REM de l’Est : à moitié redondant, éphémère et laid

Le 14 septembre 2021


 
Une redondance partielle

Le Réseau express métropolitain (ou REM) comprend deux parties.

Le REM de l’Ouest relie au Sud la ville de Brossard (en rouge, dans le coin inférieur droit de l’imge ci-dessus), puis traverse perpendiculairement trois lignes de métro avant de se ramifier en trois branches dans l’Ouest de l’ile de Montréal.

Ce faisant, il relie de vastes territoires très mal desservis jusqu’ici par le transport en commun, abstraction faite des lignes d’autobus.

D’ouest en Est sur la carte ci-dessus, le REM de l’Est (ici en cyan) commence en s’insérant entre les lignes orange et verte du métro, puis suit de près la ligne verte jusqu’au boulevard de l’Assomption pour enfin se ramifier en deux branches, l’une vers le Nord, l’autre vers l’extrémité Est de l’ile de Montréal. (Note : on cliquera sur l’image pour l’agrandir).

Entre le centre-ville et la station de métro Honoré-Beaugrand, le REM de l’Est parcourt 12 km à moins de 500 m de la ligne verte du métro.

De plus, la branche du REM de l’Est qui se dirige vers le Nord suit parallèlement le SRB (Service rapide par bus) du boulevard Pie-IX dont elle est distante de 1,75 km.

Or le SRB Pie-IX est actuellement en construction au cout de 650 millions$. Une fois terminé, ne rend-il pas cette partie du REM moins utile ?

Selon les études de marché effectuées en vue de la création du REM de l’Est, la grande majorité des utilisateurs du REM viendrait des autres services de transport collectif.

Au lieu de favoriser l’abandon de l’automobile, le REM de l’Est ne fait que cannibaliser la clientèle des autres modes rapides de transport en commun.

Le béton, un matériau fragilisé par les sels de voirie

Les Romains ont construit des édifices en béton qui tiennent encore debout, deux-mille ans plus tard. Mais, semble-t-il, ils ont emporté leur recette avec eux.

En l’an 2000, le viaduc du Souvenir s’effondrait avant même d’être complété. La ville de Laval eut plus de chance avec le viaduc de la Concorde puisqu’il fallut attendre trente longues années avant qu’il ne s’effondre de lui-même en 2006.

En 2011, les paralumes (ou brise-lumières) en béton du tunnel Ville-Marie se sont effondrés sur la chaussée de cette autoroute urbaine.

L’échangeur Turcot, construit en 1967, était tellement dégradé quarante ans plus tard qu’on a cru bon le refaire à neuf.

En 2020, le ministère des Transports du Québec annonçait un gigantesque chantier de réfection et de modernisation de toute la partie surélevée de l’autoroute Métropolitaine.

À la place, au cout très conservateur de 700 millions$ du kilomètre, deux prolongements du métro — l’un de 7,5 km vers le Nord et le second de 10 km vers l’Est — couteraient la somme totale de 12,25 milliards de dollars, soit davantage que le cout estimé du REM de l’Est. Mais cela ne serait pas à refaire à tout bout de champ.

Une laideur urbaine

Dans l’axe Est-Ouest, la ville de Montréal ne possède que trois longues rues qu’on peut qualifier d’élégantes; le boulevard Saint-Joseph, la rue Sherbrooke et le boulevard René-Lévesque.

Autrefois, le boulevard Crémazie s’ajoutait à cette courte liste. Mais traversé par l’autoroute Métropolitaine depuis 1960, il est réduit depuis au rang de voie de desserte.

Peu importe les fantaisies décoratives qu’on ajoutera au REM de l’Est, sa portion terrestre ‘déviergera’ à la fois le boulevard René-Lévesque et la portion orientale de la rue Sherbrooke en raison, entre autres, de la forêt de caténaires qui sont indispensables à son fonctionnement.

En moins de dix ans, les piliers de sa portion suspendue seront couverts de graffitis.

Et on regrettera pendant longtemps la stupidité des Montréalais qui, au premier quart du XXIe siècle, ont laissé leur ville être enlaidie par des gestionnaires de portefeuilles financiers à qui l’État a confié les pleins pouvoirs sur l’urbanisme de la métropole.

