La déchéance de nationalité

13 février 2016

Introduction

Le mardi 9 février 2016, l’Assemblée nationale française adoptait de justesse une modification constitutionnelle visant à donner à l’État le pouvoir de déchoir les terroristes français de leur nationalité.

Pour entrer en vigueur, le texte doit être entériné par le sénat à la mi-mars, puis par une majorité d’au moins les trois cinquièmes des voix par le parlement réuni en congrès à Versailles.

L’article 34 de la constitution permettra l’adoption de lois destinées à préciser les règles concernant la nationalité, y compris les conditions où une personne pourrait être déchue de celle-ci lorsqu’elle est condamnée par les tribunaux pour avoir eu « un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État.»

N’étant pas juriste, je ne sais pas très bien ce que cela implique concrètement. Sans doute pour cette raison, je vous avoue que ce texte me déçoit.

Je me conterai donc de vous dire, dans mes propres mots, ce que je pense au sujet de cette question controversée et ce que la loi devrait dire.

Le principe de la déchéance

La déchéance de la nationalité est une mesure symbolique.

Elle vise à exclure de la Nation ceux qui ont commis contre le peuple un acte haineux totalement inexcusable. On ne peut pas être Français et détester le peuple de France.

Elle est symbolique parce qu’habituellement les terroristes se préparent à mourir en commettant leurs actes. Donc la menace d’une déchéance posthume n’a pas d’effet dissuasif.

Conséquemment, elle est l’expression de l’indignation que ressentent les survivants face à l’odieux d’un crime haineux commis contre le peuple par des concitoyens asociaux.

En posant leur geste, les auteurs s’excluent donc eux-mêmes du corps de la Nation. Ils n’en font plus partie. L’État légalise leur choix en les privant de leur nationalité.

Terroristes et terroristes

La consultation de l’Histoire au sujet du terrorisme nous incite à la plus grande prudence.

Parmi les gestes d’éclat posés par la Résistance française au cours de l’occupation allemande, beaucoup étaient des actes terroristes.

Ces gestes visaient à nuire au ravitaillement des troupes allemandes et, dans certains cas, à s’attaquer à des collabos et à des représentants français de l’occupant nazi.

Donc, il n’y a pas d’adéquation parfaite entre la commission d’actes terroristes dans un pays et la haine envers le peuple qui l’habite. Au contraire, on peut vouloir tuer des représentants de l’État parce qu’on croit, à tort ou à raison, qu’ils ont trahi l’intérêt national.

Comprenons-nous bien; je ne suis pas en train de faire ici l’apologie de l’assassinat politique. Toutefois, l’assassinat d’un représentant de l’État — policier, soldat ou personne politique — ne se compare pas à une tuerie de masse dirigée contre des spécimens de la Nation tout entière; le premier est dirigé contre un pouvoir politique ou ses représentants alors que le second cible la Nation elle-même.

Voilà pourquoi toute tuerie dirigée contre des groupes de concitoyens inconnus devrait être punissable de la déchéance de la nationalité et d’un emprisonnement à l’issue duquel le condamné devrait être expulsé du pays.

Pour terminer, précisons que tuer son conjoint est un homicide mais ce n’est pas un acte terroriste parce qu’il ne vise pas à terroriser quiconque d’autre.

Par contre, l’attentat terroriste — qui est également un homicide — se double, lui, d’un message haineux adressé à une collectivité.

Références :
Déchéance de la nationalité française
La déchéance, c’est maintenant
L’Assemblée nationale vote la déchéance de nationalité
Révision constitutionnelle : les députés votent la déchéance de nationalité à une courte majorité

Parus depuis :
Un djihadiste britanno-canadien déchu de sa nationalité par Londres (2018-08-18)
Une femme condamnée pour terrorisme devient la première Française déchue de sa nationalité (2023-05-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel