie que le président ukrainien est condamné à espérer une défaite russe qui n’arrivera pas et, entretemps, à assister, impuissant, à l’anéantissement progressif de son pays.

Juridiquement, la seule issue à cette guerre est la nomination par le parlement ukrainien d’un délégué plénipotentiaire — il s’agit généralement du chef des armées — dont le mandat est de négocier la paix sans que cela implique l’arrêt des hostilités au cours de cette négociation.

L’acte de capitulation du Troisième Reich a été signé par le général Alfred Jodl au nom du Haut commandement des forces armées allemandes. L’armistice italien a été signé par le général Giuseppe Castellano au nom du gouvernement italien.

À l’issue des négociations secrètes, le traité est signé par ce délégué investi de tous les pouvoirs (d’où son qualificatif de plénipotentiaire) et qui, en plus, dispose de l’immunité totale contre toute poursuite ultérieure.

Et parce que ce traité est supranational, il a juridiquement préséance sur les dispositions contraires de la constitution ukrainienne et des lois qui en découlent.

Voilà comment la guerre russo-ukrainienne devrait se terminer.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Ukraine, rempart de la démocratie occidentale ?

Publié le 15 août 2025 | Temps de lecture : 1 minute

Paresseusement, je me contenterai aujourd’hui de simplement publier ici un commentaire censuré sur le site de Radio-Canada.



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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine : comme une odeur de fin de régime

Publié le 26 juillet 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Le Bureau national anticorruption (BNAC) est un corps policier spécialisé créé par le parlement ukrainien en 2014.

Employant actuellement 700 personnes, le BNAC dispose de larges pouvoirs d’enquêtes, mais n’a pas le pouvoir d’intenter des poursuites. Dans ce sens, il correspond au Québec à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Lorsqu’il estime irréfutable la preuve qu’il a recueillie, le BNAC la soumet au Bureau du procureur spécialisé anticorruption. Celui-ci est placé sous l’autorité directe du Procureur général (c’est-à-dire du ministre de la Justice).

De manière analogue, lorsque l’UPAC estime que sa preuve justifie une accusation criminelle, il la soumet à la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP), seul détenteur au Québec du pouvoir d’intenter des poursuites criminelles, et relevant du ministre de la Justice.


Lutte anticorruption : l’Ukraine vs le Québec

Pouvoir… Ukraine Québec
…d’enquête BNAC UPAC
…de poursuite Procureur spécialisé anticorruption DPCP
…de sanction Tribunal spécialisé Cour Supérieure

La loi No 12414

Le 21 juillet, des forces policières effectuaient une descente dans les bureaux du BNAC à la suite d’allégations de trafic d’influence à l’encontre de quinze de ses employés et d’une accusation d’espionnage au profit de la Russie à l’encontre d’un haut responsable.

Accusant le BNAC d’être infiltré par des agents russes, le parlement ukrainien adoptait dès le lendemain une loi qui assujettissait plus directement le BNAC au ministre de la Justice.

À l’origine, il s’agissait d’un projet de loi assez inoffensif, soumis au parlement il y a plusieurs mois, mais qui a été modifié à la dernière minute de manière inattendue.

Selon Radio-Canada, cette loi permet au ministre de la Justice de donner des ‘instructions’ au BNAC. Ce qui, en soi, est normal. En comparaison, le ministre de la Justice du Québec peut ordonner une enquête policière à la suite, par exemple, de révélations journalistiques.

Mais plus inquiétant est le pouvoir qui lui est accordé d’avoir accès aux détails de n’importe quelle enquête, de retirer au BNAC des dossiers (ceux politiquement sensibles, par exemple) pour les confier à des enquêteurs de son choix, et d’être dorénavant le seul habilité à poursuivre de hauts fonctionnaires pour corruption.

La Révolution des cartons

Dès l’adoption de cette loi, l’Union européenne a activé tout son réseau d’ONG en Ukraine pour qu’ils mobilisent les jeunes.

Afin de les galvaniser, le narratif européen soutient que la loi No 12414 «…viole l’héritage sacré de la révolution de Maïdan de 2014, qui avait placé la lutte contre la corruption et la séparation des pouvoirs au cœur du renouveau démocratique ukrainien.»

En réalité, la Révolution de Maïdan était un coup d’État destiné à empêcher la signature d’un traité de coopération économique très avantageux que la Russie proposait à l’Ukraine. Ce coup d’État n’a pas de rapport avec la création du BNAC.

Après le rejet de l’offre de la Russie, l’Union européenne n’avait rien de concret à offrir à l’Ukraine pour la sauver de la faillite. Plus tard cette année-là, le pays s’est donc tourné vers le Fonds monétaire international. Et c’est le FMI qui a conditionné son aide à l’adoption de mesures énergiques destinées à combattre la corruption dans le pays.

Les dessous de l’affaire

On doit savoir que lorsqu’une affaire est ‘classée’ (sous-entendu : classée… sans suite), on est habilité à en détruire la preuve. À défaut de quoi les archives policières crouleraient sous le poids des plaintes non fondées.

Or c’est un secret de Polichinelle que dans un pays aussi corrompu que l’Ukraine, la guerre russo-ukrainienne a été une occasion formidable d’enrichissement personnel pour les oligarques, la classe politique et le crime organisé.

D’autant plus que jusqu’ici, tous les bailleurs de fonds de l’Ukraine ont évité de lui demander de rendre des comptes. Mais l’heure des comptes approche.

Dès la fin de la guerre, les puissances occidentales tenteront de récupérer le maximum de tout l’argent qui ne s’est jamais rendu au front.

D’où l’importance des enquêtes du BNAC, sachant que celui-ci travaillait en étroite collaboration avec l’Union européenne et surtout, le FBI. Rappelons qu’en 2016, Joe Biden avait réclamé et obtenu la destitution du procureur spécialisé anticorruption (Viktor Chokine) qui ne lui plaisait pas.

Donner au ministre de la Justice ukrainien le pouvoir discrétionnaire de fermer les dossiers compromettants et d’en faire détruire la preuve sent la fin de régime…

Références :
La génération Z en colère contre le gouvernement
La loi anticorruption approuvée par Zelensky suscite la colère en Ukraine
L’engrenage ukrainien
Le SBU et l’UCP ont dénoncé un député ukrainien travaillant actuellement en Fédération de Russie : il avait une influence significative sur les activités du NABU (vidéo) (en ukrainien)
National Anti-Corruption Bureau of Ukraine
Nikolaï Azarov : Zelensky a détruit le NABU pour cacher les milliards d’Ermak
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Ukraine’s anti-corruption crackdown: How NABU and SAPO were targeted and what’s at stake
Ukraine : Une nouvelle loi sape l’indépendance des organismes anti-corruption

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Écrit par Jean-Pierre Martel