La propagande haineuse contre les Autochtones doit cesser

10 novembre 2021

En 1623, lorsque Gabriel Sagard se rend en Huronie — située à l’époque au cœur de la région des Grands Lacs — il est accompagné de deux autres frères récollets, dont Nicolas Viel.

À son retour vers Québec en 1625, le canoë du frère Viel chavire dans les rapides de la rivière des Prairies où il se noie.

En raison de sa rivalité avec les Hurons-Wendats, le chef algonquin Tessouat a fait répandre dès 1634 la rumeur selon laquelle cet accident aurait été volontaire. En d’autres mots, qu’il s’agirait d’un homicide commis par les Hurons-Wendats.

Cela est improbable pour deux raisons. Premièrement, au cours de son séjour contemporain en Huronie, Gabriel Sagard (confrère de Viel) décrit l’extraordinaire hospitalité dont il fut l’objet. Et deuxièmement, les Hurons-Wendats ont ramenés sains et saufs les deux autres confrères de Nicolas Viel, Gabriel Sagard et Joseph Le Caron.

Malgré cela, l’accusation du chef Tessouat fut reprise par le père jésuite Paul Le Jeune dans son récit de voyage de 1634.

Le monument au frère Viel
Socle du monument au frère Viel
Socle du monument à Ahuntsic

Dans le quartier montréalais d’Ahuntsic, devant l’église de la Visitation, on peut voir deux monuments dont le socle reproduit un extrait du récit de voyage du jésuite Paul Le Jeune.

Cet extrait pue la haine raciale.

D’autre part, le 28 octobre dernier, on apprenait l’intention du pape François de visiter au Canada dans le cadre d’un processus de guérison et de réconciliation avec les victimes des pensionnats autochtones.

D’ici là, il serait souhaitable que cette propagande religieuse d’une autre époque soit supprimée. Non seulement parce qu’elle est préjudiciable à la démarche du pape, mais surtout parce qu’il s’agit pour l’instant d’une calomnie (jusqu’à preuve du contraire) qui est profondément choquante.

On s’étonne que cela n’ait pas été enlevé plus tôt.

Références :
Gabriel Sagard en Huronie
Nicolas Viel
Paul Le Jeune
 

Postscriptum du 27 aout 2023 :

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Depuis la parution de ce texte, on a ajouté une plaque qui masque le texte offensant. Lors d’une courte entrevue accordée par le curé de la paroisse, celui-ci révélait qu’on envisage la possibilité d’y inscrire un texte qui replace mieux cet incident dans le contexte de l’époque.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 infrarouge à spectre complet, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 + filtre bleu FS KB20 + filtre FS VertX1a + filtre Lee No 354 (Special Steel Blue) — 1/125 sec. — F/5,6 — ISO 200 — 24 mm

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’unilinguisme anglais à Immigration Canada

10 novembre 2021

Au Canada, la compétence constitutionnelle en matière d’immigration est exclusivement fédérale.

Depuis 1991, Ottawa délègue toutefois au Québec les dossiers d’immigration ‘ordinaires’ tout en se réservant ceux des réfugiés et les demandes pour motif de réunification familiale.

Dans le cas des réfugiés, Ottawa ne peut pas déléguer leurs dossiers en raison de son obligation de répondre de ses obligations internationales à ce sujet.

À Montréal, Immigration Canada s’occupe non seulement des demandes d’immigration pour tout le Québec, mais opère également un Centre de soutien à la clientèle qui dessert l’ensemble du pays. Dans ce centre, 80 % des appels sont en anglais.

Invoquant des difficultés de recrutement, Immigration Canada annonçait dernièrement sa décision d’embaucher des agents unilingues anglais à ce centre d’appels.

Dans la mesure où l’appelant pitonne ‘un’ pour parler en français et ‘two’ pour parler en anglais (ou l’inverse), cette décision semble anodine.

Pourtant, à l’annonce de cette nouvelle, l’Assemblée nationale a réagi en adoptant unanimement une résolution de la députée Ruba Ghazal (de Québec solidaire) demandant que la Loi 101 s’applique non seulement aux entreprises sous l’autorité d’Ottawa, mais également aux ministères fédéraux.

Pourquoi une réaction aussi vive ?

C’est qu’il n’y a pas de barrière étanche entre le personnel de ce centre d’appels et les agents d’immigration proprement dits. En d’autres mots, les préposés de ce centre d’appels ne sont pas que des téléphonistes; ce sont des agents d’immigration à qui on attribue la tâche de répondre aux appels.

Entre l’agent qui prend les appels et celui qui procède à l’analyse des documents généralement soumis par courrier ou qui procède, si nécessaire, à une longue entrevue effectuée face à face avec un requérant, il n’y a qu’un pas.

Les problèmes de recrutement d’Immigration Canada au Québec s’étendent bien au-delà de son centre téléphonique. La cause profonde de ces difficultés vient de l’obligation des francoQuébécois d’être bilingues pour y travailler, que ce soit dans le centre d’appels ou ailleurs.


 
Selon le recensement de 2016, un Québécois sur deux est unilingue français. En imposant la nécessité du bilinguisme à ses employés francoQuébécois (mais pas aux angloQuébécois), Ottawa exerce une discrimination à l’embauche contre la moitié des personnes susceptibles de travailler pour lui à Montréal.

Sans cette exigence, ce ministère pourrait doubler la taille de son personnel au Québec. Mais il s’y refuse.

Officiellement, on justifie ce refus par la nécessité de comprendre les demandes concernant les réfugiés, rédigées très majoritairement en anglais.

Mais par ailleurs, dans les dossiers d’immigration au Québec, une partie importante des demandes au motif de réunification familiale (probablement la majorité) concernent les francoQuébécois dont les parents vivent dans des pays de la Francophonie.

Alors pourquoi l’obligation du bilinguisme s’applique aux agents francophones (pour qu’ils comprennent les dossiers des réfugiés) mais pas aux agents anglophones (pour comprendre les dossiers de réunification familiale) ?

La réponse est simple; parce que c’est un prétexte.

La véritable raison est que les rapports des agents québécois adressés à Ottawa doivent être rédigés en anglais. Il en est de même des notes ajoutées aux dossiers électroniques des requérants. Afin que les décideurs d’Ottawa puissent les comprendre.

Lorsque les citoyens francophones s’adressent aux services à la clientèle situés dans les régions francophones du pays, ils trouvent facilement un employé qui parle leur langue. Mais derrière cette façade, la fonction publique fédérale à Ottawa est très largement unilingue anglaise, à l’image de la population canadienne elle-même.

C’est donc à dire qu’au sein de la fonction publique fédérale, la langue de travail, c’est l’anglais. Voilà pourquoi les agents québécois d’Immigration Canada doivent être de parfaits locuteurs anglophones; afin de rédiger des rapports compréhensibles à Ottawa.

En diminuant ses quotas d’immigration, le gouvernement de la CAQ augmente la proportion des personnes admises au Québec en vertu des pouvoirs que le fédéral ne lui a pas délégués.

En raison du rôle stratégique que joue l’immigration dans l’anglicisation du Québec, il était prévisible qu’Ottawa en profiterait pour augmenter la proportion de ses agents incapables de traiter les demandes d’immigration rédigées dans une autre langue que l’anglais.

Pour paraphraser un courriel que le Parti Québécois expédiait à ses membres la semaine dernière, je dirais : rester dans le Canada, c’est consentir à notre extinction.

Références :
Aperçu du fonctionnement interne de l’État canadien
Embauche d’agents d’immigration anglophones : « Un manque de respect », dénonce Québec
Immigration Canada recrute des agents uniquement anglophones au Québec
Immigration : l’illusion des prophéties
La politique migratoire de la CAQ
Liste des régions bilingues du Canada aux fins de la langue de travail
Quatre-millions de Québécois victimes de discrimination à l’embauche
Rapport du vérificateur au sujet des centres d’appels
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Parus depuis :
Refus massif d’étudiants africains francophones : Ottawa accusé de « discrimination » (2021-11-28)
« Je suis effondré » : le cri du cœur d’un étudiant africain refusé par Ottawa (2022-01-28)
Ottawa accusé de retarder l’immigration francophone (2023-05-18)
Immigration: le Canada répond «in English only» (2023-05-19)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel