L’élection de Trump : l’erreur des sondages

Publié le 18 décembre 2016 | Temps de lecture : 4 minutes

La victoire électorale de Donald Trump a été une surprise pour presque tous les analystes politiques. Ces derniers se basaient sur les sondages d’opinion, unanimes à prédire la victoire d’Hilary Clinton.

Effectivement, celle-ci a obtenu deux à trois-millions de votes de plus que son adversaire. Pourtant, elle a perdu cette élection en raison d’un système électoral vicié.

En premier lieu, il est vicié par le rôle joué par le Collège électoral. Celui-ci est le verrou mis en place au XVIIIe siècle par les élites révolutionnaires pour se protéger, en cas de besoin, de l’immaturité politique du peuple américain (dans lequel ils n’avaient pas confiance).

Deuxièmement, il est vicié par une multitude de mesures adoptées pour enrayer la démocratie américaine. Sans ces mesures, l’écart entre les deux candidats aurait été encore plus grand et la victoire de Mme Clinton plus certaine.

À la lecture de la section intitulée ‘Ending Voter Suppression’ du livre ‘Our Revolution’ de Bernie Sanders, on apprend quelques-uns des moyens utilisés par les Républicains pour faire obstacle à tous ceux qui ont tendance à voter contre eux.

Sous le prétexte de lutter contre la fraude (à peu près inexistante), certains États exigent la présentation d’une pièce d’identité sur laquelle apparait la photo du détenteur. Cette carte est émise par l’État.

Invoquant l’austérité, l’Alabama a raréfié les bureaux où les Noirs se présentaient afin d’obtenir cette carte, ce qui complique leurs démarches afin de l’obtenir.

Dans les États où cette exigence s’applique, on a calculé que cela fait perdre aux candidats démocrates 8,8% de leurs appuis et aux candidats républicains 3,6%.

Au Québec, l’inscription sur les listes électorales se fait automatiquement lors des recensements. Aux États-Unis, il faut s’inscrire.

En éliminant le vote anticipé et la possibilité de s’enregistrer sur place lors du scrutin, les Républicains ont rendu plus compliqué l’exercice du droit de vote pour les catégories de citoyens négligents dans l’exercice de leurs devoirs civiques, les jeunes et les pauvres notamment.

De plus, on a diminué le nombre de bureaux de vote et de préposés à la votation dans les quartiers ‘noirs’.

Le résultat, c’est qu’à l’élection de 2012 (on n’a pas les données pour 2016) le temps d’attente pour voter dans les quartiers ‘blancs’ a été de 11,6 minutes alors qu’il a été de 23,3 minutes dans les quartiers ‘noirs’.

Dans des cas extrêmes, il faillait attendre six ou sept heures pour voter.

Contrairement au Canada où la loi oblige l’employeur à permettre à ses employés d’exercer leurs devoirs civiques, toute élection américaine qui a lieu à un autre moment que lors d’un congé ou d’un jour férié rend l’exercice du droit de vote impossible aux Américains qui cumulent plusieurs emplois pour joindre les deux bouts.

Au Canada, on estime que l’incarcération seule est la punition du condamné. Dans certains États américains, on a ajouté à cette punition la suppression de leur droit de vote.

Ce droit n’est pas automatiquement restauré lorsqu’une personne sort de prison; l’ex-prisonnier doit s’inscrire.

Cela ne peut se faire qu’après avoir effectué un certain nombre de démarches préalables comme avoir trouvé un domicile.

Le résultat est qu’environ 13% des Noirs américains (dont ceux qui ont été emprisonnés pour des délits mineurs) sont privés du droit de vote. Cela représente deux-millions de citoyens.

Voilà pourquoi la prédiction des résultats du scrutin est toujours très hasardeuse aux États-Unis lorsque les candidats sont presque nez à nez.

Croire que l’écart entre le vote et les sondages s’explique par la volatilité du choix des indécis est simpliste. Cet écart s’explique plutôt par le fait qu’on répond aux sondages beaucoup plus facilement qu’on y vote.

Les Américains aiment proclamer que leur pays est un modèle de démocratie. On conviendra qu’il s’agit-là d’un modèle très améliorable…

Références :
Élection de Trump: la colère d’un grand électeur
Le mensonge des statistiques
Our Revolution: A Future to Believe In

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le décès de Fidel Castro et la diplomatie canadienne

Publié le 28 novembre 2016 | Temps de lecture : 3 minutes

Lors du décès d’un chef d’État étranger, une des tâches du premier ministre est d’exprimer des regrets. Sincères ou non, c’est son devoir.

Au décès du roi Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud, en 2015, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, écrivait que le roi Abdallah était un ardent défenseur de la paix au Moyen-Orient.

En réalité, sous la dictature de ce tyran, l’Arabie saoudite était la plaque tournante du terrorisme international, finançait la guerre en Syrie et persécutait sa minorité chiite, de même ses dissidents politiques (dont Raïf Badawi).

En Grande-Bretagne, le premier ministre David Cameron était même allé plus loin. Ne craignant pas le ridicule, il avait prédit qu’on retiendrait du monarque décédé ses efforts pour la paix et pour la compréhension interreligieuse. Bref, n’importe quoi.

À la suite de l’hommage sincère de Justin Trudeau à Fidel Castro, ses propos élogieux ont soulevé la colère des milieux de Droite du Canada et des États-Unis.

L’affinité de Justin Trudeau pour le leadeur cubain peut s’illustrer par la photo ci-contre, où la ressemblance entre les deux chefs d’État est frappante.

