Les dragqueens et les valeurs conservatrices

16 avril 2023

Introduction

Je devais avoir quatre ou cinq ans. Un soir d’orage, ma mère m’avait pris par la main, avait entrouvert les rideaux de ma chambre et m’avait dit : “ Tu vois les éclairs au loin. Eh bien, c’est le petit Jésus qui éclaire pour savoir où envoyer la pluie.

Quelques années plus tard, revêtu d’un épais imperméable jaune, je m’étais assis sur les marches de notre balcon pour voir et entendre un orage dont les éclairs tombaient à environ un kilomètre de notre maison. Jamais je n’avais vu un orage de si près.

Il y avait d’abord un craquement assourdissant aussitôt suivi d’une intense lumière qui colorait tout en rose. C’est un des spectacles naturels les plus grandioses auxquels j’ai assisté.

D’autre part, beaucoup plus tard, je me souviens d’avoir vu ma sœur Paule, un soir d’orage, serrant fort sa fillette dans ses bras en lui disant de ne pas avoir peur alors que tout son langage corporel criait le contraire.

Comme la peur, l’intolérance se transmet aux enfants.

La peur de la différence

Sous le titre ‘Drag Queen: Protégeons nos enfants!’, Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, a lancé une pétition s’opposant à ce que des travestis soient invités dans des écoles à réciter aux enfants des contes au sujet de la diversité sexuelle ou de la théorie des genres.

Ces contes visent à faire en sorte que les enfants acceptent l’aspect différent des autres personnes, évitent de s’adonner à de l’intimidation et au rejet de l’autre, et s’acceptent eux-mêmes s’ils se sentent différents.


 
En apprenant que le livre Le rose, le bleu et toi ! d’Élise Gravel, était notamment visé par les attaques du chef conservateur, je me suis rendu dans une bibliothèque de mon quartier afin de voir en quoi ce livre mérite ou non la controverse dont il est l’objet.

On y répond à des questions simples. Est-ce que les garçons ont le droit de pleurer ? Est-ce que les filles peuvent être des patronnes ?

On y lit que chez certains peuples, les hommes portent des jupes. On y donne des exemples de femmes qui, les premières, ont exercé des ‘métiers d’hommes’. Etc.

Afin de faciliter la lisibilité du texte auprès des enfants, il est à noter qu’on y a judicieusement évité l’écriture woke (ex.: les bâtisseur.euse.s culturel.le.s montréalais.e.s.).

En cliquant sur ceci, on pourra consulter un extrait de ce livre.

Bref, cette pétition conservatrice est un hameçon auquel se sont empressées de mordre plus de trente-trois-mille personnes qui, dans leur immense majorité n’ont probablement pas lu le livre ou, si elles l’ont lu, sont encore plus stupides que je pense.

Les beaux contes traditionnels

Cette controverse n’aurait jamais vu le jour si l’activité parascolaire facultative dont on parle avait été remplacée par la lecture d’un de ces bons vieux contes traditionnels.

Quoi de plus mignonne que l’histoire du Petit chaperon rouge dont la grand-maman est dévorée par le méchant loup qui aurait également dévoré l’héroïne n’eut été de sa perspicacité.

Mais la cruauté animale est peu de chose comparée à celle des humains. Les enfants doivent en être prévenus.

À cette fin, quoi de mieux que Blanche Neige; dans ce conte, la jalousie de la nouvelle conjointe du père est telle qu’elle demande à un complice deux choses; premièrement d’amener Blanche Neige aux bois afin de la tuer et deuxièmement, de lui rapporter son cœur comme preuve de son assassinat. Comme c’est beau.

Quant à l’importance du consentement sexuel, les enfants doivent l’apprendre subtilement par le biais de l’histoire de la Belle au bois dormant. Imaginez : l’héroïne reçoit un baiser non sollicité alors qu’elle est endormie. Un baiser que toutes les féministes au monde associeraient à de la violence sexuelle si ce baiser volé n’avait pas été administré par un homme riche et puissant. Alors, évidemment, ça change tout !

Quand les parents se plaignent de leurs difficultés financières — comme c’est malheureusement trop souvent le cas ces jours-ci — les enfants doivent s’empresser d’amasser des petites pierres blanches. Pourquoi ? Parce que les parents, lorsqu’ils ont trop de bouches à nourrir, ont parfois l’idée d’abandonner leurs enfants dans les bois afin que les loups les dévorent. C’est la leçon du Petit Poucet.

Bref, les parents conservateurs ont bien raison de préférer qu’on éveille leurs enfants à la cruauté du monde plutôt que leur enseigner la tolérance et le respect des autres… s’ils veulent que leurs enfants finissent par leur ressembler.

Référence : Un livre d’Elise Gravel est banni dans le sud des États-Unis

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guylain Levasseur vs l’hypocrisie bourgeoise de l’administration Plante

4 avril 2023

Introduction

La promotion de l’inclusivité par la mairie de Montréal s’est limitée à l’adoption de gestes purement symboliques comme la promotion de l’écriture dite ‘inclusive’ (ex.: Les bâtisseur.euse.s culturel.le.s montréalais.e.s), et la condamnation bon chic bon genre de toutes les formes de discrimination possibles ou imaginables…

Sauf la discrimination sociale et la discrimination linguistique, soit celle dont sont victimes à l’embauche les francoQuébécois unilingues sur l’ile de Montréal lorsqu’on exige d’eux la connaissance de l’anglais lorsque cela n’est pas nécessaire.

Un nombre insuffisant de logements sociaux

Dans le cas du logement social, lors des élections municipales, la priorité de Mme Plante a toujours été d’en promettre plus que son adversaire. Mais une fois élue, le zèle lui fait défaut.

Les études sociologiques démontrent que la mixité sociale est le mode idéal de cohabitation urbaine.

Forte de ce principe, l’administration Plante compte sur les développeurs immobiliers pour réaliser ses promesses en leur émettant un permis à la condition qu’ils consacrent une partie de leurs unités locatives à du logement social.

Mais nous ne sommes pas dans un pays à économie dirigée. Au contraire, dans un pays capitaliste, si une administration municipale veut nuire à la rentabilité des investissements immobiliers, les entrepreneurs construiront ailleurs, là où ils peuvent maximiser leurs profits.

En réalité, quand de riches Montréalais déménagent dans des condominiums construits pour eux, ils libèrent des logements qui peuvent être occupés par des gens moins fortunés. Et les logements libérés par ces derniers servent à d’autres. Et ainsi de suite.

