L’ingérence étrangère en Moldavie

Publié le 8 octobre 2025 | Temps de lecture : 19 minutes

Importance géostratégique

La Moldavie est un pays enclavé entre la Roumanie et l’Ukraine.

Avant le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, c’était le pays le plus pauvre d’Europe.

La Moldavie n’est pas productrice de pétrole ni de minéraux critiques. De manière générale, elle ne produit rien d’essentiel à l’économie mondiale. De plus, avec sa population de 2,8 millions d’habitants, c’est un marché d’exportation secondaire pour n’importe quel de ses voisins.

D’autre part, l’article 11 de sa constitution se lit comme suit :

La République de Moldavie proclame sa neutralité permanente. Elle n’admet pas la présence de troupes militaires d’autres États sur son territoire.

Tout cela confère à la Moldavie une importance géostratégique mineure, essentiellement limitée à sa position géographique, plus précisément à une position entre deux blocs hostiles; l’Otan (à l’ouest) et la Russie (à portée de missile).

À l’Est, le long de sa frontière avec l’Ukraine, une longue bande de son territoire correspond à sa province sécessionniste de Transnistrie. C’est là où se trouve une bonne partie sa minorité russophone. Celle-ci compte pour quatre pour cent de la population moldave, le pays étant à 82 % roumanophone.

Précisons que la Transnistrie n’est reconnue par aucun pays. Pas même par la Russie.

En raison de sa neutralité militaire, le pays est doté du budget militaire le plus faible d’Europe (0,5 % de son PIB).

En somme, la Moldavie ne compte que sur sa diplomatie pour se maintenir en équilibre entre les rivalités hégémoniques des empires qui l’entourent, des empires qui n’hésitent pas à s’immiscer dans ses affaires intérieures dans le but de modifier cet équilibre à leur avantage.

Le référendum constitutionnel de 2024

À la suite du Sommet de l’Otan à Bucarest en 2008, Vladimir Poutine avait fait savoir que l’adhésion de la Biélorussie ou de l’Ukraine à l’Otan serait une menace existentielle aux intérêts stratégiques de la Russie et constituerait un casus belli.

En réaction à l’invasion de l’Ukraine, la Suède et la Finlande se sont empressées de devenir membres de l’Otan.

La Moldavie n’a pas pu faire de même en raison de sa constitution.

De plus, le 2 février 2023, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que la Moldavie pourrait subir le sort de l’Ukraine (c’est-à-dire être envahie par la Russie) si la Moldavie décidait de rejoindre l’Otan.

Plutôt que de supprimer l’article 11 de sa constitution (et ainsi risquer une guerre), les dirigeants du pays ont plutôt choisi d’ajouter à la constitution des dispositions d’apparence anodine qui, dans les faits, font contrepoids à l’article 11.

En 20 octobre 2024, les électeurs moldaves étaient invités à se prononcer sur la pertinence d’amender la Constitution moldave afin d’y stipuler le caractère irréversible du cheminement de la Moldavie en vue de son adhésion à l’Union européenne (UE).

Le bulletin de vote précisait le texte des amendements à apporter à la constitution :

Le préambule [de la constitution] est complété par les nouveaux paragraphes suivants :

RECONFIRMANT l’identité européenne du peuple de la République et l’irréversibilité du parcours européen de la République de Moldavie.

DÉCLARANT l’intégration dans l’Union européenne comme objectif de la République de Moldavie.

La constitution est complétée par un titre V dont le contenu est le suivant :

TITRE V : INTÉGRATION DANS L’UNION EUROPÉENNE

Article 140 : Adhésion aux traités fondateurs […] de l’Union européenne.

(1) L’adhésion de la République de Moldavie aux traités fondateurs de l’Union européenne […] est établie par le parlement par le biais d’une loi organique.

(2) En raison de cette adhésion, les dispositions des traités fondateurs de l’Union européenne […] l’emportent sur toute disposition contraire des lois nationales […].

Comme nous le verrons plus loin, le cheminement vers l’intégration à l’UE est indissociable du cheminement vers l’adhésion, d’une manière ou d’une autre, à l’Otan.