Quelle ne fut donc pas ma surprise en lisant hier que Justin Trudeau reconnaissait que Fidel Castro était un dictateur.

Disons-le franchement : par définition, le communisme est la dictature du prolétariat.

Reste à savoir si, dans un régime communiste, c’est le peuple qui est le dictateur ou si les dictateurs sont plutôt ceux qui exercent le pouvoir en son nom.

Une telle distinction est académique. Ce qui m’importe, ce sont les résultats.

Comparé aux États-Unis, Cuba possède un taux de mortalité enfantine plus faible, une espérance de vie plus longue et un taux d’alphabétisation plus élevé.

Les forces policières cubaines sont beaucoup moins militarisées que leurs équivalentes américaines. Conséquemment jamais personne n’est tué au cours d’une arrestation à Cuba. Même quand cette personne est Noir…

De plus, le taux d’incarcération y est infiniment plus faible car les États-Unis ont celui le plus élevé au monde.

En contrepartie, la liberté d’expression politique à Cuba est absente et on peut y voir une pauvreté généralisée (sans toutefois qu’on puisse parler de misère).

Certains vous diront que rien n’est plus précieux que la liberté d’expression. En tant que blogueur, je serais mal placé pour minimiser l’importance d’une telle liberté.

Toutefois, dans la préséance des divers droits et besoins humains, il m’apparait évident que le droit à la vie et le droit à la santé ont préséance sur le droit à la dissidence.

Bref, en dépit de tous les défauts du régime totalitaire cubain, une plus grande proportion de Cubains se sentaient aimés de Fidel Castro que la proportion d’Américains qui sentent de l’empathie à leur égard de la part de Donald Trump.

Références :
Le roi Abdallah d’Arabie saoudite est mort
Saudi Arabia’s King Abdullah dies at 90
Trudeau reconnaît que Fidel Castro était un dictateur

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Écrit par Jean-Pierre Martel


César Trump

Publié le 18 novembre 2016 | Temps de lecture : 1 minute
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Trump arrive à Washington comme Jules César est entré à Rome.

À la grande crainte des Sénateurs romains, ce dernier, égocentrique et ambitieux, a traversé le Rubicon auréolé de ses victoires en Gaule.

Trump arrive à Washington, là où l’attendent des dizaines et des dizaines de Brutus.

Il a d’immenses pouvoirs en matière de politique étrangère mais il est soumis au congrès pour faire passer son agenda politique.

Et tout comme la présidente du Brésil (destituée par une caste politique corrompue), Trump n’a de choix que de faire la carpette devant ceux sur lesquels il a craché durant sa campagne électorale. Est-ce bien dans son tempérament ?

Ses placards renferment des dizaines de Monica Lewinsky et des centaines de magouilles commerciales plus ou moins légales, bref de la matière juteuse à une cause de destitution à laquelle tout le monde songe.

Dans les sombres soubassements du pouvoir, on entend déjà le bruit des meules qui aiguisent les poignards.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La victoire de Trump ou ‘Le monde est tanné des experts’

Publié le 12 novembre 2016 | Temps de lecture : 5 minutes

À l’occasion de la Grande récession de 2007, les pouvoirs publics ont investi des sommes colossales afin de sauver le système bancaire et éviter une répétition des faillites en série de la Grande dépression de 1929.

À la suite de cet endettement, le milieu des affaires a réclamé une diminution des dettes étatiques, obligeant nos gouvernements à couper dans les services à la population.

Au Québec, l’austérité a semblé d’autant plus impopulaire qu’elle a été décrétée par un parti qui, il y a peu, invitait les entrepreneurs à piller le Trésor public en échange d’une modeste contribution à sa caisse électorale.

Depuis, les médias traditionnels annoncent un retour de la prospérité économique à partir d’indices douteux.

On doit savoir que la spéculation boursière et la majoration de la valeur du parc immobilier déjà existant contribuent à la croissance du PIB.

En d’autres mots, un pays ne pourrait créer aucun emploi, ne produire pas un seul clou de plus et pourtant, voir son PIB augmenter substantiellement si la valeur capitalisée (la valeur des actions déjà émises) de ses entreprises doublait en raison d’une bulle spéculative.

Or justement, en raison de l’actuelle bulle spéculative boursière, nous sommes submergés de fausses bonnes nouvelles économiques.

Ces fausses bonnes nouvelles sont publiées parce que nos quotidiens sont aux prises avec une diminution de leurs revenus publicitaires. Ils coupent donc dans leur personnel. Et pour compenser, on publie intégralement des dépêches reçues d’agences de presse.

Or ces agences sont des organismes opaques qui émettent des dépêches anonymes ou des textes signés par des journalistes ou des reporters que personne ne connait.

La plupart du temps, ces agences reproduisent elles aussi les communiqués émis par des entreprises ou des gouvernements.

C’est ainsi que nos journaux nous parlent du ‘miracle’ économique de certains pays. En réalité, toujours aussi endettés, ces pays connaissent une croissance économique monopolisée par des succursales d’entreprises internationales qui s’empressent de redistribuer leurs profits à leurs actionnaires étrangers, ne laissant que des miettes aux citoyens de ces pays.

Par contre, on ne parlera presque jamais de l’Islande, rebelle du Néolibéralisme et modèle de Démocratie, dont la croissance économique est une des plus élevées d’Europe.

Le résultat de cette désinformation, c’est que les citoyens de Grande-Bretagne et des États-Unis constatent un effritement de leur pouvoir d’achat en dépit de toutes ces bonnes nouvelles.

Par ailleurs, ce pouvoir d’achat est handicapé par l’acquisition de nouveaux gadgets électroniques couteux nécessaires à la scolarisation de leurs enfants ou à leur développement.

Lors de la campagne du Brexit, une des vedettes du clan favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne était confrontée à un journaliste. Ce dernier lui signalait le témoignage d’experts prédisant les effets néfastes du Brexit.

Agacé, ce politicien lui a alors répliqué : « Le monde est tanné des experts

Peu de choses résument mieux le ressentiment de nombreux citoyens à l’égard du jugement d’une certaine élite (politique, économique et journalistique) sur les questions qui les touchent de près.

Les citoyens occidentaux sont aux prises avec une stagnation économique dont ils n’arrivent pas à se sortir. Cela est dû à la cupidité des milieux financiers qui accaparent la grande majorité de la richesse créée depuis quelques années.

Au XXe siècle, le grand capital consentait à la redistribution de la richesse en raison la menace de la montée du Communisme.

Avec l’effondrement du Rideau de fer, cette menace n’existe plus. Si bien que nous sommes revenus à la loi du « Au plus fort la poche ».

Nos dirigeants politiques ferment les yeux sur les paradis fiscaux (dont ils profitent personnellement) et autorisent l’évitement fiscal (qui n’est rien d’autre que de la fraude fiscale légalisée).

Conséquemment, c’est la classe moyenne qui paie une part croissante des dépenses de l’État alors que les possédants évitent de payer leur juste part.

L’élection de Trump et le Brexit sont l’expression de la révolte des peuples anglo-américains. Un discours populiste a cristallisé cette révolte contre les milieux financiers et l’Union européenne dans le cas du Brexit, et contre les immigrants, la mondialisation et les Musulmans dans le cas de la victoire électorale du Trump.

Au Moyen-Âge, on imputait la faute de la peste aux sorcières et aux Juifs (que la foule s’empressait de lyncher).

De nos jours, les Latinos et les Musulmans les ont remplacés dans la vindicte populaire américaine. Mais c’est la même manipulation de l’opinion publique qui est en jeu. Comme au Moyen-Âge.

Ceux qui en bénéficient aujourd’hui auraient intérêt à ne pas se réjouir trop vite tant leurs solutions simplistes sont vouées à l’échec.

Et ceux qui s’en attristent peuvent se consoler en réalisant qu’il s’agit ici d’une révolte protéiforme dictée par un ressentiment aussi vague que spontané. Une révolte qui peut changer de cible aussi rapidement que le vent peut changer de direction.

Dans l’opéra rock Notre-Dame de Paris, Luc Plamondon écrivait : « Il est venu, le temps des cathédrales.» Aujourd’hui on pourrait paraphraser cela en disant : « Il est venu, le temps des révoltes

L’Histoire retiendra les noms des dirigeants politiques qui auront le mieux réussi à canaliser positivement cette indignation vers l’avancement de nos peuples…

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le mensonge des statistiques

Publié le 10 novembre 2016 | Temps de lecture : 3 minutes

Ceux qui ont cru les statistiques qui prédisaient la victoire de Mme Clinton à l’issue du scrutin américain ne sont pas au bout de leurs peines.

Ce que je lis à pleines pages des grands quotidiens ce matin, c’est le mépris généralisé de gens qui espéraient la victoire de Mme Clinton et qui imputent sa défaite-surprise au vote d’imbéciles, sans toutefois le dire de cette manière.

Le plus sérieusement du monde, ces éditorialistes écrivent que l’élection de Trump est le résultat du ressac des électeurs blancs qui sentent leur suprématie menacée par la croissance démographique des autres groupes ethniques du pays. Ce qu’on appelle le Whitelash.

C’est l’équivalent de la déclaration malheureuse d’un ex-premier ministre québécois un soir de défaite référendaire. Remplacez ‘vote ethnique’ par ‘vote raciste’ et c’est pareil.

Trump a été élu par 47,5% des électeurs. Peut-on croire un seul instant que les suprémacistes blancs forment près de la moitié de la population américaine ? C’est pourtant ce que suggèrent ces journalistes.

De leur côté, les éditorialistes féministes accuseront les mâles blancs — encore eux — d’avoir voté contre Mme Clinton en raison de leur misogynie plus ou moins consciente. Pourtant, les femmes blanches ont voté majoritairement (à 53%) pour Trump. Doit-on en déduire que même les femmes blanches sont misogynes ?

À l’opposé, les femmes noires ont voté majoritairement contre Trump à cause de ses propos racistes plutôt qu’en raison de sa misogynie. Les femmes noires en ont vu d’autres; les propos dégradants de Trump à l’égard des femmes ne se distinguent pas vraiment de ceux qu’on entend de rappeurs noirs très populaires.

La vérité est que l’Amérique profonde a voté pour Trump et les régions côtières, ouvertes à l’immigration, ont voté majoritairement pour Clinton.

Le résultat, c’est que Mme Clinton a obtenu 47,7% des votes et M. Trump, 47,5% (moins qu’elle).

La majorité de Mme Clinton aurait été plus grande si les jeunes aptes à voter s’étaient acquittés de leurs devoirs civiques. Mais ils sont trop paresseux pour faire la file pour aller voter.

Si Mme Clinton, majoritaire, n’est pas présidente des États-Unis, c’est à cause du Collège électoral. Celui-ci est le verrou mis en place au XVIIIe siècle par les élites révolutionnaires pour se protéger, en cas de besoin, de l’immaturité politique du peuple américain (dans lequel ils n’avaient pas confiance).

Paru depuis :
Élection de Trump: la colère d’un grand électeur (2016-11-14)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le choix de l’Amérique profonde

Publié le 9 novembre 2016 | Temps de lecture : 4 minutes

C’est fait : Donald Trump a été élu 45e président des États-Unis.

Il ne s’agit pas d’un météorite soudainement apparu dans le ciel politique américain. Pendant des décennies, Donald Trump a joué le rôle de la mouche dans la fable Le coche et la mouche de Lafontaine, se payant au besoin des pages réservées à la publicité pour promouvoir ses idées politiques.

Il a frayé avec toutes les personnalités publiques. Il connait bien le milieu politique et lui voue un mépris qui n’a d’égal que celui que lui vouent la plupart des Américains.

Parce que Donald Trump s’est fait l’écho de cette Amérique profonde, avec ses contradictions, ses préjugés, sa xénophobie, son racisme et sa misogynie.

Il a dit tout haut ce que des millions de personnes pensent tout bas et n’osaient pas avouer parce que depuis toujours, on leur a dit que cela était laid, que cela ne se disait pas.

Trump a donné une légitimité aux opinions dites honteuses de ceux qui, jusqu’ici, n’avaient que les médias sociaux pour se défouler sous un pseudonyme.

Sa victoire électorale, c’est celle des dépossédés du centre des États-Unis et des États riverains des Grands Lacs, des travailleurs de l’industrie lourde, mis au chômage et à qui il a promis le retour du bon vieux temps.

Et aux yeux de cet électorat, tous les défauts de Trump — ses contradictions, ses déclarations intempestives, son manque de rectitude politique et ses sauts d’humeur — font vrai.

Au cours de cette campagne, il a dit tout et parfois son contraire, éclaboussant d’insultes tous ceux qui tentaient de s’opposer à ses ambitions.

Le domaine où un président américain a un pouvoir presque absolu, c’est en matière de politique extérieure. Pour les pays étrangers, Donald Trump n’est pas une boite à surprises comme on aime à le représenter; il est parfaitement prévisible.

C’est un président qui s’entendra avec n’importe quel pays qui sera favorable au développement de ses intérêts financiers personnels.

Le seul problème, c’est qu’à part ses biens immobiliers, on ne connait pas grand-chose de ses intérêts financiers puisqu’il a toujours refusé de dévoiler ses déclarations de revenus, contrairement à la coutume au cours des campagnes présidentielles américaines.

On compte donc sur une fuite de son dossier fiscal pour nous en informer.

En raison de son égocentrisme et de sa vanité, il sera le président plus manipulable de l’histoire américaine, tant par des puissances étrangères que par le complexe militaro-industriel de son pays.

Mais il n’est pas fou. Seule, la flatterie ne sera pas convaincante; elle le deviendra si elle est associée à une faveur, à un privilège accordé à son empire financier.

Quant aux conflits d’intérêts, les États-Unis en ont vu d’autres puisque le financement politique dans ce pays n’est que de la corruption légalisée.

Et s’il se dit maintenant contre la guerre en Irak, c’était pour incriminer sa rivale Mme Clinton qui, elle, avait voté pour.

Ce sera sans gêne qu’il adoptera des politiques semblables à celles qu’il condamnait en campagne électorale, justifiant des conflits militaires par leur nécessité à rendre glorieuse la nation américaine.

On peut donc s’attendre à une croissance des dépenses militaires. Et pourquoi pas, une belle guerre qui recueillera l’appui de ces blancs trop vieux pour être enrôlés et qui fauchera au front ces jeunes noirs si prompts à se révolter lorsqu’on tue sans raison l’un d’entre eux.

Est-ce que ce sera une catastrophe ? Je ne le pense pas. Dans le fond, n’est-ce pas ce qui se fait déjà depuis des décennies ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La ‘Révolution culturelle’ turque

Publié le 10 août 2016 | Temps de lecture : 10 minutes

La révolution culturelle chinoise

Après la faillite de la politique économique du Grand Bond en avant — qui s’est soldée, entre 1958 et 1962, par une famine causant au moins trente-millions de morts — Mao Zedong est désavoué par la majorité des cadres du Parti communiste chinois.

La riposte de Mao Zedong ne s’est pas fait attendre. Soutenant que la Révolution chinoise est compromise par des éléments révisionnistes infiltrés jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir, Mao Zedong en appelle à la jeunesse chinoise pour rétablir la pureté des idéaux révolutionnaires.

Débutée en 1966, cette hystérie collective fit des centaines de milliers, sinon des millions de morts.

Des dirigeants politiques, des hauts fonctionnaires, des professeurs et des intellectuels sont rééduqués par le travail à la campagne (où beaucoup décédèrent de mauvais traitements).

Rien qu’à Shanghai, 150 000 logements de ‘contrerévolutionnaires’ furent confisqués.

Des artistes sont mutilés : bras brisés pour les acrobates, doigts écrasés pour des pianistes.

Dans le sud de la Chine, au moins dix-mille personnes ont été victimes de cannibalisme.

Cette agitation permet à Mao Zedong de reprendre le contrôle de l’État et du Parti communiste.

La grande purge turque

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une tentative de coup d’État eut lieu à Ankara (la capitale turque) et à Istanbul. Exécutée par environ neuf-mille soldats sur les 510 000 militaires que compte l’armée turque, cette rébellion s’est soldée par 350 morts, dont 179 civils.

Le gouvernement turc accuse le mouvement güleniste — du nom de l’imam Fethullah Gülen, réfugié depuis 1999 aux États-Unis — d’être à la source de ce putsch raté.

Depuis un mois, près de 40% des hauts dirigeants militaires du pays ont été arrêtés, soit 149 généraux et amiraux, sans compter 1 099 officiers subalternes ayant subi le même sort.

Trois pour cent des effectifs des forces policières (soit 9 000 agents) ont été licenciés.

Les académies militaires du pays ont toutes été fermées et seront remplacées par une université de la Défense nationale à être créée ultérieurement.

Le pouvoir judiciaire est également affecté par l’arrestation de 755 magistrats et d’environ deux-mille procureurs.

Parallèlement, 45 journaux, 16 chaines de télévision, trois agences de presse, 23 stations de radio, 15 magazines et 29 maisons d’édition ont été fermés.

Par ailleurs, 1 577 doyens d’universités ont été limogés tandis que le ministère de l’Éducation révoquait les permis de 21 000 enseignants.

Au moins 25 000 fonctionnaires ont été suspendus. Afin d’éviter des défections vers l’Étranger, les congés annuels de trois-millions de fonctionnaires ont été annulés et ceux déjà en vacances ont été sommés de regagner le pays dans les plus brefs délais.

Environ 50 000 personnes ne peuvent quitter le pays en raison de l’annulation de leur passeport.

L’ampleur et la rapidité de cette répression sont telles qu’il est évident que la liste des personnes à limoger était déjà prête quand cette mutinerie a éclaté.

L’entrevue au Monde

Le 8 aout dernier, le quotidien français Le Monde publiait le premier entretien d’Erdoğan à la presse occidentale depuis la tentative de putsch.

Le lendemain, le quotidien montréalais Le Devoir en publiait une transcription dans laquelle la réponse à la première question — relative au rétablissement de la peine de mort — a été omise.

Or c’est cette réponse qui est la plus révélatrice des intentions du président turc. La voici :

En ce qui concerne la peine de mort, je pense que si une personne a été tuée, seule sa famille peut décider du sort des coupables.

Si sa famille décide de l’amnistier, elle peut le faire; mais nous, en tant qu’État, nous ne le pouvons pas.

Bien sûr, le pouvoir judiciaire le peut.


Mais si des millions de personnes dans les rues demandent la peine de mort, cette requête sera prise en considération par le parlement.

En somme, si le peuple le veut — or il le veut — la peine de mort devra être rétablie de manière à donner aux familles un pouvoir discrétionnaire d’amnistie si c’est leur volonté.

Mais que vient faire ici la famille du décédé ? En quoi un juge pourrait-il s’en remettre à la volonté de la famille pour décider de sanctionner ou non un assassin de la peine capitale ?

Dans les pays où la charia a force de loi — ce qui n’est pas le cas de la Turquie — l’homicide volontaire est punissable de la peine capitale (loi du talion) sauf si les héritiers de la victime ont pardonné à l’assassin en contrepartie ou non du paiement d’une amende appelée prix du sang.

La seule exception à cette règle est lorsqu’un père tue son enfant ou lorsqu’un mari tue l’une de ses épouses. En pareil cas, seul le prix du sang est exigé.

De la même manière, l’homicide involontaire est punissable uniquement de l’acquittement du prix du sang aux héritiers.

La déclaration d’Erdoğan indique donc son intention de faire en sorte que le Code pénal turc soit modifié de manière à s’inspirer de la charia ou que la charia acquiert force de loi en Turquie. Dans ce dernier cas, la Turquie deviendrait une République islamique.

La manifestation monstre du 7 aout 2016

En politique, on ne sait jamais qui est le manipulateur et qui est le manipulé.

En réunissant la plus grande manifestation depuis des années à Istanbul, Erdoğan a prouvé qu’il possède le pouvoir de mobiliser des foules.

Il aura suffi de plusieurs messages télévisés, de la gratuité du transport en commun cette journée-là, de la mobilisation de deux-cent bateaux chargés de faire la navette de la rive asiatique à la partie européenne d’Istanbul, de la distribution de 2,5 millions de drapeaux, et de l’appel des minarets de la ville, pour réunir une mer de drapeaux rouges et blancs à ses pieds.

De 18h à 1h du matin, repas et boissons fraiches étaient distribués gratuitement.

Ce qu’on oublie de dire, c’est que les principaux slogans que scandait cette foule (à part donc du nom du président) étaient « Peine de mort » et « Allah akbar » plutôt que « Vive la Démocratie » ou « Vive la liberté ». Subtilement, la foule rappelait ainsi au président que ses plus ardents supporteurs se trouvent dans la Turquie profonde, conservatrice et religieuse.

Et en écho à « Dieu est grand », Erdoğan répondait silencieusement par le signe de Rabia, c’est-à-dire le salut de quatre doigts de la main avec le pouce replié vers la paume.

Ce signe peut s’interpréter comme un appel à la fin des dictatures militaires (une interprétation douteuse chez un président de plus en plus autoritaire) ou comme un symbole d’appui à l’instauration d’une république islamique en Turquie.

Conclusion

Depuis des mois, Erdoğan ne cache pas son intention de modifier la constitution du pays afin de renforcer les pouvoirs présidentiels.

Mais l’ampleur de la purge qu’il a fait subir aux élites libérales du pays fait craindre que ses intentions puissent être beaucoup plus vastes.

Selon la spécialiste Élise Koutnouyan, « S’il y a encore, en Turquie, de nombreux défenseurs de la laïcité radicale des Kémalistes, interprétée comme une neutralité de l’État à l’égard de la religion, un très grand nombre également voudrait que l’État cultive une relation privilégiée avec la religion dominante dans le pays, à savoir avec l’islam. C’est la politique que (le parti d’Erdoğan) tend progressivement à proposer et qu’il voudrait fixer dans le projet de nouvelle constitution.»

Depuis 1923, la Turquie est le modèle d’une société musulmane à 99,8% où les citoyens choisissent leurs dirigeants politiques sous le regard bienveillant d’une armée garante de la laïcité du pays.

Ce modèle est caduc. En raison de son discrédit à la suite du coup d’État raté et des purges qu’elle a subies depuis, l’armée n’est plus en mesure d’assumer son rôle constitutionnel.

La Turquie doit donc se réinventer. En raison du bâillonnement des forces d’opposition et du contrôle présidentiel sur les médias du pays, c’est Erdoğan et Erdoğan seul qui décidera de la nouvelle forme que prendra la ‘démocratie’ turque.

Certains indices laissent croire qu’il pourrait imposer une version sunnite du modèle iranien en faisant de la Turquie un pays où un parlement est élu par le peuple mais où les forces de l’ordre sont sous le contrôle d’un président omnipotent — l’équivalent du Guide suprême de la Révolution iranienne — garant du caractère islamique d’une république s’appuyant sur un code pénal inspiré de la charia.

Si la Révolution culturelle turque devait résulter en une transformation partielle ou totale de la Turquie en république islamique, ce sera conforme aux deux seules constantes du règne d’Erdoğan; la concentration des pouvoirs entre ses mains et l’islamisation croissante de la société turque.

Références :
Apprendre l’islam selon la voie Sunnite: informations sur la religion musulmane
Entrevue : Erdogan: « Les Occidentaux ont laissé les Turcs seuls »
Europe and US urge Turkey to respect rule of law after failed coup
L’armée turque remaniée en profondeur
L’armée turque sort humiliée du coup d’État raté
La Turquie laïque a-t-elle vécu ?
Manifestation géante antiputsch à Istanbul
Purges en Turquie : qui sont les dizaines de milliers de personnes visées ?
Recep Erdogan donne une interview au « Monde » trois semaines après le putsch raté en Turquie
Sécurité. Les Américains craignent pour leurs bombes atomiques situées en Turquie
Tentative de coup d’État de 2016 en Turquie
Turkey blocks access to WikiLeaks after Erdoğan party emails go online
Turkey to shut military academies as it targets armed forces for ‘cleansing’
Turquie : deux généraux haut placés démissionnent
Turquie – État d’urgence dans un climat totalitaire
Turquie : la purge s’étend aux entreprises
Turquie : le pouvoir intensifie les purges, mais tente de rassurer ses partenaires
Turquie : Les universités et les médias « purifiés »
Turquie : manifestation géante des pro-Erdogan à Istanbul
Un «climat de terreur» pèse sur la justice turque, selon un expert

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La condamnation de Tony Blair

Publié le 8 juillet 2016 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Le samedi 15 février 2003, 150 000 personnes défilaient dans les rues de Montréal pour protester contre la guerre que G.W. Bush préparait en Irak, appuyé par Tony Blair, premier ministre britannique.

C’était la plus grosse manifestation de l’histoire du Québec organisée jusque-là. Et il s’agissait de la plus importante manifestation contre la guerre en Irak en Amérique de Nord. C’était, par exemple, quinze fois plus qu’à Toronto. J’étais du nombre.

C’était la première fois de ma vie que je participais à une marche de protestation. Il faisait -26°C.

Pour les plus superstitieux d’entre nous, ce soleil resplendissant était la Caution Divine à la justesse de notre cause.

Partout en Occident, des millions de personnes faisaient comme nous.

Dans mon esprit, il était évident que cette guerre prédatrice n’avait qu’un seul but; libérer le pétrole irakien de l’embargo international auquel il était soumis, lui permettre d’inonder les marchés mondiaux et faire ainsi chuter les prix de cette ressource, au bénéfice des économies énergivores comme celle des États-Unis.

Pour des millions de protestataires, aucune des justifications invoquées par le couple Bush-Blair n’était fondé.

Cela n’a pas empêché les soldats de l’alliance anglo-américaine d’aller peu après répandre le chaos et l’anarchie au Moyen-Orient.

Un chaos qui s’est étendu depuis et qui a provoqué la mort d’environ un demi-million de personnes — 150 000 en Irak et 250 000 en Syrie — en plus de déclencher la pire crise humanitaire depuis la Deuxième Guerre mondiale. Une crise qui se bute aujourd’hui aux portes de l’Europe.

Quel gâchis.

Jusqu’à cette marche glaciale dans les rues de Montréal, toutes mes vacances annuelles avaient été prises aux États-Unis.

J’aime bien les Américains. Je les trouve créatifs. Un peu innocents en politique internationale. Un peu frustes sur les bords. Et affreusement nombrilistes. Mais intelligents, hospitaliers et sympathiques.

Mais je ne pouvais pas accepter que l’argent que je dépensais lors de mes vacances aux États-Unis puisse financer cette guerre.

En effet, l’argent à acheter des biens ou des services contribuait aux profits des entreprises auprès desquelles je m’approvisionnais. Or ces entreprises, en faisant des profits, paient des impôts. Et une partie de mon argent se retrouve donc dans les coffres de l’État américain à financer cette guerre. Même si finalement, ce devrait n’être qu’un seul cent, c’était trop pour moi.

J’ai donc résolu de ne plus mettre les pieds aux États-Unis tant que leurs soldats seraient en Irak.

Au lendemain de cette décision, s’est posé le dilemme : où vais-je aller prendre mes vacances ?

Je me suis posé alors la question : « Si tu devais mourir demain, quelle est la ville que tu regretterais le plus de ne jamais avoir vue ? »

Évidemment, ma réponse fut Paris. Voilà pourquoi la capitale française fut la première destination des nombreux voyages que j’ai effectués depuis.

Afin d’être logique avec moi-même, ce boycottage américain s’est étendu aux autres pays d’occupation de l’Irak, dont l’Angleterre et l’Italie.

En réalité, j’ai fait une exception à cette résolution.

En 2006, sous l’insistance d’un ami écossais, j’ai passé une semaine en Écosse. J’avais d’abord refusé l’année précédente sous le prétexte que son épouse venait d’accoucher : je ne me voyais pas lui imposer la corvée supplémentaire d’accueillir un invité.

Mais l’année suivante, j’ai cédé à leur aimable invitation. Ce séjour fut très agréable… mais c’était en contradiction avec mon engagement.

Mais, me disais-je, l’Écosse n’est pas l’Angleterre, etc. Bref, des justifications. Comme quoi personne n’est parfaitement cohérent.

Ceci étant dit, quel ne fut pas mon bonheur de prendre connaissance, il y a deux jours, des conclusions du rapport Chilcot.

Intitulé L’enquête d’Irak, le rapport de six-mille pages est la conclusion d’une enquête officielle débutée en 2009 sur la légitimité de l’intervention militaire britannique dans ce pays.

Ce rapport de 2,6 millions de mots (trois fois plus que la Bible) est accompagné d’un ‘résumé’ de 145 pages.

En bref, c’est la plus cuisante condamnation publique qu’un chef d’État ait jamais subie d’un rapport gouvernemental.

À côté de lui, le rapport Charbonneau (sur la corruption au Québec) est un bouquet de fleurs.

Et dans un pays toujours en colère contre ses politiciens à la suite du référendum, les familles de soldats britanniques morts inutilement en Irak réclament que Blair soit traduit pour crime de guerre devant le Tribunal pénal international.

Contrairement au Québec — où les journaux refusent de publier les commentaires trop cinglants au nom d’une nétiquette stérilisante — les chroniqueurs politiques britanniques font de la surenchère dans leur condamnation unanime de Tony Blair.

En lisant leur propos, vous ne pouvez pas savoir comment je suis fier de m’être fait gelé les orteils ce jour du 15 février 2003…

Références :
‘Blair is world’s worst terrorist’: families of Iraq war victims react to Chilcot report
Chilcot report: Bush says ‘world is better off’ without Saddam as Blair mounts Iraq war defence – as it happened
Chilcot report: key points from the Iraq inquiry
Chilcot report unlikely to damage Tony Blair’s income or influence
La guerre en Irak ou L’aveuglement collectif américain
La plus grosse manifestation de l’histoire du Québec
Take it from a whistleblower: Chilcot has only scratched the surface
The Iraq war inquiry has left the door open for Tony Blair to be prosecuted
The war in Iraq was not a blunder or a mistake. It was a crime
‘Tony Blair’s epitaph was engraved today’. Our writers’ verdicts on the Chilcot report
Tony Blair unrepentant as Chilcot gives crushing Iraq war verdict

Publié depuis :
It’s not just British soldiers. The whole Iraq war fiasco is back in the dock (2017-12-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Parler français conduit au terrorisme

Publié le 26 mars 2016 | Temps de lecture : 3 minutes


 
Il y a des nouvelles qui me font bondir.

Ce matin Le Devoir publiait un texte intitulé « La francophonie, facteur clé de la radicalisation djihadiste, selon des chercheurs ».

Il s’agit d’une dépêche écrite par le correspondant à Washington d’une agence de presse canadienne.

Celui-ci cite deux ‘chercheurs’ américains qui déclarent que, « par habitant musulman, la Belgique produit nettement plus de combattants étrangers que le Royaume-Uni ou l’Arabie saoudite ».

Il semble que ceux-ci s’appuient sur le fait que par million d’habitants, la Belgique a fourni 41,6 djihadistes en Syrie, comparativement à 11,8 pour le Royaume-Uni et un pourcentage inconnu pour l’Arabie saoudite.

On peut tout faire dire aux statistiques. Mais voyons cela de plus près…

Il est clair que la commune de Molenbeek à Bruxelles est aux prises avec un problème de radicalisation.

Mais dans les faits, le principal contingent de djihadistes en Syrie est composé de Saoudiens, suivis d’environ cinq-mille combattants tchétchènes qui se sont exilés en Turquie après leur défaite par les forces russes.

Suivent une multitude de pays, dont la Belgique fait partie. La contribution de ce pays est d’environ 470 à 553 personnes, soit une contribution appréciable pour ce pays, mais insignifiante dans l’ensemble des forces en présence; à lui seul, il resterait 32 000 hommes dans les rangs de l’État islamique (après avoir perdu 22 000 à 25 000 combattants).

En 1995, les attentats d’Oklahoma City ont été commis par Timothy McVeigh, un terroriste américain anglophone. Les auteurs des attentats du 11 septembre 2001 étaient majoritairement des Saoudiens immigrés aux États-Unis : ils parlaient anglais. Les bombes qui explosent devant des cliniques d’avortement aux États-Unis sont posées par des terroristes de Droite qui parlent anglais. Et les auteurs de la fusillade de San Bernardino étaient anglophones, tout comme ceux qui commettent des tueries dans des écoles américaines.

Et ils parlaient anglais, non pas parce que cette langue mène au terrorisme, mais plutôt parce qu’ils habitent un pays anglophone.

Comme les membres des Brigades rouges, qui habitaient l’Italie, parlaient italien. Comme les membres de l’IRA, en Ulster, parlaient l’anglais avec un accent irlandais. Comme ceux de l’ETA, en Espagne, parlaient l’espagnol ou le basque.

Soutenir que parler français ou partager la culture française représente un facteur de risque sécuritaire, voilà un exemple de la médiocrité journalistique de l’agence de presse canadienne. On s’étonne donc qu’une telle connerie soit publiée par Le Devoir.

Mon commentaire cinglant à ce sujet ayant été refusé par ce quotidien, je me félicite d’avoir créé un blogue qui sert à l’occasion d’exutoire à mes contrariétés. 😉

Référence :
The French Connection – Explaining Sunni Militancy Around the World

Paru depuis :
An Econometric Analysis on the Global Flow of Militants Joining the Islamic State (2016-08-?)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Qui aime Donald Trump ?

Publié le 18 décembre 2015 | Temps de lecture : 4 minutes


 
De propriété privée et située au New Jersey, l’université Monmouth est une maison d’enseignement universitaire fréquentée par plus de six mille étudiants.

Parmi les organismes qui logent sur son campus se trouve le Monmouth University Polling Institute (MUPI), ce qui signifie l’Institut de sondage de l’université Monmouth.

Ses sondages sont renommés pour leur précision et leur exactitude.

Entre le 10 et le 13 décembre dernier, cet organisme a effectué un sondage téléphonique auprès de 1 006 adultes américains, dont 385 sympathisants républicains. Ce sondage portait sur la popularité des candidats à la chefferie du Parti républicain.

En comparant ses résultats à ceux des sondages antérieurs effectués par le MUPI, on apprend que le meneur de la course républicaine, Donald Trump, a accru de treize points son avance sur ses rivaux à la suite du scandale provoqué par sa suggestion d’interdire temporairement l’immigration de Musulmans aux États-Unis.

En d’autres mots, en dépit de la condamnation universelle de ses propos, Donald Trump est encore plus populaire qu’il l’était auprès de l’électoral républicain, passant d’une intention de vote de 28% (à la mi-octobre 2015) à 41% (la semaine dernière).


 
Au-delà du millionnaire extravagant et de l’homme politique qui agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, Donald Trump est un phénomène social.

Pour essayer de le comprendre, voyons quelles sont les caractéristiques de ses partisans.

Les intentions de vote en sa faveur (41%) se retrouvent un peu plus chez les hommes (44%) que chez les femmes (37%).

Il existe une relation directe entre la sympathie pour le mouvement radical américain appelé Tea Party et l’appui à Donald Trump, passant de 36% chez les Républicains qui n’aiment pas le Tea Party, à 52% chez ceux qui en sont de fervents partisans.

Les résultats les plus étonnants du sondage du MUPI concernent la relation entre le niveau de scolarité et l’appui à Donald Trump.

Chez ceux qui ont fait des études collégiales — l’équivalent des CÉGEPs au Québec ou des lycées en France — sans toutefois s’être rendus à l’université, entre 31% et 34% appuient Donald Trump. Mais cette popularité grimpe à 54% chez les détenteurs de diplômes universitaires.

Pour tenter d’expliquer cette popularité, j’émettrais l’hypothèse suivante.

Le système éducatif américain se distingue de tous les autres à travers le monde par son ‘USA-centrisme’.

Il forme des citoyens parfaitement aptes au travail, capables d’un esprit critique et de beaucoup de créativité.

Mais les Américains ne connaissent à peu près rien du monde à l’extérieur de leurs frontières. Ils ne s’intéressent à un autre pays que lorsque leurs armées décident d’y faire la guerre.

Et le peu qu’ils connaissent de l’histoire récente du monde ne leur permet pas de tirer des leçons de leurs erreurs tant la machine de propagande républicaine est efficace à déformer les faits et à brouiller les esprits.

En somme, même les Américains les plus intelligents sont en fait des abrutis lorsqu’il s’agit de politique étrangère.

Selon un autre sondage, réalisé par Public Policy Pooling, 41% des partisans de Donald Trump sont favorables à ce qu’on bombarde l’Agrabah. Seulement 13% s’y opposent.

Les 46% d’indécis ont bien raison car le royaume arabe d’Agrabah n’existe pas. Il a été créé par les studios Disney pour étoffer le scénario du film d’animation Aladin, ce personnage fictif des Mille et une nuits.

Aux États-Unis, d’innombrables groupes de réflexion conservateurs, très bien financés, attirent les intellectuels dans le but de créer une idéologie simple qui contribue à cet abrutissement collectif, illustré par les résultats de ce deuxième sondage.

Depuis des années, cette idéologie simpliste se répand grâce à Fox News, à la démagogie primitive des radio-poubelles, aux forums de discussion noyautés par ses adeptes, et aux films hollywoodiens où la rigueur historique cède la place à la romance et aux sentiments patriotiques.

Voilà pourquoi aujourd’hui les Républicains sont heureux d’entendre enfin un homme politique qui leur dit ce qu’ils veulent entendre et qui partage avec eux leur vision simpliste du monde. Faut-il s’en étonner ?

Références :
Monmouth University Polling Institute
Trump Lead Grows Nationally; 41% of His Voters Want to Bomb Country From Aladdin; Clinton Maintains Big Lead
Les Mille et Une Nuits

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Écrit par Jean-Pierre Martel