La Géorgie (3e partie) : l’ère ivanichvilienne

Publié le 28 juillet 2024 | Temps de lecture : 18 minutes


Pour consulter en ordre chronologique tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.


 
De 2012 à aujourd’hui

Bidzina Ivanichvili est un oligarque géorgien qui a fait fortune en Russie à la suite de l’effondrement de l’URSS en 1991.

En 2012, au moment où commence ce texte, sa fortune personnelle est estimée à 6,4 milliards de dollars. Ce qui équivaut à 46 % du PIB de son pays d’origine, la Géorgie.

En avril 2012, il crée une coalition politique autour du parti politique qu’il avait fondé quelques mois plus tôt.

L’intention avouée d’Ivanichvili était de devenir premier ministre pour deux ou trois ans, le temps de planter le décor politique en Géorgie, puis de se retirer ensuite pour retourner à ses affaires… tout en conservant un œil sur ce qui se passe à la tête du pays.

En matière de politique étrangère, Ivanichvili promettait une approche pragmatique destinée à réduire la confrontation avec la Russie et à restaurer les liens économiques avec ce pays sans sacrifier le cheminement de la Géorgie vers une intégration à l’Otan et au marché commun européen.

La coalition politique d’Ivanichvili reprochait au gouvernement sortant d’avoir négligé le secteur agricole (qui faisait vivre la moitié de la population du pays) et d’avoir imposé un néolibéralisme brutal (qui a provoqué un taux de chômage de 16 % et une augmentation des taux d’intérêt à 14,3 %).

De plus, on lui reprochait son autoritarisme croissant.

Dans un premier temps, cette dernière accusation laissa froid l’électorat (qui en avait vu d’autres). Toutefois, un mois avant le scrutin, une vidéo faisait scandale en dévoilant les traitements brutaux infligés dans une prison de la capitale.

Même si les ténors du gouvernement sortant se sont plu à dépeindre Ivanichvili comme une marionnette du Kremlin, la réalité est plus complexe; l’oligarque a quitté la Russie en 2002 pour la France, puis est retourné en 2003 vivre en Géorgie, tout en gérant à distance ses avoirs russes (qu’il aurait toutefois vendus, dit-il, avant d’entrer en politique).

De 2003 à 2012, fuyant les journalistes, le milliardaire a adopté un profil bas. Seuls avaient attiré l’attention, sa philanthropie à l’égard des œuvres caritatives de l’Église orthodoxe géorgienne, de même que ses dons pour des écoles, les hôpitaux, les théâtres, et les musées.

Aux élections législatives d’octobre 2012, sa coalition obtient 55 % des voix et fait élire 85 des 150 députés du parlement.

Le parti du président Mikheil Saakachvili ayant été défait, celui-ci nomme Ivanichvili premier ministre le 17 octobre 2012. Une nomination entérinée par le parlement huit jours plus tard.

Dans la formation de son cabinet, Ivanichvili accorde des postes-clés à des politiciens pro-occidentaux, notamment au ministère de la Défense.

Dès le départ, la cohabitation politique s’annonce difficile, le premier ministre Ivanichvili ne cessant de critiquer le président Saakachvili et de réclamer sa démission.

Pour forcer la main de ce dernier, le nouveau ministre de la Justice du gouvernement d’Ivanichvili entame des poursuites contre plusieurs des anciens ministres du clan présidentiel.

De guerre lasse, le président démissionne à l’automne de 2013 et s’enfuit aussitôt aux États-Unis (étant lui-même poursuivi en justice).

À l’élection présidentielle anticipée qui suit, le vice-premier ministre du gouvernement d’Ivanichvili se présente à la présidence et est élu par 62 % des voix.

Trois jours après son entrée en fonction de celui-ci, Ivanichvili démissionne comme premier ministre, jugeant avoir atteint son objectif. Pour compléter le restant de son mandat, Ivanichvili fait nommer son ministre de l’Intérieur pour lui succéder.

Depuis ce temps, Ivanichvili est l’éminence grise du pouvoir politique géorgien.

Après avoir fait élire, comme nous venons de le voir, son bras droit à l’élection présidentielle de 2013, la candidate élue à l’élection présidentielle suivante (celle de 2018) était soutenue par Rêve géorgien, le parti politique fondé et financé par Ivanichvili.

Quant au parlement, depuis une décennie, il fut dirigé successivement par neuf premiers ministres du Rêve géorgien puisque c’est cette formation politique qui fut élue majoritairement aux élections législatives de 2016 et de 2020.

Au cours de cette période, le pays a procédé à plusieurs réformes constitutionnelles qui ont eu pour effet de dépouiller la présidence du pays d’une bonne partie de ses pouvoirs. Et ce, afin de prévenir l’autoritarisme présidentiel qui a prévalu au cours des mandats des premiers présidents du pays depuis l’indépendance.

En raison de l’abandon de son régime présidentiel au profit d’un régime parlementaire, les élections législatives du 26 octobre prochain prennent toute leur importance puisque c’est le parlement, et lui seul, qui déterminera dorénavant les grandes orientations du pays.

Le pouvoir politique des ONG en Géorgie

Adopté en 1997, le Code civil géorgien facilite la création d’ONG. Le pays en compte plus de quatre-mille.

Cette abondance s’explique par le fait que ces OGN servent de paravent à la manipulation de l’opinion publique géorgienne par de riches intérêts étrangers.

Ce fut le cas, par exemple, au cours de la révolution des Roses.

Orchestrée par des ONG financées par le milliardaire américain George Soros, cette révolution provoqua en 2003 la démission du président géorgien. Depuis ce temps, toute la classe politique du pays craint l’influence des ONG sur l’opinion publique.

Leurs appels à la mobilisation générale sont suivis et fréquents. Ils vont jusqu’à paralyser le fonctionnement du parlement en bloquant l’accès des députés.

Dans certains cas, leurs actions ont pris l’allure de soulèvements insurrectionnels.

À la suite de la moindre force utilisée pour disperser des protestataires — comme la force utilisée dans nos pays pour démanteler des campements pro-palestiniens — Bruxelles fait savoir à la Géorgie que cela diminue ses chances d’adhérer au marché commun européen.

Et parce qu’elles le savent, les ONG sont devenues de plus en plus audacieuses et exigeantes, réclamant la démission de tout officiel qui leur tient tête.

Leurs manifestations peuvent durer tout un mois.

C’est ainsi que des milliers de manifestants ont réclamé avec insistance que le pays se dote d’un système électoral totalement proportionnel. Ce qui n’existe nulle part au monde.

Las de leurs excès et de leur intransigeance, le gouvernement géorgien a décidé d’assécher le financement de toutes les ONG qui servent de paravent à des intérêts étrangers.

La loi sur l’influence étrangère

En 2012, Moscou adoptait une loi sur les agents étrangers.

Parmi ses exigences, cette loi obligeait les ONG russes, financées de l’Étranger, à le déclarer publiquement. En 2019, cette exigence a été étendue aux médias, aux entreprises, et à toute personne qui exerce une activité politique en Russie.

En mai 2024, à la suite de la Russie et du Kirghizistan, la Géorgie fit semblable (et non pareil) en ciblant uniquement les ONG et les partis politiques. Pendant ce temps, le gouvernement canadien présentait le projet de loi C-70 qui exige l’enregistrement des entités qui visent à influencer un gouvernement ou un processus politique au Canada.

Jugée liberticide par ses opposants, la loi géorgienne a provoqué d’innombrables manifestations, dont certaines, violentes. C’est ainsi qu’au sein même de l’hémicycle parlementaire, les députés en sont venus aux coups lors de son adoption.

En 1938, le Congrès américain adoptait la ‘Foreign Agents Registration Act’ qui, essentiellement, exige la même chose que la loi géorgienne (et la première version de la loi russe).

Comment se fait-il que les États-Unis exigent le retrait de la loi géorgienne alors qu’ils ont eux-mêmes adopté une loi semblable ?

C’est que les deux lois ont des effets opposés. La loi américaine protège les États-Unis alors que la loi de Géorgie protège contre les États-Unis…

En 2003, le milliardaire américain George Soros a dépensé 42 millions$ en Géorgie pour y financer une révolution (voir le premier texte de cette série).

Avec la loi géorgienne sur l’influence étrangère, si de riches particuliers (comme Soros) ou des gouvernements étrangers veulent se servir d’ONG opérant en Géorgie pour tenter d’y renverser des gouvernements démocratiquement élus, ils devront le faire à visage découvert.

Pour ce qui est des exigences de cette loi auprès des partis politiques géorgiens, on doit se rappeler que la législation d’ici interdit tout financement étranger des partis politiques québécois.

En effet, la loi électorale du Québec — adoptée par le gouvernement péquiste de René Lévesque — limite aux seuls citoyens du Québec le droit de verser de l’argent à un parti politique d’ici (au maximum, 100$ par année – 200$ quand c’est une année électorale).

Le droit d’être corrompu secrètement par des intérêts étrangers n’existe pas.

Par conséquent, loin d’être liberticide, la loi géorgienne est un geste d’affirmation démocratique. Et non le contraire, comme le soutiennent tous les médias occidentaux.

Répercussions en Géorgie de la guerre en Ukraine

Depuis son indépendance en 1991, l’histoire de la Géorgie se distingue de celle de l’Ukraine.

En Ukraine, on a assisté à une alternance de présidents pro-russes et pro-ukrainien jusqu’au basculement pro-occidental définitif provoqué les évènements de Maïdan en 2014.

En Géorgie, le pays s’est plutôt doté d’une succession ininterrompue de présidents et de premiers ministres pro-occidentaux et pro-Otan.

