La CSeries de Bombardier

Le 17 février 2016
© — Bombardier

Historique de la CSeries

Bombardier est une entreprise créée en 1941 par l’inventeur de la motoneige, Joseph-Armand Bombardier.

Après avoir diversifié ses opérations dans la construction de matériel ferroviaire (en 1974), cette compagnie s’est lancée à la fin des années 1980 dans la construction aéronautique.

Le créneau qu’elle a développé est celui des avions d’affaires d’environ cinquante places, qui connurent un immense succès.

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, l’industrie aéronautique a traversé une crise.

En 2003, Bombardier vend sa division de véhicules récréatifs (Ski-Doo et Sea-Doo) afin de dégager des liquidités lui permettant de se consacrer à ses activités les plus lucratives, notamment la construction aéronautique, en dépit de ses difficultés.

Bientôt concurrencée par des compagnies rivales, Bombardier a décidé de viser plus haut en entreprenant en 2008 un ambitieux projet de construction d’avions monocouloirs de 108 à 160 passagers.

Airbus et Boeing fabriquent déjà de tels avions. Afin de leur ravir des parts de marché, Bombardier s’est donné la mission de concevoir à partir de rien une nouvelle génération de tels appareils — une première depuis 25 ans — en recourant aux technologies les plus actuelles, à des matériaux plus solides et plus légers, de même qu’à de nouveaux moteurs de Pratt & Whitney ultra performants et beaucoup plus silencieux.

Avec ses deux milliards$ de recherche et développement dépensés annuellement, la CSeries est devenue le projet industriel le plus innovant au Canada depuis les vingt dernières années.

À l’origine, ces avions devaient représenter une économie de carburant de 20% en comparaison avec les modèles de ses concurrents, ce qui était appréciable à l’époque encore récente où le pétrole valait plus de 100$ le baril.

Avec les améliorations qu’Airbus et Boeing ont apportées à leurs vieux modèles, l’écart s’est rétréci à environ 10%.

Problèmes financiers de Bombardier

Les couts de développement de la CSeries ont explosé à 5,4 milliards$US, soit au moins 2 milliards$ de plus que prévu.

Pendant ce temps, la division ferroviaire de Bombardier est toujours rentable mais beaucoup moins qu’avant en raison de la concurrence étrangère et de l’obligation de saupoudrer des retombées économiques un peu partout afin d’obtenir des contrats publics.

En misant tout son avenir sur la CSeries, Bombardier affecte moins de ressources à ses avions d’affaires. Conséquemment, ces derniers perdent des parts de marché à cause des améliorations que d’autres constructeurs apportent à leurs modèles concurrents.

Le résultat est que Bombardier a bénéficié de revenus de 18,2 milliards$US en 2015, soit presque deux milliards$ de moins qu’en 2014.

Les actionnaires, qui veulent des profits immédiats, trépignent et se tournent vers d’autres placements. Le prix unitaire de l’action de Bombardier est tombé si bas que la valeur boursière de Bombardier est d’environ deux milliards$ de dollars.

Pensez qu’il s’agit là du prix déboursé récemment par une compagnie américaine pour acheter une chaine de quincaillerie québécoise.

Mais si Bombardier vaut maintenant si peu, pourquoi des rivaux (Boeing ou la Chine) ne dépensent-ils pas deux milliards$ pour l’acheter, acquérir ses technologies de pointe, délocaliser sa production et mettre les clés dans la porte, se débarrassant ainsi d’un concurrent ?

C’est que le montage financier de Bombardier est un peu spécial. Beaucoup de conglomérat sont structurés de manière à ce qu’à partir d’une mise de fonds minimale, un petit nombre de personnes détiennent le contrôle d’une constellation d’entreprises valant des dizaines ou des centaines de fois plus.

