Gaza : les mots qui comptent

Publié le 22 mars 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Au cours des semaines qui ont suivi l’attaque du Hamas et la réplique israélienne, le Canada s’est opposé à la fois à une trêve et à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Puis en décembre 2023, Ottawa a semblé faire volteface en se déclarant favorable à un cessez-le-feu durable.

L’adjectif durable était important puisque le cessez-le-feu dont parlait Ottawa concernait un arrêt des hostilités au cours duquel le Hamas aurait déposé les armes et libéré tous ses otages et ses prisonniers israéliens.

En réalité, ce qu’Ottawa appelait ‘cessez-le-feu durable’, c’était la capitulation du Hamas; un belligérant qui dépose les armes et libère ses otages est un belligérant qui capitule.

Depuis ce temps à l’Onu, les États-Unis n’ont cessé de bloquer les résolutions présentées par d’autres pays ou de proposer des amendements dont le but était de modifier implicitement le Droit international dans le but de faire reconnaitre à Israël un droit de se défendre.

Dans le langage courant, le ‘droit de se défendre’ est le droit légitime de répliquer contre n’importe quelle agression.

Toutefois, dans le contexte d’une guerre coloniale, le colonisé — ici, le peuple palestinien — a non seulement le droit de se défendre, mais également celui d’attaquer par les armes son colonisateur… du moment où il le fait en respectant le Droit de la guerre.

En pareil cas, le colonisateur ne possède pas, légalement, le droit de répliquer. Sinon, le Droit international reconnaitrait le droit de réprimer ceux qui s’opposent à leur dépossession et conséquemment, cautionnerait le droit de coloniser.

Voilà pourquoi toutes les initiatives américaines à l’Onu ont échoué jusqu’ici.

Ce matin, les États-Unis ont présenté au Conseil de sécurité de l’Onu un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. Cette résolution aurait été adoptée à 11 contre 3 (et une abstention) n’eût été les vétos de la Chine et de la Russie.

Pourquoi ces deux pays s’y sont-ils opposés ?

Ce projet de résolution comportait deux exigences.

La première concernait le Hamas. Celui-ci devait libérer tous ses otages israéliens. Précisons qu’en vertu du Droit international, seuls les civils peuvent être considérés comme des otages; les soldats ennemis sont des prisonniers de guerre (et non des otages).

La deuxième exigence s’adressait au Hamas et à Israël. Les deux étaient sommés d’entamer une négociation en vue d’un cessez-le-feu sans, toutefois, d’obligation de réussite.

Cette dernière est facile à respecter puisque, jusqu’ici, les deux parties ont procédé à d’innombrables séances officieuses de négociation, notamment grâce aux efforts diplomatiques des Émirats arabes unis.

Par contre, la première exigence des États-Unis transformait leur résolution en marché de dupe. Si le Hamas ne la respectait pas, il se retrouvait en violation du Droit international. Par contre, s’il la respectait, il perdait tout pouvoir de négociation avec Israël lors de négociations que ce dernier avait toute la latitude de faire échouer.

Références :
Cessez-le-feu dans la bande de Gaza : la Russie et la Chine mettent leur veto au projet de résolution des Etats-Unis
Droit international et géopolitique (deuxième partie)
Guerre Israël-Hamas : pourquoi Ottawa refuse-t-il de demander un cessez-le-feu?
Immédiat ou durable? Les subtilités du «cessez-le-feu» demandé par le Canada
What did the US’s vetoed Gaza ceasefire resolution say?

Complément de lecture :
Un historien du génocide face à Israël (2024-09-05)

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