Tout au cours de l’ère ivanichvilienne, dès l’entrée en fonction d’un président et d’un premier ministre, le protocole voulait que son premier voyage officiel à l’Étranger se fasse à Bruxelles, afin d’y rencontrer les dirigeants de la Commission européenne et ceux de l’Otan. Le but étant d’y réitérer la volonté de la Géorgie d’adhérer à l’un et à l’autre et, en retour, recevoir l’assurance qu’elle est la bienvenue dans les deux.

Depuis sa guerre avec la Russie en 2008, la Géorgie achète exclusivement du matériel militaire occidental. Ce qui lui permet de participer à des exerces conjoints avec l’Otan. De plus, l’armée géorgienne accueille la formation d’instructeurs américains.

Chaque visite dans un pays de l’Otan est une occasion de conclure un accord de coopération militaire.

Conséquemment, l’allégation des partis d’opposition selon laquelle Ivanichvili serait un homme de paille de Poutine est une accusation grotesque.

Depuis la guerre opposant la Géorgie à la Russie (et les nombreuses petites escarmouches survenues depuis), les Géorgiens sont massivement hostiles à Moscou.

Voilà pourquoi, dès le début de la guerre russo-ukrainienne, les Géorgiens ont ouvert les bras pour accueillir plus de cent-mille réfugiés provenant de la partie orientale de l’Ukraine.

Ce sont essentiellement des Ukrainiens ukrainophones (minoritaire dans cette partie de l’Ukraine) et non russophone puisqu’il était plus simple pour ces derniers d’émigrer en Russie (où on parle russe) plutôt qu’en Géorgie (où la minorité russe est persécutée depuis l’indépendance).

Toutefois, au fur et à mesure que les Géorgiens assistaient à la destruction de l’économie de l’Ukraine et aux souffrances de sa population, les Géorgiens ont pris conscience du prix qu’ils pourraient avoir à payer si leur pays choisissait de devenir un ennemi militaire de son puissant voisin.

Il y a deux mois, Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques et ancien ambassadeur de France à Moscou, déclarait sur les ondes de France24 : « C’est dans la sagesse de la nation. Il y a une partie des Géorgiens qui savent qu’ils ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Et donc, qu’il faut s’accommoder avec un voisin aussi pénible et dur soit-il

La Russie et ses alliés sont dotés d’un complexe militaro-industriel capable de soutenir de manière prolongée une guerre de haute intensité alors que les usines occidentales d’armement peinent à obtenir une chose aussi élémentaire que la nitrocellulose, c’est-à-dire de la poudre à canon, produite principalement en Chine (alliée de Moscou).

Pour Ivanichvili, une guerre en Géorgie comme celle qui se déroule en Ukraine serait catastrophique. Non pas qu’elle constituerait une menace à sa fortune personnelle (à l’abri dans des paradis fiscaux), mais parce que, depuis son retour dans son pays natal, Ivanichvili a dépensé des centaines de millions$ à des activités caritatives.

Le résultat concret d’une telle guerre, ce sont des écoles, des hôpitaux, des musées, des salles de concert, et des complexes sportifs qui ne doivent leur existence qu’à son mécénat, qui disparaitraient sous les bombardements ennemis.

Bref, ouvrir un second front contre la Russie, c’est l’anéantissement de l’œuvre de sa vie.

Conséquemment, sa préférence pro-occidentale est inchangée, mais dans le contexte géopolitique actuel, il a réalisé que la Géorgie avait intérêt à adopter un profil bas.

Cette réalpolitik se bute à l’opposition vigoureuse des ONG pour qui tout assouplissement du ton hostile à l’égard de Moscou est une trahison.

La campagne actuelle en vue des législatives d’octobre 2024

Les élections législatives de cette année opposent le parti d’Ivanichvili (appuyé par l’Église orthodoxe) et les partis d’opposition (appuyés par presque toutes les ONG).

Depuis des années, les sondages démontrent que 80 à 85 % de la population adulte du pays désire l’intégration économique de leur pays à l’Union européenne.

Voilà pourquoi la stratégie de l’opposition est de dépeindre Ivanichvili comme un homme de paille du Kremlin.

À preuve, on dira qu’il a fait fortune en Russie (ce qui est vrai) et que c’est un fourbe qui a promis d’implanter un système électoral complètement proportionnel, mais qui s’est arrangé pour que cette réforme soit battue par ses propres députés (comme si c’était le premier politicien à briser une promesse électorale).

Preuve ultime de son allégeance secrète à Moscou; il attaque lui aussi les valeurs dites ‘décadentes’ de l’Occident comme le fait Poutine.

La stratégie de parti d’Ivanichvili est d’assumer pleinement cette dernière accusation et de la retourner contre ses opposants.

Dans ce pays, la moitié de la population vit sur de petites exploitations agricoles, travaille fort, et prie Dieu.

Conséquemment, l’Église orthodoxe géorgienne — qui ne relève pas du patriarche de Moscou depuis 1917 — est très influente et n’hésite pas à défendre publiquement son dogme religieux.

Au cours de cette campagne électorale, le parti d’Ivanichvili se fait le champion des ‘valeurs géorgiennes’ et n’hésite pas à accuser les ONG d’être les paravents derrière lesquels se cachent des intérêts obscurs voués à propager l’idéologie décadente de l’Occident et pervertir l’âme séculaire de la Géorgie.

Concrètement, ses candidats s’en prennent à l’homosexualité, à la théorie du genre et à la légalisation du cannabis.

Tout cela peut nous sembler très réactionnaire. Mais cela n’est pas différent du discours que tiennent les prédicateurs et les politiciens locaux de la Bible Belt américaine.

Quant à la loi sur l’influence étrangère, les candidats du parti d’Ivanichvili déclarent que pour n’importe quelle ONG authentiquement géorgienne, cette loi ne change rien. Par contre, pour les autres, elle représente une menace existentielle puisque cette loi les force à révéler les intérêts obscurs pour lesquels elles travaillent secrètement.

Pour caricaturer ses opposants, le parti d’Ivanichvili pourrait dire que toutes les manifestations de ces ONG contre cette loi sont comme ces séances d’exorcisme au cours desquelles les possédés du démon occidental se tortillent de douleur quand on les asperge de l’eau bénite de la législation géorgienne.

Politiquement, cette stratégie semble porter ses fruits. Un sondage effectué en mars dernier révélait que le parti d’Ivanichvili recueillerait 31 % des voix, soit environ le double du principal parti d’opposition.

Références :
Abashidze, Karasin Talk Bilateral Trade, as Russia slams United States, NATO
Alarm bells ring for Pankisi gorge – the echo of the Syrian war reaches Georgia
Bidzina Ivanichvili
Defense Minister Concludes U.S. Visit
Defense Minister Garibashvili Concludes U.S. Visit
Géorgie: démission du président du Parlement après les heurts
2017 en Géorgie
2018 en Géorgie
2020 en Géorgie
2022 en Géorgie
Dix organisations non gouvernementales réclament la démission de Tea Tsulukiani (en géorgien)
Élections législatives géorgiennes de 2012
Élections législatives géorgiennes de 2020
En Géorgie, les LGBT+, nouveau bouc émissaire du pouvoir : « C’est une persécution à grande échelle »
EU: Georgia Lacks Progress on Labor Safety
Georgia’s Foreign Agents Law: a Brief History of NGOs in the country
Foreign Agents Registration Act
Georgian Defense Minister, NATO Officials Discuss Deepening Ties
Georgia orders trucks as modernisation drive continues
Géorgie : Bidzina Ivanichvili, l’oligarque qui veut faire tomber Saakachvili
Géorgie: le premier ministre remanie le gouvernement
Géorgie : pour le président Margvelachvili, l’adhésion à l’UE « est notre horizon »
Géorgie : retour sur l’année 2017
Giorgi Kvirikashvili : « Nous avons surmonté les difficultés que de nombreux pays développés ont du mal à surmonter, sans notre politique économique, nous serions confrontés à une réalité différente.» (en géorgien)
Giorgi Kvirikashvili remercie le gouvernement américain pour son soutien continu à la Géorgie (en géorgien)
« Il faut les balayer » : importante manifestation en Géorgie pour exiger de nouvelles élections législatives
Interview with Irakli Garibachvili
Irakli Garibashvili Net Worth 2022, Age, Wife, Children, Height, Family, Party
Ivanishvili And The Russians
Ivanishvili, le milliardaire qui veut s’offrir la Géorgie
La Géorgie adopte la loi sur l’« influence étrangère » en dépit des manifestations
La présidente Zurabichvili s’adresse au Parlement (en géorgien)
La nitrocellulose et la guerre
Le gouvernement [canadien] dépose un projet de loi pour lutter contre l’ingérence étrangère
Le premier ministre géorgien Irakli Garibachvili annonce sa démission
Le président ne nommera pas de juge en chef « pour l’instant » (en géorgien)
Les États-Unis offrent deux patrouilleurs à la Géorgie (en géorgien)
Les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN saluent les progrès de la Géorgie et réitèrent leur soutien à l’adhésion (en géorgien)
Lettre à l’Union européenne
Loi russe sur les agents étrangers
Loi sur « l’influence étrangère » : la Géorgie choisit-elle Poutine ? (vidéo)
Manifestations géorgiennes de 2019
MIA Arrests Four for Participation in June 20-21 “Group Violence”
MPs Vote Down Mandatory Gender Quotas Bill
NATO to Ramp up Georgia’s Security Against ‘Aggressive’ Russia
Politics, protests and propaganda: Georgia’s generational divide
Poutine Interview to Tucker Carlson on Fox News (vidéo)
Prisonniers torturés : le ministre géorgien de l’Intérieur démissionne
Projet financé par les États-Unis pour contrer la propagande anti-occidentale (en géorgien)
Prosecutor’s Office Says June 20-21 an Attempt at ‘Violent overthrow of government’
Protesters Rally for Drug Policy Liberalization (en géorgien)
Ruling party on the defensive over Russian MP in the Parliament Speaker Seat
Ruling party, opposition hold first meeting at US Embassy amid political crisis following elections
Scandale de corruption par le Qatar au Parlement européen
Two Detained on Bribing, Threatening Late District Election Commission Head
Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Vano Merabichvili

Parus depuis :
US pauses $95m in aid to Georgia after passage of ‘foreign agents’ law (2024-07-31)
TI-Georgia: Ivanishvili Transfers Assets from Offshore Companies to Georgia Following U.S. Sanctions (2025-01-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Priver de bras l’effort de guerre ukrainien

Publié le 24 juillet 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

La guerre russo-ukrainienne oppose deux armées alimentées en soldats par la conscription.

Au lieu d’appeler sous les drapeaux tous ceux capables de guerroyer — soit les 18 ans ou plus — l’Ukraine a choisi dès le départ de fixer à 27 ans l’âge minimal pour s’inscrire dans son armée.

Au déclenchement de la guerre, la population ukrainienne comprenait environ 1 750 000 adultes de moins de 27 ans.

Exemptés du service militaire, une bonne partie d’entre eux en ont profité pour grossir les rangs des 6,4 millions d’Ukrainiens qui ont fui à l’Étranger (dont trois-cent-mille au Canada).

En février dernier, le seuil de la conscription a été réduit à 25 ans en raison de la pénurie aigüe de combattants du côté ukrainien. À l’heure actuelle, l’âge moyen des soldats ukrainiens est de 43 ans.

Mais cette mesure arrive trop tard; de nos jours, les bureaux de recrutement de l’armée ukrainienne accueillent plus d’hommes qui se présentent avec une exemption médicale que d’hommes aptes à guerroyer.

En vertu du programme de visa d’urgence pour les Ukrainiens déplacés par la guerre, Ottawa a émis 962 000 de ces visas. Environ 298 000 Ukrainiens ont effectivement fait le voyage jusqu’ici. Le ministère fédéral de l’Immigration ignore ce qui est arrivé aux autres.

Ce programme témoigne de l’influence politique de la vice-première ministre du Canada (de descendance ukrainienne).

En effet, le Canada n’a pas créé un programme semblable au sujet de la guerre en Congo (qui a fait entre 5 et 12 millions de morts), ni au sujet de la guerre dans la Bande de Gaza (qui, proportionnellement, a fait beaucoup plus de victimes). Le quota canadien pour les Gazaouis, c’est mille personnes. Autant dire qu’on ne veut pas d’eux.

Le programme d’urgence dont il est question ici s’adresse aux Canadiens de descendance ukrainienne qui, inquiets du sort de parents ou d’amis demeurés en Ukraine, aimeraient les accueillir au pays.

À leur place, tout le monde ferait pareil.

Toutefois, cette mesure a été adoptée par clientélisme politique, à l’encontre de l’avis des fonctionnaires du ministère fédéral de l’Immigration.

Si les dirigeants des pays qui ont accueilli un grand nombre de réfugiés ukrainiens avaient consulté leurs stratèges militaires, ceux-ci leur auraient probablement dit que les accueillir en si grand nombre nuit aux minces chances de l’Ukraine de l’emporter contre la Russie.

Pour l’Ukraine, il ne suffit pas de recevoir de l’armement occidental; encore faut-il des soldats pour s’en servir. Or l’Ukraine, saignée par l’Occident plus que par la guerre, manque de bras.

Selon le partage traditionnel de l’effort de guerre entre les sexes, les hommes prennent les armes tandis que les grands-parents gardent les enfants, permettant ainsi aux mères de participer à l’effort de guerre en travaillant dans les usines d’armement ou en soignant les blessés.

En somme, une guerre, c’est un effort collectif où chaque citoyen compte, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un jeune ou d’un vieux.

Accueillir des millions de jeunes ukrainiens dans nos pays, c’est participer ainsi à la grande prédation occidentale de ce pays.

Références :
Accueil de réfugiés palestiniens  la limite d’accueil de 1000 critiquée
Des fonctionnaires avaient déconseillé d’offrir des visas d’urgence aux Ukrainiens
Le Congo et le verrou rwandais
Ukraine : l’âge de la conscription abaissé à 25 ans
Ukraine : le bilan de deux ans de guerre en chiffres

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Occident ne veut pas payer pour reconstruire l’Ukraine

Publié le 9 juillet 2024 | Temps de lecture : 9 minutes


 
La conférence de Londres

Avant le début de l’invasion russe, l’Ukraine était le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (devant la Moldavie). Or depuis, plus de 30 % de l’économie ukrainienne a été détruite.

De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.

Selon Alain Juillet (de 16:45 à 17:50 dans le vidéo à la fin du texte), l’aide américaine serait exclusivement constituée de prêts accordés à l’Ukraine en contrepartie du contrôle américain sur la reconstruction à venir du pays.

À la conférence de Londres, tenu en juin 2023, une soixantaine de pays se sont entendus sur le financement de la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. On estime que cette reconstruction coutera entre 410 et 750 milliards$, soit entre 230 % et 419 % de son PIB.

Si l’Ukraine devait assumer seule une telle reconstruction, elle deviendrait, de très loin, le pays le plus endetté au monde. Et les intérêts qu’elle aurait à payer sur sa dette la condamneraient à la ruine perpétuelle.

C’est Anthony Blinken, secrétaire d’État américain (soit l’équivalent de ministre des Affaires étrangères des États-Unis) qui a le mieux résumé le consensus auquel sont parvenus les pays représentés à la Conférence de Londres :

« Soyons clairs : la Russie est à l’origine de la destruction de l’Ukraine. Et la Russie finira par payer le cout de la reconstruction de l’Ukraine.»

Si on lit entre les lignes, cela veut dire « Ce n’est pas à nous, les États-Unis, de payer pour ça.»

En Afghanistan, les Américains n’ont rien dépensé pour la reconstruction du pays. En Irak, la reconstruction promise s’est limitée à réparer les routes et les ponts menant à la ‘zone verte’ (là où étaient stationnés les soldats américains à Bagdad). En Syrie, le pays est toujours en ruine. Quant à la Libye, après avoir renversé le régime de Kadhafi, on livré le pays au chaos et à l’anarchie.

Les États-Unis ont utilisé l’Ukraine pour affaiblir l’armée russe et tester le matériel de guerre américain dans les conditions réelles d’un conflit armé.

Maintenant que la Finlande a rejoint l’Otan, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer ses missiles nucléaires au voisinage de la Russie.

Bref, l’Ukraine n’est plus utile aux États-Unis. Si bien qu’un nombre croissant d’experts trouvent que la poursuite de cette guerre n’en vaut pas la peine et qu’on devrait même fermer définitivement la porte de l’Otan à l’Ukraine pour avoir la paix.

Les États-Unis trouvent d’autant plus légitime de se désintéresser militairement de l’Ukraine que se propage en Europe la Nouvelle théorie des dominos.

En vertu de cette théorie, les soldats ukrainiens ne font pas que défendre leur pays attaqué par la Russie; ils se battent pour protéger le monde libre. Si l’Ukraine capitule, l’Europe tout entière tombera à son tour entre les mains de Vladimir Poutine.

En réalité, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 44 millions d’habitants, soit l’Ukraine avant la guerre. On voit mal comment elle pourrait guerroyer avec succès contre l’Occident qui totalise 880 millions d’habitants, soit vingt fois plus.

À preuve, c’est précisément parce que la Russie en a plein les bras en Ukraine qu’elle n’a rien fait, en septembre 2023, pour empêcher l’Azeibaïdjan d’annexer le Haut-Karabagh aux dépends de l’Arménie (son alliée).

La dette ukrainienne

Les pays créditeurs et le Fond monétaire international se sont entendus pour laisser à l’Ukraine jusqu’en 2027 pour payer ce qu’elle leur doit. Toutefois, il en est autrement des créditeurs privés.

On appelle moratorium tout délai accordé par la loi pour s’acquitter d’une dette. Depuis deux ans, l’Ukraine bénéficie d’un moratorium qui vient à échéance le 1er aout prochain.

Ce pays doit 24 milliards $US à des firmes privés d’investissements. Ce qui représente douze pour cent de son PIB.

Évidemment, en pleine guerre, l’Ukraine est incapable de payer cette somme. Elle leur propose une décote de 60 % — c’est-à-dire de les rembourser à hauteur de 40 cents par dollar de dette — alors que ceux-ci ne veulent pas accepter une décote supérieure à 22 cents (c’est-à-dire descendre en dessous de 78 cents par dollar de dette).

À défaut d’une entente, l’Ukraine se retrouverait en défaut de paiement. Ce qui ouvre la porte à des poursuites devant les tribunaux.

Ce qu’on craint, c’est que ces fonds d’investissement vendent leurs bons du Trésor ukrainien à des fonds spéculatifs (hedge funds) qui, tels des chiens pitbulls, s’acharneraient sur ce pays jusqu’au paiement de la totalité de ce qu’elle leur doit.

Le mirage de la confiscation

Depuis des mois, certains pays occidentaux font miroiter la possibilité de confisquer les biens russes détenus en Occident pour aider l’Ukraine à payer ses dettes. Cette idée s’apparente à un bluff.

Déposséder les oligarques russes

Dans les pays occidentaux, le droit de propriété est sacré.

Si quelqu’un a commis un crime, les tribunaux peuvent le condamner à une amende, voire à être dépouillé de ses biens (en partie ou en totalité). Mais être ami avec quelqu’un qu’on déteste ne constitue pas un crime punissable de quoi que ce soit.

Henry Ford était un admirateur d’Hitler. Au moment de son embauche, chaque employé dans les usines Ford en Allemagne recevait une copie de Mein Kampf, écrit par Hitler. De plus à chaque anniversaire du führer, Ford lui versait un cadeau personnel de 50 000$ (ce qui équivaut aujourd’hui à un million de dollars).

