L’espionnage d’Ottawa dans nos vies n’a pas de limite

Publié le 11 juillet 2025 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Introduction

En légalisant l’homosexualité au Canada en 1969, le premier ministre Pierre-Elliott Trudeau déclarait :

L’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation.

Depuis, les temps ont changé.

L’espionnage ‘passif’ du Canada

Depuis les révélations d’Edward Snowden en 2013, on sait que les cinq pays à majorité anglo-saxonne — les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande — ont mis sur pied un système de surveillance qui épie tous les courriels, tous les textos et toutes les conversations téléphoniques au monde.

Non pas qu’un espion écoute en direct chacune de nos conversations téléphoniques, mais qu’elles sont toutes stockées sur d’immenses serveurs et qu’elles seront écoutées si les autorités jugent approprié de faire enquête sur une ou plusieurs personnes parmi nous.

Ce système est opéré par les États-Unis. Et le Canada a consenti à l’espionnage américain de ses citoyens. Mais même si le Canada avait refusé son consentement, les États-Unis le feraient pareil.

De plus, la loi américaine autorise Washington à demander secrètement l’accès à toutes les données (y compris les données biomédicales) hébergées sur un serveur situé aux États-Unis ou qui appartient à une entreprise américaine.

Encore là, même si le Canada s’y opposait, cela ne changerait rien.

L’espionnage actif du Canada

Depuis janvier 2019, la Loi sur la statistique permet à Statistique Canada de recueillir automatiquement, et sans leur consentement, les informations bancaires de 500 000 Canadiens. Ces informations comprennent l’identité, le solde bancaire et les transactions effectuées.

Une fois le système rodé, il sera étendu à l’ensemble de la population canadienne.

Puisque cette collecte vise, officiellement, à aider les entrepreneurs à étoffer leurs plans d’affaires, on peut présumer que cette collecte ne vise pas seulement à savoir le total d’une transaction commerciale, mais le détail de ce qui a été acheté.

Dans tous les cas, ces informations ne seront pas anonymisées.

D’autre part, la semaine dernière, on apprenait que le recensement de 2026 comprendra de nouvelles questions.

Plus précisément, toute personne inscrite au recensement et âgée de quinze ans ou plus sera obligée (sous peine de sanctions) de révéler à l’État son orientation sexuelle.

La personne devra choisir entre se déclarer hétérosexuelle, lesbienne ou gaie, bisexuelle ou pansexuelle, ou pourra apporter les précisions nécessaires dans un espace prévu à cet effet.

Il existe une multitude de sondages qui permettent de connaitre assez précisément le pourcentage des différentes préférences sexuelles de la population.

De plus, par nos clics sur les médias sociaux, par les textes ou les vidéos ce qu’on choisit de consulter, les services de renseignements ont une idée vague de nos préférences sexuelles. Mais ce n’est pas une preuve formelle.

Par le biais du recensement, Ottawa veut des noms et il veut des aveux. Des aveux obtenus sous la menace des sanctions prévues par la loi contre ceux qui refusent de répondre aux questions du recensement. En somme, il veut savoir qui couche avec quoi (à défaut de savoir avec qui).

On est donc aux antipodes de l’époque où on croyait que ce qui se passait dans les chambres de la nation ne regardait pas l’État.

Malheureusement, en apposant une étoile jaune au dossier étatique des bénéficiaires des politiques d’ÉDI (Équité, Diversité et Inclusion), on donne à des régimes moins bienveillants qui pourraient suivre tous les outils pour les persécuter.

De plus, contrairement à la Canadian Constitution — cette constitution adoptée par le Canada anglais sans le Québec en 1982 — la Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnait explicitement le droit à la vie privée.

Son article 5 se lit comme suit :

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

En violant ce droit, Ottawa donne aux Québécois une raison de plus de vouloir l’indépendance du Québec.

Références :
CLOUD Act
L’affaire Alstom
Bill omnibus (Trudeau)
Edward Snowden
Informations bancaires: Statistique Canada veut rassurer les citoyens
L’espionnage de l’État canadien n’a pas de limite
Recensement 2026 : de nouvelles questions pour mieux comprendre les Canadiens

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Détails de la photo : Droits appartenant à Stokkete. Photo distribuée par la banque d’images Onepixel.

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’obsession américaine de la ‘race’

Publié le 15 octobre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Depuis le séquençage du génome humain en 2004, on sait qu’un ‘Blanc’ typique et un Noir ‘pure race’ ont en commun entre 99,5 % et 99,9 % de leurs chromosomes. Or cette proportion est la même entre deux membres d’une même ‘race’.

Bref, de la même manière qu’il n’existe pas de race constituée des gens aux yeux bleus, il n’existe pas de race de gens à la peau pigmentée. La pigmentation de la peau n’est qu’une parmi une multitude de caractéristiques humaines.

Le racisme ne consiste donc pas à distinguer ces différences de pigmentation entre deux personnes, mais à y attacher une importance démesurée.

Tout comme le racisme, le racisme systémique possède des degrés de sévérité. Nulle part n’est-il plus évident qu’aux États-Unis.

Les recensements

Les recensements canadiens ne demandent pas aux répondants de préciser à quelle race ils appartiendraient, contrairement aux recensements américains.

Dès les premiers d’entre eux, on chercha à faire l’inventaire des esclaves et des Noirs affranchis.

En 1790, le peuple américain était partagé en trois groupes;
• les mâles et les femelles (sic) Blancs,
• les autres personnes libres, et
• les esclaves.

Originellement, l’analphabétisme était tellement généralisé que les recensements étaient effectués par des préposés qui évaluaient la couleur de la peau des répondants.

En 1850, les catégories se précisaient :
• les Mâles et les Femelles blancs,
• les Noirs (libres),
• les Mulâtres (libres),
• les esclaves Noirs, et
• les esclaves Mulâtres.

À ces catégories, s’ajoute une sixième (‘Indiens’) en 1860.

En raison de l’abolition officielle de l’esclavage, on supprime en 1870 et en 1880 les deux catégories qui y font référence, mais on ajoute la catégorie ‘Chinois’.

Au recensement de 1890, le gouvernement américain veut mesurer l’importance des unions interraciales (interdites dans certains États). Les catégories deviennent :
• les Mâles et les Femelles blancs,
• les Noirs,
• les Mulâtres,
• les Quadroons (quelqu’un ayant un quart de ‘sang noir’),
• les Octoroons (quelqu’un qui a un huitième de ‘sang noir’ ou moins),
• les Indiens,
• les Chinois, et
• les Japonais.

L’historique familial permettait aux préposés au recensement d’évaluer grossièrement le degré de pureté du sang. De plus, on comprendra qu’aux États-Unis (même de nos jours), un ’Blanc’ est un ’Blanc pur race’.

En 1900, toutes les personnes de descendance noire sont regroupées dans la catégorie ‘Noirs’. Les autres catégories demeurent.

Mais en 1910, la catégorie ‘Mulâtres’ réapparait alors que s’ajoute la catégorie ‘Autres’ (pour les Coréens, les Philippins et les gens originaires de l’Inde).

À partir de 1920, les catégories se multiplieront.

En 1930, le mot en ’N’ (ci-contre) est utilisé pour la première fois et le sera jusqu’au recensement de 2010 inclusivement.

On peut présumer que c’est Barak Obama, président depuis 2009, qui s’est assuré qu’il en était ainsi pour la dernière fois.

Même si on les effectue une seule fois par décennie, les recensements basés entre autres sur la pigmentation de la peau contribuent à faire d’elle un marqueur identitaire.

Les médias

Cette obsession de tout voir au travers d’un prisme racial explique le fait que même une chaine de nouvelles comme CNN ne peut pas s’empêcher de décliner toutes ses statistiques selon les États ou selon la race (pudiquement appelés ‘Groupes racisés ou racialisés’, ce qui revient au même). Presque jamais par groupes socioéconomiques.

Dans ce pays, il n’est pas étonnant qu’on ait senti le besoin de colliger des données relatives aux taux d’infection et de mortalité au Covid-19 selon la ‘race’. Ces données ont révélé, sans surprise, que les personnes considérées comme ‘Noires’ étaient davantage victimes du Covid-19.

Pour un suprémaciste blanc, quelle aubaine; à ses yeux, c’est la preuve de la robustesse, voire de la supériorité, de la ‘race blanche’ à laquelle il appartient.

Lorsqu’on est persuadé que la vulnérabilité aux infections dépend des caractéristiques physiques inhérentes à l’individu — en d’autres mots, lorsqu’on croit que c’est gravé dans ses chromosomes — que peut-on y faire ? Son triste sort, n’est-il pas le résultat de la Volonté divine ? N’est-ce pas Dieu qui l’a fait ainsi ?

Par contre, si on croit que la mortalité par Covid-19 dépend des caractéristiques socioéconomiques des gens, il faut travailler à la réduction des inégalités sociales, cause véritable des taux d’infection différents.

Les statistiques au sujet du Covid-19 sont colligées par les États parce que la Santé est un de leurs domaines de juridiction exclusive. Or ceux-ci sont majoritairement dirigés par des gouverneurs Républicains (donc de Droite, sinon d’extrême-Droite). Voilà pourquoi on préfère baser ces statistiques sur la ‘race’, perpétuant ainsi l’importance démesurée qu’on y attache.

Ce à quoi les groupes antiracistes eux-mêmes ne voient pas d’objection. Ce qui prouve bien à quel point le racisme systémique américain est enraciné partout.

Références :
Le néo-racisme multiculturel du NPD
The changing categories the U.S. census has used to measure race
What Census Calls Us
What Census Calls Us – A Historical Timeline

Paru depuis :
Majority of Latinos Say Skin Color Impacts Opportunity in America and Shapes Daily Life (2021-11-04)

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Écrit par Jean-Pierre Martel