Alstom est connue au Québec pour avoir fait l’acquisition de Bombardier Transport le 29 janvier 2021.
Pendant plus de deux décennies, Frédéric Pierucci fut cadre d’une division de cette multinationale française.
Le 14 avril 2013, il est arrêté à l’aéroport JFK de New York sous l’accusation d’avoir participé à une affaire de corruption en 2003-2004.
À cette époque, Alstom était en compétition avec une entreprise américaine en vue de l’obtention d’un contrat de construction d’une centrale électrique en Indonésie.
À la suggestion des dirigeants indonésiens, Alstom avait retenu les services de démarcheurs payés au succès; si Alstom obtenait le contrat, ceux-ci recevaient entre 1 et 3 % du prix du contrat.
Or il s’est avéré que ces démarcheurs ont corrompu les responsables indonésiens afin de toucher leur commission.
Pour le ministère de la Justice américaine (DoJ), Alstom est responsable d’aveuglement volontaire et aurait dû savoir que ce mode de rémunération incitait ces démarcheurs à corrompre.
La Foreign Corrupt Practices Act habilite le ministère de la Justice américaine à poursuivre toute entreprise étrangère qui violerait une loi des États-Unis. Et ce, même lorsque le délit a été commis dans un pays étranger (comme c’est le cas ici).
Soutenu par Washington, c’est le principe de l’extraterritorialité des lois américaines.
Dans les cas de corruption impliquant des entreprises étrangères, les pénalités sont généralement au-delà d’un demi-milliard de dollars américains. En 2019, après avoir plaidé coupable, Alstom fut condamnée à payer 772 millions$US.
À l’époque de l’arrestation de Frédéric Pierucci en 2013, General Electric est en négociation secrète avec Alstom en vue de l’achat de sa division électrique (celle dirigée par Pierucci).
Frédéric Pierucci devient donc l’otage qui fait peser une épée de Damoclès sur Alstom afin de l’obliger à accepter l’offre de General Electric.
Il ne sera libéré qu’après que la vente fut validée par la Commission européenne.
En une décennie, Alstom devenait ainsi la cinquième entreprise acquise par General Electric grâce à la complicité du DoJ. En effet, par le biais de Foreign Corrupt Practices Act, le DoJ participe activement à la guerre économique que livrent les États-Unis à ses propres alliés.
Dans le cas d’Alstom, les procureurs américains avaient épié 300 000 courriels internes de la compagnie en utilisant le réseau de surveillance créé officiellement pour combattre le terrorisme, mais qui est principalement utilisé à des fins d’espionnage industriel.
Le rôle du DoJ est d’affaiblir et de déstabiliser les entreprises étrangères aux fins de rachat et de capture par des entreprises américaines.
En plus de l’amende qui sert à réduire la valeur capitalisée de l’entreprise, le DoJ jette en prison un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise afin d’intimider les autres et les inciter à accepter l’offre.
Même lorsque ces dirigeants évitent de transiter par les États-Unis (afin de ne pas y être arrêtés), Washington donne l’ordre à des pays qui lui sont inféodés de procéder à leur arrestation puis de les extrader aux États-Unis.
Dans le cas d’Alstom, quatre de ses dirigeants furent arrêtés pendant que se déroulaient les négociations avec General Electric.
D’autre part, la compagnie américaine promettait un généreux bonus aux membres du Conseil d’administration s’ils recommandaient aux actionnaires sa prise de contrôle.
Les vingt-et-un dirigeants d’Alstom ont reçu un bonus additionnel de 30 millions d’euros, dont 4 millions pour le président sortant.
Références :
Alstom
Alstom condamnée à une amende de 772 millions pour corruption
Entrevue de Frédéric Pierucci à Thinkerview
Frédéric Pierucci
Le piège General Electric