Roxham : problème ou solution ?

Publié le 24 février 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

L’exemple polonais

De tous les pays membres de l’Otan, c’est la Pologne qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens, soit 1,4 million de personnes.

Des centaines de milliers de Polonais ont été chercher en auto les familles ukrainiennes qui se présentaient à la frontière pour leur offrir l’hospitalité. Si bien que l’immense majorité de ces réfugiés logent chez l’habitant.

Pour leur éviter de devenir un fardeau social, l’État polonais leur a aussitôt délivré les permis de travail nécessaires à leur insertion immédiate sur le marché de l’emploi. Ce qui a permis de combler dans ce pays la majorité des demandes pour du personnel non qualifié.

La scolarisation des enfants ukrainiens a permis à leurs parents de travailler. Et ces nouveaux contribuables ont eu accès au système de santé car des ouvriers en santé travaillent de manière plus efficace que s’ils sont malades.

Le résultat, c’est que la croissance économique de la Pologne a été de 4,9 % en 2022. C’est un des taux de croissance les plus élevés parmi les pays occidentaux. À titre de comparaison, ce taux fut de 2,6 % en France, de 2,2 % aux États-Unis, de 1,9 % en Allemagne, et de 1,1 % au Japon.

Le contre-exemple canadien

Le Québec a accueilli en 2022 près de soixante-mille immigrants, dont plus de 39 000 par le chemin Roxham.

Ces derniers représentent 99 % de tous les demandeurs d’asile au Canada.

le permis de travail

Dès leur arrivée en sol canadien, ces immigrants auraient pu, comme en Pologne, contribuer au développement économique du pays. Mais ils ne le peuvent pas en raison de la lenteur d’Ottawa à leur délivrer un permis de travail.

Selon Me Stéphan Handfield, avocat spécialisé en droit de l’immigration depuis trois décennies, les délais d’attente pour un permis temporaire sont actuellement autour de douze à quatorze mois.

Selon cet avocat, les services frontaliers possèdent les compétences et le pouvoir de livrer des permis de travail sur-le-champ. Il suffirait de leur donner des directives claires et simples : exigez la présentation d’une pièce d’identité, vérifiez s’il existe un mandat d’arrestation contre cette personne. Si tout est beau, donnez immédiatement un permis de travail de deux ans.

la répartition territoriale des demandeurs d’asile

Après leur avoir accordé sur-le-champ un permis temporaire de travail, Ottawa aurait pu laisser ceux qui parlent déjà français être pris en charge par le Québec et transporter les autres vers les provinces anglophones du pays.

C’est la suggestion que nous faisions sur ce blogue en septembre 2022.

Mais s’abstenant de le faire, Ottawa faisait en sorte que cet afflux de réfugiés dépasse la capacité de nos classes de francisation et contribue à l’anglicisation du Québec.

Il a fallu une lettre du premier ministre du Québec cette semaine pour qu’Ottawa apprenne officiellement que les organismes québécois d’aide aux réfugiés étaient débordés et qu’il était devenu impossible de trouver des appartements décents pour loger ces nouveaux venus.

Alors qu’Ottawa commence à peine à les répartir à travers le pays, des villes signalent déjà leurs difficultés à les recevoir. D’une crise québécoise, tout cela dégénère rapidement vers une crise canadienne.

Pour l’instant, on trouvera bien quelques hôtels désaffectés pour les loger aux frais des contribuables. Mais ce n’est plus qu’une question de temps pour que la crise du logement épuise toutes les capacités d’accueil au pays.

l’urgence de construire des logements sociaux

En principe, les logements sociaux ne sont pas destinés à loger les néoQuébécois; dans les faits, ils le sont partiellement en raison de la longue disette que leur fait subir l’incurie du fédéral à délivrer des permis de travail.

Mais dès qu’ils obtiennent ce document, l’immense majorité des demandeurs d’asile sont prêts à accepter les emplois qu’on leur offre. Même ceux pour lesquels ils sont surqualifiés. Voilà pourquoi ils ne demeurent pas longtemps sur l’assistance sociale.

En vertu du grand jeu de chaises musicales qu’est le marché locatif, il est important de construire des logements sociaux pour libérer des appartements qu’occuperont ces nouveaux travailleurs que sont les demandeurs d’asile. Parce que notre économie dépend d’eux.

Conclusion

Quand Ottawa ouvre les bras à tous les malheureux de la Terre, ce geste d’empathie s’avère irresponsable quand, au-delà des belles paroles, le pays a négligé de se doter des moyens de les accueillir.

L’exemple polonais nous enseigne que pour être digne de sa réputation surfaite, le Canada doit se doter en premier lieu d’une administration nationale compétente.

Puis il doit se doter des infrastructures d’accueil qui lui sont nécessaires. Ce qui implique que les demandeurs d’asile trouvent là où loger et n’en soient pas réduits à l’itinérance et au travail au noir.

En 2022, la croissance économique du Québec a été de 3,1 %. C’est mieux de bien des pays. Mais cette croissance aurait été encore meilleure sans le boulet des lenteurs administratives d’Ottawa.

En matière d’immigration, le gouvernement québécois n’est pas à l’abri de tout reproche. Mais tant que le Québec n’accèdera pas à l’indépendance, les défauts de son gouvernement ‘provincial’ s’ajouteront à l’incurie qui règne à Ottawa.

Références :
Chemin Roxham: Legault augmente la pression sur Trudeau
Des délais d’attente jusqu’en 2025: plus de 25 000 demandeurs d’asile sans permis de travail
Hausses de loyers abusives: plus de 100 000 logements abordables disparus au Québec en cinq ans
La Pologne passe la barre de 1 million de travailleurs étrangers
Le logement social à Vienne
Le Québec aurait franchi le cap des 300 000 immigrants temporaires
Pénurie de main-d’œuvre: et si on émettait des permis de travail à la frontière?
Roxham Inc.

Parus depuis :
Chemin Roxham : Windsor ne peut plus accueillir de nouveaux demandeurs d’asile (2023-02-28)
Pénurie de main-d’œuvre : il manquerait 18 000 travailleurs immigrants en région (2023-03-06)
50 infirmières prêtes à venir en Gaspésie, mais n’ont pas de logements (2023-03-08)
Des étudiants ne pourront pas étudier à Rimouski, faute de logements: du «jamais-vu» pour l’université (2023-05-23)
Malgré la fermeture du chemin Roxham, un nouveau record de demandeurs d’asile se profile (2023-08-01)
Le Canada ne peut pas loger plus d’immigrants (2023-08-08)
Fermeture du chemin Roxham: «Ça n’a pas donné grand-chose», admet le ministre Roberge (2023-11-10)
Plus de 144 000 demandes d’asile déposées au Canada l’an dernier, un record (2024-01-19)
Un sommet de passages clandestins, mais un creux de policiers à la frontière (2024-06-29)

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Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les chevaux de Troie du chemin Roxham

Publié le 24 mars 2020 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

En 2017 et 2018, sur un nombre total de quarante-mille personne qui ont demandé l’asile au Canada, 37 300 l’ont fait en traversant le chemin Roxham, soit une moyenne annuelle de 18 650 personnes.

En 2019, leur nombre a légèrement diminué à 16 000. Pour les premiers mois de cette année, ce serait 1 115 personnes.

Selon Jean-Pierre Fortin, président du syndicat des douanes et de l’immigration, environ 60 à 80 personnes empruntent quotidiennement cette voie de ces temps-ci.

Ce chemin est une voie terrestre reliant à pied le Québec à l’État de New York.

New York, un épicentre de la pandémie au Covid-19

Avec une population deux fois moindre que celle du Canada — 19,5 vs 36,6 millions de citoyens — l’État de New York compte cinq fois plus de morts causées par le Covid-19 (125 vs 24, au moment où ces lignes sont écrites).

En raison de tests de diagnostic défectueux, le nombre officiel de personnes infectées aux États-Unis est une grossière sous-estimation. Comme c’est le cas dans de nombreux pays, pour différentes raisons.

La seule chose incontestable, c’est le nombre de morts.

Ce nombre nous révèle que l’épidémie est dix fois plus répandue dans l’État de New York qu’au Canada.

Au moment où ces lignes sont écrites, il est plus dangereux d’accueillir au Québec une personne provenant de l’État de New York qu’une personne provenant de la province chinoise de Wuhan (berceau de la pandémie).

L’aveuglement idéologique

Ce matin, Le Devoir publie un éditorial critiquant la décision du Canada — prise vendredi dernier — de fermer ses frontières aux réfugiés.

L’éditorialiste termine son plaidoyer en écrivant : « …la crise et la peur nous aveuglent-elles quant à nos responsabilités humanitaires ? Et si un pays développé comme le Canada n’est pas en mesure d’accueillir ces migrants, qui le sera ?»

C’est une grossière erreur de confondre une mesure sanitaire adoptée par la presque totalité des pays occidentaux avec de la xénophobie.

Alors que le système de santé du Québec n’est pas encore débordé, mais pourrait le devenir à tout moment, il serait imprudent d’accueillir des milliers de chevaux de Troie de l’épidémie américaine, attirés par la gratuité de notre système de santé.

Il y a un temps pour chaque chose.

Si le Canada fait respecter cette fermeture des frontières comme il s’y est engagé (c’est à voir), son message aux réfugiés est simple : « Si vous songez à vous réfugier au Canada, ce n’est pas le temps.»

S’imaginer qu’il suffit de mettre ces gens en quarantaine, c’est oublier que c’est ce que faisait déjà le Canada. Sauf que personne ne sait ce que le fédéral entend par ‘quarantaine’.

À la suite de la pandémie du SRAS qui a durement affecté Toronto en 2003, le fédéral a dépensé des millions$ pour automatiser (de manière excellente) les déclarations aux douanes. Mais il n’a pas dépensé un sou pour acheter des scanneurs thermiques comme l’ont fait de nombreux pays afin de protéger leur population.

De plus, pendant une semaine, le fédéral a été sourd aux requêtes de provinces de fermer les aéroports internationaux alors qu’il était déjà évident que c’est par le biais du transport aérien international que l’épidémie se répandait.

Donc je ne remettrais pas le sort des Québécois entre les mains du fédéral. Dans cette crise, ses ministres ne sont que des pantins qui répètent les lignes écrites par leurs relationnistes.

Conclusion

À l’heure où le premier ministre du Québec déconseille les voyages d’une région à l’autre du Québec, à l’heure où les provinces veulent que le fédéral interdise les voyages interprovinciaux non essentiels, voilà que le Conseil canadien des réfugiés et Le Devoir veulent qu’on fasse exception pour les réfugiés en provenance des États-Unis.

On ne parle pas ici de réfugiés qui seraient torturés à mort si le Canada refusait de les accueillir.

Le pire qui pourrait leur arriver, c’est que Washington les expulse du territoire américain. Dans la mesure où les États-Unis seront bientôt l’épicentre mondial de la pandémie, ne serait-ce pas un moyen de leur rendre service malgré eux ?

Références :
Arizona man dies after taking coronavirus ‘cure’ Trump touted with false claims
Coronavirus : les tests de diagnostic envoyés par les États-Unis fonctionnent mal
Covid-19 : les données en temps réel
COVID-19 : pas d’isolement obligatoire pour les migrants passant par le chemin Roxham
La Vérif : les migrants passant par le chemin Roxham sont-ils privilégiés?
Temperature screening to cover all flights

Parus depuis :
Coronavirus: des migrants détenus en grève de la faim (2020-03-26)
Le Canada ouvre à nouveau ses frontières à des demandeurs d’asile (2020-04-22)
COVID-19 : « C’est un peu hors de contrôle » à Montréal-Nord (2020-04-28)
Un quart des voyageurs malades de la COVID-19 au Québec venaient des États-Unis (2020-05-04)


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2 commentaires

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Écrit par Jean-Pierre Martel