Un référendum sous influence

L’influence occidentale

À dix jours du référendum, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenté d’en influencer le résultat en se rendant dans la capitale moldave pour y annoncer une aide sans précédent de 1,8 milliard d’euros sur deux ans (2025-2027) en faveur de la Moldavie.

Cette aide est principalement constituée d’un prêt dont les versements peuvent en tout temps être différés si le cheminement de la Moldavie vers l’UE laisse à désirer selon Bruxelles.

Le taux de participation au référendum fut de 50,69 %, soit 1,5 million de votants sur 3,0 millions d’inscrits (comprenant la diaspora moldave). De plus, le ‘oui’ l’emporta avec 50,35 % des voix exprimées. Ce qui veut dire que seulement 25,5 % de la population adulte du pays a voté ‘oui’.

Ce faible taux d’approbation s’explique moins par le désintérêt des électeurs que par les embuches dressées contre leur participation au scrutin.

Alors que la diaspora moldave en Amérique du Nord a pu voter électroniquement et alors que des centaines de bureaux de vote ont été ouverts afin de permettre à la diaspora moldave en Occident de voter, seulement deux bureaux de vote ont été mis à la disposition de la diaspora moldave en Russie, généralement pro-russe. Or cette dernière, forte d’environ un demi-million d’expatriés, est presque aussi importante que la diaspora moldave en Occident (entre 500 000 et 600 000 personnes).

Cette parcimonie est un choix politique des autorités moldaves puisque Moscou n’avait pas intérêt à ce que la diaspora de Russie connaisse des difficultés à s’exprimer.

L’influence russe et sa répression

L’oligarque israélo-moldavien Ilan Șor (qu’on prononce ‘Chor’) est un escroc extrêmement populaire en raison de son mécénat. En 1998, il fonda un parti politique à son nom, un parti qu’il dirigea en Moldavie de 2016 à 2019, et à partir de Russie entre 2019 et 2023.

En 2017, il fut condamné à 7,5 années de prison pour fraude. Pendant que la cause était portée en appel, il s’enfuit en Israël en 2019, puis en Russie. Sa peine fut doublée à 15 ans par la Cour d’appel de Moldavie en 2023.

Dès septembre 2022, son parti organisa d’importantes protestations contre le gouvernement pro-européen au pouvoir en raison de la crise énergétique qui secouait le pays.

Le 3 octobre 2024, les dirigeants moldaves accusaient Ilan Șor d’avoir, à coup de millions d’euros provenant de Russie, tenté d’acheter les votes de 130 000 personnes en vue du référendum. Ce qui constitue une accusation ridicule puisque, dans le secret de l’isoloir, l’électeur demeure libre de voter pour qui il veut.

Étant donné que les avoirs d’Ilan Șor en Moldavie ont été saisis par la Justice parce qu’acquis frauduleusement, l’argent qu’Ilan Șor dépense en Moldavie provient évidemment de Russie, sans qu’on puisse déterminer si cet argent est le sien ou s’il dépense des sommes que lui verse le Kremlin.

Au lieu de servir à acheter des votes, cet argent servait plutôt à rémunérer des journalistes, des influenceurs sur les médias sociaux, des prêtres orthodoxes, et toute personne capable de modifier le résultat du scrutin. Ce qui constitue de l’ingérence étrangère au sens strict du terme puisqu’Ilan Șor, citoyen moldave, dépense cet argent à partir de l’Étranger.

Ajoutons toutefois que l’Union européenne fait pareil par le biais des ONG moldaves à sa solde.

Le 8 novembre 2022, le gouvernement du pays entama des procédures afin de bannir le parti Șor. Ces procédures aboutiront le 19 juin de l’année suivante; la Cour constitutionnelle de Moldavie interdit alors ce parti, accusé de participer aux tentatives de ‘déstabilisation’ du pays par la Russie puisque toute protestation contre la politique étrangère du gouvernemental pro-européen est jugée subversive par les tribunaux.

