L’expérience française
En France, où le cannabis est illégal, la consommation de cannabis est la plus élevée d’Europe. Autre particularité, le cannabis y est fumé davantage sous forme de hachich qu’en feuilles.
L’administration orale accidentelle de hachich — qui, pourtant, n’a pas l’attrait des produits dérivés — été responsable de 136 des 187 intoxications au THC observées chez les enfants de moins de six ans dans les hôpitaux pédiatriques de France de 2010 à 2014.
Près de 86 % de l’ensemble des cas l’ont été chez des bébés de moins de deux ans.
Parmi les symptômes observés, notons le coma (16,9 %), le rythme cardiaque élevé (14,2 %), et les convulsions (5,5 %). L’admission aux soins intensifs a été nécessaire dans 14,7 % des cas.
Précisons qu’il est impossible d’attribuer ces symptômes au THC seul puisque le hachich vendu illégalement en France peut contenir des contaminants.
L’expérience du Colorado
Au Colorado, c’est en janvier 2014 que débutait la commercialisation des produits dérivés du cannabis.
Dès la première année, cette industrie a généré des ventes de 573 millions$US dont près de la moitié, 257 millions$US, en produits dérivés.
En raison de la somnolence qu’il provoque, le cannabis n’est jamais mortel lorsqu’il est fumé; l’utilisateur s’endort avant d’avoir atteint une dose qui mettrait sa vie en péril.
Mais au Colorado, trois adultes sont morts d’avoir consommé des produits dérivés.
Qu’en est-il chez les enfants ?
À chacune des deux années qui ont suivi la commercialisation des produits dérivés, 16 enfants ont été admis à l’une ou l’autre des urgences ou des unités de soins intensifs des hôpitaux pédiatriques de l’État.
Leur âge médian fut de 2,4 ans.
Contrairement à l’expérience française, ce sont ici les produits dérivés qui sont responsables de 94 % des admissions pédiatriques pour intoxication au cannabis.
Sur l’ensemble des 62 cas rapportés au Colorado depuis 2009 — soit 6 cas par année avant la légalisation des produits dérivés et 16 cas par année depuis — les intoxications pédiatriques au cannabis l’ont été :
• par des boissons (48 % des cas),
• par des pâtisseries (27 %),
• par des friandises (16 %),
• par du maïs soufflé (3 %).
L’expérience du Québec
Par extrapolation à partir de l’expérience du Colorado, la légalisation des produits dérivés au Québec occasionnerait annuellement 21 admissions dans nos urgences et soins intensifs pédiatriques sur l’ensemble des 23 qui seraient causées par l’intoxication au cannabis sous toutes ses formes.
Toutefois, certains indices nous laissent croire que la situation pourrait être pire.
Depuis la légalisation du cannabis, 26 enfants ont été admis à l’Hôpital de Montréal pour enfants alors qu’avant le 17 octobre 2018, leur nombre était d’un par année.
Puisque les produits dérivés ne sont pas encore légalisés, il s’agissait de petits gâteaux et de biscuits au cannabis fait artisanalement par des parents qui, imprudemment, les ont laissés à portée de leurs enfants.
À l’hôpital Sainte-Justine, le nombre est passé de deux par année entre 2012 et 2016 à 11 en 2018-2019.
Dans la ville de Québec, on parle de 15 cas depuis le 6 février 2019.
Conclusion
N’importe quel parent sait que dès qu’ils commencent à se déplacer à quatre pattes, les enfants portent à leur bouche n’importe quoi. Y compris des choses qui nous répugnent.
L’expérience française nous apprend que même si le THC se présente sous forme de fragments de hachich qui ressemblent à des excréments de petits rongeurs, il causera des intoxications pédiatriques.
Il est donc naïf de penser qu’on peut prévenir la plupart des empoisonnements au cannabis en interdisant la commercialisation de produits dérivés qui se présentent sous une forme attrayante.
C’est portant une des principales exigences sur lesquelles compte le gouvernement canadien pour assurer la protection du public.
En plus de l’aspect, les friandises au cannabis devront être enveloppées individuellement.
Toutefois, rien ne distinguera une friandise normale d’une friandise à la drogue sans sa pellicule.
Cela signifie que toute friandise obtenue d’un inconnu à l’occasion de l’Halloween devra être jetée systématiquement au cas où cet inconnu aurait eu l’idée de faire une plaisanterie de très mauvais gout en retirant la pellicule qui permettait de savoir qu’elle contenait du THC.
Ottawa s’oppose également à toute politique québécoise qui serait plus restrictive que la sienne.
Selon un jugement récent de la Cour supérieure au sujet du cannabis, le gouvernement du Québec ne pourra pas interdire ce que le fédéral permet.
Ce qui signifie que les produits dérivés seront commercialisés au Québec, qu’on le veuille ou non.
Voilà le prix de notre appartenance au Canada.
Références :
Cannabis and Canada’s children and youth
La légalisation des produits dérivés du cannabis
Half-Baked — The Retail Promotion of Marijuana Edibles
L’interdiction de faire pousser du «pot» à domicile invalidée
Multiplication des intoxications au cannabis chez les enfants
Pediatric marijuana exposures in a medical marijuana state
The Implications of Marijuana Legalization in Colorado
Unintentional Cannabis Ingestion in Children: A Systematic Review
Unintentional Cannabis Intoxication in Toddlers
Unintentional Pediatric Exposures to Marijuana in Colorado, 2009-2015
Parus depuis :
Trois élèves à l’hôpital après avoir mangé des bonbons au pot dans l’autobus à Repentigny (2022-05-10)
Cannabis candies found in children’s Halloween treats, Winnipeg police say (2022-11-01)
Cannabis comestible : les nouveaux produits salés de la SQDC touchent-ils la cible? (2024-01-17)
Cannabis : un enfant hospitalisé après avoir mangé des biscuits ressemblant à des Oreo (2024-09-10)
Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.