C’est le cas de Bombardier. La famille Beaudoin-Bombardier — héritière du fondateur Joseph-Armand Bombardier — possède 14% des actions de l’entreprise. Mais ce sont des actions à vote multiple alors que pour les autres actionnaires, c’est une action, un vote.

Le résultat est que leur 14% vaut 54% des droits de vote. Donc même si Boeing achetait toutes les actions qui n’appartiennent pas à la famille Bombardier, il ne pourrait pas prendre le contrôle de la compagnie.

Déjà des spéculateurs rapaces font pression pour que tout prêt que pourrait consentir le gouvernement fédéral soit conditionnel à ce que la famille Beaudoin-Bombardier se départisse de ses actions à vote multiple.

Cela n’arrivera pas puisque cette famille avait déjà refusé un tel arrangement proposé l’automne dernier par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Importance économique de Bombardier

Bombardier emploie 74 000 personnes à travers le monde, dont 24 340 au Canada.

En excluant ses activités ferroviaires, la division aéronautique fait travailler 20 000 de ces 24 340 employés. C’est un travailleur sur neuf de l’industrie aéronautique au Canada, un secteur qui représente des ventes de 29 milliards$.

Sur les 20 000 emplois au Canada, 16 000 — soit 80% — sont au Québec. À lui seul, Bombardier représente 40% de tous les emplois québécois du secteur de l’aéronautique.

Il est approvisionné par 600 fournisseurs et représente deux pour cent du PIB du Québec. Deux pour cent alors que la CSeries n’est pas encore entrée en production; on peut imaginer cette importance lorsque Bombardier commencera à livrer la marchandise.

À la défense de Bombardier

En raison de son importance stratégique, le gouvernement québécois a décidé d’appuyer financièrement le constructeur.

La Caisse de dépôt et placement du Québec a déboursé deux milliard$ pour acquérir trente pour cent de sa division ferroviaire. Cette initiative a fait l’unanimité de la classe politique au Québec.

De plus, l’État québécois — par le biais d’Investissement Québec — a investi un milliard$US dans une nouvelle structure financière, tributaire de Bombardier, qui prendra en charge le financement de la CSeries. Bombardier en possèdera 50,5% tandis qu’Investissement Québec en détiendra le reste. L’État québécois prend donc en charge la moitié du risque financier du projet, ce qui suscite la controverse.

En contrepartie de cet investissement, Bombardier s’engage à maintenir au Québec le siège social stratégique, financier et opérationnel de la nouvelle société responsable de la CSeries, de même que les activités de recherche et développement à son sujet, d’ingénierie, et de la partie de la fabrication directement effectuée par Bombardier (ce qui exclut celle confiée à de la sous-traitance).

Références :
Bombardier (entreprise)
Bombardier cutting 7,000 jobs
Bombardier: le rêve CSeries est en train de tourner au cauchemar
Bombardier: une perte de 4,9G$ et une participation de 1G$ de Québec
Former minister urges Ottawa to think hard before rebuffing Bombardier
If Ottawa opts to bail out Bombardier, it ought to impose one key condition
La Caisse de dépôt investit 2 milliards dans Bombardier Transport
Les rapports financiers de Bombardier
Ottawa looking at ‘creative’ options to financially support Bombardier
Où coupera Bombardier?
Québec investit 1 milliard $US dans Bombardier
Say no to Bombardier bailout: Editorial

Parus depuis :
La science derrière la C Series (2016-02-19)
Il n’y aurait pas de corrélation entre gouvernance et performance boursière (2016-03-04)
Bombardier: préserver sa propriété canadienne (2016-04-27)
Duel d’actionnaires (2016-05-05)
Les ravages du court terme (2016-06-23)
Bombardier et la Serie C: les Coûts du « fédéralisme canadien » (2016-06-27)

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Un commentaire à La CSeries de Bombardier

  1. pierre pinsonnault dit :

    Complexe mais intéressant de mieux connaître la situation de Bombardier. Merci pour ce résumé et les références.

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