Le travail des jeunes écoliers

Publié le 11 février 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

D’ici deux mois, le gouvernement de la CAQ compte présenter un projet de loi destiné à encadrer et à limiter le travail des jeunes.

Son but est d’éviter que le travail incite au décrochage scolaire.

À l’heure actuelle, dès l’âge minimal de quatorze ans, les jeunes peuvent travailler à la condition du consentement écrit de leurs parents et que les heures travaillées se déroulent, ni durant les heures de cours, ni entre 23h et 6h du matin.

Personne ne s’opposera à ce que la loi soit améliorée pour devancer (à 22h par exemple), l’heure où le travail des jeunes doit cesser; compte tenu du temps pour rentrer chez soi, il n’est pas normal qu’au début de l’adolescence, on se couche à minuit ou à 1h du matin.

Une étude récente de l’université Sherbrooke révèle que dès l’âge de onze ans, plus de la moitié des écoliers travaillent.

Le taux de chômage au Québec — actuellement le plus faible au pays — et la pénurie généralisée de main d’œuvre se prêtent à ce que des employeurs recrutent des jeunes pour des tâches demandant une main d’œuvre non qualifiée.

À l’Assemblée nationale

Plus tôt cette semaine, le représentant de ma circonscription (Hochelaga-Maisonneuve) s’est inquiété à l’Assemblée nationale de l’augmentation importante du travail des jeunes inscrits aux premières années du secondaire.

Après avoir invité le ministre du Travail du Québec à résister aux pressions des restaurateurs et des détaillants en procédant à la rédaction de son projet de loi, le député Alexandre Leduc (de Québec Solidaire) a adressé au ministre la question suivante :

« [Au sujet de…] ses hausses ridicules de salaire minimum, le ministre disait toujours qu’il ne fallait pas trop que ça soit haut parce que cela allait inciter trop de jeunes à prioriser le travail avant les études. Bien là, on a un salaire minimum ‘poche’ (sic) et une explosion incontrôlée du travail des jeunes. Est-ce que le ministre est conscient que lui, il est aux commandes [et qu’] il est en train de présider à un phénomène sans précédent de ‘massification’ et de normalisation du travail des adolescents de 10, 11, 12, 13, 14 ans ? »


Note personnelle : mon premier emploi était comme servant de messe, rémunéré au montant forfaitaire de cinq cents la messe, mais bientôt doublé à dix cents. Je devais avoir huit ou neuf ans. J’ai beaucoup aimé.

Le ton alarmiste du député au sujet d’un projet de loi que personne n’a encore vu est inapproprié. On ne parle pas ici de revenir au XIXe siècle alors que des enfants travaillaient dans des mines. Ni à l’époque où des gérants d’usine frappaient leurs subalternes ou harcelaient leur personnel féminin pour qu’il consente à leurs avances.

Tout le monde s’entend pour dire que la place des jeunes est à l’école. De plus, les écoliers doivent consacrer le temps qu’il leur est nécessaire pour faire leurs devoirs à domicile.

Les risques

Le travail des jeunes ne doit pas les inciter à abandonner leurs études. Voilà pourquoi le projet de loi du gouvernement devrait obliger un employeur à congédier tout jeune qui quitte prématurément l’école.

De plus, on doit éviter d’exposer indument les jeunes aux accidents de travail.

Soyons clairs : le risque zéro n’existe pas. De nos jours, même aller à la garderie peut s’avérer mortel.

Un jeune encourra toujours un risque plus grand de blessure au travail que s’il était demeuré chez lui à pitonner sur sa console vidéo, étendu sur le sofa du salon.

De la même manière, un adolescent risquera toujours de glisser l’hiver sur un trottoir mal déglacé en livrant les journaux à domicile. Comme cela pourrait lui arriver en se rendant à l’école.

Si on accepte qu’un adolescent puisse se blesser au hockey ou en descendant une piste de ski, il faudra accepter les risques raisonnables reliés à un emploi peu dangereux.

Les avantages

Qui peut s’opposer à ce que nos jeunes passent moins de temps devant les écrans de leurs appareils mobiles si cela est remplacé par du temps à épauler des camarades de travail et à servir la clientèle ?

Selon l’étude de l’université de Sherbrooke cité par le député (mais qu’il ne semble pas avoir lu), l’augmentation du travail des jeunes observée récemment s’est accompagnée d’une amélioration de leur santé mentale.

Sans prouver de relation de cause à effet, cette étude montre également une association entre le temps plus grand que les fillettes passent devant l’écran de leur appareil mobile et la prévalence d’idées noires, voire suicidaires.

Une étude américaine effectuée chez 212 913 jeunes de 12 à 17 ans a révélé chez eux une augmentation importante du taux de dépression majeure entre 2005 à 2017, soit avant le confinement pandémique. Ce taux est passé au cours de cette période de 8,7 % à 13,2 %.

Compte tenu du fait que le premier iPhone date de 2007 et que le premier iPad date de 2010, les chercheurs ont émis l’hypothèse d’une corrélation entre la généralisation de l’usage de ce type d’appareil et l’augmentation de la dépression alors qu’il est prouvé que cette généralisation s’est accompagnée d’une diminution du temps consacré au sommeil.

En effet, leurs écrans émettent beaucoup de lumière bleutée. Ce qui diminue d’autant la sécrétion de la mélatonine par le cerveau.

On peut présumer qu’à l’inverse, toute activité physique reliée au travail favoriserait le sommeil et du coup, diminuera la dépression chez les jeunes si et seulement si le temps travaillé se fait au dépens du temps passé passivement à regarder des images sur un périphérique mobile.

Voilà pourquoi ce projet de loi devrait obliger le mineur à laisser son téléphone en consigne lorsqu’il travaille. En cas d’urgence, ses parents (par exemple) pourraient le contacter par le biais du téléphone de l’employeur. Ce serait alors un bon moyen de sevrer nos jeunes de la dépendance aux écrans.

Et ce, sans compter l’effet positif du travail contre la sédentarité et contre la dépréciation de l’image de soi qui accompagne souvent l’obésité dans un monde où la minceur est valorisée.

À partir du moment où on est parfaitement libre de le quitter, il faut voir le travail comme une expérience enrichissante qui favorise l’adoption, chez les jeunes, de meilleures habitudes de vie.

Références :
Âge minimum pour travailler : un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité
Age, Period, and Cohort Trends in Mood Disorder Indicators and Suicide-Related Outcomes in a Nationally Representative Dataset, 2005–2017
Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans
Lumière bleue et dégénérescence maculaire
Plus de la moitié des jeunes Québécoises vivent anxiété ou dépression
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Tragédie à Laval : l’heure est au recueillement
Un phénomène qui existe depuis des décennies : le travail des enfants au Québec

Parus depuis :
Social Media is a Major Cause of the Mental Illness Epidemic in Teen Girls. Here’s the Evidence (2023-02-22)
Pénurie de main-d’oeuvre: de plus en plus de jeunes travaillent dès l’âge de 12 ans (2023-03-04)

Complément de lecture : Le temps d’une messe

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2 commentaires à Le travail des jeunes écoliers

  1. André Joyal dit :

    « mon premier emploi était comme servant de messe, rémunéré au montant forfaitaire de cinq cents la messe »,

    Moi aussi. Je ne me souviens pas des aies, mais oui, des films le samedi et du camp d’été dans Lanaudière.

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Le samedi après-midi, j’allais habituellement voir un film pour les enfants au cinéma Joliette ou au cinéma Vénus. Quant au camp d’été, le mien était le camp Saint-Jean-Bosco (dans la paroisse Saint-Charles-Borromée, en banlieue de Joliette).

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