À la fin de la guerre, le carrossier General Motor a eu l’audace de poursuivre le gouvernement américain pour les dommages subis à ses installations allemandes, celles qui participaient à l’effort de guerre de l’Allemagne nazie.

En 1967, GM a reçu 33 millions$ de dédommagement de la part du gouvernement américain.

Ce qui prouve bien que le caractère sacré du droit de propriété dans les pays capitalistes.

Conscient de cela, le Canada s’est vanté d’avoir saisi les biens d’oligarques russes, mais est incapable d’en fournir un seul exemple. Probablement parce qu’il sait qu’il n’a aucune base juridique pour ce faire.

S’emparer des réserves monétaires de la Banque de Russie

Reste à savoir si les pays occidentaux peuvent saisir les devises que la Banque centrale de Russie possède à l’Étranger.

En temps de guerre, les pays peuvent geler les avoirs d’un pays ennemi : certains pays peuvent même les confisquer.

La différence entre les deux, c’est que le détenteur d’un bien ne peut en jouir tant que ce bien est gelé. Mais en demeure propriétaire. Dans le deuxième cas, il en perd la propriété.

Ceci est vrai en temps de guerre. Mais officiellement, les pays occidentaux ne sont pas en guerre contre la Russie. Ils nient même être co-belligérants.

Pour les créanciers étatiques de l’Ukraine, le plus grand risque n’est pas la capitulation de l’Ukraine puisqu’en soi, cela ne change rien à ses obligations.

Le risque viendrait d’un changement de statut juridique du pays.

Après la Deuxième Guerre mondiale, la Finlande et l’URSS ont conclu un traité d’amitié en vertu duquel la Finlande s’engageait respecter une stricte neutralité militaire. Ce qui a permis à ces deux voisins de vivre en paix depuis.

Mais après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Finlande a estimé ne plus être liée par ce traité puisqu’il a été conclu avec l’URSS (qui n’existe plus) et non avec la Fédération de Russie (qui lui a succédé).

Le corolaire de cette logique (un peu mince, à mon avis) entraine que si l’Ukraine, amputée du cinquième de son territoire, devenait une république membre de la Fédération de Russie, elle échapperait à ses créanciers occidentaux puisqu’ils ont fait affaire avec un pays qui n’existerait plus.

Le meilleur moyen d’éviter ce risque, aussi léger soit-il, est que les États-Unis aient le contrôle des négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie. De manière à s’assurer que l’effort de reconstruction repose entre leurs mains.

Pour ce faire, ils devront faire échouer toute tentative de paix qui ne viendrait pas d’eux.

Le résumé de géopolitique concernant l’Ukraine

Veuillez cliquer pour démarrer

Pour terminer, je vous invite à écouter une conférence qu’Alain Juillet prononçait le 17 juin dernier et qui résume assez bien les enjeux géopolitiques qui concernent l’Ukraine.

Références :
Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine
Conflit au Haut-Karabakh : comment l’Azerbaïdjan a fait plier l’Arménie
Divergences occidentales sur une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
Ford Motor Company Sued the US Government for Bombing Its Factories in Nazi Germany
General Motors : mark of excellence
Henry Ford
La délicate restructuration de la dette ukrainienne
La nouvelle Théorie des dominos
La saisie fictive des avoirs d’oligarques russes au Canada
Les alliés veulent faire payer la Russie pour la reconstruction
L’Ukraine, sous la menace du défaut de paiement, bataille avec ses créanciers privés
Reconstruire l’Ukraine coûtera au moins 750 milliards de dollars, dit Kiev
The Nato alliance should not invite Ukraine to become a member – Open letter
Ukraine eyes debt deal before deadline, seeks to add GDP warrants, sources say
Ukraine : un détournement de 40 millions de dollars destinés à l’achat d’armes révélé
UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default

Parus depuis :
L’agence S&P abaisse la note de l’Ukraine, à un cran désormais du défaut de paiement (2024-08-03)
Belgium rejects EU move to use frozen Russian assets to rebuild Ukraine (2025-08-31)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie (2e partie) : le sommet de Bucarest et la guerre

Publié le 17 juin 2024 | Temps de lecture : 12 minutes


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Mikheil Saakachvili, président de 2004 à 2013

Après la révolution des Roses (survenue en novembre 2003), l’avocat Mikheil Saakachvili fut élu à la présidence de la Géorgie le 4 janvier 2004. Son arrivée au pouvoir suscita de grands espoirs.

Qui était-il ?

Après l’effondrement de l’URSS en 1991, le personnel diplomatique américain stationné dans les anciennes républiques soviétiques avait pour mission de déceler les jeunes talents qui avaient les caractéristiques de futurs leadeurs pour leur pays.

On leur offrait alors des bourses d’études dans les meilleures universités américaines afin de les former.

Ces bourses n’avaient aucune contrepartie. Elles faisaient partie du soft power américain dans ce qu’il avait de mieux. Mikheil Saakachvili fut l’un de ces jeunes bénéficiaires.

Après des études en russe à l’Institut des relations internationales de Kyiv (où il se fit remarquer), il partit donc aux États-Unis où il obtient une maitrise en droit de l’université de Columbia (en 1994) et un doctorat en droit de l’université George-Washington (en 1995).

En plus du géorgien (sa langue maternelle), du russe, de l’ukrainien, de l’anglais, et du français, Mikheil Saakachvili parle l’abkhaze et l’ossète (deux langues minoritaires de Géorgie).

Lorsqu’il fut ministre de la Justice (sous son prédécesseur, Edouard Chevardnadze), il s’était mis à dos de nombreuses personnes en voulant combattre la corruption au sein de la police, de la magistrature et du système carcéral de Géorgie. Ses ennemis le poussèrent à la démission en 2001. Ce qui accrut sa réputation d’incorruptible.

Dès son accession au pouvoir en 2004, il fit adopter un nouveau drapeau national et un nouvel hymne géorgien (à partir de deux airs d’opéra composés en 1918 et en 1923, et de paroles réécrites en 2004 par son ex-collège ministre de la Culture sous Chevardnadze).

L’affaire du drapeau

La première crise qu’il eut à surmonter fut la ‘rébellion’ des dirigeants de la province d’Adjarie.

Celle-ci est une province semi-autonome située dans le sud-ouest de la Géorgie (voir la carte au début du texte).

Les raisons de cette crise sont obscures. Toutefois, on peut avancer l’hypothèse suivante.

En grec, le mot agriculture se prononce ‘guéhorguïa’. C’est de lui que vient la dénomination grecque (et française) du pays.

Christianisé dès le IVe siècle, le royaume d’Ibérie (qui couvrait une bonne partie de la Géorgie actuelle) avait choisi saint Georges comme patron national et adopté comme drapeau une croix de saint Georges rouge sur fond blanc (donc sans les quatre petites croix grecques dans les quartiers délimités par la croix principale).

À la suite de plusieurs conquêtes, le royaume de Géorgie fut fondé en 1010. Dans des documents maritimes du XIIIe ou XIVe siècle conservés à Paris, ce royaume était représenté par un drapeau identique à celui adopté en 2004 par le gouvernement de Mikheil Saakachvili.

Or la province d’Adjarie doit son autonomie gouvernementale non pas à des particularités ethniques — puisqu’elle est peuplée à 93,3 % de personnes de langue maternelle géorgienne — mais à des caractéristiques religieuses car on y trouve majoritairement des Musulmans sunnites (tout comme en Turquie voisine).

Dans cette partie du monde où la religion occupe un rôle central et dans un pays divisé depuis l’indépendance par de violents conflits linguistiques, les imams d’Adjarie et leurs fidèles avaient toutes les raisons de craindre que l’adoption d’un symbole national presque identique à la croix de Jérusalem puisse être le signe précurseur d’une guerre sainte contre les Musulmans du pays.

Cette inquiétude populaire fut récupérée à des fins politiques par les dirigeants pro-russes de la province, en lutte contre le pouvoir central pro-occidental de Géorgie.

Indépendamment de ce qui précède (et qui est hypothétique), ce qui est certain, c’est qu’au printemps de 2004, les relations sont tellement tendues entre les deux qu’une guerre civile semble poindre à l’horizon.

Accusé par Mikheil Saakachvili d’être un criminel et un trafiquant de drogue, le président d’Adjarie fait sauter le principal pont qui relie sa province au reste de la Géorgie.

En mai 2004, dans la capitale d’Adjarie, des manifestations monstres — organisées par des ONG financées par George Soros — poussent son président à la démission et mettent fin au conflit avec le gouvernement central.

Un néolibéralisme draconien

De 2004 à 2012, le gouvernement de Saakachvili abolit les postes de 30 000 agents de la circulation et de 60 000 fonctionnaires.

L’impôt sur les sociétés passe de 20 % à 15 % tandis que l’impôt progressif (c’est-à-dire croissant) sur le revenu des particuliers est remplacé par un impôt fixe de 20 %.

Le salaire minimum et les lois protégeant les travailleurs contre les licenciements sont abolis. Tout comme les règlementations en matière de santé et sécurité au travail.

En conséquence, le pays se retrouve au quatrième rang des pays les moins taxés au monde.

Les investissements étrangers passent de 450 millions$ en 2005 à 2 015 millions$ en 2007 (avant la Grande Récession) tandis que le taux de croissance du PIB passe de 5,8 % entre 1994 et 2004 à 9 % entre 2004 et 2008.

Mais cette richesse ne profite pas à la population, dont la moitié travaille sur de petites exploitations agricoles. Elle s’est concentrée dans des secteurs de l’économie peu demandeurs de main d’œuvre comme la finance, les télécommunications et l’hôtellerie.

Si bien que les salaires ont stagné (à environ 150$ par mois, en moyenne).

De plus, privé de revenus, l’État géorgien a connu de la difficulté à payer le salaire de ses fonctionnaires, de même que la pension de vieillesse de ses retraités (pourtant de seulement 7$ par mois).

La Grande Récession de 2007-2008 et la guerre éclair du pays avec la Russie ont eu raison de l’enthousiasme des investisseurs étrangers pour la Géorgie.

Contrairement à pérestroïka de Gorbatchev en Russie de 1985 à 1991, l’austérité draconienne de Mikheil Saakachvili n’a pas appauvri le pays, mais n’a donné que très peu de résultats tangibles pour la population géorgienne.

La rupture

L’imposition du géorgien comme seule langue de l’administration publique avait poussé la province d’Ossétie du Sud à déclarer son indépendance en 1992.

En représailles contre la reconnaissance de cette indépendance par la Russie, la Géorgie ordonna la fermeture des bases russes sur son territoire. Ce qui se concrétisa en juillet et aout 2005.

Alors que la Géorgie est confrontée à une vague de froid sans précédent, une explosion criminelle, le 22 janvier 2006, la prive de son approvisionnement en gaz fossile russe. Dès le rétablissement de l’approvisionnement, la société russe Gazprom annonce une augmentation importante de ses tarifs.

À l’été de 2006, Moscou interdit l’importation des vins et eaux minérales géorgiennes alors que 86 % y étaient exportés.

Mais la goutte qui fait déborder le vase est la demande officielle d’adhésion de la Géorgie à l’Otan, présentée au sommet de l’Alliance atlantique à Bucarest du 2 au 4 avril 2008.

On doit savoir qu’au cours des négociations en vue de la réunification de l’Allemagne en 1989, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France avaient garanti verbalement à Moscou que l’Otan n’en profiterait pas pour s’étendre vers l’Est.

On le sait parce qu’au fil des années, les négociateurs occidentaux l’ont reconnu dans leurs mémoires ou dans des entrevues.

Strictement parlant, il ne s’agissait pas d’une promesse de l’Alliance atlantique elle-même, mais de trois pays qui ont droit de véto sur l’adhésion de tout nouveau pays membre à cet organisme.

Vladimir Poutine prend le pouvoir en Russie le 9 aout 1999. Dix-sept jours plus tard éclate la Deuxième guerre de Tchétchénie au cours de laquelle son pays lutte contre des salafistes sunnites.

Deux ans plus tard, le 11 septembre 2001, quand les États-Unis sont eux aussi confrontés au terrorisme islamique, Poutine y voit une occasion pour la Russie de se joindre à l’Otan afin de combattre une menace commune.

L’Otan proposera donc à la Russie et aux anciennes républiques soviétiques différents partenariats qui leur font croire à une adhésion éventuelle.

Ce qui sera le cas pour une bonne partie de ces pays alors que l’Otan s’agrandit vers l’Est en deux vagues successives (en 1999 et en 2004).

Mais en 2008, au Sommet de l’Otan de Bucarest, quand l’Alliance accepte de recevoir la demande d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, Vladimir Poutine réalise soudainement que les États-Unis se sont moqués de lui et que toutes les belles promesses qu’on lui a faites n’avaient que pour but de l’endormir pendant que l’Otan encerclait son pays d’ennemis militaires.

Ce sommet de l’Otan représente un cataclysme géopolitique. Il est à l’origine de la guerre russo-géorgienne (dont nous allons parler dans un instant), de la guerre russo-ukrainienne, du déclin économique actuel de l’Europe, de l’annexion définitive du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan, et des débuts de la dédollarisation de l’économie mondiale, Tout cela favorisant l’émergence de la Chine en tant que première puissance mondiale.

On ne peut que mépriser ces néoconservateurs américains (aveuglés par leur anticommunisme primaire) qui ont refusé de saisir la main que leur tendait Poutine il y a deux décennies.

La guerre russo-géorgienne

À partir de 2004, l’austérité draconienne imposée par Mikheil Saakachvili avait permis au pays d’augmenter substantiellement ses dépenses militaires puisque cette austérité ne s’appliquait pas au ministère de la Défense. En 2007, le quart de tous les revenus de l’État géorgien servait à acheter de l’armement américain, israélien, tchèque, ukrainien et turc.

À cela s’ajoutaient les 74 millions$ d’armes que le Pentagone lui avait fournies, notamment pour combattre des terroristes tchétchènes (affiliés, dit-on, à Al-Qaïda) qui s’entrainaient dans la vallée géorgienne de Pankissi.

Quatre mois après le Sommet de Bucarest, des escarmouches éclatent entre la Géorgie et ses provinces sécessionnistes.

Cliquez sur la carte pour l’agrandir

Surestimant sa puissance, Mikheil Saakachvili lance l’armée géorgienne à la conquête de la province sécessionniste d’Ossétie du Sud.

Toutefois, depuis 1992, celle-ci était de facto un protectorat russe. Conséquemment, dès l’entrée des forces géorgiennes en Ossétie du Sud, la Russie réplique. En neuf jours, l’initiative géorgienne tourne à la catastrophe.

La Géorgie perd 150 chars d’assaut — dont une centaine capturés intacts par la Russie — une soixantaine de véhicules militaires, cinq avions et quatre hélicoptères. Et dans la mesure où cette guerre éclair se déroule également sur les côtes de la province géorgienne d’Abkhazie, la Géorgie y perd onze navires en mer Noire.

De son côté, les pertes subies par la Russie (limitées essentiellement à six bombardiers) n’ont pas affecté substantiellement son arsenal militaire.

Pour la Géorgie, l’année 2008 se résume donc à quatre évènements majeurs :
• la réélection de Mikheil Saakachvili à la présidence le 5 janvier,
• la présentation de la demande d’adhésion à l’Otan de la Géorgie au sommet de Bucarest, tenu du 2 au 4 avril, et
• la guerre russo-géorgienne du 7 au 16 aout,
• la crise financière mondiale qui atteint la Géorgie en fin d’année.

Après la Grande Récession de 2008, le second mandat présidentiel de Mikheil Saakachvili coïncida avec une importante perte de sa popularité.

En octobre 2012, son parti politique perd les élections législatives. Au cours des mois qui suivent, la cohabitation entre le président Saakachvili et le nouveau premier ministre s’avère difficile; plusieurs personnalités du clan Saakachvili sont victimes d’une chasse aux sorcières et poursuivies par la justice.

En novembre 2013, dans un geste politique à la française, Saakachvili quitte la présidence avant d’avoir terminé son deuxième mandat… pour se réfugier aussitôt aux États-Unis.

Références :
Adjarie
Aslan Abachidze
Bataille des côtes d’Abkhazie
Bataille de Tskhinvali
Bidzina Ivanichvili
Court Finds ex-Defense Minister Guilty of ‘Organizing’ Torture, Sexual Abuse
Crise de la vallée de Pankissi
Crise des missiles de Cuba
Croix de Jérusalem
2002 en Géorgie
Économie de la Géorgie
Élections législatives géorgiennes de 2012
Géorgie (pays)
Géorgie : la cohabitation s’annonce difficile
Guerre russo-géorgienne
L’économie géorgienne : menaces au présent, poids du passé, incertitudes pour l’avenir
Le drapeau national de la Géorgie est le deuxième plus ancien au monde
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Révolution des Roses
Saakachvili poussé à la démission
Tavisupleba

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La nitrocellulose et la guerre

Publié le 16 juin 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Inventée en Chine vers le IXe siècle, la poudre à canon était fabriquée autrefois à partir de trois ingrédients : du salpêtre (c’est-à-dire du nitrate de potassium), du soufre et du charbon de bois. C’est ce dernier qui donnait au mélange son nom de ‘poudre noire’.

De nos jours, la poudre à canon est de la nitrocellulose. Celle-ci s’obtient traitant des fibres de coton avec un mélange d’acides nitrique et sulfurique.

Tel qu’il est récolté, le coton est presque exclusivement de la cellulose à l’état pur.

L’industrie textile utilise préférablement du coton à fibres longues, plus facile à tisser.

Les fibres courtes, jugées de moindre qualité, servent à fabriquer de la nitrocellulose. Selon le procédé de fabrication, on en fait du collodion médicinal, des laques pour instruments à cordes, ou de la poudre à canon.

De loin, la Chine est le principal exportateur de ce coton à fibres courtes qui sert à fabriquer de la nitrocellulose explosive.

À 90 %, sa production est récoltée dans la province du Xinjiang (là où vivent la plupart des Ouïgours).

À la suite de l’adoption par Washington de la Uyghur Forced Labor Prevention Act, l’industrie textile a cherché à s’approvisionner en coton ailleurs qu’en Chine. Mais pour les fabricants de poudre à canon, il est difficile de se passer du coton chinois.

Dès le déclenchement des guerres à haute intensité que sont la guerre en Ukraine et celle dans la bande Gaza, toutes les usines de nitrocellulose explosive à travers le monde se mirent à fonctionner à plein rendement.

Or en 2023, la Chine rapportait une baisse de 6,1 % de sa production de coton à cause de mauvaises conditions météorologiques.

En raison de l’hostilité croissante des pays occidentaux à l’égard de la Chine, on soupçonne que celle-ci approvisionne prioritairement la Russie en coton à fibres courtes, puisque les fabricants européens de nitrocellulose ont de plus en plus de difficulté à en obtenir ou sont dans l’impossibilité d’en acheter davantage.

La situation est telle que la production de poudre à canon est devenue le goulot d’étranglement de la fabrication européenne d’obus et de missiles. D’où la difficulté à respecter les engagements militaires pris en faveur de l’Ukraine.

En dépit de cela, les usines militaires occidentales pouvaient toujours, à défaut d’importer du coton à nitrocellulose, acheter de la nitrocellulose explosive déjà toute faite.

Mais, comble de malheur, la deuxième plus importante usine chinoise de nitrocellulose — située dans la ville de Laohekou, dans la province chinoise d’Hubei — a explosé au début du mois de mai, tuant trois de ses ouvriers.

