Les collabos du colonialisme canadian (3e partie) : Mark Miller, le pire ennemi du Québec à Ottawa

Publié le 3 décembre 2025 | Temps de lecture : 11 minutes

La tricherie libérale de 1995

L’ancien ministre fédéral de l’Immigration, Sergio Marchi, révélait récemment que dans l’année qui a précédé le référendum de 1995, Ottawa avait mis sur pied un stratagème secret appelé Opération citoyenneté.

Celle-ci visait à accélérer le traitement des demandes de naturalisation des demandeurs domiciliés au Québec afin de leur permettre de voter au référendum. Et ce, en sachant que ces néoQuébécois ont tendance à être reconnaissants au gouvernement canadien de les avoir accueillis au pays.

Selon l’ex-ministre, le premier ministre canadien d’alors lui aurait dit :

« Écoute, je sais que nous avons toujours des arriérés des demandes de citoyenneté, mais fais de ton mieux pour les faire avancer parce que le référendum approche et les gens veulent voter.»

Au cours du mois précédant le référendum, une armée de fonctionnaires basés en Nouvelle-Écosse travaillait jour et nuit afin d’accélérer le traitement des dossiers.

Si bien qu’au cours des quatre semaines précédant cette consultation populaire, Ottawa a naturalisé 11 500 personnes, soit le quart des naturalisations de toute cette année-là.

Selon Jean-François Lisée, les certificats remis aux nouveaux citoyens étaient accompagnés d’une lettre du ministre les invitant à défendre la démocratie tout en contribuant à l’édification d’un Canada fort et uni.

Le résultat, c’est que le ‘Non’ au référendum de 1995 a gagné de justesse, avec 50,58 % des voies, soit un écart de 54 000 votes avec le ‘Oui’.

Le déluge migratoire actuel

En janvier 2020, lors de la course à la chefferie du Parti Québécois, le candidat Paul Saint-Pierre-Plamondon (PSPP) annonce que sous sa direction, un gouvernement du PQ procèdera à un nouveau référendum au cours de son premier mandat. Le 9 octobre 2020, il est élu à la tête de ce parti.

Le 14 février 2022, Ottawa rend publique son intention de doubler le nombre d’immigrants qu’il accueille, passant d’une moyenne de 250 000 à 500 000 personnes par année.

Sans s’y préparer par une stimulation de la construction domiciliaire et l’augmentation de la capacité d’accueil des services publics, le Canada se propose donc de devenir le pays dont les niveaux d’immigration sont parmi les plus élevés au monde (hormis les pays voisins de zones de guerre).

En réalité, cette politique est déjà en vigueur au moment de son annonce.

En effet, dès l’année qui suit l’élection de PSPP, le Canada accueille un nombre record de résidents permanents, passant de 184 606 en 2020 — en deçà de la moyenne de 250 000 en raison de la pandémie — à 405 000 en 2021, à 431 000 en 2022, à plus de 465 000 en 2023, et enfin à 483 591 résidents permanents en 2024.

Au départ, environ la moitié de ces immigrants choisissent de s’établir au Québec. Ce qui aggrave chez nous la pénurie du logement et met à dure épreuve la fourniture des services de l’État (écoles, hôpitaux, garderies, etc.).

Totalement inconscient de la stratégie politique du fédéral, la CAQ se contente, dans un premier temps, de quêter de l’argent à Ottawa. Une demande à laquelle le fédéral finira par consentir.

Mais dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, l’argent n’achète pas tout.

Incapable de résoudre la crise, le gouvernement de la CAQ supplie ensuite le ministre Miller de mieux répartir cet afflux entre les provinces.

En mai 2024, Ottawa crée un comité de travail pour étudier la demande du Québec. En juillet, le ministre Miller se dit prêt à coordonner le transfert volontaire et en arriver à une répartition proportionnelle en fonction de la population de chaque province. Mais en septembre, c’est la douche froide : le ministre annonce qu’il n’y a pas réussi à obtenir un consensus entre les provinces.

Pendant que Marc Miller étire le temps, les résidents permanents installés au Québec décrochent des emplois et prennent racine. Ceux en région apprennent le français et s’intègrent parfaitement bien alors que les autres, restés dans la grande région montréalaise, contribuent à son anglicisation.

Rappelons que dès le début du déluge migratoire, plus précisément le 4 novembre 2021, le ministère de l’Immigration annonçait sa décision d’embaucher, dans ses bureaux de Montréal, plusieurs agents unilingues anglais afin d’accélérer le traitement des dossiers des demandeurs d’asile anglophones.

Pendant ce temps, le fédéral verse des sommes importantes au gouvernement de la CAQ comme Israël donne des millions$ à l’Autorité palestinienne pour qu’elle accepte sans rouspéter la colonisation israélienne en Cisjordanie.

Marc Miller et le déclin du français

À la suite d’un récent mini-remaniement ministériel, Marc Miller s’est retrouvé à la tête de l’ancien ministère du Patrimoine, renommé ministère de la Culture et de l’Identité canadiennes.

À peine nommé, il accorde une entrevue au quotidien Le Devoir. À cette occasion, il déclare en avoir ras le bol du débat sur le déclin du français, qu’il considère comme étant trop politisé.

Précisons que la politisation consiste à donner à un sujet une dimension politique. Évidemment, l’avenir d’un peuple est toujours politique. Comment pourrait-il en être autrement ?

À maintes reprises dans le passé, Marc Miller a déclaré que le français au Québec était menacé, c’est-à-dire subissait une menace, notamment face à l’océan anglophone nord-américain qui nous entoure.

Contrairement à ce qu’on peut lire dans certains journaux, Marc Miller a toujours nié que la menace dont on vient de parler produise des effets concrets, c’est-à-dire que Montréal s’anglicise. Tout au plus reconnait-il que certains indices le laissent penser… mais ne l’ont pas convaincu.

Voilà pourquoi, lors de l’entrevue au Devoir, le nouveau ministre a réitéré son aveuglement et refusé de parler d’un déclin global du français au Québec, évoquant plutôt un déclin « à certains égards ».


 
Les recensements de Statistique Canada sont formels; l’anglais progresse inexorablement au Québec depuis plus de deux décennies. Au dernier recensement, tous les voyants clignotaient au rouge.

À juste titre, le premier ministre du Québec a accusé le ministre Miller de répandre des conneries.

Le ministre de l’Identité

Au cours de l’entrevue, Marc Miller a également déclaré :

« Comme Québécois, je suis assez tanné de ce débat qui est généralement identitaire et électoraliste.»

Sous Justin Trudeau, le gouvernement libéral aurait voulu que les Canadiens se définissent d’abord et avant tout par leur identité de genre et par leur identité sexuelle parce que l’une et l’autre sont individuelles. Ce qui permet d’atomiser les citoyens d’un État ‘postnational’.

L’identité voulue par Ottawa pouvait également se définir en fonction de l’appartenance à des groupes ‘racisés’ parce que cette identité est tribale.

Alors qu’au contraire, l’identité linguistique est collective. Elle définit les peuples, contrairement au genre, au sexe ou à la couleur de la peau.

Or quand les francoQuébécois se définissent par leur langue et considèrent tout le reste comme secondaire, cela pave la voie à leur affirmation nationale.

C’est cela que Marc Miller combat.

Le ministre de la propagande fédérale

Dès la nomination de Marc Miller à titre de ministre fédéral de la Culture, l’establishment artistique s’en est réjoui, voyant en lui une personne capable de défendre leurs intérêts contre les géants technologiques américains.

C’est oublier bien vite qu’un des premiers gestes d’apaisement du premier ministre canadien face à Trump fut d’abandonner la taxe numérique.

Alors non, ce n’est pas pour combattre les GAFAM que Marc Miller a été choisi.

Hier à la Chambre des communes, le premier ministre du Canada a déclaré :

« On va défendre la langue française avec les plus grands investissements dans le secteur culturel de l’histoire du Canada.»

Voilà ce qui annonce le deuxième volet de la stratégie fédérale en vue du référendum; la promotion du fédéralisme canadien. Ce qui constitue, soit dit en passant, un objectif parfaitement légitime.

Et ce volet, tout comme le premier, sera une responsabilité de Marc Miller. C’est ça, la véritable raison de sa nomination (un peu accidentelle).

Pour l’aider à cette tâche, le fédéral utilisera son pouvoir dépenser pour mobiliser tout ce que le Québec compte de communicateurs et d’artistes talentueux.

Et c’est sans doute parce que PSPP a bien compris la stratégie fédérale qu’il a tenté de rendre toxique la fréquentation de Marc Miller.

Ceux qui y voient un saut d’humeur du chef péquiste n’ont rien compris. PSPP veut que les artistes qui prêteront leur talent à la cause fédérale soient conscients qu’ils travailleront dans le mauvais sens de l’Histoire.

Conclusion

Marc Miller est le général Wolf des angloQuébécois.

Après avoir orchestré un déluge migratoire qui est le prélude à une naturalisation massive des demandeurs d’asile (de la région montréalaise, spécifiquement), le voilà qui sera responsable du plus grand investissement culturel de l’histoire du Canada.

L’éthique politique du Parti libéral étant ce qu’elle est — particulièrement quand le régime colonial canadian est en danger — on peut s’attendre à ce que Marc Miller utilise tous les moyens à sa disposition pour parvenir à ses fins.

Voilà pourquoi j’espère que l’Assemblée nationale du Québec n’hésitera pas à exiger sa démission dès maintenant.

Références :
100 millions de Canadiens d’ici 2100 : Ottawa dit non à l’« Initiative du siècle »
Demandeurs d’asile : le ministre Marc Miller fustige les « nonos conservateurs »
Demandeurs d’asile : Ottawa estime en faire assez pour le Québec
Demandeurs d’asile: Ottawa prêt à «coordonner les transferts»
Denmark’s ‘zero refugee’ policy drives down asylum admissions to record low
Évolution récente de la politique d’immigration du Canada
Jean Chrétien avait donné l’instruction d’accélérer les demandes de citoyenneté avant le référendum de 1995
Le Canada a accueilli 431 000 résidents permanents en 2022, un record
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Le projet du groupe de pression torontois Century Initiative
Les libéraux accusés d’avoir «truqué» le résultat du référendum de 1995 par le Bloc
L’unilinguisme anglais à Immigration Canada
Marc Miller se dit «tanné» du débat sur le déclin du français
Mark Carney et le colonialisme canadian
Parti québécois: Paul St-Pierre Plamondon promet un référendum dans un premier mandat
Québec menace Ottawa de couper les vivres aux demandeurs d’asile
Une partie du milieu culturel manque de loyauté envers le Québec, dit le chef du PQ

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

Postscriptum du 4 décembre 2025 : Rétractation de Marc Miller au sujet du déclin du français.

En réponse à une question du député conservateur Joël Godin qui reprochait à Marc Miller ses propos de la veille qui ont fait scandale, ce dernier a finalement admis : «…effectivement, le français est en déclin partout au Canada.»

Référence : Débats de la Chambre des communes – Le mardi 2 décembre 2025

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Référendum québécois : il suffit de 50% des voix plus une

Publié le 29 avril 2018 | Temps de lecture : 14 minutes


 
Introduction

Le procès relatif au pourcentage des votes nécessaire pour qu’un référendum soit déclaré victorieux a connu un cheminement plutôt rocambolesque.

À la suite du référendum québécois de 1995, le fédéral adopte en juin 2000 la Loi sur la clarté référendaire.

En vertu de cette loi, le gouvernement canadien se réservait le droit de décider à postériori du pourcentage nécessaire pour qu’un référendum québécois soit jugé gagnant.

En décembre 2000, le gouvernement du Québec réplique en adoptant la loi 99. Entre autres, celle-ci précise que pour être jugé gagnant, un référendum doit recueillir 50% des voix plus une.

Quelques mois plus tard, plus précisément en mai 2001, le Québécois Keith-Owen Henderson, chef du Parti Égalité, s’adresse aux tribunaux afin de faire déclarer anticonstitutionnelle cette nouvelle loi québécoise.

Une guerre de procédures s’entama aussitôt. Ce qui eut pour effet de retarder considérablement cette cause. La Cour à laquelle ce citoyen s’adressa mit seize ans avant d’entendre les parties et une année de plus pour trancher la question. Au total, ce fut une attente dix-sept ans.

Au début, le conflit n’opposait que le gouvernement du Québec à M. Henderson et son parti.

Après la dissolution officielle du Parti Égalité en mai 2012, le gouvernement canadien s’invita directement dans le débat en 2013. Et la Société Saint-Jean-Baptiste fit de même en 2016.

Lorsque la poussière procédurière retomba finalement, la Cour supérieure entendit les parties en mars 2017 et rendit sa décision le 18 avril 2018.

Importance de la loi 99

La loi 99 est remarquable par sa brièveté; un préambule de quinze considérants suivi de seulement quatorze articles (il est reproduit intégralement à la fin du texte).

À son sujet, la décision de la Cour supérieure a surtout attiré l’attention parce qu’elle inflige (par la bande) un sérieux revers à la loi fédérale sur la clarté référendaire.

Toutefois, l’importance de cette loi dépasse très largement la simple question du pourcentage qu’un référendum doit atteindre pour être jugé gagnant.

L’Honorable Dallaire écrit :

Bien que la Loi 99 ne bénéficie pas comme tel du statut de loi supra-législative, (…) nous sommes d’opinion que la matière qu’elle contient porte sur des principes fondamentaux se situant au cœur du système démocratique qui a toujours prévalu au Québec, que ce soit avant et depuis l’avènement de la Confédération.
(…)
Son titre, Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, est l’indice le plus important pour confirmer l’intention du législateur d’en faire une loi particulière et fondamentale.

Selon la magistrate, la loi 99 n’est rien de moins qu’une constitution intra-étatique puisqu’elle établit les principes démocratiques du fonctionnement de l’État québécois. En d’autres mots, c’est la codification législative du droit québécois en matière de démocratie.

Le style littéraire de la magistrate

En principe, lire un jugement de plus de six-cents paragraphes est une corvée. Dans ce cas-ci, la tâche est allégée par le style littéraire de la juge Claude Dallaire.

En dépit du fait que le plaignant soit anglophone, la magistrate a choisi de rendre son jugement en français, comme il se doit, puisque l’accusé — dans ce cas-ci l’État québécois — est français.

Et on s’amuse en pensant à ces pauvres traducteurs qui auront la corvée de traduire des expressions comme ‘là où le bât blesse’, ‘débuter sur des chapeaux de roue’, ‘substantifique moelle’, ‘se faire taper sur les doigts’, ‘tourner autour du pot’, ‘ajouter des bretelles à la ceinture’, etc.

L’interprétation de la loi 99

La Grande-Bretagne a ceci de particulier : elle ne possède pas de constitution au sens moderne du terme.

Dans le droit anglais (le Common Law), celui-ci est fabriqué par les juges et consigné dans la jurisprudence. Cette dernière est la source première du droit. Les lois britanniques n’existent que pour préciser ou déroger à la judge-made law.

À l’opposé, le droit français (ou droit civil) nait du législateur. Et ce sont les juges qui l’interprètent et l’appliquent.

Par l’Acte de Québec de 1774, le Parlement britannique permettait aux magistrats du Québec de rendre justice selon les lois civiles françaises. À l’exclusion toutefois des offenses criminelles, sanctionnées par le Common Law britannique.

Pendant des siècles, les débats des parlementaires n’étaient pas publiés. Les tribunaux ne pouvaient donc pas en tenir compte lorsqu’ils avaient à apprécier l’intention du législateur. En somme, c’était le pif du juge qui prévalait.

Même après qu’on se soit mis à imprimer le journal des débats, beaucoup de juges ne se donnaient pas la peine d’en prendre connaissance.

Voilà pourquoi la Cour suprême du Canada a invité explicitement les tribunaux inférieurs à interpréter le sens des lois (dont celles du Québec) à la lumière des faits historiques, politiques et parfois même juridiques ayant entouré ou mené à leur adoption.

Cette directive visait à éviter aux assemblées législatives d’avoir à légiférer chaque fois qu’un juge prenait un peu trop ses aises avec le texte d’une loi qu’elles avaient adopté.

Au Québec, cette directive de la Cour suprême a eu une conséquence imprévue.

Lorsque vient le temps d’interpréter les lois civilistes, cela disqualifie les juges qui comprennent mal le français. En effet, ceux-ci ont à interpréter le sens de lois adoptées à la suite de débats — à l’Assemblée nationale et en commission parlementaire — qui se déroulent presque exclusivement en français et qui ne sont pas traduits comme le sont les lois et les avis officiels de l’État québécois.

La juge Dallaire a donc profité pleinement de son avantage linguistique.

Partout où le plaignant, M. Henderson, aurait eu raison de dire que la loi 99 était ambigüe et pouvait être interprétée à des fins sécessionnistes, la juge Dallaire cite les propos rassurants du ministre Joseph Facal, parrain de la loi en question.

Donc, en prenant au pied de la lettre les directives de la Cour suprême du Canada, la juge Dallaire inflige une gifle au gouvernement fédéral et n’offre au plaignant que le choix d’en appeler auprès des tribunaux supérieurs.

Mais après avoir attendu dix-sept ans pour ce jugement en première instance, les rhumatismes de M. Henderson l’incitent sans doute à prendre sa retraite au coin du feu…

Références :
Décision de la juge Claude Dallaire
Acte de Québec (1774)
Loi sur la clarté référendaire
Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec


Texte de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec

 
CONSIDÉRANT que le peuple québécois, majoritairement de langue française, possède des caractéristiques propres et témoigne d’une continuité historique enracinée dans son territoire sur lequel il exerce ses droits par l’entremise d’un État national moderne doté d’un gouvernement, d’une assemblée nationale et de tribunaux indépendants et impartiaux;

CONSIDÉRANT que l’État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu’il a enrichies au cours des ans par l’adoption de plusieurs lois fondamentales et par la création d’institutions démocratiques qui lui sont propres;

CONSIDÉRANT l’entrée du Québec dans la fédération canadienne en 1867;

CONSIDÉRANT l’engagement résolu du Québec à respecter les droits et libertés de la personne;

CONSIDÉRANT l’existence au sein du Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, innue, malécite, micmaque, mohawk, naskapi et inuit et les principes associés à cette reconnaissance énoncés dans la résolution du 20 mars 1985 de l’Assemblée nationale, notamment leur droit à l’autonomie au sein du Québec;

CONSIDÉRANT l’existence d’une communauté québécoise d’expression anglaise jouissant de droits consacrés;

CONSIDÉRANT que le Québec reconnait l’apport des Québécoises et des Québécois de toute origine à son développement;

CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale est composée de députés élus au suffrage universel par le peuple québécois et qu’elle tient sa légitimité de ce peuple dont elle constitue le seul organe législatif qui lui soit propre;

CONSIDÉRANT qu’il incombe à l’Assemblée nationale, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple québécois, de le défendre contre toute tentative de l’en spolier ou d’y porter atteinte;

CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale n’a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée malgré son opposition;

CONSIDÉRANT que le Québec fait face à une politique du gouvernement fédéral visant à remettre en cause la légitimité, l’intégrité et le bon fonctionnement de ses institutions démocratiques nationales, notamment par l’adoption et la proclamation de la Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de réaffirmer le principe fondamental en vertu duquel le peuple québécois est libre d’assumer son propre destin, de déterminer son statut politique et d’assurer son développement économique, social et culturel;

CONSIDÉRANT que, par le passé, ce principe a trouvé à plusieurs reprises application, plus particulièrement lors des référendums tenus en 1980, 1992 et 1995;

CONSIDÉRANT l’avis consultatif rendu par la Cour suprême du Canada le 20 aout 1998 et la reconnaissance par le gouvernement du Québec de son importance politique;

CONSIDÉRANT qu’il est nécessaire de réaffirmer les acquis collectifs du peuple québécois, les responsabilités de l’État du Québec ainsi que les droits et les prérogatives de l’Assemblée nationale à l’égard de toute question relative à l’avenir de ce peuple;

Le Parlement du Québec décrète ce qui suit :

Chapitre I : Du Peuple québécois

1 – Le peuple québécois peut, en fait et en droit, disposer de lui-même. Il est titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes.

2 – Le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec.

3 – Le peuple québécois détermine seul, par l’entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, les modalités de l’exercice de son droit de choisir le régime politique et le statut juridique du Québec.

Toute condition ou modalité d’exercice de ce droit, notamment la consultation du peuple québécois par un référendum, n’a d’effet que si elle est déterminée suivant le premier alinéa.

4 – Lorsque le peuple québécois est consulté par un référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, l’option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés valides, soit 50% de ces votes plus un vote.

Chapitre II : De l’État national du Québec

5 – L’État du Québec tient sa légitimité de la volonté du peuple qui habite son territoire.

Cette volonté s’exprime par l’élection au suffrage universel de députés à l’Assemblée nationale, à vote égal et au scrutin secret en vertu de la Loi électorale ou lors de référendums tenus en vertu de la Loi sur la consultation populaire.

La qualité d’électeur est établie selon les dispositions de la Loi électorale.

6 – L’État du Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens dans le cadre des lois et des conventions de nature constitutionnelle.

Il est également détenteur au nom du peuple québécois de tout droit établi à son avantage en vertu d’une convention ou d’une obligation constitutionnelle.

Le gouvernement a le devoir de soutenir l’exercice de ces prérogatives et de défendre en tout temps et partout leur intégrité, y compris sur la scène internationale.

7 – L’État du Québec est libre de consentir à être lié par tout traité, convention ou entente internationale qui touche à sa compétence constitutionnelle.

Dans ses domaines de compétence, aucun traité, convention ou entente ne peut l’engager à moins qu’il n’ait formellement signifié son consentement à être lié par la voix de l’Assemblée nationale ou du gouvernement selon les dispositions de la loi.

Il peut également, dans ses domaines de compétence, établir et poursuivre des relations avec des États étrangers et des organisations internationales et assurer sa représentation à l’extérieur du Québec.

8 – Le français est la langue officielle du Québec.

Les devoirs et obligations se rattachant à ce statut ou en découlant sont établis par la Charte de la langue française.

L’État du Québec doit favoriser la qualité et le rayonnement de la langue française. Il poursuit ces objectifs avec un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des droits consacrés de la communauté québécoise d’expression anglaise.

Chapitre III : Du territoire québécois

9 – Le territoire du Québec et ses frontières ne peuvent être modifiés qu’avec le consentement de l’Assemblée nationale.

Le gouvernement doit veiller au maintien et au respect de l’intégrité territoriale du Québec.

10 – L’État du Québec exerce sur le territoire québécois et au nom du peuple québécois tous les pouvoirs liés à sa compétence et au domaine public québécois.

L’État peut aménager, développer et administrer ce territoire et plus particulièrement en confier l’administration déléguée à des entités locales ou régionales mandatées par lui, le tout conformément à la loi. Il favorise la prise en charge de leur développement par les collectivités locales et régionales.

Chapitre IV : Des nations autochtones du Québec

11 – L’État du Québec reconnait, dans l’exercice de ses compétences constitutionnelles, les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des nations autochtones du Québec.

12 – Le gouvernement s’engage à promouvoir l’établissement et le maintien de relations harmonieuses avec ces nations et à favoriser leur développement ainsi que l’amélioration de leurs conditions économiques, sociales et culturelles.

Chapitre V : Dispositions finales

13 – Aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir.

14 – (Omis).

Annexe abrogative

Conformément à l’article 9 de la Loi sur la refonte des lois et des règlements, le chapitre 46 des lois de 2000, tel qu’en vigueur le 1er avril 2001, à l’exception de l’article 14, est abrogé à compter de l’entrée en vigueur du chapitre E-20.2 des Lois refondues.

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Écrit par Jean-Pierre Martel