Droit international et géopolitique (cinquième partie)

Publié le 28 novembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI (ce texte-ci)

Étendue de l’autorité de la Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale (CPI) est née en 2002. Ce tribunal ne juge pas les pays ni les gouvernements; seuls des dirigeants politiques ou militaires sont sommés d’y comparaitre.

Son autorité s’étend aux 124 pays ou entités étatiques dont le parlement a ratifié le Statut de Rome (en vert sur la carte ci-dessus).

Après le mandat d’arrestation émis par la CPI contre Benyamin Nétanyahou, le Canada, l’Italie et la Grande-Bretagne ont fait savoir qu’ils procèderaient (à regret) à l’arrestation du dirigeant israélien s’il devait mettre les pieds sur leur territoire.

De son côté, la France ne compte pas procéder à l’arrestation de Nétanyahou s’il devait y venir.

Mais contrairement à certains pays occidentaux qui ont annoncé leur refus de respecter leurs obligations internationales — le Paraguay, l’Argentine, l’Autriche, la République tchèque et la Hongrie — la France justifie paradoxalement son refus au nom de ses obligations internationales, notamment le respect de l’immunité diplomatique dont jouirait Nétanyahou.

Qu’en est-il ?

Le premier paragraphe de l’article 27 du Statut de Rome est clair. Il se lit comme suit :

Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État […] n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut […].

Les autorités françaises soulignent néanmoins qu’un autre article dit le contraire.

En effet, l’article 98 stipule que lorsque la CPI requiert (notez le verbe) l’arrestation d’une personne normalement protégée par l’immunité diplomatique, le pays requis (par exemple, la France) doit obtenir la coopération du pays tiers (dans ce cas-ci, Israël) pour que celui-ci lève l’immunité diplomatique qui protège la personne visée par le mandat.

Cela semble contradictoire. À l’article 98, comment peut-on exiger la levée d’une immunité qui n’existe pas en vertu de l’article 27 ?

Une des règles de l’interprétation du droit veut que le législateur ne parle pas pour rien. Si l’article 98 semble contredire l’article 27, c’est qu’il s’agit d’une exception à la règle.

En somme, si la France voulait arrêter un de ses ressortissants, elle n’aurait besoin de la permission de personne. Mais pour arrêter Nétanyahou, il faut l’accord d’Israël.

Si cela est exact, n’est-ce pas également le cas de Vladimir Poutine ? Bien oui; on ne peut l’arrêter que si la Russie est consentante. En somme, s’il le veut bien.

Alors pourquoi avoir caché à l’opinion publique internationale les dispositions de l’article 98 dans le cas de Poutine ?

Parce que les pays rivaux instrumentalisent le Droit international à des fins de propagande.

C’est ainsi que pour provoquer l’indignation et afin de susciter la détestation de la Russie, il suffit de donner l’impression que ce pays viole impunément le Droit international.

Cette instrumentalisation est d’autant plus évidente lorsqu’on se rappelle que, techniquement, Poutine est accusé d’avoir déporté un nombre non précisé d’enfants sains et saufs vers la Russie alors que Nétanyahou est accusé de crimes de guerre qui ont conduit au massacre de dizaines de milliers d’enfants palestiniens.

Références :
La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine
Paris critiqué pour avoir évoqué l’« immunité » de Nétanyahou
Pourquoi la France donne des gages à Benyamin Nétanyahou après le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale
Statut de Rome de la Cour pénale internationale

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Écrit par Jean-Pierre Martel