Aux États-Unis, on nie les difficultés de l’industrie militaire européenne.

Toutefois, celles-ci ont été reconnues par Emmanuel Macron : « Nous avons tous pris conscience de la nécessité de faire face à la rareté de certains composants, notamment de la poudre à canon. […] La poudre, c’est vraiment ce qui manque aujourd’hui.»

On en est rendu là : après s’être doté d’un arsenal nucléaire capable d’exterminer l’espèce humaine, de chasseurs-bombardiers rapides comme l’éclair, de chars puissants, de satellites-espions auxquels rien n’échappe, on manque de coton.

Sapristi qu’on fait dur.

Références :
Bannir le coton du Xinjiang est plus facile à dire qu’à faire
Chine : la production de coton atteint 5,618 millions de tonnes en 2023
Coton
Could China strangle Europe’s weapons output with cotton?
Europe battles gunpowder shortage amid Ukraine war
Macron veut mettre le feu aux poudres qu’il n’a pas car la Chine ne nous livre plus le « coton » nécessaire aux obus
Nitrocellulose
Poudre noire
Short Staple Cotton: The Difference vs Long Staple

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les risques sécuritaires d’Emmanuel Macron

Publié le 11 juin 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Du 30 juin au 7 juillet prochain, se tiendront en France des élections législatives anticipées.

En temps normal, la sécurité de la classe politique française se limite à protéger les lieux de pouvoir de la capitale et — dans le cas des ministres et des députés de l’opposition de premier plan — à sécuriser leur pied-à-terre parisien et leurs déplacements de l’un à l’autre, de même qu’à protéger leur famille.

En période électorale, chaque assemblée politique est une activité à haut risque.

Rappelons-nous la tuerie, presque réussie, de ce terroriste fédéraliste à une assemblée de la nouvelle première ministre du Québec, Mme Pauline Marois, au club Métropolis de Montréal.

Avec des dizaines d’assemblées politiques similaires, chaque jour, partout en France, cela donne une idée de la tâche colossale qui attend les forces de l’ordre d’ici le 7 juillet.

Le fait qu’entre les pays de l’Union européenne, il n’y a plus de protection frontalière (sauf aux aéroports), cela signifie que dans les semaines qui précèderont les Jeux olympiques de Paris, la France sera une passoire.

Lorsqu’un pays accueille le monde, soit à l’occasion d’une exposition universelle ou de jeux olympiques, la coutume veut que le pays-hôte se montre accueillant.

J’ai moi-même profité de cette bienveillance lorsque j’ai visité la Chine l’année qui a suivi la tenue des Jeux olympiques de Beijing, et Shanghaï l’année même où cette ville tenait une exposition universelle. C’est ce qui m’a permis d’aller librement partout où je le voulais, en toute sécurité.

Macron, le va-t-en-guerre

Depuis deux ans, le gouvernement Macron tient un discours belliqueux envers la Russie et menaçant envers les pays qui lui permettent de pallier les sanctions occidentales contre elle.

Au cours de cette période, les pays occidentaux ont presque vidé de son sens la notion de ‘co-belligérance’.

Lors de la guerre de la Russie en Afghanistan, les États-Unis armaient les Moudjahidines (ancêtres des Talibans) qui combattaient leur envahisseur de l’époque. Mais Washington le faisait en leur fournissant des kalachnikovs achetées dans d’anciennes républiques soviétiques. De manière à cacher leur appui militaire. Évidemment, Moscou s’en doutait, mais n’en avait pas la preuve.

De nos jours, les pays occidentaux fournissent ouvertement à l’Ukraine des armes de plus en plus puissantes. Les États-Unis transmettent aux tireurs ukrainiens d’obus la géolocalisation précise des cibles russes à abattre.

Après avoir formé à l’Étranger les combattants ukrainiens dans le maniement de ces armes, ils envoient maintenant en Ukraine des formateurs qui, sur place, appuient presque sur le bouton pour déclencher les tirs.

De plus, Emmanuel Macron a pris la relève de l’ex-président de la Pologne comme défenseur de cette nouvelle théorie des dominos selon laquelle une Russie victorieuse en Ukraine s’empresserait d’envahir le reste de l’Europe.

D’où la nécessité, selon Macron, d’envoyer des troupes françaises en Ukraine pour appuyer leurs camarades ukrainiens en difficulté.

Bref, le président français donne à la Russie toutes les raisons de vouloir s’en prendre à son pays.

Le réveil olympique des cellules dormantes

Au cours des Jeux olympiques d’été de Paris, du 26 juillet au 11 aout prochain, n’importe quel terroriste qui aura réussi à s’infiltrer en France à la faveur de la campagne électorale, pourra massacrer à cœur joie les Parisiens et les touristes attablés aux terrasses des restaurants ou qui célèbreront des artistes sur scène.

Évidemment, si cela arrive, ce ne sera pas un Russe qui appuiera sur la gâchette; ce sera un paumé originaire d’un des nombreux pays dévastés par ces guerres menées ou provoquées par l’Occident.

Si Poutine devait vouloir inciter Macron à plus de prudence dans ses propos, il est trop intelligent pour frapper la France au cours de la campagne électorale.

S’il avait la mauvaise idée d’agir ainsi, il provoquerait la défaite des partis politiques qui veulent que la France cesse d’appuyer militairement l’Ukraine et rallierait le peuple français menacé derrière les députés macronistes.

Si la France doit être frappée, ce sera peu de temps après les élections législatives ou au cours des mois qui suivront.

Même si les chasseurs-bombardiers Mirage, les chars d’assaut Leclerc et des obus à 155 mm ne servent à rien contre des attentats terroristes, il sera facile de convaincre les parlementaires élus que les soldats de la république sont plus utiles à défendre le territoire de l’Hexagone qu’à participer au loin à une guerre perdue d’avance.

Parus depuis :
« Sabotage » sur le réseau TGV français : 800 000 voyageurs touchés (2023-07-26)
« Sabotages » en France : les réseaux de fibres optiques attaqués (2024-07-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie : de l’indépendance à la révolution des Roses

Publié le 8 juin 2024 | Temps de lecture : 10 minutes
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La tentative d’épuration ethnique

Dans les années qui précédèrent l’effondrement de l’URSS (survenue le 26 décembre 1991), l’affaiblissement du pouvoir de Moscou coïncida avec une montée de sentiments nationalistes, voire xénophobes, dans les républiques soviétiques. Ce fut le cas en Géorgie.

Sans une langue commune, la Géorgie aurait été ingouvernable en raison de sa quarantaine de minorités ethniques qui, à l’écrit, utilisent six alphabets différents; arménien, cyrillique, géorgien, grec, latin, et syriaque.

Jusqu’en 1990, le russe était la langue de l’administration publique. Comme le latin l’était en France avant François Ier. La langue russe était même celle de l’enseignement universitaire.

Conséquemment, les minorités ethniques ne voyaient pas, jusque là, de raison d’apprendre le géorgien, pourtant langue maternelle de 70,7 % de la population; il était beaucoup plus utile pour ces minorités d’utiliser le russe comme langue seconde puisque même les locuteurs géorgiens la connaissaient.

En raison du caractère autoritaire du régime soviétique et des problèmes économiques (qui prévalaient partout dans l’URSS, ruinée par sa guerre en Afghanistan), de grandes manifestations furent organisées entre 1987 et 1990 par l’opposition en Géorgie.

L’une d’elles, organisée le 9 avril 1989, fut brutalement réprimée par le pouvoir soviétique. Ce qui lui fit perdre toute légitimité aux yeux d’une bonne partie de la population.

La première élection libre et démocratique du pays eut lieu le 28 octobre 1990. Le mois suivant, les députés nouvellement élus nommèrent à la présidence le champion de la cause indépendantiste.

Dès son accession au pouvoir, ce nouveau président donna libre cours à son ultranationalisme autoritaire.

En décembre 1990, son gouvernement décida de consolider l’identité nationale en décrétant que le géorgien devenait la seule langue officielle du pays, en remplacement donc du russe.

Du jour au lendemain, plus du quart de la population était incapable de comprendre les avis publics qui les concernaient.

La sécession ossète

L’imposition du géorgien ne se fit pas seulement au niveau du gouvernement central, mais également dans chacune des provinces du pays.

L’une d’elles est l’Ossétie du Sud. C’est là que vivait la minorité ossète, dernière descendante des grands peuples nomades d’origine iranienne.

Toujours en vertu de sa politique hypernationaliste, le gouvernement central décidait d’abolir la province de l’Ossétie du Sud (peuplée à 50,5 % d’Ossètes) en la fusionnant avec la province voisine (la Karthlie supérieure), beaucoup plus populeuse.

Résultat ? Les Ossètes ne formaient plus qu’environ quinze pour cent de la population de la Karthlie supérieure agrandie (où leur langue n’était plus enseignée). Ce qui provoqua leur rébellion.

Les affrontements avec l’armée géorgienne firent un nombre limité de morts. Le conflit se termina quand les séparatistes, appuyés par la Russie, proclamèrent leur indépendance, validée par voie référendaire en 1992. Une indépendance de facto reconnue par très peu de pays.

L’intervention de la Russie était motivée par le fait que l’Ossétie du Sud était peuplée de 33,9 % de Géorgiens russophones (une proportion qui a chuté depuis à moins de trois pour cent).

Pendant ce temps, Washington demeura les bras croisés. Ce qui constitua une douche froide pour le gouvernement géorgien qui présumait jusque-là qu’il lui suffisait d’afficher son hostilité à l’égard de la Russie pour obtenir automatiquement le soutien de Washington.

Effectivement, à l’époque, Washington est encore ambivalent au sujet de la Géorgie. Une ambivalence qui sera dissipée quelques années plus tard.

Entretemps en Géorgie

En mars 1991, le parlement géorgien organisa un référendum sur l’indépendance nationale qui fut plébiscité par 90,1 % des votes.

L’indépendance de la Géorgie fut proclamée le 9 avril 1991. Le mois suivant, une élection présidentielle au suffrage direct reporta au pouvoir le président sortant.

Toutefois, les années de lutte de ce président à l’époque où il dirigeait l’opposition avaient semé en lui les germes d’une paranoïa qui se manifesta au grand jour une fois à la tête du pays.

Son attitude autoritaire s’exerça non seulement à l’égard des minorités ethniques, mais à l’encontre de tous ceux qui s’opposaient à lui. Un à un, des anciens alliés devenaient ses ennemis.

Le mécontentement qu’il suscita provoqua un coup d’État du 22 décembre 1991 au 6 janvier 1992. En mars de cette année-ci, le pouvoir militaire nomme à la tête du pays Edouard Chevardnadze, un Géorgien qui fut ministre des Affaires étrangères de l’URSS de 1985 à 1990.

Mais son prédécesseur, d’abord réfugié à l’Étranger, revient dans la province d’Abkhazie (dans l’ouest du pays) où il comptait de nombreux partisans. Ce fut le début de la guerre civile géorgienne.

En aout 1992, les forces gouvernementales envahissent l’Abkhazie afin d’y écraser la rébellion.

Mais l’intervention de l’armée géorgienne y tourne à la catastrophe. L’affrontement fait vingt-mille morts. De plus, les rebelles, appuyés par la Russie, procèdent en septembre 1993 à un nettoyage ethnique; ils chassent de la région 260 000 personnes de langue maternelle géorgienne.

Edouard Chevardnadze est alors confronté à une dure réalité; il a besoin de la Russie pour pacifier son pays.

En octobre 1993, ce réalisme politique l’incite à demander que son pays rejoigne les rangs de la Communauté des États indépendants (formée d’anciennes républiques soviétiques demeurées fidèles à Moscou).

Son pari diplomatique porte partiellement ses fruits. La Russie modifie sa politique à l’égard de la Géorgie; elle continue de soutenir l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie mais cesse de financer la guerre civile géorgienne.

Celle-ci s’achève avec la mort (par suicide ?) de l’ancien président, le 31 décembre 1993.

La présidence d’Edouard Chevardnadze

Edouard Chevardnadze fut d’abord nommé président de Géorgie en 1992, puis en fut élu président au suffrage universel en 1995 et en 2000.

C’est lui qui obtint la reconnaissance officielle de la Géorgie et son admission à l’Onu en juillet 1992.

À la fin de la guerre civile, l’économie de la Géorgie est en ruine et ne s’en relèvera pas au cours de l’administration de Chevardnadze en raison de la corruption généralisée, de l’évasion fiscale et l’économie parallèle (60 % du PIB) qui empêcheront le gouvernement géorgien d’avoir les moyens de reconstruire l’économie du pays.

La seule amélioration est la chute de l’inflation (qui avait atteint 8 000 %).

Le 17 octobre 1995, le pays adoptait une constitution instaurant un régime présidentiel fort.

Le Code civil géorgien, adopté en 1997, facilitait la création d’organisations non gouvernementales. Trois ans plus tard, le pays en comptait près de quatre-mille. En soutenant la population démunie, ces ONG devinrent très populaires et conséquemment, très influentes. Nous y reviendrons.

Indicateurs économiques en 2000

Au début du millénaire, le Géorgie possédait un produit intérieur brut de 13,4 milliards$, (exprimé en parité du pouvoir d’achat). Le PIB par habitant était alors de 2 264$.

Essentiellement, son économie était alimentée par sa consommation intérieure.

La balance commerciale de la Géorgie était déficitaire de 314 millions$US en raison d’importations de 939 millions$US et d’exportations de 625 millions$US.

Dépourvue de ressources minières et énergétiques suffisantes, la Géorgie était dépendante, pour sa production industrielle, de son approvisionnement en hydrocarbures russes.

Ses importations provenaient à 33,7 % des pays de l’ancien bloc soviétique (URSS et Europe de l’Est), à 29,3 % de l’Europe de l’Ouest (ou, plus précisément, de l’Union européenne telle qu’elle était à l’époque) et de 13,0 % des États-Unis.

Ses principales exportations étaient destinées à l’Europe de l’Ouest (41,5 %), aux pays de l’ancien bloc soviétique (28,9 %), et à la Turquie voisine (14,5 %).

Avec un taux de chômage de 10,3 %, la moitié de la population vivait sous le seuil de la pauvreté. L’inflation y était de 4,7 %.

La révolution des Roses

Le 17 septembre 2001, quinze mois après sa réélection à la présidence, Edouard Chevardnadze abandonne la tête de sa formation politique, révélant la crise qui y couvait secrètement.

Deux jours plus tard, son incorruptible et hypertalentueux ministre de la Justice (Mikhaïl Saakachvili) claque les portes du Conseil des ministres.

En quelques semaines, le groupe parlementaire du président a perdu la moitié de ses membres. Même le dauphin de Chevardnadze rejoint les rangs de l’opposition.

Dès l’été 2002, les dirigeants des ONG géorgiennes les plus influentes (celles financées par George Soros) affirmaient qu’une révolution pacifique — provoquée selon les techniques de contestation proposées par le politicologue et théoricien Gene Sharp en 1993 — serait nécessaire pour sortir de la crise sociale et économique secouant le pays.

Aux élections régionales du 2 juin 2002, l’opposition remporte une victoire écrasante sur le parti du président.

À l’élection générale du 2 novembre 2003, les candidats pro-gouvernementaux sont déclarés élus, non seulement contre toute attente, mais également contre toute vraisemblance alors que le taux de popularité de Chevardnadze avoisinait 5 % des intentions de vote.

Les partis d’opposition appellent le peuple à la désobéissance civile; près de cent-mille protestataires défilent dans la capitale.

Le 22 novembre, alors que Chevardnadze prononce son discours d’investiture, la foule envahit l’édifice du parlement grâce à la passivité de l’armée.

Ce qui oblige le président à proclamer l’état d’urgence (ce qui ne donnera rien) et, le lendemain, à démissionner.

La location des autobus qui avaient conduit les protestataires dans la capitale, les roses qui leur furent distribuées à leur arrivée et les préparatifs qui s’étaient déroulés au cours des trois mois précédents ont représenté un déboursé de 42 millions$ pour George Soros.

À l’élection présidentielle anticipée qui suivit, le 4 janvier 2004, Mikhaïl Saakachvili, chef du parti d’opposition Mouvement national uni (financé principalement par George Soros) est élu.

Références :
Coup d’État de 1991-1992 en Géorgie
Crise diplomatique russo-géorgienne de 2008
Démographie de la Géorgie
Géorgie
Géorgie (pays)
Géorgie : Politique des minorités nationales
Géorgien
Guerre russo-géorgienne
L’OTAN s’implante en Géorgie
1992 en Géorgie
Ossétie du Sud
Première guerre d’Ossétie du Sud
Révolution des Roses
Russo-Georgian Conflict Originates With Soros Subversion
Salomé Zourabichvili
Zviad Gamsakhourdia (dans l’encyclopédie Universalis)
Zviad Gamsakhourdia (dans Wikipédia)

Paru depuis : Georgia to introduce first-ever state language examination in 2025 (2025-11-24)

Pour consulter tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


146 pays membres de l’Onu reconnaissent l’existence d’un État palestinien

Publié le 22 mai 2024 | Temps de lecture : 1 minute
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Paru depuis : L’Arménie reconnaît l’Etat de Palestine, Israël promet « une réprimande sévère » à l’ambassadeur d’Erevan (2024-06-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


‘Antisémitisme’ et liberté d’expression

Publié le 22 mai 2024 | Temps de lecture : 8 minutes

La définition de l’IHRA

L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste — mieux connue sous son sigle anglais d’IHRA — est une organisation fondée en 1998. Elle regroupe des représentants de 35 pays membres.

Il existe déjà plusieurs définitions de l’antisémitisme. En 2016, l’IHRA a adopté la sienne, qui se lit comme suit :

L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte.

Telle quelle, cette définition qualifie d’antisémitisme toute manifestation rhétorique (ce qui veut dire toute opinion verbale ou écrite) qui critique une personne juive (ex.: Benjamin Netanyahu) ou une institution juive (ex.: l’armée israélienne).

Cette définition est accompagnée de onze exemples destinés à faciliter son interprétation.

L’endossement des gouvernements occidentaux


 
Depuis 2016, de nombreuses organisations juives ont fait pression sur leurs gouvernements respectifs pour qu’ils adoptent cette définition.

C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne. Dès l’adoption par la Chambre des Communes, le gouvernement britannique a demandé à ses ministères, à ses agences et aux organismes paragouvernementaux de tenir compte de cette définition dans leur interprétation de ce qui constitue l’antisémitisme.

La France dispose d’une institution, appelée Académie française, dont le rôle est précisément de définir le sens des mots. Mais cela ne suffit pas.

Conséquemment, à la suite du parlement européen, l’Assemblé nationale française a adopté elle aussi la définition de l’IHRA par un votre de 154 voix pour et de 72 voix contre.

Plus de 350 députés n’ont pas voulu participer au vote en raison de la controverse qu’elle a suscitée.

Même s’il s’agit d’une résolution non contraignante (c’est-à-dire qui n’a pas force de loi), cela ne veut pas dire qu’elle est sans effet.

Au sein de l’administration publique française, on a fait savoir que cette résolution a été adoptée « afin de soutenir les autorités judiciaires et répressives dans les efforts qu’elles déploient pour détecter et poursuivre les attaques antisémites.»

Ici même au Canada, le parlement canadien a adopté la définition de l’IHRA sans toutefois modifier le Code criminel en conséquence.