Références :
Échangeur Turcot
En mémoire aux victimes des viaducs du Souvenir et de la Concorde
L’autoroute Métropolitaine sera reconstruite sur 5 kilomètres
La Vérif : 5,9 ou 10 milliards pour la ligne de métro rose de Valérie Plante?
Peut-on encore croire CDPQ Infra ?
REM de l’Est : « encore une entourloupette », croit Gérard Beaudet
REM de l’Est – La science de la planification des transports a-t-elle été bafouée ?
REM : Québec paierait 3 fois l’investissement de la Caisse, selon une étude
Tunnel Ville-Marie : Sam Hamad et Anne-Marie Leclerc doivent démissionner
Valérie Plante veut des « preuves »

Parus depuis :
REM – Pas tout à fait comme sur la photo (2021-12-02)
Le sel de déglaçage ronge nos ponts en acier et en béton (2023-03-13)
La facture du REM grimpe à un train d’enfer (2023-05-20)
L’inacceptable bruit du REM (2023-06-12)
Le REM, notre voisin exemplaire (2023-06-18)

Complément de lecture :
La véritable histoire de la naissance du REM (2023-09-01)

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4 commentaires à REM de l’Est : à moitié redondant, éphémère et laid

  1. Marc Durand dit :

    J’apprécie ce texte. Par contre je crois qu’après avoir rejetté une proposition, il est utile de proposer une alternative.

    C’est ce que j’ai fait récemment. Lisez le document à ce lien :
    REM de l’Est – une approche différente

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Le projet que vous défendez a beaucoup de qualités. Il est nettement supérieur à celui de la CDPQ Infra.

      Je vous invite à rendre le vôtre plus ambitieux.

      Lorsqu’on planifie des infrastructures majeures destinées à être utilisées pendant des décennies — sinon pendant plus d’un siècle — il faut voir la ville non pas telle qu’elle est, mais telle qu’elle est appelée à devenir.

      La rue Sherbrooke possède la vocation d’une rue de prestige. L’équivalent montréalais du Grand Axe Paris-La Défense. Du coup, il est hors de question de transformer sa partie orientale en desserte d’un REM sur pylônes.

      Je sais que cet aspect de votre projet est facultatif. Mais il faut écarter d’emblée cette possibilité.

      D’autre part, en fusionnant le REM de l’Est et la ligne verte du métro à la station Honoré-Beaugrand, vous empêchez la ligne verte et la ligne bleue actuelle de se prolonger vers l’Est et de former ultérieurement une boucle en ‘U’ (en vert sur la carte ci-dessous), comme le fait déjà la ligne orange du métro.

      En quoi cela est-il important ?

      Un jour le Québec se dotera d’un TGV Montréal-Trois-Rivières-Québec. Or la solution la plus économique pour qu’il se rende jusqu’au centre-ville, ce sera de permettre au TGV de cannibaliser les infrastructures — tunnels et voies — du REM de l’Est et de recycler les wagons de l’ancien REM de l’Est en wagons du REM de l’Ouest (dont on augmentera la fréquence pour répondre à l’affluence qui aura augmenté depuis).

      Et parce que ses voies seront appelées à être utilisées ultérieurement par un TGV, le tracé du REM de l’Est devra être aussi rectiligne que possible (ici en cyan sur la carte).

      Malheureusement, en fusionnant la ligne verte et le REM de l’Est (comme vous le proposez), cela sera impossible; on devra construire les voies d’un TGV à partir de rien. Ce qui en augmentera les couts et prolongera l’hésitation à l’entreprendre.

      Bref, votre projet me plait. Mais je vous prie de le rendre encore plus extraordinaire.

      • Durand dit :

        J’ignore si le prolongement du métro jusqu’à Pointe-aux-Trembles dans une grande boucle qui se raccorderait ensuite à un autre grand prolongement de la ligne bleue pourra un jour constituer un projet réaliste.

        Mon tracé turquoise est en effet beaucoup plus terre-à-terre et il vise à présenter maintenant une alternative crédible à ce que CDPQ Infra présente comme projet de référence.

        Sous Sherbrooke jusqu’à Pointe-aux-Trembles, le REM pourrait aussi être en tunnel comme je l’ai indiqué “Ce tronçon entre Beaugrand et Pointe-aux-Trembles pourrait sans doute être aussi foré par tunnelier dans de bonnes condition“.

        Je crois que votre point de vue est très global et envisage un projet très complet de transport collectif

        Rien n’est contradictoire et il serait souhaitable que Autorité régionale de transport métropolitain examine vraiment et publie une vision d’avenir comme la vôtre.

        J’apprécie votre commentaire détaillée. Vous pourriez l’inscrire au bas de mon texte ?

      • Jean-Pierre Martel dit :

        Votre invitation m’honore.

        J’ai publié le commentaire au bas de votre texte sur remdelest.blogspot.com.

        Mais je ne sais pas comment téléverser la carte. Pourriez-vous l’ajouter, si cela est possible ?

        Merci encore pour votre invitation.

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