Entretemps, le 19 décembre 2022, afin d’assurer ‘la sécurité de l’espace informationnel’ (sic), le Conseil de l’audiovisuel décidait de retirer temporairement les permis de diffusion aux six chaines en langue russe que possédait l’oligarque Ilan Șor (Prime TV, RTR Moldova, Accent TV, NTV Moldova, TV6 et Orhei TV).

Même si la minorité russophone de Moldavie ne compte que pour quatre pour cent de sa population, l’auditoire de ces stations est beaucoup plus vaste puisque les deux tiers des adultes moldaves sont trilingues (incluant le russe).

Les élections législatives de 2025

Le 28 septembre dernier, les Moldaves étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés.

Précisons que l’élection présidentielle s’est tenue l’an dernier, en même temps que le référendum dont nous venons de parler. La présidente actuelle y a été élue grâce au vote de la diaspora en Occident puisqu’en Moldavie même, son adversaire a obtenu 51 % des suffrages.

Aux élections législatives du mois dernier, le Parti Action et Solidarité (PAS), fondé en 2016 par la présidente, a été reporté au pouvoir.

Ont participé à l’élection, 52,2 % des inscrits. Le PAS a obtenu 50,3 % de ceux qui ont voté, soit 26,3 % de la population adulte du pays.

Au cours des mois qui ont précédé le scrutin, la présidente du pays a accusé le Russie de mener une campagne sans précédent pour faire dérailler le cheminement de la Moldavie vers son intégration européenne. À défaut de moyens de mesurer précisément l’ampleur de l’ingérence russe, il est certain que Moscou tente d’influencer à sa manière la politique Moldave.

Thèmes électoraux

En plus des thèmes économiques communs à toutes les campagnes électorales, la vie politique moldave n’oppose pas des partis pro-européens à des partis pro-russes, mais plutôt des partis pro-UE à des partis nationalistes.

Cela rappelle le référendum français de 2005 (au sujet du Traité de Rome-II) où s’affrontaient les partisans de l’intégration européenne à ceux qui s’opposaient à la perte de souveraineté du peuple français au profit de Bruxelles.

C’est là une différence fondamentale avec les élections législatives récentes en Géorgie où s’affrontaient d’une part un parti opposé aux valeurs sociétales condamnées vivement par l’Église orthodoxe, et d’autre part une opposition qui promeut le mariage gai et défend les droits des minorités de genre.

C’est également une différence avec les élections en Ukraine où, de l’indépendance à 2014, tous les partis étaient pro-européens mais s’opposaient sur l’opportunité de l’adhésion du pays à l’Otan.

En théorie, la Moldavie pourrait adhérer à l’UE sans abandonner sa neutralité militaire. Dans les faits, cela est impossible.

On doit savoir que depuis 1945, l’UE n’a admis parmi ses membres que des pays qui étaient déjà membres de l’Otan ou, dans le cas des pays qui possédaient le statut de pays neutres (comme la Finlande et la Suède), qui avaient préalablement conclu avec l’Alliance un Partenariat pour la paix.

L’intégration militaire de ce Partenariat est tel qu’en cas d’abandon de sa neutralité, un pays est instantanément admis à l’Otan s’il le souhaite.

En aout 2025, l’Otan et la Moldavie menaient des exercices militaires conjoints sur le territoire moldave, en totale violation de l’article 11 de la constitution. Et ce, grâce à la complicité des dirigeants pro-UE du pays.

Si les Moldaves sont si méfiants à l’égard de l’Union européenne, c’est moins parce qu’ils ont compris que l’UE est la ‘carotte’ de l’Otan que par le fait que l’opposition mène une campagne de peur.

Déjà, les sanctions contre la Russie ont considérablement appauvri la Moldavie. La crainte véhiculée par les partis nationalistes, c’est que l’augmentation considérable des dépenses militaires liée à la perte de la neutralité du pays appauvrisse encore davantage le peuple moldave.

Par-dessus tout, cette crainte est basée sur la présomption d’une volonté cachée de l’UE d’entrainer le pays dans une guerre avec la Russie. Comme les politiciens atlantistes, soutenus par Washington, l’ont fait en Ukraine.

L’ingérence de Merz, Tusk et Macron

Le 27 aout dernier, le Jour de l’indépendance moldave — mais, coïncidence, à un mois des élections législatives — le chancelier allemand, le premier ministre polonais et le président français se sont rendus en Moldavie pour faire campagne en faveur des partis pro-européens moldaves.

À cette occasion, ils se sont adressés à la foule réunie lors d’un concert dans la capitale retransmis en direct sur la télévision d’État.

Le chancelier allemand s’est exprimé en anglais alors que le premier polonais, de même qu’Emmanuel Macron, se sont exprimés en roumain.

Dernier des trois à parler, le président de la République française a terminé son discours par les paroles suivantes (traduites ici par Google Translation) :

Demain, notre Union européenne sera plus forte avec [l’adhésion de] la Moldavie. Et elle sera aussi, avec l’Europe, plus forte et plus prospère. Ensemble, nous allons écrire un nouveau chapitre de la Moldavie et de l’Europe.

Nous sommes aujourd’hui à vos côtés et aux côtés de la présidente Maia Sandu qui se bat depuis le premier jour, avec beaucoup de courage, pour une Moldavie indépendante, forte, démocratique et ancrée à l’Europe.

Vive la Moldavie ! Vive l’Europe ! Vive la Moldavie dans l’Europe ! Vive une Moldavie indépendante ! Vive l’Europe unie !

L’ingérence de l’Union européenne

Le 11 mars 2025, le Parlement européen approuvait un plan de soutien pour la Moldavie de 1,9 milliard d’euros sur deux ans. En plus précis, c’est essentiellement le même plan qu’Ursula von der Leyen annonçait l’an dernier, à dix jours du référendum. Comme quoi une promesse qui fait de l’effet peut toujours servir deux fois.

Ce plan comprend un don de 520 millions d’euros. Pour comprendre l’importance de cette somme, précisons que le budget de l’État moldave comprend des revenus de 3,3 milliards d’euros et des dépenses de 3,9 milliards. À titre de comparaison, le budget de la Moldavie correspond à la moitié du budget de la ville de Montréal.

Pour entrer en vigueur, ce plan devait être approuvé par la Commission européenne.

C’est à l’occasion d’une visite dans la capitale moldave que la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, en a fait l’annonce officielle, le 9 octobre dernier, soit trois semaines avant le scrutin.

Cette proximité temporelle ne doit pas être interprétée, nous dit-on, comme une ingérence de l’Union européenne dans les affaires internes de la Moldavie. Vraiment ?

Des partis politiques interdits à deux jours du vote

En avril 2024, de son exil en Russie, Ilan Șor mit sur pied une coalition politique de quatre partis nationalistes appelée Victoire.

À la demande du ministre de la Justice, la Commission électorale de Moldavie a interdit deux partis politiques (dont ‘Cœur de Moldavie’, membre de cette coalition) à deux jours du scrutin. Et ce, à partir de soupçons de financement illégal.

Puisque les bulletins de vote avaient déjà été imprimés, on ignore comment les électeurs ont été avisés de ce bannissement de dernière minute et dans quelle mesure ils y ont cru.

Dans tous les cas, on peut penser que cela a nui à la participation au scrutin de ceux ou celles qui se proposaient de voter pour l’un ou l’autre de ces deux partis.

Les obstacles au vote en Transnistrie

À la frontière de la Transnistrie, seulement 12 bureaux de vote ont été ouverts pour permettre à la population moldave de Transnistrie de voter, alors qu’on en avait ouvert 41 lors du référendum constitutionnel.

De mystérieux appels à la bombe ont provoqué la fermeture de nombreux ponts qui permettaient aux électeurs de Transnistrie de traverser la frontière administrative moldave pour y voter. Les ponts ont été rouverts trente minutes avant la fermeture des bureaux de vote. De nombreux Transnistriens n’ont donc pas pu voter.

Les obstacles au vote de la diaspora

La diaspora moldave comprend entre 1,2 et 2 millions de citoyens, soit le quart de la population du pays.

Puisque la diaspora en Occident est exposée à la propagande occidentale, on peut présumer qu’elle est surtout pro-européenne. De la même manière, on peut présumer que la diaspora en Russie, exposée à la propagande russe, est surtout pro-russe.

En Russie, où la diaspora moldave compte un demi-million de personnes, seuls deux bureaux de vote ont été ouverts, soit le même nombre qu’au Japon où le nombre d’expatriés est très faible.

En comparaison, on a ouvert plusieurs centaines de bureaux de vote en Occident, dont 73 en Italie, 36 en Allemagne et 26 en France.

Conclusion

La Moldavie se trouve au voisinage de deux pays qui ont suivi des parcours très différents; l’Ukraine et la Géorgie, deux pays que Washington cherchait, depuis des décennies, à transformer en ennemis militaires de la Russie.

En Ukraine, le coup d’État de 2014 a définitivement fait basculer le pays dans le giron occidental et amené l’Ukraine à la guerre. À la manière de la fable ‘La Laitière et le pot au lait’, le mirage de la belle prospérité européenne s’est dissipé pour faire place à un champ de ruines.

En Géorgie, après des années de rapprochement avec l’UE, le parti au pouvoir s’est lassé de l’instabilité politique causée par la guerre culturelle que Bruxelles menait dans le pays par le biais d’ONG à sa solde.

Après sa volteface nationaliste, le PIB de la Géorgie s’est accru au rythme annuel de 8 à 10 % depuis trois ans, soit bien au-delà de la croissance des économies européennes, plombées par les sanctions économiques contre la Russie.

En Moldavie, les amendements constitutionnels de 2024 constituent une camisole de force qui oblige les élus, même nationalistes, à taire leurs réticences à l’égard de la perte de souveraineté de leur pays au profit de Bruxelles à défaut de quoi ils sont sujets à la destitution au motif de menace à l’ordre constitutionnel par la Cour constitutionnelle moldave, aussi interventionniste en politique que sa collègue de Roumanie.

De plus, en refusant de se protéger contre toute ingérence étrangère (comme l’a fait la Géorgie), la Moldavie laisse libre cours à la propagande de l’UE qui aura tôt fait de l’entrainer sur la pente glissante de l’hostilité envers la Russie.

Bref, dans un pays exposé à la fois à la propagande russe et à celle — beaucoup plus apparente — de l’Occident, la lutte biaisée contre l’ingérence étrangère sert de prétexte au trucage des élections par les forces politiques et judiciaires pro-européennes du pays.

Références :
« Après la Roumanie, la Moldavie » : pourquoi le patron de Telegram Pavel Durov accuse la France de « tentative d’ingérence »
Avant la présidentielle, l’UE dévoile une aide record à la Moldavie
Crise constitutionnelle moldave de 2019
Crise énergétique moldave de 2022-2024
Emmanuel Macron apporte un « soutien déterminé » à la Moldavie et dénonce les « mensonges » russes
En août [2025], la Moldavie hébergera des exercices conjoints avec deux pays de l’Otan
Entrevue avec Maia Sandu (vidéo)
Guerre en Ukraine. Sergueï Lavrov évoque une potentielle extension du conflit en Moldavie
Ilan Shor
La Laitière et le pot au lait
La Moldavie dans l’UE ? Un élargissement problématique
La présidente von der Leyen annonce un plan de croissance ambitieux en faveur de la Moldavie à l’occasion d’une visite à Chișinău
La volonté populaire en Europe soumise à la dictature des juges : le cas de la Roumanie
Le Parlement de Moldavie a approuvé le budget de la république pour 2025 avec un déficit
Le Parlement [européen] approuve un nouveau plan de soutien pour la Moldavie
L’importance géostratégique de la Moldavie
Macron en Moldavie : la guerre des ingérences (vidéo)
Manifestations de 2022-2023 en Moldavie
Moldavie
Moldavie : Des élections législatives truquées ? La victoire du parti proeuropéen remise en question par le bloc prorusse
Moldavie : le parti pro-européen gagne les législatives avec plus de 50 % des voix
Moldavie : outre les soupçons d’ingérences russes, l’extrême droite roumaine s’immisce dans les élections législatives
Moldova bans pro-Russian parties ahead of Sunday’s election
Moldovan president calls for tougher policing to tackle pro-Russia protests
Moldova’s pro-EU party wins vote mired in claims of Russian interference
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Relations entre la Moldavie et l’OTAN
The pro-European party won Moldova’s election but obstacles to join the EU remain
UE-OTAN : quels rapports ? Les élargissements de l’OTAN donnent le rythme de ceux de l’UE
2025 Moldovan parliamentary election

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ingérence étrangère : d’autres squelettes dans le placard ?

Publié le 9 février 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Selon le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, une des candidates à la succession de Justin Trudeau serait la cible d’une campagne de dénigrement sur l’application WeChat.

Cette application chinoise de messagerie textuelle est très populaire parmi le 1,7 million de Canadiens d’origine ou de descendance chinoise.

Selon nos médias, cette campagne serait un autre exemple d’ingérence chinoise dans les affaires intérieures du Canada.

La véritable menace étrangère

En premier lieu, mettons les choses au clair. De nos jours, tous les pays s’immiscent plus ou moins discrètement, dans les affaires internes d’autres pays.

L’ingérence politique chinoise dans les affaires intérieures du Canada est prouvée mais sa portée est insignifiante. Dans tous les cas, l’issue des élections canadiennes reflète la volonté du peuple canadien.

La menace la plus sérieuse, voire existentielle, que courre actuellement du Canada vient du Sud de nos frontières et non de l’autre côté du Pacifique.

Malheureusement, la loi C-70, adoptée par le parlement canadien, est une passoire. Selon cette loi, seules sont définies comme ‘entités étrangères’ les entités étatiques étrangères.

Cela nous protège contre l’ingérence de la Chine et de l’Inde. Mais cela ne fait rien contre l’ingérence américaine qui, elle, passe généralement par des ONG à la solde de Washington ou financées par des millionnaires libertariens.

C’est par leur biais que les Américains mettent leur nez dans les affaires intérieures d’Ukraine, de Géorgie, de Slovaquie, d’Allemagne, du Groenland, au Canada et dans la grande majorité des pays du monde.

Le cas de cette candidate libérale

Il est à noter que les médias canadiens qui ont rapporté la nouvelle de cette campagne de dénigrement n’ont pas précisé en quoi consisteraient les calomnies dont serait victime cette candidate libérale.

On comprend facilement que nos quotidiens puissent être réticents à répéter des informations fallacieuses. Toutefois, si effectivement il s’agit d’une campagne calomnieuse, on ne voit pas comment les utilisateurs de WeChat apprendraient la vérité si on refuse de les confronter à une vérification des faits.

Pour Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien en Chine :

« [La campagne de dénigrement actuelle] démontre que les Chinois trouvent que c’est une femme forte qui n’hésite pas à dire les choses telles qu’elles sont et qui a déjà été très critique envers la Chine.»

Le diplomate a raison de souligner la force de caractère de cette candidate. Mais il a tort d’affirmer qu’elle n’hésite pas à dire les choses telles qu’elles sont. L’expérience démontre que c’est faux.

On se rappellera qu’en 2017, peu de temps après que cette candidate eut été nommée ministre des Affaires étrangères du Canada, une rumeur était apparue à son sujet.

Selon celle-ci, son grand-père maternel, d’origine ukrainienne, était un collabo du Troisième Reich.

Il aurait été simple d’avouer la faute, mais de souligner qu’on n’est jamais responsable des erreurs commises par d’autres, même lorsque ceux-ci sont des parents. En somme, la culpabilité ne se transmet pas génétiquement.

Mais Ottawa a préféré nier.

Insistant sur la coïncidence entre sa nomination et l’apparition de cette rumeur, le gouvernement fédéral avait déclaré que c’était essentiellement de la propagande russe. Et la plupart des grands journaux du pays, en bons patriotes, s’étaient tus afin de ne pas faire le ‘jeu des Communistes’.