Et par ce jeu de chaise musicale, toute augmentation de l’offre locative profite à tout le monde en soulageant la crise du logement et en combattant l’augmentation des loyers qui en découle.

Voilà pourquoi le gouvernement québécois de François Legault estime qu’il est futile de budgéter des sommes supplémentaires pour la construction de logements sociaux quand des sommes colossales sont déjà disponibles, mais ne sont pas dépensées en raison notamment du blocage idéologique de l’administration Plante.

Harceler les itinérants

Il y a quelques années, la ville de Montréal s’était fait remarquer par sa volonté de limiter à trente minutes le temps qu’on pouvait passer assis sur les bancs du parc Cabot.

Cette mesure visait à lutter contre le ‘vagabondage’ des itinérants autochtones qui fréquentaient ce parc.

Après les protestations des travailleurs sociaux, l’administration municipale, soucieuse de son image publique, avait été dans l’autre extrême, soit de faire modifier ces bancs pour permettre aux itinérants de s’y allonger pour dormir.

Au cours de la pandémie, la ville a chassé les itinérants qui campaient le long de la rue Notre-Dame — où le risque d’attraper le Covid-19 était nul — afin de les forcer à dormir dans des refuges (c’est-à-dire des lieux clos) où le risque de contagion était considérablement plus élevé.

La persécution de Guylain Levasseur

Ce matin, je m’étais levé de bonne humeur, comme d’habitude.

Mais j’ai pris connaissance de l’ampleur du harcèlement policier que la ville de Montréal fait subir depuis des années à Guylain Levasseur; il doit 25 000$ en contraventions.

Pour la ville, il est un multirécidiviste.

Pour les itinérants de Montréal, il est l’équivalent de ce qu’était mère Theresa dans les quartiers pauvres de Calcutta.

Je ne le connais pas personnellement. Mais en faisant du vélo à travers le parc Adhémar-Raynault, je l’ai croisé à plusieurs reprises. Et j’ai eu l’occasion de discuter avec lui et d’admirer son dévouement pour ses protégés.


 
Ce dévouement, c’est de parcourir la ville à la recherche de dons d’épiciers généreux et d’offrir gratuitement ces vivres aux siens. Et ce, à partir de sa cantine mobile.

Le harcèlement de la ville contre lui est un scandale. Il est tel que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) a jugé bon d’intenter un recours à la fois contre la Ville, le Service de police de la Ville de Montréal, ainsi que quatre patrouilleurs qui se sont acharnés sur M. Levasseur.

Conclusion

Les élus de l’administration Plante sont des gens qui ont réussi. Ce sont des nouveaux riches, obnubilés par la technologie (trottinettes électriques) et les concepts à la mode.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de travailleurs manuels, d’ouvriers à faible revenu et de pauvres dans l’administration Plante ? Parce que cette administration est composée de bourgeois propres, beaux et souriants, animés de belles intentions, qui conçoivent la ville dans leur lorgnette de parvenus sans culture et sans expérience de la vie.

Guylain Levasseur est leur exact opposé.

Sa réussite sociale à lui, c’est d’avoir transformé son vieux camion en cantine mobile et de nourrir les siens.

Jamais vous ne l’entendrez prononcer les mots ‘personnes vulnérables’ en adoptant cet air empathique, typique de ces élus qui les ont répétés des dizaines de fois devant leur miroir…

Jamais vous ne l’entendrez dire que ses pensées et ses prières vont aux itinérants morts de faim ou de froid. Parce que la mort de chacun d’eux est un échec dont il a honte.

J’inviterais donc la mairesse de Montréal à invoquer l’engorgement du système judiciaire pour abandonner toutes les poursuites intentées par son administration contre Guylain Levasseur et à s’excuser de l’acharnement dont il est le sujet depuis des années.

Puisque la défense de la ville contre le recours de la CDPDJ devrait couter beaucoup plus que 25 000$ en frais juridiques, la saine gestion des finances de la ville exige que celle-ci mette fin dès maintenant à la persécution dont M. Levasseur est victime.

Références :
235 contraventions en quatre ans: un sans-abri ciblé par les policiers de Montréal
Le banc de la discorde
Le logement social à Montréal : les promesses en l’air
Les itinérants-campeurs et la gestion du risque
Quatre-millions de Québécois victimes de discrimination à l’embauche
Que défend la Ville de Montréal? Le langage épicène ou le langage militant?

Parus depuis :
Violence et itinérance dans le Village : « On touche le fond du baril » (2021-06-18)
« On est en train de voir naître un Downtown Eastside à Montréal » (2021-07-07)
Les itinérants au Palais des congrès de Montréal, « c’est rendu fou » (2021-07-18)
OCPM: de coûteuses missions à l’étranger aux allures de voyages touristiques (2023-11-06)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Québec solidaire et les animaux de compagnie

8 mars 2023


Avant-propos : Depuis quelques années, pour célébrer la Journée internationale des femmes (le 8 mars), ce blogue inverse ce jour-là la règle grammaticale selon laquelle le genre masculin l’emporte sur le genre féminin. En conséquence, dans ce texte qui suit, le féminin inclut le masculin.

Introduction

La semaine dernière, Québec solidaire annonçait son intention de déposer, d’ici la fin de la présente session parlementaire, un projet de loi qui autorisera la présence d’animaux de compagnie dans tous les logements du Québec.

À l’heure actuelle, 65 % des propriétaires acceptent, avec certaines restrictions, la présence d’animaux; les chattes sont acceptées dans 71 % des cas et les chiennes, dans seulement 25 %.

Dans le cas des chattes, elles sont souvent interdites dans les appartements meublés par la propriétaire en raison de leur tendance à ‘faire leurs griffes’ sur le mobilier.

Entre la souris silencieuse et la chienne jappeuse

Québec solidaire souligne les avantages médicaux et psychologiques de la zoothérapie pour la propriétaire d’un animal de compagnie. Toutefois, cette formation politique passe sous silence les inconvénients causés par les conflits entre voisines au sujet d’une bête bruyante.

En somme, si elle fait du bien à sa propriétaire, une chienne jappeuse perturbe la quiétude de la locataire du haut, de celle du bas, et de celles à l’étage, soit beaucoup plus de personnes.

Pour la SPCA (la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux), faire opérer une chienne parce qu’elle jappe est de la cruauté.

Lorsque les chiennes sont interdites par le bail, cela ne signifie pas qu’elles sont systématiquement expulsées; généralement, elles sont tolérées tant que personne ne s’en plaint.

