Histoire d’un fiasco – 2e partie : la lutte québécoise contre le Covid-19 en mars 2020

31 mars 2021

Le rôle des voyageurs internationaux

Il faudra attendre jusqu’à la deuxième moitié de mars de l’an dernier pour que le Canada décide officiellement de fermer ses frontières. Or c’est par le biais des voyageurs internationaux que la pandémie a contaminé le Québec.

Même après cette fermeture, la frontière canadienne est demeurée une passoire.

Les pays qui ont réussi leur lutte sanitaire — en Extrême-Orient et en Océanie — ont tous mis en quarantaine obligatoire les voyageurs qui entraient sur leur territoire.

Au Québec, on aurait pu compenser le laxisme fédéral par des barrages routiers qui auraient fait cela. On a préféré laisser faire et critiquer le fédéral.

Les conséquences de la myopie

Mais revenons au début de ce mois.

Lorsque le directeur de la Santé publique du Québec revient de ses vacances au Maroc, le 8 mars 2020, c’est la panique à Québec.

Depuis plusieurs jours, les pays ferment leurs frontières les uns après les autres. Comme si un grave danger les menaçait.

Pourtant, rien n’est prêt au Québec pour y faire face.

On s’était beaucoup énervé pour rien à l’occasion de la grippe aviaire au H1N1 en 2009, alors que le taux de mortalité avait finalement été assez semblable à celui d’une grippe ordinaire.

Plutôt que d’appliquer le principe de précaution, la Santé publique a parié que le Covid-19 serait comme le H1N1 de 2009. Voilà pourquoi, le 5 février 2021, cet organisme déclarait qu’il fallait plus craindre la grippe que le coronavirus.

Cette désinvolture aurait dû faire soupçonner au premier ministre que la lutte sanitaire contre le Covid-19 devait être confiée à d’autres dirigeants, plus perspicaces et ayant plus d’envergure que ceux hérités de l’époque libérale.

Le directeur de la Santé publique, le Dr Arruda, a fait carrière en tant que gestionnaire du réseau de la santé. C’est ainsi que la réforme Barrette a été mise en œuvre par une poignée de hauts fonctionnaires, dont lui à titre de sous-ministre ou de sous-ministre adjoint.

Pour ces gens-là, on ne dépense pas l’argent des contribuables pour rien. L’idée d’acheter de l’équipement de protection au cas où est complètement étrangère à leur manière de penser.

Donc quand l’iceberg de la Covid-19 frappe le Titanic québécois, on manque de canots de sauvetage.

Pour compenser cette insouciance, on décide alors de faire ce que tout bon gestionnaire fait en pareil cas; rationaliser. On décide de réserver l’équipement de protection à l’usage exclusif des médecins et des infirmières qui sont au front, c’est-à-dire dans les zones rouges de nos hôpitaux.

Protéger ces professionnels était une bonne décision. Mais protéger l’ensemble de la population était du devoir de la Santé publique.

Compte tenu de la pénurie sévère des équipements de protection, il était essentiel de conseiller à la population de porter un masque artisanal et de lui montrer comment en fabriquer un.

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Malheureusement, au contraire, on a choisi de déconseiller le port généralisé du masque. Selon les autorités sanitaires, le masque ne constituait pas un outil de protection efficace pour la population générale.

On invitait les personnes contagieuses à tousser dans leur coude et à jeter leurs mouchoirs — remarque : que fait-on normalement avec ses mouchoirs de papier, sinon les jeter — et on recommandait à tous l’hygiène des mains.

La décision la plus stupide fut d’interdire spécifiquement le port du masque aux travailleurs de la santé qui travaillaient hors des zones rouges des hôpitaux.

Le résultat a été que le quart de tous les Québécois qui ont attrapé le Covid-19 lors de la première vague étaient des travailleurs de la Santé. On a mis inutilement en danger la vie de ces gens-là; dix-huit d’entre eux en sont morts.

Et pour faire campagne contre le masque, la Santé publique du Québec a mis au point le ‘Grand sophisme’.

Le Grand sophisme

Un sophisme est un raisonnement faux, ayant l’apparence d’un raisonnement logique, fait dans le but de tromper.

Nous avons tous en mémoire l’argument central contre le port du masque utilisé par la Santé publique du Québec. Analysons cet argument en détail.

Précisons que le virus du Covid-19 ne traverse pas la peau, mais qu’il pénètre exclusivement à travers des muqueuses.

Selon le Dr Arruda, le masque donne un faux sentiment de sécurité. Il peut même être dangereux. En l’enlevant, si on touche à l’extérieur du masque, on peut se contaminer les doigts de virus. Et si on met un doigt contaminé dans le nez ou si on se frotte les yeux, on vient d’attraper le Covid-19 et ultimement, on peut en mourir.

C’est vrai.

Ce qu’oublie de dire le Dr Arruda, c’est que s’il y a des virus à la surface d’un masque, c’est que ce dernier a bien fait son travail; nous empêcher d’inhaler les virus et d’attraper le Covid-19.

En d’autres mots, ce que dit le Dr Arruda, c’est ceci : “ Vous savez, le masque qui vous a sauvé la vie, vous n’auriez pas dû le porter. Parce qu’en l’enlevant, vous auriez pu commettre trois imprudences successives; toucher l’extérieur du masque, ne pas vous laver les mains, et déposer le virus sur une muqueuse en vous mettant les doigts dans le nez.

Cela est vrai. Mais si on commet toutes ces imprudences, on ne fait que mettre dans le nez une partie des virus qui s’y trouveraient déjà si on n’avait pas porté de masque.

En temps de guerre, il est imprudent pour un peuple de tirer dans le dos de ses généraux. Forts de ce principe, des centaines de journalistes, de chroniqueurs et d’éditorialistes ont abandonné tout esprit critique et ont choisi de répéter le Grand sophisme, contribuant ainsi à faire avaler cette couleuvre à la population.

Pendant ce temps, le virus se propageait…

(à suivre)

Références :
Au Québec, la grippe saisonnière est plus à craindre que le coronavirus
Covid-19 : les prix citron à Ottawa et à la STM
Covid-19 : l’utilisation ‘judicieuse’ des masques
Grippe A (H1N1) de 2009
Panique à Québec : dans les coulisses de la course aux masques

Paru depuis :
Enquête de la coroner : échec de la quarantaine au CHSLD Yvon-Brunet (2021-06-08)

Pour consulter tous les textes de la série sur l’histoire de la lutte québécoise contre le Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les invasions militaires anglaises

3 septembre 2013

L’Angleterre conquérante
 
Invasions
 
Si on ajoute le Vatican et le Kosovo aux 192 États membres des Nations-Unies, 89% des pays ont été l’objet d’une invasion partielle ou d’une conquête totale de la part de troupes britanniques au cours de leur histoire.

Certains de ces pays — par exemple le Costa Rica, l’Équateur and le San Salvador — n’ont été l’objet que de raids de pirates soutenus par la couronne britannique. D’autres, comme Cuba, ont été conquis pendant quelques mois à peine.

En raison de sa proximité et de sa richesse, le pays le plus souvent envahi par les Anglais fut évidemment la France.

L’Angleterre conquise

Pour la dernière fois de son histoire, l’Angleterre fut conquise en 1066 par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie.

Toutefois, le sol britannique fut partiellement occupé 73 fois depuis ce temps, la dernière étant l’occupation des îles Anglo-Normandes par les Nazis au cours de la Deuxième guerre mondiale.

Références :
British have invaded nine out of ten countries – so look out Luxembourg
Enemies at the gates: the 73 ‘invasions’ of Britain since 1066

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La naissance des italiques

7 mars 2012
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À l’époque de l’Empire romain, tout était écrit ou gravé à l’aide de majuscules. C’est durant le règne de Charlemagne, vers l’an 780, qu’ont été inventées les minuscules. Mais il faudra attendre la Renaissance pour que naissent en Italie les italiques (d’où leur nom).

En 1501, le graveur et orfèvre Francesco Raibolini (connu sous le nom de Francesco Griffo) crée les premières italiques pour le compte de l’imprimeur vénitien Aldo Manuce (ou Aldus Manutius, en latin).

Ces caractères étaient non seulement très légèrement inclinées vers la droite mais étaient surtout plus étroits que les minuscules ordinaires (appelés caractères romains). Grâce à ces caractères plus compacts, l’imprimeur eut l’idée de créer des livres aux pages moins larges qui, malgré leurs dimensions réduites, pouvaient contenir tout l’œuvre sur moins de pages. Il inventa donc le livre de poche, moins cher et plus maniable, ce qui fit sa renommée et sa fortune.

Aujourd’hui, il nous apparait normal de choisir à l’ordinateur une police de caractères qui se décline en lettres ordinaires, en italiques et en caractères gras. Au début de la Renaissance, personne n’aurait eu l’idée de les mélanger dans une même phrase : les livres étaient imprimés soit en caractères romains ou soit en italiques. Tout au plus, pouvait-on choisir des caractères différents pour imprimer la préface, le résumé au début d’un chapitre, ou les remarques placées dans les marges du texte.

La photo ci-dessus est la première page (mesurant 11 x 17,2 cm) de l’avant-propos d’un livre imprimé à Paris en 1538 par l’imprimeur le plus influent de la Renaissance française, Simon de Colines. Les quatre pages de cet avant-propos sont en italiques alors que les pages qui suivent sont en caractères romains. Cet imprimeur avait imprimé du texte en italiques pour la première fois dix ans plus tôt, soit plus d’un quart de siècle après Aldo Manuce.

On remarquera que le bloc de texte n’est pas placé au milieu de la page : sa disposition suit une ligne imaginaire en diagonale qui part du coin supérieur gauche et le coin inférieur droit de la page. La première lettre du texte (un « N ») est une lettrine à fond criblé (sous-entendu : …de points blancs) et décorée d’arabesques végétales. Aucune majuscule n’est inclinée : il faudra attendre Claude Garamont pour que les majuscules italiques soient inclinées comme les minuscules qui les accompagnent. Pour terminer, notons les esperluettes (« & ») qui sont formées de la fusion d’un « E » majuscule et d’un « t » minuscule.

Chez Simon de Colines, la partie ascendante des « b », « d », « h », et « l » se termine par une courbe vers la droite. Cela contribue à créer l’illusion que l’ensemble des caractères sont plus inclinés qu’ils ne le sont en réalité.

La partie la plus ancienne de cette époque s’appelle la Haute Renaissance : les italiques n’y étaient inclinées que de 2 à 10 degrés. Au cours de la Renaissance tardive (ou Maniérisme) qui suivit, les italiques deviennent plus penchées, ce qui rend plus évidente la nécessité de leur attribuer des majuscules obliques (ce que le fondeur de caractères Claude Garamont fut le premier à faire).

Il est à noter que Simon de Colines fait partie d’un petit groupe d’imprimeurs huguenots installés à Paris, liés par des liens de parenté (voir Post-scriptum), et qui domineront l’édition au cours de la Renaissance française par la qualité de leur production.

Même dans les musées, il est rare que des livres de la Renaissance soient exposés. La raison est simple : les pages de ces livres s’oxydent et brunissent à la lumière.

Les Montréalais qui seraient intéressés à voir de tels documents sont chanceux; au premier étage de la Grande Bibliothèque se tient une exposition où sont présentés plus de 80 livres de cette époque, dont LE chef-d’œuvre de la Renaissance, Hypnerotomachia Poliphili, imprimé par Aldo Manuce en 1499.

On peut y voir des écrits de l’humaniste Henri Estienne Jr (fils de Robert Estienne), un livre d’heures de 1516 dont il n’existe plus que trois exemplaires à travers le Monde, et des livres des plus célèbres imprimeurs de l’époque dont un de Robert Estienne (dans lequel on peut voir les « Caractères grecs du Roy » qui ont rendu célèbre Claude Garamont).

L’exposition est gratuite. Elle se tient depuis le 14 février dernier jusqu’au 27 janvier de l’an prochain.

Références :
Bringhurst R. Holding ideas in the hand — The Physics & Metaphysics of Renaissance Letterforms. Serif, 1995, 2: 15-24.
Italique (typographie)


Post-scriptum :

La dynastie parisienne des Estienne commence par l’imprimeur Henri Estienne (1470-1520), dont la veuve épouse son associé, Simon de Colines (1480-1546). Celui-ci utilise des caractères qu’il a gravés ou qui l’ont été par son graveur Antoine Augereau. Ce dernier aura lui-même une brève carrière d’imprimeur.

Robert Estienne (1503-1559) est le second fils d’Henri Estienne et conséquemment, le beau-fils de Simon de Colines. Imprimeur du roi de France, il commande des caractères grecs puis romains à Claude Garamont, un typographe qui a fait son apprentissage auprès d’Antoine Augereau.

Les caractères Garamond (avec un « d ») ont été ainsi nommés en l’honneur de Claude Garamont (avec un « t »), fondeur de caractères pour Robert Estienne.

Ce dernier épouse Perrette Bade, fille de l’imprimeur bourguignon Josse Bade (1462-1535). Celui-ci est le géniteur de trois filles qui épouseront des imprimeurs parisiens : en plus de Robert Estienne, Michel de Vascosan (1500-1576) et Frédéric Morel (1523-1583).

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’historien Henri Guillemin revit

5 novembre 2010
© 1980 — TSR : Image tirée de la série « L’affaire Pétain »

Dans les deux décennies qui ont précédé son décès, survenu en 1992, le professeur Henri Guillemin avait réalisé pour le compte de la Télévision suisse romande (TSR), plusieurs séries d’émissions portant principalement sur l’histoire de France.

Ces émissions d’environ trente minutes chacune avaient été reprises par différentes chaines francophones dont Radio-Canada.

Un seul qualificatif résume ses conférences : brillantes ! Doué d’une mémoire phénoménale, le professeur Guillemin savait captiver son auditoire par le seul moyen de son élocution.

Polémiste et anticonformiste, usant du sarcasme et de la médisance comme peu d’historiens osent le faire, le professeur Guillemin déboulonnait les statues érigées à la gloire des tyrans et récompensait les véritables héros de son admiration non-dissimulée.

À écouter cet historien, on a constamment l’impression d’être le confident de secrets d’État. Pourtant son récit est parsemé d’anecdotes en apparence anodines, mais qui s’avèrent pertinentes à la compréhension intime de l’Histoire.

Ces conférences filmées, où l’orateur est enregistré en plan fixe, datent d’une autre époque. Mais pour quiconque peut s’astreindre à cette rigueur, la récompense est le récit passionnant d’un historien exceptionnel.

Émissions disponibles sur l’internet :
Jeanne-d’Arc (13 épisodes)
La Commune de Paris de 1871 (13 épisodes)
La Révolution française (un épisode de la série La Commune de Paris)
Napoléon (15 épisodes)
• L’affaire Dreyfus — Première, deuxième, et troisième parties
L’autre avant-guerre : 1871 – 1914 (13 épisodes)
La guerre est là (Première guerre mondiale)
• Lénine — Première et deuxième parties
L’affaire Pétain (13 épisodes)

Émissions disponibles en DVD :
Napoléon (1 DVD)

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Écrit par Jean-Pierre Martel