Les mystères du Covid-19 (2e partie)

Le 17 avril 2020

Introduction

Il y a deux jours, la revue Nature publiait une étude qui répond enfin à une question que tous se posent depuis le début de la pandémie au Covid-19 : Comment et quand ce virus se propage-t-il ?

Cette question est fondamentale puisque toutes les stratégies qui visent à limiter la propagation de la pandémie dépendent de sa réponse.

Les récepteurs à coronavirus

Pour coloniser l’être humain, tout coronavirus doit en premier lieu se fixer à un récepteur appelé ACE2.

Dans le système respiratoire, il en existe deux types que nous appellerons ACE2a et ACE2b.

Les récepteurs ACE2a

Les récepteurs ACE2a se répartissent à la surface des cellules sécrétrices des voies respiratoires supérieures (nez et gorge) alors que les récepteurs ACE2b se trouvent dans les voies respiratoires inférieures (les poumons).

De tous les coronavirus découverts, seuls sept sont connus pour s’attaquer aux humains.

Quatre d’entre eux font partie du groupe hétéroclite des virus responsables d’infections respiratoires bénignes. Pour ce faire, ils se fixent préférablement aux récepteurs ACE2a.

Ils provoquent alors des infections qui se répandent facilement, mais dont la gravité est généralement mineure.

Puisque les épidémies qu’ils provoquent se propagent surtout au cours de l’hiver, il est possible que l’air froid inspiré, en rafraichissant les muqueuses des voies respiratoires supérieures, provoque, à leur surface, une légère déformation des récepteurs ACE2a. Une déformation qui augmenterait l’affinité des coronavirus pour ces récepteurs.

Les récepteurs ACE2b

Deux autres coronavirus — celui du SRAS et celui du SRMO — s’attaquent aux poumons en se fixant aux récepteurs ACE2b.

Les infections respiratoires qu’ils causent se transmettent plus difficilement, mais provoquent des symptômes beaucoup plus graves.

Le septième coronavirus est celui du Covid-19. Il est capable de se fixer autant aux récepteurs ACE2a qu’aux récepteurs ACE2b. Ce qui le rend à la fois très contagieux et très virulent.

Jusqu’ici, on ignorait la séquence exacte de l’infection au Covid-19. Ce mystère est maintenant résolu.

Contagiosité au cours de la phase présymptomatique

On appelle ‘charge virale’ la quantité de virus prélevée par un écouvillon dans l’arrière du nez ou dans la gorge des personnes infectées.

Chez 94 personnes dont l’infection au Covid-19 a été confirmée en laboratoire, on a effectué 414 prélèvements sur une période pouvant aller jusqu’à 32 jours après le début des symptômes.

La charge virale la plus élevée fut mesurée le jour de la mise sous observation des personnes atteintes. Ce qui correspond au jour de l’apparition de leurs symptômes.

Cela nous indique qu’à ce moment-là, le virus se multipliait déjà de manière importante.

Dans tous les cas, les patients étaient donc contagieux avant d’avoir le moindre indice qu’ils l’étaient.

Au contraire du SRAS. Dans le cas de la pandémie de 2003, les choses étaient claires; pas de symptôme, pas de contagion.

On pouvait donc combattre cette pandémie en effectuant des tests réservés aux patients symptomatiques, mettre en quarantaine les cas positifs, retracer leurs contacts pour vérifier l’apparition des premiers symptômes et, le cas échéant, les mettre en quarantaine eux aussi.

Dans le cas du Covid-19, cette stratégie est vouée à l’échec parce qu’initiée trop tard.

Dans ce sens, le Covid-19 s’apparente à la grippe ordinaire qui, elle aussi, est à son maximum de contagiosité lorsqu’apparaissent les premiers symptômes (ou même un peu avant leur apparition).

Dans la majorité des cas, le Covid-19 colonise sournoisement les voies respiratoires supérieures avant de déclencher la fièvre et de se lancer à l’assaut des poumons pour y provoquer la toux.

Selon la modélisation des chercheurs, l’infection débute par l’incubation asymptomatique du virus dans le nez et la gorge. Ce qui dure en moyenne 5,2 jours.

Cette incubation se fait d’autant plus efficacement que c’est dans le nez que se trouve la plus forte concentration de récepteurs à coronavirus de tout le système respiratoire.

La période contagieuse débute à 2,3 jours, soit presque trois jours avant l’apparition des symptômes.

Puis la présence virale décline jusqu’au 21e jour, alors que le virus devient indécelable dans la plupart des cas. Au-delà du 21e jour, du matériel génétique viral est parfois décelé sans qu’on sache si ce matériel est capable de contagion.

Font exception à cette règle, ceux qui perdent leur combat contre le virus et dont la charge virale pulmonaire augmentera inexorablement jusqu’à leur décès.

Conclusion

Cette étude permet de comprendre trois choses :
• le rôle capital du nez et de la gorge comme sites d’incubation du Covid-19,
• la contagiosité de la personne atteinte, maximale avant et dès l’apparition des symptômes, et
• l’échec des stratégies mises en œuvre trop tard, c’est-à-dire après l’apparition des premiers symptômes.

Les grosses gouttelettes émises par les personnes contagieuses sont celles qui s’arrêtent au niveau du nez et de la gorge des gens qu’elles rencontrent puisque ces gouttelettes sont incapables d’aller plus profondément dans le système respiratoire.

Or ce sont précisément ces grosses gouttelettes que bloquent les masques chirurgicaux et les masques artisanaux filtrants.

Ce qui explique la faible mortalité des personnes qui habitent les pays où le port du masque est généralisé.

Références :
Covid-19: la contagion possible avant même l’apparition de symptômes
Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19

Parus depuis :
Les vieux, les malades les plus contagieux (2020-04-23)
SARS-CoV-2 entry factors are highly expressed in nasal epithelial cells together with innate immune genes (2020-04-23)
Covid-19 : la muqueuse du nez est la porte d’entrée du nouveau coronavirus (2020-05-01)
Que savons-nous de la COVID-19 à ce jour? (2020-05-02)
Les cellules nasales : actrices majeures de l’infection initiale par le coronavirus SARS-CoV-2 (2020-05-28)
Nasal ciliated cells are primary targets for SARS-CoV-2 replication in the early stage of COVID-19 (2021-07-01)
Omicron : une biologie et une dynamique virale différentes de celles observées chez les précédents variants (2022-02-09)

Compléments de lecture :
Les mystères du Covid-19 (1re partie)
Le Covid-19 chez les enfants prépubères

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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2 commentaires à Les mystères du Covid-19 (2e partie)

  1. Marsolais dit :

    Bonjour Jean-Pierre,
    Merci pour cet article très éclairant sur ce virus si terrifiant !
    J’ai toutefois une petite question. Au paragraphe « Contagiosité au cours de la phase pré symptomatique », quand tu écris : « la charge virale fut la plus élevée le premier jour de l’infection », tu veux dire le premier jour où apparaissent les premiers symptômes ? Parce qu’en réalité, l’infection, elle est là depuis déjà ~5 jours et ce serait impossible de faire un prélèvement au cours de ce premier jour ?
    C’est pas ma faute mais je bloque parfois sur des détails… 😉

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Vous avez parfaitement raison; j’aurais dû parler du jour
      d’apparition des symptômes. Ce qui correspond au jour de leur prise en charge par les chercheurs.

      Je modifierai le texte dans quelques instants.

      Je m’estime privilégié d’avoir des lecteurs qui, comme vous Mme Marsolais, se donnent la peine de lire attentivement mes textes.

      Puisqu’il est un de mes préférés parmi ceux publiés ce mois-ci, j’ai à cœur qu’il soit parfait, si possible.

      Je vous remercie donc de m’avoir signalé cette erreur (dont je m’excuse).

      N’hésitez pas à intervenir comme vous l’avez fait. J’apprécie.

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