Test comparatif : infrarouge à 720nm vs à contraste élevé

Publié le 19 septembre 2014 | Temps de lecture : 7 minutes

Préambule

Les capteurs des appareils photo ne sont rien d’autre que des compteurs de photons (c’est-à-dire de grains de lumière). Mais ils ne sont pas limités à la lumière visible. Si on enlève le filtre qui leur bloque l’infrarouge, ces capteurs comptent alors le rayonnement infrarouge comme si c’était de la lumière visible.

Si le rayonnement infrarouge ne cause pas de problème pour les capteurs, en revanche cela représente un défi pour les logiciels qui lisent les fichiers bruts des appareils infrarouges.

En effet, ces logiciels sont conçus pour lire le dénombrement enregistré dans les fichiers bruts et le répartir en couches rouge, bleu et vert. Or dans une image infrarouge, il n’y a ni rouge, ni bleu, ni vert. Si on devait demander à ces logiciels de nous créer une vraie photo infrarouge, celle-ci serait totalement noire puisque l’infrarouge est invisible à nos yeux.

Alors que font-ils ? Ils créent plutôt une fausse image en couleur. Par convention, elle est habituellement rouge ou violette mais elle serait bleue ou verte que ce serait tout aussi artificiel.

Les filtres infrarouges

La photographie infrarouge vise à capter le rayonnement compris entre 750nm et 1300nm. Plusieurs types de filtres peuvent être utilisés à cette fin.

On les distingue par la limite en deçà de laquelle la lumière est bloquée. Par exemple, on parlera d’un filtre de 590 nanomètres, 665 nm, 720 nm (les plus populaires), 850 nm ou 950 nm (dit à contraste élevé). Puisque la frontière entre la lumière rouge et les rayons infrarouges se situe aux alentours de 750 nm, les premiers filtres laissent passer le rouge profond, alors que les derniers bloquent complètement la lumière visible.

Puisque les capteurs des appareils photo numériques cessent d’être sensibles à l’infrarouge au-delà de 1300 nm, les photos infrarouges enregistrent donc le rayonnement entre 750 nm et 1300 nm, soit l’infrarouge rapproché.

Lorsque j’ai décidé de transformer mon appareil photo couleur en appareil infrarouge, j’ai choisi la conversion en infrarouge de 720nm. Tout simplement parce que c’était la plus populaire. Mais avais-je fait le bon choix ?

Pour en avoir le cœur net, je me suis procuré un filtre infrarouge de 950nm pour la somme de 8,50$, soit 6,6 euros. Vissé à l’objectif de mon appareil, il le transforme instantanément en appareil infrarouge de 950nm. En effet, si théoriquement l’appareil pourrait accepter la lumière comprise entre 720nm et 950nm, il ne la reçoit jamais puisqu’elle est bloquée par le filtre externe.

Conditions du test comparatif

Les photos qui suivent ont toutes été prises avec le même appareil, le même objectif, le même jour, et au même endroit. Lorsque deux photos sont comparées, elles ont exactement la même focale, le même ISO, et la même ouverture de diaphragme.

Ce qui les distingue, c’est deux choses. Premièrement, le filtre infrarouge — de 720nm à l’intérieur ou de 950nm à l’extérieur de l’appareil — et la vitesse d’obturation, considérablement plus lente pour le filtre de 950nm puisqu’il laisse passer beaucoup moins de lumière.

Tel quel (ou presque)


720nm et 950nm : réduction de la taille de l’image et recadrage seulement

Par défaut, toutes les photos infrarouges manquent de netteté. En dépit de l’augmentation du contraste des tons moyens effectuée au moment de l’importation de l’image sous Photoshop (clarté +80), le résultat est fade dans les deux cas.

La seule différence notable est que la photo de 720nm est légèrement sépia alors que celle de 950nm est bleutée; cette différence ne veut rien dire, comme nous l’avons vu en préambule.

De plus, le feuillage sur la photo prise à l’infrarouge dit « à contraste élevé » — la bleue — semble, au contraire, avoir légèrement moins de contraste.

Après ajustement


720nm et 950nm : après traitement avec Adjust de Topaz Labs

Sous Photoshop, avant la conversion en blanc et noir, j’ai l’habitude depuis quelque temps de traiter mes infrarouges à l’aide d’un logiciel d’appoint (plug-in) appelé Adjust de l’éditeur Topaz Labs. Le module s’appelle « Detail ». Grâce à lui, les photos ont plus d’impact.

