Espionnage : TikTok, applications téléphoniques et propagande

8 mai 2023
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Introduction

L’an dernier, l’émission française Cash Investigation a effectué un reportage au sujet de l’espionnage dont nous sommes les sujets par le biais de nos téléphones multifonctionnels.

Le reportage dure une centaine de minutes. Toutefois, l’essentiel se trouve dans les vingt premières minutes.

En résumé

Dès qu’une application demande l’accès aux contacts d’un internaute, si ce dernier acquiesce, cette application copiera intégralement toutes les données qui s’y trouvent et les vendra à des entreprises comme Lusha, Kaspr, AeroLeads ou Coldcrm.

Ce dernier, par exemple, autorise n’importe quel de ses abonnés (au tarif mensuel de 129 euros) d’effectuer une recherche parmi sa base de données. Celle-ci concerne 320 millions de personnes dont quelques-uns des principaux dirigeants politiques et militaires français.

Le système d’exploitation Android dirige le fonctionnement de 86 % des téléphones multifonctionnels. Or Android appartient à Google. Donc, sous Android, même si vous utilisez un autre moteur de recherche, Google vous espionne.

De plus, la majorité des applications téléphoniques utilisent des traceurs (ou cookies) mis au point par Facebook. Donc même si on évite d’installer Facebook sur son téléphone, toutes les informations colligées par ces traceurs sont transmises à Facebook quand même, peu importe la marque de l’appareil téléphonique utilisé.

L’application de prière Muslim Pro est accusée d’avoir transmis à l’armée américaine les données de géolocalisation de tous les Musulmans qui l’utilisent à travers le monde.

Les courtiers en données

Les courtiers en données sont des entreprises qui font affaire en achetant et en vendant des données. En Europe, ce marché représente à lui seul 400 milliards d’euros.

À 36:44, le reportage nous apprend que l’un d’eux, Axiom, possède la plus grande base de données au monde concernant les consommateurs; 2,5 milliards de personnes y sont fichées.

On y trouve des données générales comme l’état civil, l’adresse, le numéro de téléphone, l’âge, le poids, et les requêtes effectuées auprès des moteurs de recherche, etc.

Également, les courtiers de données chercheront à connaitre vos revenus, les personnes que vous fréquentez, vos centres d’intérêt, vos habitudes de consommation, etc.

Ils sont les clients les uns des autres afin de compléter le profil de chaque personne espionnée. Or ce profil comprend jusqu’à trente-mille informations obtenues de différentes sources.

Et pour reculer dans le temps avant l’invention de l’internet, on comptera le tout à l’aide de questions ‘de sécurité’ comme celles qui vous demandent quel était le nom de votre premier animal de compagnie ou la marque de votre première voiture.

Bref, voilà tout ce qui permettrait le vol de votre identité ou de vous personnifier auprès de gens qui ne vous ont pas vu depuis des décennies.

Et TikTok dans tout cela ?

Lorsqu’on écoute ce reportage attentivement, on réalise qu’il existe des outils sophistiqués qui permettent de savoir très précisément quelles sont les données qui sont recueillies et transmises par une application téléphonique.

On peut présumer que Washington dit vrai lorsqu’il accuse TikTok de colliger des données personnelles. Mais est-ce que ce média social va au-delà de ce que font déjà tous les médias sociaux américains ?

On peut en douter puisque jamais Washington ne le précise à l’aide de preuves pourtant faciles à obtenir. Ce sont toujours de vagues accusations hypothétiques selon lesquelles TikTok serait au service du gouvernement chinois.

Le peuple américain est essentiellement individualiste. Pour susciter sa cohésion sociale, il a besoin d’une menace externe commune.

Autrefois, c’était la peur viscérale du communisme. Aujourd’hui, la peur du ‘wokisme’, suscitée par des élus républicains, ne joue pas ce rôle puisqu’elle consiste à dresser les Américains les uns contre les autres.

De nos jours, ce qui unit les Américains, c’est la peur de la Chine. Une peur compréhensible puisqu’il est probable que la Chine détrônera un jour les États-Unis au titre de première puissance mondiale.

D’ici là, Washington est déterminé à faire flèche de tout bois. L’épisode rocambolesque des ‘ballons-espions’ chinois en est un exemple.

L’hostilité à l’égard de TikTok fait partie de sa propagande antichinoise.

Une propagande d’autant plus efficace qu’elle est de l’ordre de la paranoïa; comment une simple application de courts vidéos de danse, de recettes de cuisine, de trucs de maquillage ou de décoration intérieure peut-elle sournoisement menacer l’hégémonie mondiale des États-Unis ?

Parus depuis :
Doctissimo condamné à une amende de 380 000 euros pour de multiples violations du droit des données personnelles (2023-05-17)
Le FBI espionne encore régulièrement les communications d’Américains (2023-05-19)
Protection de données : une amende de 1,75 milliards $ pour Meta, un record en Europe (2023-05-22)

Compléments de lecture : Le bannissement de TikTok au travail

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Écrit par Jean-Pierre Martel