Malheureusement, c’était vrai.

L’affaire est ressortie au pire moment: après que nos députés eurent ovationné un ex-soldat pro-nazi de la Division SS Gacicie, une milice ukrainienne responsable de quelques-uns des pires massacres (de civils polonais et slovaques, essentiellement) survenus au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Comme une bonne partie des politiciens (et des êtres humains en général), cette candidate avoue les vérités qui ne lui conviennent pas seulement lorsqu’elle est acculée au pied du mur.

Espérons que si cette personne est portée à la tête du pays, on n’apprendra pas qu’elle cachait d’autres squelettes dans son placard…

Entretemps, si le meilleur argument qu’a trouvé cette candidate pour se démarquer des autres c’est ‘Votez pour moi parce que la Chine ne m’aime pas’, c’est un peu mince.

Références :
À quoi servent les think tanks?
Chrystia Freeland attaquée en ligne : une nouvelle tentative d’ingérence étrangère?
Le grand-père de la vice-première ministre du Canada, un collabo nazi
Moscou outré par les commentaires de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly

Paru depuis :Olaf Scholz critique l’ingérence des Américains, après le discours de J. D. Vance (2025-02-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ingérence étrangère : les demi-mesures du Groenland

Publié le 4 février 2025 | Temps de lecture : 6 minutes

L’ingérence des États-Unis

Pour étendre ou consolider leur hégémonie, les États-Unis pratiquent depuis des décennies l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.

En Amérique latine

Dans les années 1960, la CIA avait couvert l’Amérique latine de dictateurs d’extrême droite, n’hésitant pas à faire assassiner Salvador Allende, pourtant élu démocratiquement à la présidence du Chili.

À Cuba, les États-Unis ont tenté 638 fois d’assassiner Fidel Castro en plus d’échouer en 1961 à le renverser par une invasion de mercenaires à la baie des Cochons.

Dans les années 1980, la CIA finançait les Contras dont le mandat était de susciter, par des actes terroristes, le mécontentement de la population contre le gouvernement du Nicaragua.

En Ukraine

Plus près de nous, les États-Unis ont secrètement orchestré en 2014 le massacre de la place de l’Indépendance de Kyiv afin de faire basculer définitivement l’Ukraine dans le camp occidental.

En Géorgie

Depuis trois mois, les États-Unis et leurs alliés alimentent le climat insurrectionnel en Géorgie en répétant faussement que les dernières élections législatives y auraient été l’objet d’une fraude massive.

En Roumanie

Le mois dernier, l’élection présidentielle en Roumanie a été annulée parce que les électeurs y ont voté pour un candidat critique de l’Union européenne et de l’Otan.

Les dirigeants pro-occidentaux du pays ont pris cette décision inusitée parce que, selon eux, le peuple roumain s’est trop laissé influencé par la propagande russe sur les médias sociaux.

En Slovaquie

Robert Fico, premier ministre de la Slovaquie, est reconnu pour son opposition à l’aide à l’Ukraine, pays situé immédiatement à l’Est du sien.

Après avoir échappé à une tentative d’assassinat le 15 mai 2024, il affronte ces jours-ci d’immenses protestations déclenchées par sa rencontre avec Poutine, le 22 décembre dernier, au sujet de l’approvisionnement slovaque en gaz fossile russe.

Selon les services de renseignement slovaque, environ le tiers des protestataires sont des personnes transportées gratuitement par autobus et par train à partir de l’ouest de l’Ukraine, fief des groupes néonazis de ce pays.

Puisque l’État ukrainien est en faillite depuis des années, on voit mal qui pourrait financer cette couteuse opération sinon, indirectement, les États-Unis.

On comprendra donc la nervosité des dirigeants du Groenland à l’approche de leurs élections législatives, prévues le 6 avril prochain.

La nouvelle loi groenlandaise

Le 16 janvier dernier, le site Euractiv rapportait que des influenceurs pro-Trump sont arrivés des États-Unis par avion dans la capitale groenlandaise, distribuant des billets de 100 dollars et des casquettes MAGA à la sortie des supermarchés.

