Introduction
Les différents ministres choisis par le Parlement européen forment le Conseil de l’Union européenne. Celui-ci est le ‘Conseil des ministres’ de l’Europe.
Sur proposition de sa ministre des Affaires étrangères, le Conseil a adopté le 26 juin dernier deux résolutions complémentaires dont le but est d’ajouter le nom de Nathalie Yamb sur la liste des personnes visées par les sanctions économiques de l’Union européenne (UE).
Jusqu’ici, cette liste noire était composée presque exclusivement de citoyens russes, incluant des militaires et des officiers du renseignement.
Qui est Nathalie Yamb ?
Née en Suisse en 1969 et détenant la double citoyenneté helvético-camerounaise, Nathalie Yamb est une influenceuse et une vlogueuse.
Que lui reproche l’UE ? Deux choses.
Premièrement, d’entretenir vaguement ‘des liens’ avec l’Association for free Research and International Cooperation (AFRIC), une ONG soupçonnée elle-même d’avoir ‘des liens’ avec la milice Wagner (devenue Africa Corps).
Comme 1 + 1 font 2, accepter d’être conférencière pour une ONG soupçonnée d’être la façade diplomatique d’une milice russe, c’est comme en faire partie, dit-on.
Deuxièmement, par ses idées hostiles à l’UE et plus précisément à la politique extérieure de la France, Mme Yamb est un danger pour la démocratie, l’état de droit, la stabilité et la sécurité de l’UE.
Pourtant, Nathalie Yamb ne fait pas le trafic d’armement en faveur de l’Armée rouge. Elle ne possède pas d’usines qui participent à l’effort de guerre russe. Elle n’organise pas des collectes de fonds en faveur des soldats russes. Et elle ne contourne pas les sanctions économiques contre la Russie.
Mais elle a des idées qui dérangent et elle les propage.
On ne prive pas quelqu’un de la jouissance de ses biens au prétexte que ses idées exercent trop d’influence.
On doit se rappeler que le totalitarisme n’est pas qu’une obsession du pouvoir; c’est aussi celle de contrôler la pensée du peuple.
En faisant d’une blogueuse la première personne placée sur la liste noire de l’UE pour ses idées, le Conseil de l’UE emprunte une pente glissante.
Le goulag financier
Apparemment, la paix dans le monde repose sur l’absence de critique envers l’Occident…
De nos jours, critiquer l’Occident, c’est un peu comme critiquer Staline. Sauf qu’on ne vous envoie pas dans un goulag en Sibérie. On ne fait que vous bannir du territoire européen, geler vos avoirs et vous empêcher d’effectuer toute transaction financière validée par le système Swift.
Si Mme Yamb s’était trouvée en sol européen au moment de cette décision, elle aurait été dans l’impossibilité d’acheter quoi que ce soit avec sa carte de crédit, de même que d’obtenir de l’argent d’un guichet automatique. Devant l’impossibilité d’acheter un billet d’avion, elle aurait dû quitter l’Europe à pied et mendiant sa pitance sur sa voie de sortie.
C’est évidemment mieux que d’être envoyée dans un goulag.
La démocratie européenne
En 2005, le projet de Traité de Rome-II visait à ériger l’Union européenne au rang d’État souverain dont le droit aurait eu préséance sur celui des pays membres, une primauté qui aurait même prévalue sur leurs propres constitutions.
Par référendum, le peuple français, pourtant europhile, s’opposa à cette perte de souveraineté.
Mais cette concentration des pouvoirs à Bruxelles se fit quand même puisqu’on décida d’obtenir la ratification de la France en court-circuitant la volonté populaire. Ce à quoi Nicolas Sarkosy s’employa.
Depuis l’accroissement des pouvoirs de Bruxelles, la Commission européenne dépense des dizaines de millions de dollars pour financer une multitude d’ONG qui s’immiscent dans les élections des pays européens afin de lutter contre les partis nationalistes (aussitôt qualifiés d’extrême-droite) qui s’opposent à la mainmise de Bruxelles dans les affaires intérieures de leur pays.
Dernièrement, l’Union européenne fit invalider l’élection présidentielle roumaine au motif fallacieux que le candidat en tête du premier tour avait bénéficié de l’ingérence politique de la Russie.
Même plus, dans un jugement daté du 6 mars dernier, la Cour européenne des droits de la personne a déclaré que le droit à des élections libres et démocratiques n’est pas garanti dans le cas d’une élection présidentielle. Ah bon…
L’Estonie, modèle de démocratie européenne
Puisque le bannissement de Nathalie Yamb se justifie au nom de la démocratie, voyons dans quelle mesure l’autrice de la résolution de l’UE est elle-même animée par ces principes.
Mme Kaja Kallas fut première ministre de l’Estonie de 2021 à 2024.
Selon Wikipédia, on trouve près de 80 000 sans-papiers (ou plus exactement, apatrides) sur le territoire de l’Estonie. Ces personnes ne sont pas des immigrés illégaux arrivés récemment, mais des gens qui vivent depuis des générations dans ce pays, mais à qui l’État refuse de reconnaitre la citoyenneté.
Leur histoire remonte à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Devenue république soviétique en 1945, l’Estonie (tout comme sa voisine la Lettonie) s’est fortement industrialisée au cours des deux décennies suivantes. Ce qui a entrainé un afflux important de Russophones (de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie). La conséquence de cette immigration fut une modification de la composition ethnique du pays.
À l’indépendance de l’Estonie en 1991, les dirigeants du pays ont jugé que tous les Estoniens russophones étaient des colonisateurs. Pour s’assurer de leur loyauté envers le nouveau pays, la citoyenneté ne fut accordée qu’à ceux qui apprenaient la langue estonienne. Plus de 180 000 d’entre eux l’ont fait.
Les autres sont des apatrides.
Un pays qui prive de droits civiques (dont le droit de vote) des dizaines de milliers de personnes qui y sont nées, dont la famille habite en toute légalité le territoire national depuis des générations, qui paient des taxes et impôts, n’est pas un pays qui peut donner des leçons de démocratie.
Références :
Ajout de Nathalie Yamb à la liste noire de l’UE (première résolution)
Ajout de Nathalie Yamb à la liste noire de l’UE (deuxième résolution)
Citoyenneté indéterminée (Estonie)
Il y a vingt ans, le référendum français du 29 mai 2005
Nathalie Yamb
La volonté populaire en Europe soumise à la dictature des juges : le cas de la Roumanie
Le défilé des Rhodésiens
Nathalie Yamb bannie de l’Europe
Nathalie Yamb déclarée indésirable dans l’Union européenne : Bruxelles frappe fort contre les réseaux d’influence pro-russes
Nathalie Yamb, cible de l’Europe : quand l’activisme africain croise les lignes rouges géopolitiques
Sanctionnée par l’UE, Nathalie Yamb interdite d’Europe et privée de ses avoirs
Paru depuis : Armed police threatened to arrest Kent protester for holding Palestinian flag (2025-07-17)
Il faudrait plus de précisions sur les agissements et les propos de Madame Yamb.
D’une façon plus large, s’il faut choisir entre l’UE et la Russie, il n’y a pas à hésiter.
Pour laver tout soupçon, Madame Yamb devrait militer dans une ONG pro-démocratie et pro-Droits humains comme Reporter sans frontières ou autres.
Elle se referait ainsi une réputation.
L’acte d’accusation du Conseil de l’UE contre Nathalie Yamb est clair : on l’accuse d’entretenir des liens avec des gens peu recommandables et d’adopter « le langage de Moscou ». En somme, de véhiculer de la propagande russe.
La France réclame la libération de l’écrivain algérien Boualem Sansal indépendamment de la nature de ses écrits.
Les délits d’opinion n’ont pas leur place en démocratie sauf quand il s’agit de propos haineux. Lorsque des voyous israéliens chantent « Mort aux Arabes » à Amsterdam, on nous dit que c’est de la liberté d’expression. Mais si Nathalie Yamb critique la politique désastreuse de Macron en Afrique, ou soutient le point de vue du Kremlin au sujet de la guerre en Ukraine, on voudrait nous faire croire que c’est inacceptable.
Dans les pays totalitaires, la liberté d’expression existe. Mais elle existe seulement pour ceux qui soutiennent le régime en place. Est-ce cette liberté d’expression sélective qu’on veut en Occident ?
Depuis deux semaines, le géopoliticologue français Éric Denécé se serait suicidé. Ce dont doutent tous ses proches. De plus, l’avocat franco-espagnol Juan Branco, critique virulent de Macron, a été victime de ce qui semble être une tentative d’empoisonnement sur un vol en direction d’un pays africain.
La montée de l’autoritarisme ne concerne pas qu’une poignée de pays en Europe de l’Est ou aux États-Unis, elle se manifeste de plus en plus à Bruxelles.
Nathalie Yamb est la première personne mise sur la liste noire de l’UE pour ses idées.
Cette dérive est très dangereuse. La classe politico-médiatique européenne prépare une Troisième Guerre mondiale par deux moyens complémentaires; la course aux armements et la rupture des liens économiques avec les pays-cibles, soit la Chine et la Russie.
Il n’y a qu’un moyen de prévenir les guerres; l’intégration économique. Penser que Nathalie Yamb, comme nous tous, doit choisir son camp est un point de vue dangereux.