Mais dès que des voisines sont incommodées par le tapage nocturne causé par les jappements d’une bête, la propriétaire de l’immeuble possède une base légale pour obliger la locataire à s’en départir ou à déménager. Sans une disposition à sujet dans le bail, la propriétaire est impuissante.

Les voisines incommodées sont alors obligées de s’adresser à la police — réduisant sa disponibilité à régler des conflits plus graves — ou de déposer une plainte devant les tribunaux. Signalons qu’à la Cour des petites créances, les délais sont de deux ans pour qu’une cause soit entendue.

En somme, on remplace ici le pouvoir discrétionnaire de la propriétaire de l’immeuble par le pouvoir arbitraire d’une magistrate.

Une anecdote

Il y a quelques années, dans sa cour arrière, une personne laissait japper sa chienne tous les matins dès que la clarté du jour paraissait, soit entre 5h30 et 6h15 (selon les saisons).

Dotée d’un mauvais caractère et d’un gabarit impressionnant, cette personne faisait fi des plaintes répétées de ses voisines.

Après plus d’un an à ronger son frein, l’une d’entre elles a lancé dans la cour arrière une boulette de viande hachée mélangée à du poison à rate. Et la chienne, dit-on, serait morte en pissant du sang par les yeux et les oreilles.

Au grand soulagement des voisines, majoritairement réprobatrices quant au moyen utilisé, mais unanimement favorables quant au résultat.

La personne propriétaire de la bête empoisonnée a toujours soupçonné la responsable mais n’a jamais eu la preuve que, parmi les dizaines de personnes qui haïssaient sa chienne, c’était cette voisine-là qui était la coupable.

Conclusion

Autrefois, on ne protégeait les droits individuels que dans la mesure où ils n’allaient pas à l’encontre des droits collectifs (comme le droit au sommeil).

De nos jours, on ne prend plus cette précaution; on compte sur les magistrates pour dresser une préséance entre les droits des unes et des autres.

Le recours à la justice là où une simple clause de bail suffisait correspond à une judiciarisation inappropriée.

Et ce, pour deux raisons.

Premièrement, en raison des délais et des lenteurs du processus judiciaire. Et deuxièmement, en raison de son inaccessibilité économique; demander qu’un conflit mineur soit arbitré par une juge payée un quart de million$ par année et plaidée de part et d’autre par des avocates dont les tarifs dépassent 150$ de l’heure est du gaspillage.

De plus, en rendant extrêmement difficile la résolution de conflits mineurs entre voisines, on favorise l’apparition de comportements asociaux entre des personnes qui se font alors justice elles-mêmes.

Références :
Interdire les animaux dans un logement est discriminatoire, juge Québec solidaire
Levons les interdictions d’animaux de compagnie dans les logements
Logement : devrait-on retirer l’interdiction des animaux domestiques du bail ?
Repenser les tribunaux

Paru depuis : Les délais continuent de s’allonger aux petites créances (2023-09-02)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le travail des jeunes écoliers

11 février 2023

Introduction

D’ici deux mois, le gouvernement de la CAQ compte présenter un projet de loi destiné à encadrer et à limiter le travail des jeunes.

Son but est d’éviter que le travail incite au décrochage scolaire.

À l’heure actuelle, dès l’âge minimal de quatorze ans, les jeunes peuvent travailler à la condition du consentement écrit de leurs parents et que les heures travaillées se déroulent, ni durant les heures de cours, ni entre 23h et 6h du matin.

Personne ne s’opposera à ce que la loi soit améliorée pour devancer (à 22h par exemple), l’heure où le travail des jeunes doit cesser; compte tenu du temps pour rentrer chez soi, il n’est pas normal qu’au début de l’adolescence, on se couche à minuit ou à 1h du matin.

Une étude récente de l’université Sherbrooke révèle que dès l’âge de onze ans, plus de la moitié des écoliers travaillent.

Le taux de chômage au Québec — actuellement le plus faible au pays — et la pénurie généralisée de main d’œuvre se prêtent à ce que des employeurs recrutent des jeunes pour des tâches demandant une main d’œuvre non qualifiée.

À l’Assemblée nationale

Plus tôt cette semaine, le représentant de ma circonscription (Hochelaga-Maisonneuve) s’est inquiété à l’Assemblée nationale de l’augmentation importante du travail des jeunes inscrits aux premières années du secondaire.

Après avoir invité le ministre du Travail du Québec à résister aux pressions des restaurateurs et des détaillants en procédant à la rédaction de son projet de loi, le député Alexandre Leduc (de Québec Solidaire) a adressé au ministre la question suivante :

« [Au sujet de…] ses hausses ridicules de salaire minimum, le ministre disait toujours qu’il ne fallait pas trop que ça soit haut parce que cela allait inciter trop de jeunes à prioriser le travail avant les études. Bien là, on a un salaire minimum ‘poche’ (sic) et une explosion incontrôlée du travail des jeunes. Est-ce que le ministre est conscient que lui, il est aux commandes [et qu’] il est en train de présider à un phénomène sans précédent de ‘massification’ et de normalisation du travail des adolescents de 10, 11, 12, 13, 14 ans ? »


Note personnelle : mon premier emploi était comme servant de messe, rémunéré au montant forfaitaire de cinq cents la messe, mais bientôt doublé à dix cents. Je devais avoir huit ou neuf ans. J’ai beaucoup aimé.

Le ton alarmiste du député au sujet d’un projet de loi que personne n’a encore vu est inapproprié. On ne parle pas ici de revenir au XIXe siècle alors que des enfants travaillaient dans des mines. Ni à l’époque où des gérants d’usine frappaient leurs subalternes ou harcelaient leur personnel féminin pour qu’il consente à leurs avances.

Tout le monde s’entend pour dire que la place des jeunes est à l’école. De plus, les écoliers doivent consacrer le temps qu’il leur est nécessaire pour faire leurs devoirs à domicile.

Les risques

Le travail des jeunes ne doit pas les inciter à abandonner leurs études. Voilà pourquoi le projet de loi du gouvernement devrait obliger un employeur à congédier tout jeune qui quitte prématurément l’école.

De plus, on doit éviter d’exposer indument les jeunes aux accidents de travail.

Soyons clairs : le risque zéro n’existe pas. De nos jours, même aller à la garderie peut s’avérer mortel.

Un jeune encourra toujours un risque plus grand de blessure au travail que s’il était demeuré chez lui à pitonner sur sa console vidéo, étendu sur le sofa du salon.

De la même manière, un adolescent risquera toujours de glisser l’hiver sur un trottoir mal déglacé en livrant les journaux à domicile. Comme cela pourrait lui arriver en se rendant à l’école.

Si on accepte qu’un adolescent puisse se blesser au hockey ou en descendant une piste de ski, il faudra accepter les risques raisonnables reliés à un emploi peu dangereux.

Les avantages

Qui peut s’opposer à ce que nos jeunes passent moins de temps devant les écrans de leurs appareils mobiles si cela est remplacé par du temps à épauler des camarades de travail et à servir la clientèle ?

Selon l’étude de l’université de Sherbrooke cité par le député (mais qu’il ne semble pas avoir lu), l’augmentation du travail des jeunes observée récemment s’est accompagnée d’une amélioration de leur santé mentale.

Sans prouver de relation de cause à effet, cette étude montre également une association entre le temps plus grand que les fillettes passent devant l’écran de leur appareil mobile et la prévalence d’idées noires, voire suicidaires.

Une étude américaine effectuée chez 212 913 jeunes de 12 à 17 ans a révélé chez eux une augmentation importante du taux de dépression majeure entre 2005 à 2017, soit avant le confinement pandémique. Ce taux est passé au cours de cette période de 8,7 % à 13,2 %.

Compte tenu du fait que le premier iPhone date de 2007 et que le premier iPad date de 2010, les chercheurs ont émis l’hypothèse d’une corrélation entre la généralisation de l’usage de ce type d’appareil et l’augmentation de la dépression alors qu’il est prouvé que cette généralisation s’est accompagnée d’une diminution du temps consacré au sommeil.

En effet, leurs écrans émettent beaucoup de lumière bleutée. Ce qui diminue d’autant la sécrétion de la mélatonine par le cerveau.

On peut présumer qu’à l’inverse, toute activité physique reliée au travail favoriserait le sommeil et du coup, diminuera la dépression chez les jeunes si et seulement si le temps travaillé se fait au dépens du temps passé passivement à regarder des images sur un périphérique mobile.

Voilà pourquoi ce projet de loi devrait obliger le mineur à laisser son téléphone en consigne lorsqu’il travaille. En cas d’urgence, ses parents (par exemple) pourraient le contacter par le biais du téléphone de l’employeur. Ce serait alors un bon moyen de sevrer nos jeunes de la dépendance aux écrans.

Et ce, sans compter l’effet positif du travail contre la sédentarité et contre la dépréciation de l’image de soi qui accompagne souvent l’obésité dans un monde où la minceur est valorisée.

À partir du moment où on est parfaitement libre de le quitter, il faut voir le travail comme une expérience enrichissante qui favorise l’adoption, chez les jeunes, de meilleures habitudes de vie.

Références :
Âge minimum pour travailler : un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité
Age, Period, and Cohort Trends in Mood Disorder Indicators and Suicide-Related Outcomes in a Nationally Representative Dataset, 2005–2017
Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans
Lumière bleue et dégénérescence maculaire
Plus de la moitié des jeunes Québécoises vivent anxiété ou dépression
Québec déposera un projet de loi sur le travail des enfants en début d’année
Tragédie à Laval : l’heure est au recueillement
Un phénomène qui existe depuis des décennies : le travail des enfants au Québec

Parus depuis :
Social Media is a Major Cause of the Mental Illness Epidemic in Teen Girls. Here’s the Evidence (2023-02-22)
Pénurie de main-d’oeuvre: de plus en plus de jeunes travaillent dès l’âge de 12 ans (2023-03-04)

Complément de lecture : Le temps d’une messe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


À l’Onu, le Canada refuse de condamner le nazisme

9 novembre 2022
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Le 4 novembre dernier, l’Assemblée générale de l’Onu adoptait une résolution qui condamnait le nazisme. Cette résolution est entérinée annuellement par l’organisation internationale depuis 2012.

Au fil des années, son texte s’est étoffé au point de compter maintenant douze pages. Toutefois, quant au fond, la résolution est demeurée la même.

Parmi les 105 pays qui ont voté en faveur de cette résolution, on trouve évidemment Israël. Les 104 autres sont des pays africains, asiatiques ou d’Amérique latine.

Les pays riches d’occident — l’Amérique du Nord et la presque totalité des pays européens (dont l’Allemagne) — ont refusé de condamner le nazisme.

Au-delà de son rejet explicite de l’idéologie du IIIe Reich, la résolution blâme également le néonazisme et les autres idéologies qui alimentent les formes contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et l’intolérance qui lui est associée.

Le texte de la résolution ne blâme aucun pays en particulier. Ni explicitement ni par des sous-entendus.

Malgré cela, en raison de l’importance de l’extrême-droite aux États-Unis — au sein des forces policières, de même que dans les milieux judiciaires et politiques — ce pays s’est toujours senti visé par cette résolution. Voilà pourquoi, depuis 2012, il est contre.

Les ambassadeurs américains à l’Onu font valoir que cette résolution est partiale dans la mesure où elle stigmatise l’extrême droite sans condamner l’extrême gauche.

C’est un peu comme refuser d’appuyer le mouvement Black Lives Matter parce qu’il refuse de souligner également l’importance de la vie des ‘Blancs’.

Le vote du Canada du côté américain ne surprendra personne parmi ceux qui croient que sur la scène internationale, le Canada est le petit caniche des États-Unis.

De manière générale, l’opposition des pays riches d’occident s’explique par l’esprit de contradiction; cette résolution a été présentée par dix-sept pays, dont la Russie.

De nos jours, le fanatisme antirusse est tel que même une résolution tout à fait louable, si elle vient de Russie, doit être sujette aux sanctions internationales…

En gros, le vote a donc opposé les alliés militaires des États-Unis au reste du monde. La Turquie, membre rebelle de l’Otan, s’est abstenue.

Il est triste de constater que nos impôts servent à financer cet enfantillage diplomatique.

Références :
Pourquoi la France et 51 autres pays ont voté contre la résolution de l’ONU condamnant le nazisme
Résolution de l’Onu contre le nazisme

Paru depuis : Le grand-père de la vice-première ministre du Canada, un collabo nazi (2023-12-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique linguistique du Parti Conservateur du Québec est dans le Cracker Jack

21 septembre 2022

Introduction

Le Cracker Jack est une friandise américaine composée de maïs soufflé enrobé de mélasse. Auprès des enfants, il doit sa popularité au cadeau-surprise de peccadille que chaque boite contenait de 1896 à 2016.

Vingt ans de laisser-faire

Au cours des vingt dernières années, le gouvernement québécois n’a rien fait pour contrer l’anglicisation du Québec.

L’inaction des gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard a été suivie par celle du gouvernement de François Legault. Sauf quant à la présentation de la loi 96, très insuffisante, en fin de mandat.

Selon un sondage publié hier par le Journal de Québec, trois partis politiques se disputent à égalité (16 %) la seconde place dans les intentions de vote, dont le Parti Conservateur du Québec (PCQ).

De toutes les formations politiques, le PCQ est le plus flou quant à ses intentions relatives à la défense du français.

D’esprit libertarien, le PCQ s’oppose à la loi 96 qu’il juge contraignante. Tout comme le Parti Libéral, le Parti Conservateur s’oppose aux mesures qui suscitent l’opposition des angloQuébécois. Ceci est l’équivalent de leur donner un droit de véto sur la défense du français au Québec.

Ceci étant dit, que propose-t-il en retour ?

Le son des criquets

Dans le communiqué intitulé ‘Tous unis pour protéger le français de manière positive’, daté du 6 septembre dernier, on peut lire :

Le PCQ va s’inspirer du rapport intitulé « Une langue commune à tous et pour tous » déposé en novembre 2016 par madame Claire Samson pour élaborer des solutions constructives et non coercitives.

En d’autres mots, depuis 2016, nous avons eu six ans pour accoucher d’un programme concret, mais nous n’avons pas eu le temps. Toutefois, élisez-nous et on verra.

C’est ainsi que son programme électoral affirme son intention de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à la restauration ou à l’établissement de programmes scolaires aptes à corriger les lacunes du système public d’éducation en matière d’apprentissage, de maitrise et de transmission de la langue française.

Tout cela est très joli. Mais concrètement, quelles sont les mesures que le PCQ compte mettre en œuvre à ce sujet ? Euh… on verra.

Idéalement, une politique linguistique comporte quatre volets : un sur la langue d’enseignement, un autre sur la langue du travail, une politique migratoire et le moins important, au sujet de la langue d’affichage.

Même si le PCQ n’a pas de programme formel pour pallier l’anglicisation du Québec, on trouve dans ses promesses plusieurs mesures qui ont une incidence à ce sujet.

La revanche des berceaux

Sous la rubrique intitulée ‘Assurer la croissance de la culture québécoise dans un contexte de faible natalité et de vieillissement de la population’, le PCQ déclare qu’il favorisera l’augmentation de la natalité en tenant compte des besoins et des réalités des familles québécoises afin d’assurer le renouvèlement démographique de la nation québécoise.

On ignore comment une politique nataliste pourrait assurer la croissance de la culture française au Québec à moins de cette ‘revanche des berceaux’ soit limitée aux couples francophones ? Sinon, qu’est-ce que ça donne ?

D’autant plus que, selon ses propres mots, le PCQ favorisera une politique volontariste pour faire croitre la langue et la culture française. Voilà qui n’est pas forçant.

La langue d’enseignement

À l’école primaire ou secondaire, le PCQ ne remet pas en question l’enseignement du français. Mais il donnera 200$ par semaine (soit 10 400$ par année) pour chaque enfant à qui les parents feront l’enseignement à domicile.


 
Depuis quinze ans, le pourcentage des parents qui élèvent leurs enfants à la fois en français et en anglais est passé de 1,6 % à 16,6 % sur l’ile de Montréal, et de 1,3 % à 13,5 % dans l’ensemble de l’agglomération métropolitaine.

En subventionnant l’enseignement parental à domicile, un nombre inconnu d’élèves passeront de l’école publique française à une microécole privée bilingue.

Une autre mesure que le PCQ compte adopter concerne le mode de financement public des lycées (appelés cégeps au Québec). Le PCQ entend les financer selon leur fréquentation.

Le plus gros cégep anglophone du Québec est le collège Dawson. C’est aussi le plus fréquenté, toutes langues confondues. C’est donc lui qui recevrait la plus grosse part du financement public des cégeps québécois sous un gouvernement du PCQ.

Normalement, les maisons d’enseignement anglophones devraient recevoir leur juste part des sommes que l’État québécois consacre à sa mission éducative.

Cette juste part est liée à l’importance démographique du peuple angloQuébécois au Québec. Au-delà, les contribuables francophones financent l’anglicisation du Québec.

La politique migratoire

Rapatrier tous les pouvoirs

Le PCQ veut rapatrier tous les pouvoirs d’Ottawa en matière d’immigration.

Cela n’arrivera pas. Il y a un demi-siècle, le fédéral et Québec ont conclu une entente qui représente le maximum qu’Ottawa est prêt à concéder. Si le Québec en veut plus, il devra devenir un pays indépendant.

Comme dans la fable ‘La Laitière et le pot de lait’, le PCQ caresse de grandes ambitions; après avoir rapatrié d’Ottawa le programme de regroupement familial, le PCQ en limitera l’accès aux personnes qui parrainent leurs propres enfants d’âge mineur.

Pour des raisons humanitaires, la Cour Suprême du Canada a déjà statué qu’on ne peut pas limiter le regroupement familial. Donc tout Canadien peut cautionner l’immigration de ses propres parents à condition de subvenir à leurs besoins pendant un certain nombre d’années.

Le choix judicieux des immigrants

Le PCQ s’oppose au recours à la clause dérogatoire de la Canadian Constitution. Mais du même souffle, il annonce sa volonté de choisir les immigrants permanents en fonction de leur ‘compatibilité civilisationnelle’.

On cherchera en vain sur le site du PCQ quels sont les critères objectifs qui permettraient de mesurer précisément la ‘compatibilité civilisationnelle’ d’un requérant au statut d’immigrant au Québec.

Si ces critères sont appliqués au cas par cas, il faut se rappeler que lorsqu’une personne demande à immigrer au Québec, elle doit signer une Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.

Le requérant y déclare vouloir respecter nos valeurs et apprendre le français. Tant que ce document n’est pas signé, le dossier du requérant est incomplet et ce dernier ne peut recevoir le certificat de sélection émis par Québec.

Si ces critères du PCQ bannissent tous les requérants en provenance d’un pays ou tous ceux qui pratiquent une religion jugée ‘civilisationnellement incompatible’, cela est contraire à la Déclaration universelle des droits de la Personne en plus d’être contraire aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.

Bref, le PCQ ne trouvera pas un seul magistrat au Québec qui acceptera de valider une discrimination systématique basée sur les préjugés ‘civilisationnels’ du PCQ.

La francisation des immigrants

Le financement généreux des cégeps anglophones par le PCQ — dont nous avons parlé plus tôt — est au cœur des mesures destinées à la francisation des immigrants.

Au premier coup d’œil, cela semble contradictoire. Mais pas aux yeux du PCQ. Selon son programme électoral, un gouvernement conservateur…

…rehaussera l’enseignement du français dans les cégeps et les universités anglophones afin de permettre à tous les étudiants issus de l’immigration temporaire d’être en contact avec la culture québécoise d’expression française.

Opposé à interdire aux néoQuébécois l’accès aux cégeps anglophones, le PCQ compte sur des cours de français langue seconde dispensés dans ces maisons d’enseignement pour franciser les immigrants.

Conclusion

En matière de francisation, le programme politique du Parti Conservateur du Québec est le plus insuffisant que j’ai lu de toute ma vie, digne des colifichets de Cracker Jack.

Références :
Anglicisation de Montréal depuis quinze ans
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Cracker Jack
Duhaime d’abord contre l’agrandissement de Dawson… mais maintenant?
Langue, culture et immigration
Le Collège Dawson réclame le maintien du financement pour son agrandissement
Le serment d’allégeance aux valeurs du pays
Tous unis pour protéger le français de manière positive : Le Parti conservateur du Québec abrogera la Loi 96

Complément de lecture :
Quand défendre le français consiste à enfoncer des portes ouvertes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Corriger la crise du logement à Montréal en deux ans

5 août 2022

Avant la pandémie

Les mesures destinées à protéger les locataires contre les augmentations abusives de loyer ont fait de l’immobilier un placement stable mais beaucoup moins attrayant que la spéculation boursière.

En conséquence, les propriétaires des immeubles résidentiels existants ont négligé de les rénover. Si bien que dans la région métropolitaine, huit pour cent des locataires vivent dans des logements qui nécessitent des réparations majeures.

Cela n’a pas empêché la construction annuelle de 24 000 nouveaux logements depuis 2016. À 87 %, il s’agit de logements en copropriété à forte densité ou des tours résidentielles à loyer élevé.

Cette densification urbaine a été observée sur l’ile de Montréal, à Laval et dans les couronnes sud et nord de l’agglomération métropolitaine.

Dans le cas précis du centre-ville de Montréal, un grand nombre de logements en copropriété sont simplement des pied-à-terre, généralement inoccupés, qui appartiennent à des non-résidents. Leur nombre est tel qu’ils représentent deux pour cent des logements en copropriété de toute l’agglomération métropolitaine.

Depuis soixante ans, le sous-investissement public a lentement raréfié le logement social et communautaire. En 2016, celle-ci était tombée à 9,1 % du parc immobilier. Depuis ce temps, seulement 7,6 % des mises en chantier l’ont été pour de tels logements.

Cette évolution du marché de l’immobilier, combiné à l’augmentation démographique, a provoqué une pénurie de logements à prix abordable; près de 200 000 locataires éprouvent des difficultés à se loger pour moins de 30 % de leurs revenus bruts.

En 2020 et 2021

Dans la ville de Québec et à Montréal, l’annulation des festivals et la fermeture des frontières ont rendu vacants les 20 000 appartements autrefois réservés à la location à court terme par des touristes.

De plus, l’attrait du télétravail et de la vie champêtre en temps de pandémie, ont fait augmenter le taux d’inoccupation à Montréal et à Québec, mais inversement, l’ont fait diminuer ailleurs en province.

En 2022

Avec la levée des mesures sanitaires et la diminution du télétravail, la situation du marché locatif s’est inversée dramatiquement; dans toutes les villes du Québec (mais particulièrement dans les plus populeuses), on assiste à une crise du logement.

Cette crise affecte de manière disproportionnée les milieux défavorisés et les travailleurs dont le revenu annuel est inférieur à la moyenne.

D’autre part, la montée des taux hypothécaires, l’inflation du prix des matériaux, et les délais occasionnés par la rupture des chaines d’approvisionnement — causés d’abord par la pandémie, puis par les sanctions occidentales contre la Russie — ont provoqué une chute brutale des intentions d’accéder à la propriété.

Ce qui signifie que les jeunes familles qui songeaient à se faire construire une unifamiliale hors de l’ile préfèrent continuer à être locataires. Du coup, les logements qu’ils devaient libérer en devenant de nouveaux propriétaires ne pourront pas servir à d’autres.

On aurait donc tort de penser que la stabilisation du marché immobilier — qui concerne que les transactions immobilières — signifie que la pénurie de logements abordables se résorbe. Au contraire, elle s’aggrave.

Une règlementation contreproductive

Aux élections montréalaises d’il y a cinq ans, la candidate Valérie Plante promettait qu’une fois élue, les permis municipaux de construction pour de grands projets domiciliaires seraient assortis à la condition d’y consacrer une partie pour du logement social.

Mais comme l’administration Plante mit trois ans et demi pour accoucher de son règlement, toutes les tours résidentielles construites ou actuellement en voie d’achèvement ont été autorisées à la hâte avant l’adoption du règlement en question.

Cet empressement fait en sorte qu’il n’y a pas de pénurie de condominiums de luxe à Montréal.

Maintenant que le règlement est en vigueur, la ville et les constructeurs en habitation sont à couteaux tirés.

Ce n’est pas le rôle d’un entrepreneur d’accomplir de bonnes œuvres; son but est de faire des profits. Et si c’est plus facile de faire des profits en banlieue, c’est là qu’il ira construire ses logements.

Pavé de bonnes intentions, le règlement de l’administration Plante nuit à l’offre de logements abordables. Son approche serait couronnée de succès dans une économie dirigée, mais elle est vouée à l’échec là où le droit au logement abordable n’existe pas.

Voilà pourquoi il faut adopter une approche diamétralement opposée.

Un projet-pilote d’envergure

Étant multifactorielle, la crise du logement ne pourra pas être résolue par une recette miracle.

Au sujet des logements sociaux, leur pénurie ne peut être corrigée que par l’injection de fonds publics. Dans les faits, l’argent doit venir d’Ottawa puisque c’est le seul gouvernement qui a de l’argent de trop ou sinon, qui a le pouvoir d’en imprimer.

Pour le reste de la société (incluant les travailleurs à faible revenu), la crise du logement pourrait être résolue en moins de deux ans dans une ville comme Montréal par le projet-pilote suivant.

Et s’il s’avère fructueux, on pourrait l’étendre au reste du Québec. Si ce projet ne peut pas s’adapter à une autre réalité que celle montréalaise, soulager les problèmes de la moitié de la population québécoise serait déjà ça de fait.

En résumé, les projets immobiliers répondant aux critères du projet-pilote seraient exemptés de taxes municipales pour les dix ans qui suivent leur achèvement.

Quels seraient ces critères ?
• respecter les règles d’urbanisme de la ville (hauteur maximale permise, distance entre la façade et le trottoir, etc.)
• toute la partie hors du sol devrait être en bois lamellé croisé,
• l’immeuble devrait avoir de 8 à 40 étages (ou plus, si la technologie du lamellé-croisé le permet),
• si l’immeuble remplace un immeuble existant, le nombre de ses logements devrait être au moins le triple de celui de l’édifice qu’il remplace tout en ayant au moins autant d’appartements dont le nombre de pièces égale ceux d’origine,
• tout projet soumis à la ville est adopté par défaut au bout de deux mois, sauf s’il a fait l’objet d’un refus justifié ou d’une demande de précision parce le devis était incomplet.

Il est à noter que certaines agglomérations — comme le Plateau-Mont-Royal — seraient exclues du projet-pilot en raison des critères architecturaux qui y prévalent.

Il est à souligner que les entrepreneurs ne seraient pas tenus de prendre l’engagement d’offrir leurs nouveaux logements à un prix qui ne dépasse pas la moyenne des appartements de même taille.

Toutefois, si ce projet-pilote rencontre le succès prévu, l’abondance des logements disponibles renversera le rapport de force entre les locataires et les propriétaires. Conséquemment, les logements offerts au-delà de la moyenne resteront inoccupés.

Et si, au pire des cas, il ne freine pas la hausse des loyers, il stimulera au maximum la construction d’immeubles résidentiels. Ce qui ne peut être que bénéfique contre la crise du logement.

Pourquoi le bois lamellé croisé ?

Contrairement au béton, le lamellé-croisé stocke le CO₂ et c’est un excellent isolant thermique.

Et à la différence des maisons traditionnelles du Québec — qui sont des maisons de bois recouvertes de briques — le lamellé-croisé est ignifuge.

De plus, comme les panneaux de ce type de bois sont fabriqués sous forme de modules, leur assemblage est un jeu d’enfant. À Vancouver, on a édifié en 66 jours un gratte-ciel de 18 étages. Normalement, cela aurait pris au moins cinq fois plus de temps.

Voilà pourquoi c’est le matériau parfait pour un projet qui vise à corriger en un temps record une pénurie de logements.

Références :
Autopsie de la crise du logement
Bois lamellé croisé
Canadian cities take wooden skyscrapers to new heights
Crise du logement au Québec : « On a perdu le contrôle »
Le logement social à Montréal : les promesses en l’air
Le logement social à Vienne
Les ventes de propriétés résidentielles ont diminué de 18 % en juillet à Montréal
Le taux de logements libres atteint 10 % à Montréal et à Québec
Portrait de l’habitation dans le Grand Montréal
Valérie Plante veut faire la paix avec les promoteurs immobiliers

Parus depuis :
Hausses de loyers abusives: plus de 100 000 logements abordables disparus au Québec en cinq ans (2023-02-21)
« SVP, rénovez mon HLM » : mobilisation contre la détérioration coûteuse des logements (2023-02-27)
Logement social : c’est la faute à… Québec ! (2023-02-28)
Les promoteurs préfèrent payer plutôt que de construire du logement social à Montréal (2023-08-22)
Logement social : le milieu des affaires tire à boulets rouges sur le règlement montréalais (2023-11-10)
« Un frein majeur » (2024-05-28)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les itinérants-campeurs et la gestion du risque

26 juillet 2022


 

Avant-propos : Ce qu’on appelle ‘itinérant’ au Québec est appelé ‘sans domicile fixe’ en Europe.

 
On apprenait récemment l’intention de la ville de Montréal d’embaucher une personne dont la tâche sera de coordonner l’expulsion des itinérants de leurs camps illégaux et de voir à la destruction de leurs abris.

Les autorités municipales nous assurent que de telles opérations sont effectuées par des travailleurs sociaux dotés d’une grande sensibilité et que cela a pour but d’accompagner les itinérants.

Mais de quel accompagnement parle-t-on ? S’agit-il de l’accompagnement du témoin qui accompagne la mariée à l’autel ? Ou s’agit-il de l’accompagnement du gardien de prison qui accompagne le condamné vers la potence ?

En réalité, la personne que veut embaucher la ville est l’équivalent d’un videur dans une boite de nuit.

La volonté des itinérants qui dressent des tentes dans des terrains vagues, c’est d’y vivre tant que le climat le leur permet. C’est ça, leur volonté.

Par la force ou la menace, la ville veut les déloger. Mais pour aller où ? Nous sommes en plein dans une crise du logement et les refuges pour sans-abris débordent.

Évidemment, on peut toujours en créer d’autres, mais est-ce là la meilleure solution ?

Pendant des années, on a institutionnalisé des personnes âgées plutôt que de leur offrir des soins à domicile. Et on commet aujourd’hui la même erreur avec ces itinérants.

Dans les refuges, les pensionnaires reçoivent des repas équilibrés et, si besoin, sont orientés vers des dispensateurs de soins.

Mais on peut faire la même chose tout en respectant leur choix de vie.

Pour le prix du salaire annuel de ce ‘videur de camps d’itinérants’, on aurait pu louer un terrain abandonné, y installer une source d’eau potable et des toilettes chimiques, de même que permettre le ravitaillement par les cantines mobiles d’organismes de bienfaisance et planifier la venue d’infirmières-visiteuses.

Bref, l’équivalent de soins ‘à domicile’.

Mortalité comparative de la 7e vague du Covid-19

À l’heure actuelle, l’attitude des Québécois à l’égard de la septième vague du Covid-19 peut se résumer ainsi : “ Advienne que pourra.

En réalité, pour les personnes vulnérables, cette vague est plus mortelle que toutes les précédentes, à l’exception de la première. Et ce, avec une contagiosité légèrement plus grande que celle de la coqueluche.

Depuis des semaines, la situation s’aggrave. La Santé publique confirme cette tendance à la hausse, mais prévoit une accalmie prochaine à la lecture des feuilles de thé…

Les itinérants sont souvent des personnes âgées et des gens souffrant de malnutrition. Nos dirigeants municipaux peuvent bien les entasser dans refuges. Mais ils doivent se préparer à avoir l’air surpris quand l’inévitable surviendra.

À une époque où on nous répète qu’on doit apprendre à gérer son risque, les itinérants qu’on force à habiter dans des endroits clos deviennent des citoyens de deuxième classe, privés de la liberté de gérer leur risque à eux.

Références :
Montée du nombre de cas de COVID-19 dans les refuges pour itinérants à Montréal
Montréal veut embaucher un coordonnateur pour le démantèlement des camps de fortune

Parus depuis :
Violence et itinérance dans le Village : « On touche le fond du baril » (2021-06-18)
« On est en train de voir naître un Downtown Eastside à Montréal » (2021-07-07)
Les itinérants au Palais des congrès de Montréal, « c’est rendu fou » (2021-07-18)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II et objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/400 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 12 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Médias sociaux et démocratie

1 juin 2022

Latana est une firme de marketing internet basée à Berlin. Chaque année, elle s’associe à l’ONG Alliance of Democracies pour effectuer un sondage destiné à mesurer comment les peuples perçoivent la démocratie.

Le sondage de cette année s’est déroulé du 30 mars au 10 mai dernier et a compté sur la participation de 52 785 répondants répartis dans cinquante-trois pays.

La 19e question (sur 32) portait sur les médias sociaux.

De manière générale, trouvez-vous que les médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.) ont un impact positif ou négatif sur la démocratie de votre pays :
❏ Très positif
❏ Plutôt positif
❏ Plutôt négatif
❏ Très négatif
❏ Pas d’impact
❏ Je ne sais pas.


 
Dans les pays démocratiques, 55 % des gens croient à l’influence positive des médias sociaux. Seuls 29 % divergent d’opinion à ce sujet.

Cette opinion flatteuse est plus nuancée en Europe. De leur part, les États-Unis sont le seul pays au monde où, avant même la répartition des indécis, la majorité des gens (52 %) les jugent sévèrement.

Après répartition des indécis, on se rend compte que les répondants qui jugent sévèrement les médias sociaux sont plus nombreux que ceux qui pensent le contraire dans les pays suivants (en ordre croissant de l’écart entre les deux groupes) : en France, en Australie, en Belgique, au Royaume-Uni, en Hongrie, en Allemagne, au Danemark, au Canada, en Autriche et dans les Pays-Bas.
 

 
Il y a deux ans, les répondants de tous les pays étaient plus nombreux à croire en l’influence positive des médias sociaux. Depuis ce temps, cette opinion flatteuse a diminué partout sauf en Inde et au Pakistan.

Cette diminution a été faible en Amérique latine (-9%) et en Asie (-7%). Mais elle le fut bien davantage en Europe (-25%) et surtout aux États-Unis où, justement il y a deux ans, Donald Trump tentait un coup d’État en s’appuyant principalement sur les médias sociaux. C’est surtout cette année-là que l’opinion publique américaine a basculé vers une opinion négative.

Référence : Democracy Perception Index 2022

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Maisons des ainés : un éléphant blanc ?

28 mai 2022

Introduction

Lors de la campagne électorale de 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) promettait de construire une trentaine de Maisons des ainés au cours de son premier mandat.

Chacune d’elles pouvant loger un maximum de cent-trente personnes, cela représente au total 3 480 places en quatre ans, soit 870 places par année.

Remplacer par mieux

À l’époque, l’intention de la CAQ n’était pas d’augmenter la capacité d’hébergement du réseau, mais de moderniser la manière d’héberger les personnes en perte d’autonomie en remplaçant peu à peu les anciens hospices par des édifices où chaque chambre serait ergonomiquement plus efficace et où les aires communes seraient vastes et lumineuses.

Puisque 870 places, c’est moins de trois pour cent de la capacité actuelle du réseau public (qui compte 37 500 places), ce remplacement aurait été complété dans trente ans.

Selon le rapport gouvernemental Les aînés au Québec, paru en 2017, il y a 1,6 million de citoyens âgés de 65 ans ou plus au Québec. Ceux-ci sont suivis par 1,8 million de personnes présentement âgées de 50 à 65 ans.

Même en tenant compte de la mortalité naturelle d’une partie de nos vieillards, de plus en plus de personnes se bousculeront aux portes de nos hospices dans les années qui viennent.

Parallèlement, la forte dénatalité qui a succédé au babyboum a diminué l’importance démographique des générations suivantes, c’est-à-dire de celles qui auront à financer les Maisons des ainés par leurs impôts.

Compléter par mieux

Supposons que le gouvernement du Québec ait pris la sage décision de renoncer à remplacer peu à peu les places existantes et qu’il ait plutôt choisi d’ajouter des places, tout en maintenant fonctionnel le réseau existant.

Dans tous les cas, nous faisons face à un important problème financier.

Le budget de construction des 46 maisons des ainés (complétées ou en voie de l’être) est de 2,79 milliards$. Pour un total de 3 480 places, à raison d’un peu plus de huit-cent-mille dollars par personne.

Quant à leur budget d’exploitation, on l’estime à 1,5 milliard$ sur cinq ans, soit l’équivalent d’un loyer mensuel de 7 183$.

Puisqu’on y héberge des personnes en perte d’autonomie, c’est un milieu où on assure une couverture de soins (médicaux et infirmiers, entre autres), on y sert des repas et on y organise des loisirs.

Bref, il est normal que l’hébergement dans une Maison des ainés soit plus couteux que dans une simple maison de chambre.

Toutefois, l’hébergement dans ces établissements constitue une mesure sociale et en tant que telle, doit viser à répondre à des besoins essentiels.

D’où la question : peut-on couvrir ces besoins essentiels à cout annuel moindre que 143 678$ par personne ?

Soins à domicile vs rénovictions

Dans nos établissements de Santé, l’épidémie au Covid-19 a révélé de graves lacunes dont la correction nécessitera des investissements très importants dans les années qui viennent.

La construction de seulement 3 480 places en Maisons des ainés — ce qui ne couvre même pas l’augmentation des besoins dans le réseau — entrainera un investissement de 2,79 milliards$.

Du coup, il serait sage d’évaluer le rapport cout-bénéfice de ce mode d’hébergement afin d’éviter de poursuivre une expérience qui pourrait s’avérer ruineuse pour notre filet de protection sociale.

Pour éviter une explosion des couts, il faut investir massivement dans les soins à domicile; plus on maintient l’autonomie de nos vieillards, moins cela coute cher.

Mais pour cela, le gouvernement actuel devra faire preuve de beaucoup plus de détermination pour lutter contre les rénovictions — les évictions sous prétexte de rénovation — qui affectent de manière disproportionnée les personnes âgées.

En pleine crise du logement, lorsqu’un vieillard est jeté à la rue, il risque de venir engorger le réseau de nos hospices même s’il aurait pu encore vivre des années dans son propre appartement.

Références :
Le désamour de la CAQ pour les ainés
Maisons des aînés : les coûts gonflent encore

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Écrit par Jean-Pierre Martel