Dans cette ville de vingt-mille habitants, leur venue n’est pas passée inaperçue.

Plus tôt aujourd’hui, le gouvernement provincial du Groenland a adopté une nouvelle loi sur le financement politique afin de se prémunir contre l’ingérence ‘étrangère’ (lisez : américaine).

Exception faite du Québec, le financement politique en Occident est de la corruption légalisée.

Chez nous, seuls les citoyens du Québec peuvent verser de l’argent à une formation politique. Cela est donc interdit aux syndicats, aux ONG et aux entreprises, qu’elles soient ‘québécoises’ ou non.

Au Québec, la contribution individuelle maximale est de 100 $ par année en temps normal. Un maximum porté à 200 $ les années où se tiennent des élections. De plus, la moindre contribution doit être déclarée.

En tant que Québécois, on est ahuri en voyant les sommes colossales qui peuvent être versées secrètement et en toute légalité à une formation politique en Europe et aux États-Unis puisque la déclaration n’y est obligatoire que lorsque la contribution politique dépasse un seuil élevé.

Alors quelles sont les règles dont le Groenland s’est doté ?

Dorénavant, les politiciens groenlandais ne pourront plus accepter des contributions ‘étrangères’ ou anonymes. Sont étrangers, les donateurs qui résident ou sont domiciliés en dehors du Groenland.

Les formations politiques devront tenir un registre où sera inscrit chaque versement par une association, une ONG, une entreprise, etc.

Dans le cas des particuliers, c’est différent. L’inscription au registre sera obligatoire pour les dons individuels qui dépassent mille couronnes danoises (soit 134 € ou 200 $Can). En deçà de cette somme, la contribution pourra demeurer secrète.

Dans tous les cas, la contribution politique d’un citoyen ne pourra pas dépasser vingt-mille couronnes (soit 2 680 € ou 4 000 $Can).

Selon le quotidien Le Monde, « aucune formation ne sera autorisée à recevoir plus de 200 000 couronnes (27 000 euros) de donateurs privés, dans la limite de 20 000 couronnes par contributeur.»

Ce qui suggère qu’il n’y a pas de limite quant aux versements des entreprises. Du moment qu’elles ne sont pas ‘étrangères’. Ce qui n’empêche pas, par exemple, une association ou une ONG authentiquement groenlandaise de servir de paravent à du financement politique étranger.

Le maximum québécois, limité à 100 ou 200 $, a été fixé très bas afin d’éviter les prête-noms. C’est une précaution que le Groenland n’a pas prise.

Imaginons qu’un candidat reçoive une liste de noms de donateurs accompagnée d’une enveloppe brune pleine de billets de banque.

Pourquoi ce candidat prendrait-il l’initiative de s’assurer que ces gens ne sont pas des prête-noms quand la loi ne lui impose aucune obligation à ce sujet et que, de toute manière, leur contribution peut demeurer secrète puisqu’aucun d’entre eux n’a versé plus de mille couronnes selon la liste fournie ?

En conclusion, la nouvelle loi groenlandaise au sujet du financement politique demeure une passoire, mais dont les trous sont plus petits qu’avant.

Références :
Ces 638 fois où la CIA a voulu se débarrasser de Fidel Castro
Contras
Débarquement de la baie des Cochons
En direct de Nuuk : les YouTubeurs et les casquettes MAGA envahissent le Groenland
La Géorgie sur la voie d’un coup d’État (1re partie)
Le Groenland se mobilise contre les risques d’ingérences étrangères
L’Ukraine sous le respirateur artificiel américain
Manifestations massives en Slovaquie contre la position de Fico envers la Fédération de Russie
Poutine s’entretient avec Fico, lors d’une rare visite à Moscou d’un dirigeant de l’UE
Roumanie : des milliers de personnes protestent contre l’annulation de l’élection présidentielle
Tentative d’assassinat de Robert Fico
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Paru depuis : Olaf Scholz critique l’ingérence des Américains, après le discours de J. D. Vance (2025-02-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel