Déchiffrer Donald Trump

Publié le 21 février 2025 | Temps de lecture : 10 minutes

Introduction

Le 3 février dernier, la couverture du Journal de Montréal a fait le tour du monde.

Imaginer que l’homme le plus puissant du monde soit stupide, voilà ce qui peut faire du bien à ceux qui sont frustrés par ses décisions, mais cela n’aide personne à comprendre la logique qui l’anime, si logique il y a.

La géographie condamne les Québécois à partager leur sort avec Donald Trump. Et le meilleur moyen de rendre cette promiscuité supportable est d’anticiper ses attentes pour mieux s’y préparer.

Le quotient intellectuel de Trump

Personne ne connait le QI du président américain.

Un indice nous en est donné par le fait qu’il a réussi son admission à l’école Wharton de l’Université de Pennsylvanie. C’est une des écoles de commerce les plus prestigieuses au monde. Et conséquemment, une des maisons d’enseignement les plus sélectives des États-Unis.

Précisons qu’il en est sorti avec un baccalauréat en économie et en anthropologie.

Le vocabulaire du citoyen Trump

Dans un article paru la semaine dernière dans La Presse, Marie-France Bazzo écrit que 62 % des mots utilisés par Trump sont monosyllabiques.

Cette information est capitale; la clé de la compréhension de Trump est qu’il lit peu. Ce qui fait qu’il n’a pas de vocabulaire. Or on ne peut pas développer une pensée complexe à partir d’un vocabulaire limité.

En contrepartie, c’est un excellent communicateur. À preuve : il a réussi à convaincre la majorité des Américains de voter pour lui. Ce qui l’aide, c’est justement qu’il utilise des mots simples et familiers que tout le monde comprend.

Les obsessions présidentielles

Si l’absence de vocabulaire est essentielle à la compréhension de la personne qu’est Donald Trump, les politiques apparemment irrationnelles de son administration deviennent beaucoup plus cohérentes si on émet l’hypothèse que le président des États-Unis est obsédé par quatre préoccupations majeures : la dette du gouvernement américain, son déficit courant, le déficit de la balance commerciale du pays et la menace chinoise à l’hégémonie américaine.

La dette du gouvernement américain

Le déficit accumulé du gouvernement des États-Unis s’élève à plus de 33,4 mille-milliards de dollars, soit environ 121 % de son PIB.

Cet endettement nuit à la justification de la réduction des recettes fiscales (au profit des riches) à laquelle Trump entend procéder.

Jusqu’en 1971, le dollar américain était adossé à l’or. Cela signifie que chaque fois que la Banque fédérale américaine imprimait un billet de banque, elle s’assurait de détenir son équivalent en or.

À l’époque, le PIB américain était de 1,16 mille-milliards de dollars (en dollars courants). En 2023, il était de 27,72 mille-milliards$, soit 24 fois plus.

Pour soutenir les échanges commerciaux, il est normal que la masse monétaire augmente au fur et à mesure que s’accroit le PIB.

Malheureusement, depuis que le dollar américain n’est plus adossé à l’or, les États-Unis se sont servis de la planche à billets pour éponger leurs déficits; au lieu de multiplier la masse monétaire de 24 fois, ils l’ont augmentée de 30 fois, soit six fois plus que nécessaire.

La partie qui sommeille dans les réserves de devises des banques centrales à travers le monde s’élève à elle seule à 6,8 mille-milliards de dollars, soit 24,8 % du PIB américain.

Ce qui fait que les États-Unis sont le pays le plus endetté au monde (en montant absolu) et un des plus endettés en pourcentage de son PIB (après l’Ukraine, le Japon, le Soudan, Singapour et la Grèce).

Non seulement les réserves d’or du Trésor américain sont inférieures à la masse monétaire en circulation, elles sont même inférieures à la dette officielle des États-Unis.

Ce qui signifie que si tous les créanciers du gouvernement américain se présentaient demain pour être payés en or, les États-Unis seraient alors en défaut de paiement.

Voilà pourquoi la dédollarisation de l’économie mondiale est une menace existentielle à l’hégémonie américaine.

Le déficit budgétaire du gouvernement américain

En 2024, le déficit budgétaire du gouvernement américain fut le troisième plus élevé de son histoire, à 6,4 % du PIB.

Le moyen le plus logique de réduire la dette d’un gouvernement, c’est de dégager des surplus budgétaires. Ce qui est impossible sans une réingénierie de l’État américain.

C’est ce à quoi s’applique présentement Elon Musk.

L’abolition de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) est la première étape de cette réingénierie.

Faire appel à l’empathie de Donald Trump — si cette vertu existe chez lui — pour lui faire réaliser que cela condamne à la famine des millions de miséreux à travers le monde n’y changera rien.

Pareillement, on pourrait invoquer le fait que l’USAID est une partie importante du Soft Power des États-Unis et que l’abolition de l’Agence laisse le champ libre à la Russie et à la Chine pour courtiser les pays du Sud Global. Trump le sait déjà.

Mais cette décision est un choix politique; le gouvernement américain n’a plus les moyens de consacrer autant d’argent à combattre la misère dans le monde.

On peut anticiper qu’une autre étape de cette réingénierie sera la fermeture de nombreuses bases militaires américaines et le rappel de la majorité des cent-mille soldats américains stationnés dans une Europe pacifiée grâce à lui.

Cela entraine une réduction de la puissance militaire des États-Unis.

Encore là, les protestations des analystes et des experts n’y changeront rien. Dès son premier mandat, Donald Trump a fait pivoter la politique étrangère des États-Unis vers le Pacifique. Or ce basculement implique qu’on abandonne des bases militaires devenues superflues.

De la même manière, on peut s’attendre à ce que plusieurs mesures sociales dont bénéficie le peuple américain passent à la déchiqueteuse.

Dans un autre ordre d’idée, Donald Trump semble s’entendre très bien avec d’autres dirigeants autoritaires. L’explication facile est que le président américain est un être narcissique qui voit en eux des alter ego.

Mais on peut aussi avancer l’hypothèse que les États-Unis ne peuvent plus assurer seuls le respect de l’ordre mondial et qu’ils jugent nécessaire de partager implicitement cette responsabilité avec les puissances qui en sont capables.

La volonté de réduire de manière draconienne le déficit du gouvernement américain par le moyen de décrets présidentiels soulève une question fondamentale; le président des États-Unis en a-t-il le pouvoir constitutionnel ? C’est une question à laquelle les tribunaux américains auront à répondre.

Toutefois, par le moyen de la ‘procédurite’, les avocats ont transformé l’appareil judiciaire des États-Unis en machine à sous au profit de leur caste sociale. Et ce, en contrepartie d’une lenteur extrême. Conséquemment, un jugement définitif à ce sujet pourrait prendre des mois, voire des années. À l’issue de quoi les tribunaux risquent d’être placés devant le fait accompli.

D’où la vitesse avec laquelle Elon Musk réduit la taille de l’État américain.

Le déficit commercial des États-Unis

Donald Trump est obsédé par le déficit de la balance commerciale américaine.

À ses yeux, les États-Unis se comparent à une compagnie dont les dépenses sont supérieures à ses revenus. Or il sait qu’en pareil cas, l’entreprise se dirige vers la faillite.

Il s’attaque donc à tous les pays — amis ou non — dont la balance commerciale est excédentaire à l’égard des États-Unis.

Il le fait par le biais de tarifs douaniers.

Depuis des années, Donald Trump fait campagne contre les taxes et les impôts (qu’il promet de réduire ou d’abolir). Voilà pourquoi son administration préfère aujourd’hui parler de ‘tarifs’ (douaniers) et non de ‘taxe à l’importation’.

Toujours dans le but de réduire le déficit commercial des États-Unis, Donald Trump entend imposer aux pays vassaux des États-Unis le paiement d’un tribut sous forme d’achats obligatoires d’armements américains.

La menace chinoise à l’hégémonie américaine

L’économie américaine est la plus importante au monde, suivie par celle de la Chine. En 2023, leurs PIB ont été respectivement de 27,7 mille-milliards de dollars et de 17,8 mille-milliards$, loin devant l’Allemagne, en troisième place, avec un PIB de 4,5 mille-milliards$.

L’écart entre les deux se rétrécit d’année en année puisque le taux de croissance de l’économique chinoise est supérieur à celui des États-Unis (environ 5,0 % vs 2,8 % en 2024).

Bref, à moins d’un bouleversement inattendu, la Chine redeviendra la première puissance économique du monde, une place qu’elle a perdue dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

Pour les États-Unis, cette perspective est inacceptable.

La guerre commerciale voulue par Trump contre la Chine est d’un autre niveau que celle qu’il compte déclencher contre les pays ‘amis’.

Même si le marché américain était complètement fermé aux produits chinois, si la Chine devenait la première puissance économique mondiale grâce à son commerce avec le reste du monde, ce serait pareil aux yeux de Trump.

Il y a cinq ans, le géopoliticologue Guillaume Pitron prédisait :

«…on bascule dans un monde où c’est la Chine qui va être capable de fabriquer les technologies vertes. Et c’est ce qu’elle fait; elle fabrique la majorité des panneaux solaires. Elle fabrique la majorité des batteries des voitures électriques aujourd’hui.

Elle fabriquera demain la majorité des voitures électriques.»

Or un des moyens de retarder l’émergence de la Chine au titre de première puissance mondiale, c’est justement de retarder le basculement vers les énergies vertes en prolongeant l’âge d’or des hydrocarbures… peu importe les conséquences climatiques.

Conclusion

Le but du présent texte n’est pas de faire aimer Trump, mais de déchiffrer ses grandes orientations politiques.

Son agressivité à l’égard de l’élite intellectuelle de son pays vient du complexe d’infériorité qu’il ressent face à ceux qui tiennent un discours articulé contre lequel il est incapable de rivaliser.

Si on juge Donald Trump à ses actes plutôt qu’à ses déclarations, notre hypothèse est que quatre préoccupations — la dette du gouvernement américain et son déficit courant, de même que le déficit commercial du pays et la menace chinoise à l’hégémonie américaine — seront les grands thèmes de son administration.

Références :
Chine : la croissance économique tombe à 5% en 2024, l’un des plus faibles taux en trois décennies
Currency Composition of official Foreign Exchange Reserves
Dette publique des États-Unis
Leçon de grammaire
Le déficit budgétaire des États-Unis atteint 6,4% du PIB
Les conséquences géostratégiques du basculement vers les énergies vertes
L’inculture de Donald Trump
L’or et la Banque centrale du Canada
PIB ($ US courants)
Quels sont les pays les plus endettés en 2024 ?
Qu’est-ce que l’USAID, l’agence visée par Trump et Musk ?
Wharton School

Paru depuis : Moody’s prive la dette des États-Unis de son triple A (2025-05-16)

Complément de lecture : Johann Chapoutot, historien : « Ce sont les libéraux autoritaires qui ont porté les nazis au pouvoir »

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Un tournant majeur dans la guerre en Ukraine

Publié le 19 février 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

Le 12 février dernier, lors d’un appel téléphonique, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont entendus pour entamer incessamment des pourparlers en vue de mettre fin à la guerre en Ukraine.

Depuis, les dirigeants européens ont appris qu’à la table des négociations, l’Occident parlera d’une seule voix. Et cette voix sera celle de Donald Trump.

En clair : les ténors de l’administration Trump excluent toute participation de l’Europe aux pourparlers.

Le grand problème de l’Union européenne (UE), c’est qu’elle s’est peinturée dans le coin. Elle n’a pas anticipé le bouleversement de la politique étrangère qu’occasionnait l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Plus précisément, la diplomatie de l’UE a été confiée le 27 novembre dernier à Kaja Kallas. À l’époque où celle-ci était première ministre d’Estonie, elle s’était fait remarquer par sa rhétorique particulièrement belliqueuse à l’égard de la Russie.

Depuis qu’ils ont adhéré à l’Otan, les chihuahuas baltes sont protégés par le bouledogue américain. Enhardis par cette protection, ils n’ont cessé de japper contre la Russie et de réclamer des sanctions de plus en plus sévères contre elle alors qu’eux n’y ont contribué que de manière marginale.

Le basculement de la politique étrangère des États-Unis vers l’Asie, décidé par Donald Trump dès son premier mandat, nécessite que son pays pacifie le continent européen afin de passer à autre chose.

En s’entêtant à poursuivre cette guerre coute que coute, l’Europe s’est disqualifiée comme partenaire des États-Unis en vue de régler le conflit.

En catastrophe, Emmanuel Macron a décidé de réunir de manière informelle à l’Élysée les principaux chefs d’État européens en vue de discuter de la situation en Ukraine.

Malheureusement pour lui, le concert des impuissants n’enterrera jamais la voix des deux grandes puissances qui menaient cette guerre jusqu’ici et qui ont décidé de faire cesser ce carnage.

Au final, Ursula von der Leyen aura peut-être droit à un joli strapontin derrière les vrais négociateurs et Volodymyr Zelinsky signera là où les États-Unis lui diront de signer.

Références :
Guerre en Ukraine : Emmanuel Macron annonce des nouvelles réunions organisées en France ce mercredi
Guerre en Ukraine : Trump et Poutine lancent les négociations de paix, mais sans les alliés
Kaja Kallas
Lâchés par Trump, les Européens cherchent la parade face à Poutine
L’intégrale du discours de Vance à Munich en anglais et en français !

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La corruption de la presse occidentale par Washington

Publié le 17 février 2025 | Temps de lecture : 9 minutes
Dépêche de l’Agence France-Presse (AFP)

Introduction

Fondée en 1961, la United States Agency for International Development (USAID) est une agence gouvernementale des États-Unis qui se consacre à la promotion des intérêts américains par le biais du développement international.

Elle relève du département d’État américain, soit l’équivalent du ministère des Affaires étrangères des États-Unis.

L’agence possède le monopole de l’aide humanitaire de Washington; des dizaines de milliers d’organismes à travers le monde dépendent de son financement.

Toutefois, le sigle de cet organisme porte à confusion. Les trois premières lettres d’USAID représentent le nom anglais des États-Unis. Les deux dernières (ID) signifient développement international et non aide internationale.

En d’autres mots, pour l’USAID, l’aide internationale n’est pas un but, mais un moyen de promouvoir les intérêts des États-Unis. Ce qui n’a rien de répréhensible.

Le côté obscur de la force

Afin de réaliser sa promesse de réduire les dépenses du gouvernement des États-Unis, Donald Trump a décidé d’abolir l’agence.

Ce qui a déclenché un tollé. On accuse son administration de retirer le pain de la bouche d’affamés à travers le monde pour financer sa baisse d’impôt projetée en faveur des Américains les plus riches.

Pour se justifier, l’administration Trump a décidé de lever le voile sur les opérations secrètes financées par USAID.

Menées indépendamment de ses activités caritatives, ces opérations avaient pour but d’assurer le contrôle et la manipulation de l’opinion publique occidentale par Washington.

Ce qui a nécessité des sommes colossales, comme nous le verrons dans quelques instants.

Compromises par ces révélations, les agences de presse occidentales et les médias traditionnels ont réussi, jusqu’ici, à en limiter l’impact en évitant d’en parler.

Internews Network, paravent de l’USAID

Décrite comme une ONG (c’est-à-dire une organisation non gouvernementale), Internews Network est une société financée par Washington.

Elle est ‘non gouvernementale’ uniquement dans le sens qu’elle échappe à l’examen de ses comptes par les congressistes américains.

Depuis 2008, elle a reçu 57 millions$ directement du département d’État et 415 millions$ indirectement, par l’intermédiaire d’USAID (qui relève du département d’État). Ce qui lui a permis de mener une opération mondiale de manipulation médiatique, de concert avec le secrétariat d’État et la CIA. Signalons que ‘secrétariat d’État’ désigne la haute direction du département d’État.

Dans le but d’inciter les jeunes Cubains à se révolter contre le gouvernement de leur pays, USAID a financé ZunZuneo, un réseau social de type Twitter (ou X) qui a opéré dans l’ile de 2010 à 2012.

Dans ce cas, l’USAID ne s’est pas servi d’Internews Network, mais de tout un réseau de sociétés-écrans destiné à détourner vers Cuba les millions de l’aide humanitaire destinée au Pakistan.

En 2014, à l’époque du massacre de la place de l’Indépendance de Kyiv (orchestré par la CIA), neuf des dix principaux médias ukrainiens dépendaient du financement d’Internews Network. Ce qui lui permettait de s’assurer que leurs journalistes soient pro-occidentaux et pro-Otan.

Jusqu’ici, Internews Network a collaboré avec 4 291 médias à travers le monde. Rien que pour 2023, il a formé neuf-mille journalistes.

Certains d’entre eux ont même travaillé à la ‘vérification des faits’ de grands quotidiens, une vérification où on qualifiait de fallacieux tout ce qui ne déviait du narratif de Washington.

Par exemple, VoxUkraine (financé par Internews Network) est le vérificateur officiel des faits au sujet de la guerre en Ukraine chez Meta (propriétaire de Facebook).

L’an dernier, le financement d’Internews Network a permis la création d’environ cinq-mille heures de propagande sous forme de documentaires et de reportages.

En 2023, l’Ukraine fut le principal bénéficiaire des fonds versés par l’USAID, soit 14,4 milliards de dollars (c’est le tiers du budget de l’agence). Ce qui permettait au Deep State de contourner le blocage au Congrès de l’aide vers l’Ukraine.

Quelques exemples

L’Agence France-Presse

Presque toutes les dépêches de l’Agence France-Presse (AFP) au sujet de la guerre en Syrie se terminaient par un récapitulatif fallacieux.

De 2009 à 2025, l’AFP a reçu 279 255 dollars de l’USAID. De manière plus importante, à partir de 2017, l’AFP a obtenu 9,8 millions$ d’autres agences américaines, principalement de l’US Agency for Global Media.

Selon l’AFP, ces sommes permettent au gouvernement américain d’utiliser, dans ses publications, des images prises par les photographes de l’AFP et pour lesquels ces derniers détiennent les droits d’auteur.

Thomson Reuters

C’est le président israélien Benyamin Netenyahou qui, le premier, qualifia de ‘pogrome’ l’émeute survenue à Amsterdam en novembre dernier. Et ce, afin de disculper les voyous israéliens qui l’ont provoquée.

L’accusation fut reprise par tous les médias occidentaux grâce aux photos et vidéos de l’agence de presse Reuters. Selon celle-ci, ces images prouvaient l’accusation de Netenyahou.

En particulier, un clip vidéo tourné par la vidéaste Annet de Graaf a fait le tour du monde. Selon Reuters (qui en assurait la distribution), ce vidéo montrait des manifestants pro-palestiniens qui pourchassaient et frappaient des partisans d’un club de foot de Tel-Aviv.


 
La créatrice de ce clip a accusé ceux qui le diffusent (au premier rang desquels, Reuters) de propager des nouvelles fallacieuses puisqu’il montre, au contraire, des citoyens d’Amsterdam pourchassés par des houligans du club israélien.

Depuis 2010, une succursale de Reuters basée à Toronto (la Thompson Reuters Special Services) a reçu 120 millions$ du gouvernement américain, dont 60 millions du ministère de la Défense et 55,8 millions$ du département de la Sécurité intérieure.

Selon Reuters, « le contrat avait pour but de protéger le gouvernement américain contre l’ingénierie sociale, soit une forme de cybermenace dans laquelle les personnes sont amenées à divulguer des renseignements sensibles

Précisons que l’ingénierie sociale est une méthode de manipulation psychologique qui cible le facteur humain, souvent considéré comme le maillon faible dans la sécurité des systèmes informatiques.

Reuters se défend en précisant que sa succursale possède son propre conseil d’administration et qu’elle est une entité juridique distincte.

Cela ne change pas le fait que lorsque cette succursale fait des profits grâce à ses contrats gouvernementaux, elle les redistribue à ses actionnaires, dont l’agence de presse Reuters.

Associated Press

Depuis 2008, l’agence de nouvelles Associated Press a reçu 37,5 millions de dollars d’agences gouvernementales américaines.

Appelée à couvrir la nouvelle qui la concerne, Associated Press nie que près de la moitié de cette somme (19,5 millions de dollars) ait été versée par USAID.

Habituée aux demi-vérités, Associated Press néglige de dire qu’USAID ne soudoyait pas directement les médias; elle procédait (comme on l’a vu plus tôt) par l’intermédiaire d’Internews Network.

Conclusion

À en juger par les références sur lesquels s’appuient les textes publiés par ce blogue, celui-ci serait peu de chose sans le travail des journalistes.

Le mois dernier, dans le texte ‘L’engouement pour la géopolitique’, on pouvait lire :

Au cours des dernières décennies, pendant que les médias traditionnels perdaient une bonne partie de leurs revenus publicitaires au profit des géants du Web, la première chose qu’ils ont sacrifiée, ce sont leurs journalistes et leurs correspondants à l’Étranger.

Et pour compenser cette perte, ils se sont abonnés à des agences de presse couvrant l’actualité internationale. Malheureusement, depuis toujours, celles-ci sont ces entreprises opaques qui véhiculent de la propagande.

Dans les pays totalitaires, il est facile de comprendre pourquoi les agences de presse sont des outils de propagande de l’État.

Mais par quel mécanisme, dans les pays démocratiques, nos médias sont-ils devenus les perroquets de la propagande américaine ?

Jusqu’ici, le mécanisme de cet assujettissement était inconnu.

Depuis que l’administration Trump a dévoilé les secrets compromettants de l’USAID, tout s’explique.

Toutefois, les agences de presse ont réussi à faire en sorte que ce scandale soit passé inaperçu.

Pour réaliser cette omerta, elles ont pu compter sur les milliers de journalistes formés pendant des années par d’Internews Network et qui peuplent maintenant les salles de nouvelles des quotidiens les plus respectables de la planète.

Ce n’est pas parce qu’ils apprennent aujourd’hui que leur formation était financée par Washington qu’ils vont renier des idées auxquelles ils croient jusqu’au plus profond d’eux-mêmes.

Références :
Claims about USAID funding are spreading online. Many are not based on facts
Bulldozer l’aide internationale
“Defend or be damned” : How a US company uses government funds to suppress pesticide opposition around the world
Did a Trump executive order just cripple the global US regime change network?
Global Aid Programs at Risk as US Freezes Foreign Assistance; USAID’s Vital Work in Georgia Affected
How USAID and Internews Orchestrate Global Media Control
L’aide des États-Unis à l’Ukraine bloquée par les républicains au Sénat
Le scandale de l’USAID ! (vidéo)
L’Incroyable scandale du financement des médias par Washington
No, Politico Did Not Receive ‘Substantial Funds’ from USAID
Pourquoi l’AFP a-t-elle reçu des centaines de milliers de dollars de l’USaid ?
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Un ‘pogrome’ à Amsterdam : vraiment ?
USAID un jour sans fin… Internews Network : Une Opération Secrète de Contrôle Médiatique mondiale financée par l’USAID
US Defense Department contract ‘inaccurately represented’ on social media, says Thomson Reuters
ZunZuneo
Wikileaks drops bombshells about USAID and secret NGO “Internews Network”

Parus depuis :
En Europe de l’Est, la suspension des aides américaines met en danger de nombreux médias (2025-02-21)
USAid employees told to destroy classified documents, email shows (2025-03-11)
L’administration Trump veut annuler des contrats avec trois agences de presse mondiales (2025-03-13)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ingérence étrangère : les demi-mesures du Groenland

Publié le 4 février 2025 | Temps de lecture : 6 minutes

L’ingérence des États-Unis

Pour étendre ou consolider leur hégémonie, les États-Unis pratiquent depuis des décennies l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.

En Amérique latine

Dans les années 1960, la CIA avait couvert l’Amérique latine de dictateurs d’extrême droite, n’hésitant pas à faire assassiner Salvador Allende, pourtant élu démocratiquement à la présidence du Chili.

À Cuba, les États-Unis ont tenté 638 fois d’assassiner Fidel Castro en plus d’échouer en 1961 à le renverser par une invasion de mercenaires à la baie des Cochons.

Dans les années 1980, la CIA finançait les Contras dont le mandat était de susciter, par des actes terroristes, le mécontentement de la population contre le gouvernement du Nicaragua.

En Ukraine

Plus près de nous, les États-Unis ont secrètement orchestré en 2014 le massacre de la place de l’Indépendance de Kyiv afin de faire basculer définitivement l’Ukraine dans le camp occidental.

En Géorgie

Depuis trois mois, les États-Unis et leurs alliés alimentent le climat insurrectionnel en Géorgie en répétant faussement que les dernières élections législatives y auraient été l’objet d’une fraude massive.

En Roumanie

Le mois dernier, l’élection présidentielle en Roumanie a été annulée parce que les électeurs y ont voté pour un candidat critique de l’Union européenne et de l’Otan.

Les dirigeants pro-occidentaux du pays ont pris cette décision inusitée parce que, selon eux, le peuple roumain s’est trop laissé influencé par la propagande russe sur les médias sociaux.

En Slovaquie

Robert Fico, premier ministre de la Slovaquie, est reconnu pour son opposition à l’aide à l’Ukraine, pays situé immédiatement à l’Est du sien.

Après avoir échappé à une tentative d’assassinat le 15 mai 2024, il affronte ces jours-ci d’immenses protestations déclenchées par sa rencontre avec Poutine, le 22 décembre dernier, au sujet de l’approvisionnement slovaque en gaz fossile russe.

Selon les services de renseignement slovaque, environ le tiers des protestataires sont des personnes transportées gratuitement par autobus et par train à partir de l’ouest de l’Ukraine, fief des groupes néonazis de ce pays.

Puisque l’État ukrainien est en faillite depuis des années, on voit mal qui pourrait financer cette couteuse opération sinon, indirectement, les États-Unis.

On comprendra donc la nervosité des dirigeants du Groenland à l’approche de leurs élections législatives, prévues le 6 avril prochain.

La nouvelle loi groenlandaise

Le 16 janvier dernier, le site Euractiv rapportait que des influenceurs pro-Trump sont arrivés des États-Unis par avion dans la capitale groenlandaise, distribuant des billets de 100 dollars et des casquettes MAGA à la sortie des supermarchés.

Dans cette ville de vingt-mille habitants, leur venue n’est pas passée inaperçue.

Plus tôt aujourd’hui, le gouvernement provincial du Groenland a adopté une nouvelle loi sur le financement politique afin de se prémunir contre l’ingérence ‘étrangère’ (lisez : américaine).

Exception faite du Québec, le financement politique en Occident est de la corruption légalisée.

Chez nous, seuls les citoyens du Québec peuvent verser de l’argent à une formation politique. Cela est donc interdit aux syndicats, aux ONG et aux entreprises, qu’elles soient ‘québécoises’ ou non.

Au Québec, la contribution individuelle maximale est de 100 $ par année en temps normal. Un maximum porté à 200 $ les années où se tiennent des élections. De plus, la moindre contribution doit être déclarée.

En tant que Québécois, on est ahuri en voyant les sommes colossales qui peuvent être versées secrètement et en toute légalité à une formation politique en Europe et aux États-Unis puisque la déclaration n’y est obligatoire que lorsque la contribution politique dépasse un seuil élevé.

Alors quelles sont les règles dont le Groenland s’est doté ?

Dorénavant, les politiciens groenlandais ne pourront plus accepter des contributions ‘étrangères’ ou anonymes. Sont étrangers, les donateurs qui résident ou sont domiciliés en dehors du Groenland.

Les formations politiques devront tenir un registre où sera inscrit chaque versement par une association, une ONG, une entreprise, etc.

Dans le cas des particuliers, c’est différent. L’inscription au registre sera obligatoire pour les dons individuels qui dépassent mille couronnes danoises (soit 134 € ou 200 $Can). En deçà de cette somme, la contribution pourra demeurer secrète.

Dans tous les cas, la contribution politique d’un citoyen ne pourra pas dépasser vingt-mille couronnes (soit 2 680 € ou 4 000 $Can).

Selon le quotidien Le Monde, « aucune formation ne sera autorisée à recevoir plus de 200 000 couronnes (27 000 euros) de donateurs privés, dans la limite de 20 000 couronnes par contributeur.»

Ce qui suggère qu’il n’y a pas de limite quant aux versements des entreprises. Du moment qu’elles ne sont pas ‘étrangères’. Ce qui n’empêche pas, par exemple, une association ou une ONG authentiquement groenlandaise de servir de paravent à du financement politique étranger.

Le maximum québécois, limité à 100 ou 200 $, a été fixé très bas afin d’éviter les prête-noms. C’est une précaution que le Groenland n’a pas prise.

Imaginons qu’un candidat reçoive une liste de noms de donateurs accompagnée d’une enveloppe brune pleine de billets de banque.

Pourquoi ce candidat prendrait-il l’initiative de s’assurer que ces gens ne sont pas des prête-noms quand la loi ne lui impose aucune obligation à ce sujet et que, de toute manière, leur contribution peut demeurer secrète puisqu’aucun d’entre eux n’a versé plus de mille couronnes selon la liste fournie ?

En conclusion, la nouvelle loi groenlandaise au sujet du financement politique demeure une passoire, mais dont les trous sont plus petits qu’avant.

Références :
Ces 638 fois où la CIA a voulu se débarrasser de Fidel Castro
Contras
Débarquement de la baie des Cochons
En direct de Nuuk : les YouTubeurs et les casquettes MAGA envahissent le Groenland
La Géorgie sur la voie d’un coup d’État (1re partie)
Le Groenland se mobilise contre les risques d’ingérences étrangères
L’Ukraine sous le respirateur artificiel américain
Manifestations massives en Slovaquie contre la position de Fico envers la Fédération de Russie
Poutine s’entretient avec Fico, lors d’une rare visite à Moscou d’un dirigeant de l’UE
Roumanie : des milliers de personnes protestent contre l’annulation de l’élection présidentielle
Tentative d’assassinat de Robert Fico
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan

Paru depuis : Olaf Scholz critique l’ingérence des Américains, après le discours de J. D. Vance (2025-02-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La tentation groenlandaise de Trump

Publié le 1 février 2025 | Temps de lecture : 7 minutes
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Introduction

Contrairement à ce qu’on pense généralement, Charles Chaplin n’était pas juif.

À l’époque du tournage du Great Dictator (ci-dessus), ses amis l’avaient supplié : « Ne fais pas un film qui se moque d’Hitler: c’est sur nous, les Juifs, qu’il se vengera

La réaction européenne

Depuis que Donald Trump a fait savoir qu’il veut annexer une partie du royaume de Danemark, on aurait pu s’attendre à ce que l’Europe se dresse contre le président américain.

Après tout, l’Union européenne (UE) s’est mobilisée quand la Russie a envahi l’Ukraine (qui n’est pas membre de l’Union). Comment justifierait-elle son indifférence face à une invasion du royaume de Danemark qui, lui, est membre de l’UE ?

Après une conversation téléphonique orageuse (et demeurée secrète) avec Trump, la présidente danoise a entrepris une brève tournée des capitales européennes.

De manière générale, les dirigeants européens se partagent en deux camps.

Il y a ceux qui en appellent au respect des frontières sans oser préciser ce qu’ils feraient si Trump passait à l’acte.

Et il y a ceux qui refusent de croire que Trump est sérieux. Ceux-ci préfèrent donc faire le mort en attendant que les envies de Trump lui passent.

Techniquement, les dirigeants de l’Union européenne (UE) pourraient invoquer que si le Danemark ‘continental’ est membre de l’Union — et, conséquemment, a le droit d’être protégé par elle — ce n’est pas le cas du Groenland qui s’est retiré de l’UE en février 1982.

À l’Otan, la présidente danoise s’est fait dire que l’Alliance atlantique s’en lave les mains.

En juillet 1974, la Turquiye (membre de l’Otan) s’est emparée de 38 % de l’ile méditerranéenne de Chypre qui, jusque-là, appartenait en totalité à la Grèce (également membre). L’Otan ne s’en est pas mêlée.

Ici la victime ne pouvait pas menacer de quitter l’Otan puisqu’en pareil cas, l’agresseur aurait toute l’Otan de son côté. Donc la Grèce a rongé son frein.

Le Danemark ferait de même s’il était attaqué par les États-Unis.

Une occasion unique

Du premier mandat de Donald Trump, au-delà des déclarations incendiaires, il reste peu de chose. Exception faite de la mise au point des vaccins à ARN messager, de la remise en question des droits des femmes et des minorités, et du pivotement de la politique étrangère américaine vers le Pacifique.

Même si son second mandat devait être une suite de conflits commerciaux stériles, Donald Trump passera à l’histoire s’il annexe (ou achète) le Danemark.

La superficie de son pays passerait alors de 9 631 419 km² à 11 797 505 km², soit une augmentation de 22,5 %.

Or Donald Trump est dans une situation idéale pour ce faire.

En temps normal, les pays européens n’ont déjà pas la puissance militaire pour s’opposer à une invasion américaine au Groenland.

À l’occasion de la guerre en Ukraine, ils ont épuisé une bonne partie de leurs réserves d’armement en approvisionnant généreusement Kyiv.

Pour les remplacer, les armes sophistiquées qu’ils achètent proviennent à 80 % des États-Unis : c’est de l’armement que le Pentagone peut inactiver à distance lorsque des pays clients décident de s’en servir contre ses soldats.

Bref, les pays de l’UE sont faits comme des rats.

Arrivant à peine à s’approvisionner cet hiver en hydrocarbures, ils ne peuvent se permettre d’indisposer un fournisseur comme les États-Unis. Un fournisseur qui a l’audace de les menacer de sanctions s’ils ne consentent pas à accroitre leur vassalisation.

L’eldorado groenlandais

Toutes les puissances hégémoniques salivent à l’idée d’annexer n’importe quel territoire qu’ils croient plein de richesses.

Contrairement à ce qu’on dit partout, le potentiel minier du Groenland est largement inconnu. Mais avec ses 2 166 086 km², le territoire de l’ile doit nécessairement receler plusieurs filons intéressants.

Sur une année, la moyenne des températures est de +5°C en Alaska et de -21°C au Groenland. Annexé par Trump, le Groenland deviendrait le meilleur endroit aux États-Unis pour installer des fermes de minage de cryptomonnaie, des centres de données et des serveurs dédiés à l’intelligence artificielle.

Parce que la puissance de calcul des ordinateurs augmente lorsque la température baisse.

La population du Groenland est composée à 98 % d’Inuits. Ceux-ci sont très majoritairement hostiles à l’annexion de leur pays aux États-Unis.

Mais les États-Unis n’ont pas eu besoin de la permission des Canadiens pour nous envahir en 1812 (et d’échouer à nous conquérir).

Ils n’ont pas eu besoin non plus de la permission des Cubains pour envahir l’ile en 1898; il a suffi de la mystérieuse explosion d’un navire américain dans le port de La Havane pour qu’ils invoquent leur droit à la légitime défense.

Or, qui sait la perfidie dont les Groenlandais seraient capables pour provoquer la colère de Trump…

Contrer une menace surfaite


 
Parmi les arguments invoqués par Donald Trump pour annexer le Groenland, il y a la nécessité de protéger le monde libre contre la présence croissante de la Russie et de la Chine dans l’Arctique.

Ce que les agences de presse pro-occidentales négligent de dire, c’est que cette présence accrue est limitée à l’Arctique russe, habituellement le long de la rive arctique de la Fédération de Russie.

Une proportion appréciable du territoire de celle-ci se trouve au-delà du cercle polaire. Le développement économique de cette région nécessite des injections de capitaux. Ce qui, en soi, n’a rien de répréhensible.

Quant à elle, la Chine cherche à améliorer les installations portuaires russes qui sont susceptibles d’accueillir sa marine marchande le long de la Route polaire de la soie.

Cette route maritime est importante pour la Chine puisque c’est la seule qui ne soit pas contrôlée par les États-Unis.

Aux yeux de Washington, il est intolérable que la Chine puisse tenter d’échapper à sa domination. D’où l’idée de menacer la Route polaire de la soie en construisant de nouvelles bases militaires au nord du Groenland.

Une menace à la paix

Indépendamment du fait que l’annexion américaine légitimerait l’expansionniste d’autres puissances, cela menacerait la paix mondiale.

Une des grandes leçons de l’Histoire, c’est qu’il faut éviter que des pays ennemis soient voisins. Comme il est imprudent, au réveillon du temps des Fêtes, de placer côte à côte deux beaux-frères qui se détestent.

Dans le cas des pays ennemis, il est toujours préférable qu’ils soient séparés par des pays-tampons lorsque cela est possible.

C’est une leçon que Washington a ignorée en manipulant le peuple ukrainien de manière à lui faire croire qu’il était dans son intérêt de devenir un ennemi militaire de son redoutable voisin. Avec les conséquences qu’on sait.

C’est une erreur que les États-Unis veulent répéter au Groenland. En agrandissant leur territoire au plus près de la Russie, ils augmentent le risque d’une guerre mondiale.

Références :
Acquisitions territoriales des États-Unis
«Grave et potentiellement très dangereux» : entretien «houleux» entre le Danemark et Donald Trump, qui veut racheter le Groenland
Guerre canado-américaine de 1812-1815
Invasion turque de Chypre
La nouvelle Théorie des dominos
La géopolitique de l’Arctique
Le climat à Alaska, États-Unis
Le climat à Groenland
Occupation américaine de Cuba

Paru depuis : Le Danemark considère désormais les Etats-Unis comme une menace pour sa sécurité (2025-12-10)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’engouement pour la géopolitique

Publié le 28 janvier 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Depuis toujours, on sait que la géographie détermine l’histoire des peuples. Voilà pourquoi la Suisse, pays enclavé, n’est jamais devenue une puissance maritime puisqu’elle n’a pas accès à la mer.

De la même manière, on peut dire que si Montréal est une ville presque deux fois plus populeuse qu’Amsterdam, c’est en raison de sa proximité avec le marché américain. Une proximité qui lui permet de générer une activité économique suffisante pour nourrir 1,8 million de personnes.

Toutefois, la géopolitique dépasse le cadre étroit du déterminisme géographique.

De nos jours, la géopolitique est une discipline académique à cheval entre la géographie, les sciences politiques et la stratégie militaire.

La compréhension du réel

On devrait s’attendre à ce que la lecture méticuleuse des nouvelles internationales suffise à la compréhension ce qui se passe à travers le monde.

Ce n’est pas le cas.

Au cours des dernières décennies, pendant que les médias traditionnels perdaient une bonne partie de leurs revenus publicitaires au profit des géants du Web, la première chose qu’ils ont sacrifiée, ce sont leurs journalistes et leurs correspondants à l’Étranger.

Dépêche de l’Agence France-Presse (AFP)

Et pour compenser cette perte, ils se sont abonnés à des agences de presse couvrant l’actualité internationale. Malheureusement, depuis toujours, celles-ci sont ces entreprises opaques qui véhiculent de la propagande.

En Occident, l’Agence France-Presse, Associated Press et Reuters (entre autres) véhiculent de la propagande occidentale. L’Agence Tass et Sputnik véhiculent de la propagande russe. Et ainsi de suite.

Cela ne veut pas dire que ce qu’elles écrivent est faux. La plupart du temps, leurs dépêches ne font que présenter la partie de la vérité qui correspond au narratif occidental. Mais parfois, ce qu’elles propagent est totalement faux.

L’exemple du ‘pogrome’ d’Amsterdam

Pour s’en convaincre, on peut prendre un exemple récent qui ne devrait pas être de nature à susciter la controverse; le fameux ‘pogrome’ d’Amsterdam

Pour qu’il y ait pogrome, il faut qu’au moins un Juif soit tué.

Je ne dis pas qu’il est regrettable qu’aucun Juif n’ai été tué à Amsterdam. Je dis : pas de Juif tué, pas de pogrome.

De plus, comparer les émeutes d’Amsterdam à la Nuit de Cristal survenue les 9 et 10 novembre 1938 est une grossière exagération : il y a 86 ans, des centaines de Juifs ont été tués, 267 synagogues furent réduites en cendres, et sept-mille commerces juifs ont été pillés ou détruits.

Il n’y a pas eu l’ombre de tout cela à Amsterdam en novembre dernier.

Pourtant, toutes les agences de presse occidentales (et conséquemment, tous les médias qui publient leurs dépêches) ont relayé comme un fait avéré l’accusation du gouvernement israélien selon laquelle, les Pays-Bas ont été complices d’un ‘pogrome’ en novembre dernier.

Bref, tous nos journaux nous ont menti.

Nouvelles internationales et géopolitique

L’intérêt de la géopolitique, c’est qu’elle permet de comprendre le fond des choses. En plus de s’appuyer sur les faits, elle vise à expliquer le pourquoi et le comment.

Voilà pourquoi cette disciple est à ce point populaire, notamment sur YouTube.

Mais comme tout ce qui s’avère à la mode sur les médias électroniques, elle est aussitôt contaminée par des propagandistes.

Comment reconnaitre les imposteurs ? Par leur usage de l’adjectif.

L’analyse objective n’a pas besoin d’une abondance d’adjectifs. Par contre, si on veut susciter l’indignation et la haine, l’exagération et l’abus de l’adjectif sont indispensables.

De plus, si un texte est un plaidoyer en faveur de la supériorité morale d’une partie des protagonistes d’un conflit, c’est que ce texte substitue la foi à la vérité.

Référence : Un ‘pogrome’ à Amsterdam : vraiment ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Violence coloniale actuelle en Cisjordanie

Publié le 26 janvier 2025 | Temps de lecture : 2 minutes
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La Palestine est cette partie du Proche-Orient qui comprend l’État d’Israël et les territoires palestiniens occupés par celui-ci.

Les territoires palestiniens se trouvent de part et d’autre d’Israël. Ils comprennent la bande de Gaza (au sud-ouest, mesurant 365 km²) et la Cisjordanie (à l’est, d’une superficie de 5 860 km²).

Le présent texte concerne le plus étendu des territoires palestiniens, soit la Cisjordanie.

Plus tôt cette semaine, une douzaine de colons israéliens — protégés par l’armée — ont incendié plusieurs véhicules et endommagé des propriétés en Cisjordanie, blessant par la même occasion vingt-et-un Palestiniens.

Il s’agit d’un incident parmi une multitude.

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (BCAH) a répertorié 1 860 incidents violents commis entre cette date et le 31 décembre 2024 par des colons israéliens en Cisjordanie.

Elles ont provoqué la mort de 870 Palestiniens (dont 177 enfants), en plus d’en blesser 6 700 autres. En outre, 13 572 Palestiniens de Cisjordanie (dont des enfants) ont été arrêtés et 2 168 structures (immeubles, viaducs, ponts, etc.) ont été détruites.

En se protégeant, des Palestiniens ont tué une trentaine de leurs agresseurs, perpétuant ce cycle sans fin d’attaques, de représailles et de vengeance de part et d’autre depuis le début de la guerre coloniale que livre Israël en Palestine.

Depuis 1967, de 600 000 à 750 000 Israéliens se sont établis en Cisjordanie, attirés par les mesures gouvernementales destinées à favoriser le peuplement des 250 colonies et avant-postes implantés illégalement en Palestine.

En effet, la quatrième Convention de Genève interdit à une puissante occupante de transférer une partie de sa population dans les territoires qu’elle occupe.

Références :
Alarmante escalade israélienne en Cisjordanie
Cisjordanie
Mapping 1,800 Israeli settler attacks in the West Bank since October 2023
Quatrième convention de Genève

Paru depuis : La violence en Cisjordanie atteint des sommets (2025-12-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Géorgie : le pays aux grands rêves

Publié le 19 janvier 2025 | Temps de lecture : 5 minutes
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Introduction

Depuis son indépendance en 1991, le peuple géorgien n’a cessé d’espérer que leur pays adhère à l’Union européenne (UE). À tel point que la poursuite de cet objectif est exigée par l’article 78 de la constitution du pays.

Malheureusement, cela est impossible tant que la Russie ou la Turquiye n’aura pas préalablement été admise à l’UE. Voyons pourquoi.

L’agrandissement de l’Union européenne

La Règle de la contigüité

Une des règles non écrites de l’Union européenne (UE) est que seul un pays contigu ou voisin du territoire de l’union peut y adhérer.

C’est ainsi que les Pays-Bas sont membres, mais pas le Suriname (sa colonie d’Amérique du Sud) ni les Antilles néerlandaises.

Même chose pour la France, membre de l’UE, mais sans ses territoires d’outre-mer (St-Pierre-et-Miquelon, Polynésie française, etc.).

Avant le Brexit, la Grande-Bretagne était membre, de même que sa colonie de Gibraltar (contigu à l’Espagne). Mais pas ses territoires et colonies d’outre-mer.

Si, de nos jours, l’Irlande semble faire exception à cette règle, c’est qu’elle a adhéré à l’UE en même temps que la Grande-Bretagne en 1973. Or ces deux pays étaient, conjointement, voisins de l’UE à l’époque.

L’exception groenlandaise

Le caractère officieux de la ‘Règle de la contigüité’ s’explique peut-être par le fait que l’UE juge parfois avantageux d’y déroger.

Ce fut le cas lorsque le Danemark négocia son adhésion à l’UE. À l’insistance de ses négociateurs, ce pays avait obtenu que l’ensemble du royaume de Danemark (ce qui inclut le Groenland) adhère à l’Union. Or le Groenland est à deux-mille kilomètres du plus proche pays membre de l’Union.

Cette anomalie fut éventuellement corrigée.

Au référendum danois de 1972 (portant justement sur l’adhésion à l’UE), les Groenlandais avaient voté contre à 70,8 %. Pourquoi ? Essentiellement en raison de l’impérialisme culturel du parlement européen.

L’UE exigeait que les Autochtones du Groenland abandonnent leur principale source de revenus, soit la vente de la fourrure d’animaux marins. C’est en 1985 que les Groenlandais obtinrent finalement le retrait de leur territoire de l’UE.

La suppression de l’exception groenlandaise renforça la Règle de la contigüité.

Et la Géorgie ?

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Au-delà de la mer Noire, à mille kilomètres de la Roumanie, la Géorgie (en rouge sur la carte) est complètement séparée de l’UE.

Si cette dernière acceptait la Géorgie parmi ses membres, ce serait le seul pays où la libre circulation des biens et des services serait impossible avec le reste de l’Union.

En effet, aucune route terrestre et aucune voie ferroviaire ne relie la Géorgie à l’UE sans passer par la Fédération de Russie.

Ce qui signifie que les pays voisins, par le biais de tarifs douaniers, pourraient détourner à leur avantage une partie des bienfaits économiques d’une adhésion de la Géorgie à l’UE.

En vertu de la Règle de la contigüité, la Géorgie devra attendre l’adhésion préalable à l’UE de la Turquiye (au sud) ou celles de la Russie et de l’Ukraine (au nord) avant de pouvoir y adhérer à son tour.

Ce qui n’est pas pour demain.

Alors pourquoi l’UE alimente-t-elle les espoirs vains des Géorgiens ?

Le Soft Power européen

Périodiquement, l’UE doit affronter des forces centrifuges, c’est-à-dire des forces qui militent pour la sortie d’un pays de l’UE.

Quel meilleur argument pour contrer leurs efforts que de soutenir (avec un peu d’exagération) que des millions de personnes sont prêtes à mourir pour que leur pays adhère à l’Union.

De plus, en maintenant l’espoir d’une adhésion (sans cesse repoussé à plus tard), l’UE favorise l’occidentalisation des pays qui veulent y adhérer.

Grâce aux subsides qu’elle accorde aux candidats à l’adhésion, l’UE exige qu’ils modifient leurs lois (afin de les rendre conformes au Droit européen), qu’ils assurent l’indépendance de leur système judiciaire, qu’ils évitent le protectionniste dans l’attribution des contrats gouvernementaux, qu’ils combattent la corruption, etc.

Et quand toutes ces règles sont respectées, on en trouve de nouvelles qui repoussent plus loin l’adhésion.

Après quelques décennies à essayer, la Turquiye a fini par comprendre le message ; l’UE ne veut pas d’un pays de 85 millions de Musulmans.

Dans le cas de la Géorgie, ce que veulent Washington, l’UE et l’Otan, c’est de provoquer un changement de régime afin que le pays soit dirigé par un gouvernement aveuglément voué aux intérêts occidentaux, plutôt qu’un régime qui ménage la chèvre et le chou comme actuellement.

Références :
États membres de l’Union européenne
La Géorgie (4e partie) : importance géostratégique de la Transcaucasie
Relations entre le Groenland et l’Union européenne

Pour consulter en ordre chronologique tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La géopolitique de l’Arctique

Publié le 13 janvier 2025 | Temps de lecture : 9 minutes


 
Une région essentiellement vierge

L’Arctique est la région entourant le pôle Nord comprise à l’intérieur du cercle polaire.

Les territoires de huit pays franchissent le cercle polaire et s’étendent donc jusqu’en Arctique : d’ouest en est, ce sont les États-Unis (par le biais de l’Alaska), le Canada, le Danemark (par le biais du Groenland), l’Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.

Les zones économiques exclusives (ZÉE) de la Russie et du Canada couvrent la majeure partie de l’Arctique. Des deux, c’est la Russie qui a le plus prospecté le potentiel économique de sa ZÉE.

À partir de ce qu’on en sait, l’Agence internationale de l’énergie estime que le sous-sol de l’Arctique contient 13 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % des réserves mondiales de gaz fossile encore inexploitées.

À 95,6 % dans le cas du pétrole et à 98,4 % dans le cas du gaz fossile, ces réserves se trouvent dans les ZÉE des pays riverains de l’océan Arctique.

De la même manière que la Chine décrite par Marco Polo faisait rêver les Européens de son temps, les richesses minérales de l’Arctique d’aujourd’hui sont l’objet de spéculations.

Même si plusieurs mines sont déjà en activité à l’intérieur du cercle polaire, on aurait tort de croire que le potentiel minier de l’Arctique est bien connu.

Lorsqu’on affirme que l’Arctique est riche de tel minerai, c’est que ce minerai est exploité quelque part dans la région. Est-ce que ce minerai se trouve ailleurs en Arctique ? Le trouve-t-on un peu partout à l’intérieur du cercle polaire ? Généralement, personne ne le sait.

Toutefois, ce qu’on sait, c’est que cette région renferme des terres rares. Comment le sait-on ? Parce que, contrairement à ce que suggère leur nom, les terres rares ne sont pas rares du tout; on les trouve en très petite concentration partout sur terre

En Arctique comme ailleurs, ce potentiel est sous-exploité pour deux raisons. Premièrement, à cause de leurs procédés de raffinement encore très polluants. Et deuxièmement, parce que la Chine vend ses terres rares à des prix tellement compétitifs que cela dissuade l’ouverture de mines concurrentes ailleurs dans le monde.

Un passage

Au-delà du fantasme des puissances à la recherche de métaux stratégiques, l’Arctique occupe une position importante en tant que voie de navigation maritime durant la saison chaude.

Sur une représentation aplatie du globe terrestre, relier la Chine à l’Europe par l’Arctique est légèrement plus court qu’effectuer le détour par le canal de Suez.

Sur un globe terrestre, cette distance est nettement inférieure. Même si, pour ce faire, il faut passer par le détroit de Béring.

Par exemple, la distance maritime entre Shanghai et le port néerlandais de Rotterdam est de 20 700 km lorsqu’on passe par le canal de Suez, et de 15 000 km lorsqu’on passe par la Route polaire de la soie. Le passage par cette dernière prend même deux jours de moins que par la plus rapide Route terrestre de la soie (celle qui traverse la Sibérie).

De plus, en longeant les côtes de la Fédération de Russie, cette route est la seule voie maritime importante qui n’est pas contrôlée par les États-Unis.

La Russie y voit un moyen d’exporter ses hydrocarbures aux marchés asiatiques par le biais de ses ports sibériens.

La Russie possède déjà la plus importante flotte de brise-glaces, composée de 55 navires actifs. Certains d’entre eux sont les plus puissants au monde, capables de naviguer dans une banquise de 2,8 mètres d’épaisseur.

D’ici 2030, ils seront suivis par une nouvelle classe de brise-glaces à propulsion nucléaire, capables de fendre lentement une banquise épaisse de quatre mètres et de naviguer à 19 km/h au travers d’une banquise de deux mètres d’épaisseur.


 
L’avantage de la Russie est que la banquise d’été de l’Arctique permet davantage la navigation maritime du côté russe que du côté canadien. En d’autres mots, sans l’aide de brise-glaces, la Route polaire de la soie est navigable plus longtemps que le Passage du Nord-Ouest canadien.

Lorsqu’on s’inquiète de l’augmentation de la présence chinoise en Arctique, on doit savoir que tout cela est limité à l’Arctique russe; la Chine cherche à améliorer les installations portuaires qui sont susceptibles d’accueillir sa marine marchande le long de la Route polaire de la soie.

Autrefois, cette présence accrue concernait également quelques projets miniers et aéroportuaires au Groenland que les pressions américaines sur le Danemark ont fait avorter.

La Chine ne s’est jamais considérée comme une puissance arctique (ce qui serait ridicule) et n’a jamais eu la prétention de l’être.

Pour prouver les ambitions nordiques de la Chine, on répète souvent que la Chine a demandé (et obtenu) le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique, un forum international voué à la promotion du développement durable de l’Arctique en matières sociales, économiques et environnementales.

Toutefois, on oublie de préciser que treize autres pays ont obtenu ce statut d’observateur dont la Suisse, l’Italie et l’Inde, trois pays aussi peu nordiques que la Chine.

D’autre part, le vieillissement des installations de NORAD — ce système de détection canado-américain essentiel à la protection de l’Amérique du Nord — peut certainement justifier de nouveaux investissements.

Mais les justifier au nom de la menace chinoise grandissante en Arctique relève du néo-maccarthysme; la Chine investit en Arctique russe pour assurer la liberté de son commerce avec l’Europe et non pour menacer notre sécurité nationale.

L’Arctique canadien

Le Canada a toujours considéré que le passage au travers des iles canadiennes de l’Arctique faisait partie de ses eaux territoriales. En conséquence, le Canada exige que les bateaux étrangers qui l’empruntent lui en demandent la permission.

Les États-Unis ont toujours refusé de reconnaitre la souveraineté du Canada à ce sujet. Pour ne pas perdre la face, le Canada délivre les autorisations nécessaires aux navires américains sans qu’ils en fassent la demande.

Avec le réchauffement climatique, on assiste à une augmentation du transport maritime en Arctique. De 2011 à 2024, le nombre de navires qui ont navigué dans l’Arctique canadien a augmenté de près de moitié.

Aussi impressionnant que cela puisse paraitre, il s’agit en fait de 466 navires l’an dernier, comparativement 319 il y a plus d’une décennie. En somme, c’est un ou deux bateaux par jour durant la belle saison. On est loin des dizaines de milliers de navires qui empruntent annuellement le canal de Suez.

Libres de prospecter le Grand Nord canadien sans études d’impact rigoureuses, les minières ont découvert un petit nombre de gisements intéressants qui ont mené à l’ouverture de mines.

Si bien que de 2013 à 2023, ce sont des vraquiers — transportant du minerai brut — qui représentent essentiellement l’augmentation du trafic maritime dans l’Arctique canadien, notamment dans sa partie orientale (le Nunavut).

Conclusion

De toutes les cibles militaires situées en sol québécois, le complexe hydroélectrique de La Grande est la cible potentielle la plus nordique. Or celle-ci se trouve à 5,2 mille kilomètres des côtes arctiques de la Russie, soit environ une fois et demie la distance entre Montréal et Vancouver.

Ce complexe n’est pas hors de portée d’un missile intercontinental ennemi. Toutefois, en raison des conditions climatiques qui règnent dans cette partie du monde, cette région est le plus improbable théâtre d’une guerre.

En effet, les chars d’assaut, les fantassins et même l’aviation de belligérants perdraient un temps précieux à traverser une région inhospitalière dépourvue d’importance stratégique. De plus, cette longue traversée à découvert priverait cette attaque de tout effet de surprise et favoriserait l’anéantissement des troupes qui y participeraient.

Contrairement à un pays comme la Norvège — dont le littoral arctique est beaucoup plus développé que le Grand Nord canadien puisqu’environ dix pour cent de la population de ce pays y habite — la militarisation de l’Arctique devrait être la moindre des priorités militaires du Canada, à l’exclusion de la protection contre des missiles intercontinentaux.

D’autre part, les compagnies minières s’emploient ces jours-ci à alimenter les journalistes et les chroniqueurs de rapports complaisants qui présentent l’Arctique comme un eldorado moderne, riche en minerais essentiels à notre développement économique.

Ce qu’on néglige de dire, c’est que toute exploitation des ressources minières de l’Arctique n’est compétitif — en comparaison avec des mines concurrentes situées ailleurs dans le monde — qu’au prix de subventions étatiques colossales.

Références :
Augmentation du trafic maritime dans l’Arctique canadien en 2024
China’s new technology achieves ‘unprecedented’ rare earth production speed
Conseil de l’Arctique
De plus en plus de navires circulent dans le passage du Nord-Ouest
Géopolitique de l’Arctique : une région sous haute tension
How the Pentagon Countered China’s Designs on Greenland
Implications of a melting Arctic
La géopolitique de l’Arctique, entre fantasmes et réalité
La Russie lance son second brise-glace de combat
L’obsession pas si folle de Trump pour le Groenland
The US is picking a fight with Canada over a thawing Arctic shipping route

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le contexte régional de la prise du pouvoir par les Islamistes en Syrie

Publié le 21 décembre 2024 | Temps de lecture : 1 minute
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Le régime de Bachar el-Assad s’est effondré parce qu’il n’y avait plus grand-monde pour le défendre.

Le mythe du peuple syrien opprimé que se révolte contre le tyran du pays est très romantique, mais il ne correspond pas à la réalité; pendant que les troupes de l’Organisation de libération du levant marchaient vers la capitale, le peuple syrien vaquait à ses occupations quotidiennes.

Pour comprendre réellement ce qui s’est passé en Syrie et pour avoir un aperçu de ce qui attend ce pays, je vous invite à regarder cette vidéo magistrale du géopoliticien Alain Juillet.

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Écrit par Jean-Pierre Martel