Encore ici, le ciel semble plus foncé sur la deuxième photo. Mais à part cette différence, les deux sont assez semblables sauf, encore une fois, un peu moins de contraste dans la photo prise à l’infrarouge dit « à contraste élevé ».

Après suppression de la couleur


720nm et 950nm : + conversion en blanc et noir

720nm et 950nm : + conversion en blanc et noir

720nm et 950nm : + conversion en blanc et noir

Au-delà de nos préférences personnelles — et qui auraient pu être différentes si ces photos avaient été traitées différemment — ce qu’il faut retenir, c’est que sur les infrarouges de 950nm, les ciels sont plus foncés et le feuillage y est légèrement moins contrasté. Donc si on parle d’infrarouge à contraste élevé, c’est uniquement parce qu’au premier coup d’œil, les ciels sont plus sombres.

Autres différences

Reflets solaires avec filtre externe

Lorsqu’on photographie à contrejour, certains objectifs ont une tendance à capter des reflets du soleil, particulièrement lorsqu’on les prive d’un pare-soleil.

En vissant un filtre à ces objectifs, on augmente la probabilité d’obtenir de tels reflets. Cela est d’autant plus visible lorsqu’ils apparaissent sur des ciels plus foncés. Précisons que ces reflets, lorsqu’ils sont visibles, sont assez discrets; dans l’exemple ci-dessus, je l’ai vraiment fait par exprès.

Donc l’utilisation d’un filtre extérieur — peu importe lequel — augmente le risque de créer de tels reflets. Cela ne serait pas le cas si j’avais opté dès le départ pour une conversion à 950nm.

Milieu aquatique en infrarouge à 720nm

Plus de la moitié de l’énergie solaire est constituée de rayonnement infrarouge. Conséquemment, par temps ensoleillé, n’importe quel objectif fait l’affaire. Toutefois, dans les conditions de faible luminosité, la photographie infrarouge nécessitera l’emploi d’un objectif lumineux. Et ce qui pourrait être à peine suffisant pour l’infrarouge de 720nm, pourrait s’avérer impossible pour l’infrarouge de 950nm.

Dans le cas de cette mare à poissons, plutôt ombragée, il m’a été impossible de prendre des infrarouges de 950nm puisque le temps d’exposition dépassait souvent une demi-seconde alors que sous l’infrarouge de 720nm, il variait entre 1/30e et 1/500e de seconde.

Conclusion

Les photos obtenues avec des filtres infrarouges ordinaires ressemblent énormément à celles obtenues avec des filtres à contraste élevé. Ces derniers sont appelés ainsi parce qu’ils donnent des ciels et les surfaces d’eau plus sombres qu’avec des filtres qui laissent passer un peu de lumière visible.

La seule véritable différence entre les deux, c’est que les filtres à contraste élevé bloquent toute la lumière visible et suffisamment du rayonnement infrarouge pour nécessiter des temps d’exposition prolongés en comparaison avec les filtres de 720nm. Plus précisément, les filtres de 950nm laissent passer environ 24 fois moins de lumière vers le capteur que le font les filtres de 720nm.

Détails techniques : Appareil Panasonic GH1 transformé en appareil infrarouge de 720nm, objectif Lumix 14-42mm II
  1re photo : 1/800 sec. — F/5,6 — ISO 100 — 14 mm
  2e  photo : 1/30 sec. — F/5,6 — ISO 100 — 14 mm
  3e  photo : 1/1250 sec. — F/5,6 — ISO 100 — 14 mm
  4e  photo : 1/40 sec. — F/5,6 — ISO 100 — 14 mm
  5e  photo : 1/800 sec. — F/5,0 — ISO 100 — 16 mm
  6e  photo : 1/40 sec. — F/5,0 — ISO 100 — 16 mm
  7e  photo : 1/500 sec. — F/5,0 — ISO 100 — 22 mm
  8e  photo : 1/30 sec. — F/5,0 — ISO 100 — 22 mm
  9e  photo : 1/1250 sec. — F/6,3 — ISO 100 — 20 mm
10e  photo : 1/50 sec. — F/6,3 — ISO 100 — 20 mm
11e  photo : 1/50 sec. — F/5,0 — ISO 100 — 20 mm
12e  photo : 1/500 sec. — F/5,6 — ISO 100 — 42 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel