La guerre civile syrienne et ses enjeux

17 septembre 2014

Mise en contexte

Parmi les arguments secondaires invoqués par le gouvernement américain pour justifier la guerre en Irak auprès du peuple américain, il y avait cet espoir que l’Irak — une fois pacifiée et modernisée en se modelant sur ses envahisseurs bienveillants — serve d’exemple à l’ensemble des peuples de la région.

Complètement imprévu, le Printemps arabe est apparu comme une occasion inespérée pour la Droite américaine de justifier à postériori cette guerre et l’occupation militaire de l’Irak, devenues ruineuses et impopulaires.

Originellement motivé par un désir d’être respecté et d’être soustrait à l’arbitraire, le Printemps arabe a été présenté aux Américains comme un élan — non pas en faveur de la justice, ce qu’elle était originellement — mais plutôt en faveur de la Démocratie parlementaire à l’occidentale, un élan suscité par la démocratisation de l’Irak, ce qui est totalement faux.

Par le biais des agences de nouvelles, toute la machine de propagande américaine s’est employée à manipuler des milliers de participants sur les médias sociaux afin qu’ils encouragent les jeunes insurgés. De son côté, l’Arabie saoudite a usé de son influence sur le clergé de nombreux pays pour que la prière du vendredi se transforme en appel à la révolte.

Comme des dominos qui tombent les uns sur les autres, après avoir enflammé les pays musulmans qui bordent la Méditerranée, la révolte a finalement atteint la Syrie.

La Syrie, État pivot

Carte de la Syrie
 
La Syrie est un État multiconfessionnel qui, de ce fait, aurait été plus tôt en proie à des affrontements ethniques n’eut été l’autoritarisme sanglant de ses dirigeants.

Contrairement aux autres pays du Printemps arabe, la Syrie, une fois poussée à la guerre civile, est devenue le champ d’une bataille que se livrent des puissances étrangères.

En gros, il y a deux clans.

Du côté gouvernemental, il y a l’Iran et certains groupes irakiens chiites. Derrière eux, il y a la Russie et la Chine.

Du côté des insurgés, il y a le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie. Derrière ceux-ci se trouvent les États-Unis et l’Europe occidentale.

Le clan gouvernemental

La Syrie est le principal allié arabe de l’Iran. C’est par le biais de la Syrie que l’Iran achemine armes et financement au Hezbollah libanais (de confession chiite).

La Russie est le principal fournisseur d’armes du régime de Bachar el-Assad. Non seulement la Syrie est le client et le seul allié qui lui reste dans la région, mais c’est à Lattaquié qu’est construite la seule base maritime russe en Méditerranée.

Le clan des insurgés

Situés de part et d’autre du Golfe persique, le Qatar est rival de l’Iran dans l’exploitation d’un des principaux champs gaziers du monde, situé à cheval entre les deux pays. Afin d’acheminer son gaz naturel vers l’Europe, le Qatar projetait la construction d’un gazoduc partant de ce pays et qui aurait traversé l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Syrie. De son côté, afin d’acheminer le gaz de ce même gisement à partir de son territoire, l’Iran projetait la construction d’un gazoduc traversant plutôt l’Irak et la Syrie.

Ces deux projets avaient une chose en commun; la traversée du territoire syrien. Mais entre les deux, Bachar el-Assad a opté pour le projet de son allié, l’Iran. D’où la détermination des Qataris de le renverser à tout prix.

À la merci de la Russie pour son approvisionnement en gaz naturel, l’Europe occidentale ne gagne rien à se libérer de la Russie si c’est pour devenir dépendant au gaz iranien. Voilà pourquoi, elle n’a pas d’autre choix que de se ranger derrière les Qataris.

Mais ce faisant, l’Europe joue un jeu extrêmement dangereux. Au cours de la guerre en Irak, deux pays servaient de tampons pour freiner le flot des réfugiés irakiens en direction de l’Europe : la Syrie et la Turquie.

En déstabilisant la Syrie, la Turquie devient le seul tampon qui protège l’Europe de l’invasion de centaines de milliers de réfugiés provenant d’une région mis à feu et à sang par des puissances étrangères.

La Turquie, parfaitement consciente de la montée de son importance stratégique, a acheminé 47 tonnes de matériel militaire aux insurgés.

Pendant des siècles, l’Europe — surtout l’Autriche — a vécu dans la peur d’une invasion ottomane. Ironiquement, c’est maintenant le contraire; le continent européen dépend, entre autres, de la Turquie pour sa sécurité.

Sans avoir besoin d’adhérer à l’Union européenne, la Turquie pourra bientôt monnayer la dépendance à son égard en exigeant des traités bilatéraux Europe-Turquie qui lui seront favorables.

La guerre civile syrienne fait partie d’un grand processus de déstabilisation du Moyen-Orient. Cette déstabilisation a pour but de créer des occasions d’affaires pour l’industrie militaire et empêcher les pays producteurs de pétrole d’appliquer leurs revenus à des fins autres qu’à leur propre défense et à la poursuite de leurs intérêts stratégiques.

Longtemps clients de l’industrie de la torture syrienne, les États-Unis n’ont plus besoin d’elle puisqu’ils la pratiquent maintenant ouvertement.

Ils aimeraient un changement de régime en Syrie parce qu’ils veulent que ce pays cesse d’acheminer des armes et du financement iranien aux milices du Hezbollah; ces dernières déstabilisent le Liban et se servent de ce pays comme base opérationnelle pour attaquer son allié le plus important de la région, Israël.

Référence : Guerre civile syrienne

Paru depuis :
If the Castle Falls: Ideology and Objectives of the Syrian Rebellion (2015-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel