Bien-être animal et impérialisme culturel

26 janvier 2020

En Amérique du Nord, beaucoup d’agglomérations urbaines sont aux prises avec une population indésirable de chiens errants, de ratons laveurs ou d’ours qui tirent leur subsistance de nos déchets domestiques.

Chiots nordiques est un organisme sans but lucratif qui s’est donné pour mission de contrôler à la source la surpopulation canine des villages nordiques du Québec par le biais de la stérilisation des chiens et, si possible, de leur adoption par des familles d’accueil dans le sud du Québec.

Le 13 janvier dernier, le réseau TVA présentait un épisode de la téléréalité Refuge animal tourné à l’occasion d’une expédition de trois jours de Chiots nordiques à Obedjiwan, un village autochtone du Grand Nord québécois.

Le premier jour, on voit l’équipe éventrer le plancher d’un cabanon afin de débusquer une chienne sauvage qui venait depuis peu de mettre bas sous l’édifice abandonné.

Sur sa portée de six chiots, quatre étaient déjà morts de froid alors que deux autres étaient encore vivants. Sans intervention humaine, les deux chiots survivants seraient probablement morts de froid eux aussi.

Ce qui m’a choqué, c’est la violence exercée contre cette femelle dont le pelage était encore maculé de sang (en raison de l’accouchement) et qui ne demandait rien d’autre que de reprendre calmement ses forces dans sa tanière.

À la voir se débattre et essayer d’échapper à ses ravisseurs, il est évident que cette chienne était amenée de force à l’hôpital vétérinaire de fortune établi dans le village pour y être stérilisée avant de partir dans le sud (elle et ses deux chiots) pour y être adoptée.

Cette chienne sauvage ayant appris depuis sa naissance à craindre l’homme, on peut anticiper les problèmes comportementaux qui marqueront le reste de sa vie.

Le deuxième jour, on s’attardera au cas du chiot Nouki, fortement parasité par des vers intestinaux.

Son propriétaire ayant refusé de l’abandonner et de le faire stériliser, l’équipe se contentera de lui administrer un vermifuge et de lui prodiguer des soins mineurs.

Ce qui est une excellente initiative puisque les parasites intestinaux des animaux de compagnie peuvent être transférés aux Humains.

Le fil conducteur de cet épisode est la traque des chiens errants qui ont élu domicile au dépotoir municipal.

À leur dernière visite, Chiots nordiques avaient capturé tous les chiens qui y vivaient sauf un. Depuis, celui-ci s’est constitué une meute en s’associant à deux autres adultes, dont une femelle blessée.

Après avoir tenté en vain, depuis trois jours, de les attraper un peu partout dans le village, les bénévoles sont attristés de découvrir le mâle alpha mort de froid au dépotoir.

L’émission se termine en montrant les jeunes bénévoles en pleurs se jeter dans les bras les uns des autres, déçus de ne pas avoir réussi à ‘sauver’ l’animal à temps.

Plutôt que d’avoir laissé cette meute se réfugier au chaud dans sa tanière et réserver ses forces à la recherche de nourriture, les bénévoles de Chiots nordiques ont occasionné une dépense calorique des chiens en les pourchassant, ce qui a couté la vie à l’un d’eux.

Depuis des millénaires, c’est l’apport limité en nourriture et les dures conditions climatiques qui ont limité la croissance démographique des populations animales dans le Grand Nord québécois.

À cela, Chiots nordiques propose un contrôle canin qui s’appuie sur l’expertise de professionnels étrangers, c’est-à-dire sur des vétérinaires qui utilisent des instruments chirurgicaux et des techniques opératoires hors de portée de ces populations.

Si on offrait aux Inuits le choix d’habiter dans les grandes villes du Sud, l’immense majorité d’entre eux préfèreraient continuer à vivre au sein de leurs communautés.

Si les chiens sauvages pouvaient parler, ils choisiraient probablement la même chose.

Au-delà du soin des blessures, de l’élimination des vers intestinaux et des parasites cutanés, l’intervention de Chiots nordiques pour stériliser et faire adopter au loin les chiens des communautés autochtones équivaut rendre celles-ci dépendantes de nos technologies, et ce au nom de notre propre conception du bien-être animal.

Référence :
Refuge animal – émission du 13 janvier 2020

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Écrit par Jean-Pierre Martel