En juin 2021, une motion à ce sujet a été soumise à l’Assemblée nationale du Québec par le gouvernement Legault. Toutefois, pour être recevable et débattue, il fallait le consentement unanime des députés. Or Québec Solidaire s’y est opposé. Ce qui fait que le Québec n’a jamais adopté cette définition, contrairement à la plupart des autres provinces canadiennes.

Précisons que les États-Unis pourraient être le premier pays à inscrire la définition de l’IHRA dans sa législation.

L’an dernier, la Chambre des Représentants américaine a adopté le projet de loi intitulé Anti-Semitism Awareness Act of 2023 par un votre de 320 voix pour et 91 voix contre. Ce projet de loi vise à incorporer la définition de l’IHRA au chapitre VI de la Loi sur les Droits civiques de 1964.

Il reste encore à ce projet de loi de recevoir l’assentiment du Sénat et la signature présidentielle pour entrer en vigueur.

La liberté d’expression

Le 24 octobre 2023, le ministre français de l’Intérieur annonçait que des poursuites pénales seraient intentées contre ceux qui nient la décapitation des bébés au kibboutz de Kfar Aza par le Hamas, le 7 octobre dernier. Or il est maintenant admis qu’il s’agissait-là d’une nouvelle fallacieuse de la propagande israélienne.

Tous les journalistes qui ont travaillé à rétablir la vérité ont implicitement porté atteinte à la crédibilité de l’armée israélienne et sont donc coupables d’antisémitisme selon la définition de l’IHRA.

Le mois dernier, l’Allemagne a déployé 930 policiers afin d’interrompre la tenue d’un colloque pro-palestinien (notamment en coupant l’électricité et en confisquant les micros) après avoir interdit l’entrée sur le sol allemand des conférenciers étrangers invités.

D’autre part, puisque le sionisme milite pour que l’État d’Israël englobe toute la Palestine et donc, agrandisse ses frontières jusqu’au Jourdain, l’expression ‘Du fleuve à la mer’ — c’est-à-dire du Jourdain à la Méditerranée — pourrait être un slogan sioniste.

Mais de la bouche d’un manifestant pro-palestinien, cela devient de l’antisémitisme, tout comme le slogan ‘Free Palestine’ (ce qui signifie ‘Vive la Palestine libre’).

L’humoriste Guillaume Meurice est en attente de la décision d’un tribunal français après que plusieurs associations juives aient porté plainte contre lui pour avoir déclaré publiquement que Benjamin Netanyahu était ‘une sorte de nazi sans prépuce’.

À l’encontre de ceux qui campent sur le campus de l’université McGill, les manifestants pro-Israël ont raison de les accuser d’antisémitisme (selon la définition de l’IHRA) puisque toute critique de l’État d’Israël ou de son armée répond à cette définition.

L’envers du décor

Juriste américain réputé, Kenneth Stern est l’auteur principal de la définition de l’IHRA. Selon lui, cette définition a été adoptée exclusivement à des fins de recherche.

Sa formulation vague (“…une certaine perception des Juifs qui peut se manifester…”) est voulue. Elle permet aux chercheurs de quantifier les actes clairement antisémites et de voir dans quelle mesure un narratif qui ne l’est pas tout à fait peut évoluer avec le temps.

Depuis moins d’une décennie, par rectitude politique, les politiciens occidentaux ont cédé aux associations juives les plus militantes qui réclamaient l’adoption de la définition de l’IHRA, présentée comme le fruit d’un consensus international.

En réalité, pour ces associations, cette définition est une occasion en or. En multipliant les plaintes d’antisémitisme auprès des forces de l’ordre, on peut ainsi harceler en toute légalité ceux qui se montrent critiques envers les dirigeants israéliens.

Mais voilà qu’un conflit au Proche-Orient reverse l’opinion publique contre Israël alors qu’on assiste au premier génocide télévisé de l’Histoire.

En faisant fi des avertissements selon lesquels l’adoption de la définition de l’IHRA est liberticide, les gouvernements occidentaux se retrouvent aujourd’hui déconnectés de leur population, massivement antisémite selon leurs propres critères.

Cette déconnexion s’étend à l’ensemble de l’Humanité alors que s’élargit le gouffre idéologique entre le Sud Global et un Occident à la recherche de ses repères moraux.

Références :
Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste
Appel de 127 intellectuels juifs aux députés français : « Ne soutenez pas la proposition de résolution assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme »
Après avoir traité Netanyahu de « nazi sans prépuce », Guillaume Meurice défend sa liberté d’expression
Germany cancels pro-Palestine event, bars entry to Gaza war witness
Germany’s crackdown on criticism of Israel betrays European values
Kenneth Stern, juriste américain : « Notre définition de l’antisémitisme n’a pas été conçue comme un outil de régulation de l’expression »
La définition opérationnelle de l’antisémitisme
La résolution controversée sur la lutte contre l’antisémitisme adoptée par les députés
Le Canada adopte la définition de l’antisémitisme de l’IHRA
Left-wing Jewish Alliance Calls on Biden to Reject Antisemitism Definition That Includes anti-Zionism
Les «bébés de Kfar Aza» au cœur de la guerre de communication entre le Hamas et Israël
Les défenseurs des droits de la personne applaudissent le Québec pour avoir rejeté l’adoption de la définition de l’antisémitisme controversée de l’IHRA
Massacre de Kfar Aza
Montréal n’adopte pas la définition de l’antisémitisme de l’IHRA
« Quarante bébés décapités » : itinéraire d’une rumeur au cœur de la bataille de l’information entre Israël et le Hamas
Quebec hasn’t adopted IHRA definition of anti-Semitism despite vote
Will the US adopt IHRA’s anti-Semitism definition? What’s the controversy?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La rivalité commerciale sino-américaine : le cas du port péruvien de Chancay

Publié le 16 mai 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

La route de la soie

Depuis 2013, la Chine investit des sommes colossales afin de développer un réseau de voies ferroviaires et maritimes regroupées sous le vocable de ‘Nouvelle route de la soie’.

Dans le cas de l’ensemble des installations portuaires que la Chine achète ou construit à l’Étranger, il est à noter que des groupes de réflexion américains lui ont donné le nom spécifique de ‘Collier de perles’. Toutefois, cette expression ne fait pas partie du vocabulaire de l’État chinois.

Ce réseau terrestre et maritime est destiné à favoriser l’importation des matières premières dont l’économie chinoise a besoin et à faciliter l’exportation de ses produits finis.

Puisque le territoire chinois, pourtant vaste, est insuffisant à nourrir les 1,3 milliard de personnes que compte sa population, ce réseau servira également à assurer l’approvisionnement alimentaire de la Chine à partir des terres agricoles que ce pays a acquises à l’Étranger, notamment de ses palmeraies africaines.

Le port de Chancay


 
Une des ‘perles’ du collier chinois sera le port en eau profonde de Chancay. En construction depuis quelques années, il situé à 74 km de la capitale du Pérou. C’est le fruit d’un partenariat entre ce pays et la Chine.

Il s’agit un projet de 3,6 milliards$US destiné à faire de Chancay le ’Shanghai’ de l’Amérique du Sud. Il comprendra des quais, des entrepôts, des équipements de manutention et tout ce qui est nécessaire au fonctionnement du terminal.

Le traité intervenu entre la Chine et le Pérou prévoyait que la China Ocean Shipping Company (ou COSCO) aurait été l’opérateur exclusif du port.

COSCO est une entreprise de Hong Kong détenue par l’État chinois. Œuvrant dans 1 600 ports répartis dans 160 pays, elle est une des principales entreprises de transport maritime et de logistique au monde; sa flotte comprend des porte-conteneurs, des pétroliers, des navires de transport de véhicules ou de transport de marchandise en vrac, etc.

De plus, elle est impliquée dans la construction navale, le courtage maritime, les services de transport intermodal et, comme dans ce cas-ci, la gestion des terminaux portuaires.

L’ouverture officielle des premiers quais du port de Chancay est prévue lors d’une visite du président chinois à l’occasion du sommet de l’APEC, en novembre prochain.

Importance géostratégique

La mise en service de ce port devrait bouleverser le transport maritime en Amérique du Sud.

En 2023, la Chine importait pour 135 milliards$US de marchandises provenant des cinq pays suivants : la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Chili et le Brésil. Les importations chinoises concernaient du lithium, du soya, du maïs, des huiles végétales, du fer et du ciment.

À l’heure actuelle, l’Amérique du Sud compte déjà quatre ports en eau profonde donnant sur le Pacifique. Chancay deviendra donc le cinquième, mais le premier contrôlé par la Chine.

Même si la COSCO s’abstenait de concentrer ses opérations à Chancay (ce qui est douteux), celui-ci pourrait recevoir par train les marchandises que le Brésil destine à la Chine. Ce qui lui évitera le détour par le canal de Panama ou le contournement du redoutable Cap Horn.

Le monopole de COSCO sur Chancay ne signifie pas que seuls des navires chinois y auront accès, mais que les navires des autres pays seraient forcés de faire affaire avec l’entreprise chinoise.

Les États-Unis voient d’un très mauvais œil la construction de ce port puisque cela permettrait de contourner ou de rendre plus difficile un blocus maritime américain contre la Chine.

Déjà, sous pression de Washington, le parlement péruvien a adopté le mois dernier une nouvelle loi qui remet en question la parole donnée par le Pérou à la Chine.

D’où la menace chinoise de porter l’affaire devant les tribunaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

C’est à suivre…

Références :
China vows ‘firm support’ for Peru as Foreign Minister Javier Gonzalez-Olaechea Franco visits Beijing
Le port de Chancay au Pérou : une pierre chinoise dans l’arrière-cour des Etats-Unis ?
Liste des ports Panamax
Nouvelle route de la soie
Stratégie du collier de perles
Why is the US uneasy about China’s troubled US$3.6 billion port project in Peru?

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Écrit par Jean-Pierre Martel