L’expansionnisme toxique de l’Otan

Publié le 14 juillet 2022 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

À sa création en 1949, l’Otan regroupait les pays qui constituaient les piliers de l’économie occidentale.

Non pas les piliers de la civilisation occidentale puisqu’il aurait fallu ajouter la Russie, occidentalisée depuis Pierre le Grand, mais justement contre laquelle cette alliance militaire a été créée.

À l’origine, toute attaque dirigée contre un pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France ou l’Italie, était de nature à affecter gravement toute l’économie occidentale. D’où l’à-propos d’une telle alliance militaire.

L’élargissement de l’Otan

À l’effondrement du bloc soviétique en 1989, la Russie était ruinée. Ce qui rendait l’Otan vide de sens.

On parlait alors de maintenir cette alliance militaire quand même parce qu’elle permettait de réaliser des économies d’échelle et surtout parce que, sans elle, une Allemagne qui déciderait de se militariser se trouverait de nouveau en position hégémonique en Europe.
 

 
Pendant les années qui suivront, les ‘anciens’ membres de l’Otan (en bleu) accueillirent dans leurs rangs la majorité des anciennes républiques soviétiques d’Europe (en cyan).

Depuis des décennies, celles-ci vivaient dans la crainte d’une invasion soviétique : elles se sont donc empressées de se mettre sous la protection de l’Otan dès que cela fut possible.

En plus, sur cette carte (en vert), sont représentés les pays qui ont officiellement demandé leur adhésion à l’Otan : la Suède et la Finlande (au nord), l’Ukraine (près du centre de la carte), la Bosnie-Herzégovine (près de l’Italie, sur la carte) et la Géorgie (au sud de la Russie).

Ce faisant, l’Otan poursuit une politique d’encerclement militaire contre la Russie.

Le jeu de dominos de la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale a été déclenchée à la suite d’un fait divers; l’assassinat du prince héritier de la dynastie austro-hongroise à Sarajevo en 1914.

Un mois plus tard, l’Empire austro-hongrois déclarait la guerre à la Serbie.

Mais comme l’Allemagne était un allié militaire de l’un, alors que la Russie était un allié militaire de l’autre, l’Allemagne et la Russie se déclarèrent mutuellement la guerre.

Puisque la Russie possédait une alliance militaire avec la France, l’Empire austro-hongrois (déjà en guerre avec la Russie) déclarait la guerre à son allié français.

Bref, en raison de tout un réseau complexe d’alliances militaires bilatérales, bientôt toute l’Europe fut mise à feu et à sang.

Les alliances militaires sont belligènes

L’addition des ennemis

Contrairement à ce qu’on pense, les alliances militaires favorisent le déclenchement des guerres. C’est le développement de liens commerciaux et plus précisément l’intégration économique qui fait l’inverse.

Pendant des siècles, les pays européens ont basé vainement la paix sur un ‘équilibre’ entre des blocs militaires hostiles.

Mathématiquement, cet échec s’explique.

Imaginons deux pays, appelés No 1 et No 2, qui s’allient parce qu’ils ont un ennemi commun, le pays X.

En Europe centrale, dans les Balkans et au Caucase, les pays sont entourés d’une multitude d’États voisins.

Imaginons donc que le pays No 1, en plus de son animosité commune contre le pays X, soit également ennemi des pays Y et Z, deux pays avec lesquels le pays No 2 entretient de bonnes relations.

Inversement, imaginons que le pays No 2, en plus de son animosité commune contre le pays X, soit hostile aux pays A, B et C, trois pays pourtant en bons termes avec le pays No 1.

En s’alliant, les pays No 1 et No 2 additionnent leurs ennemis; les voilà ennemis d’A, B, C, X, Y et Z.

Dès que le pays No 1 ou No 2 ‘pète sa coche’ contre l’un de ses ennemis, huit pays entrent en guerre.

Sans alliance militaire, la Première Guerre mondiale n’aurait pas eu lieu; à sa place, on aurait eu la guerre serbo-austro-hongroise et des millions de morts auraient été épargnées.

L’audace des faibles

Lorsque l’Otan accueille dans ses rangs de petits pays (comme les pays baltes, par exemple), ceux-ci reçoivent toute la protection militaire des États-Unis en contrepartie de quoi, les Américains ne reçoivent presque rien de plus que ce qu’ils ont déjà.

Le 31 mars dernier, la première ministre d’Estonie — un pays balte de 1,3 million d’habitants — en appelait aux autres pays pour qu’ils en fassent davantage contre la Russie.

On peut imaginer qu’avant d’adhérer à l’Otan, ce pays vulnérable devait bien se garder de battre le tambour de la guerre contre son puissant voisin.

Mais fort de l’appui inconditionnel de l’Otan, ce pays — comme la mouche dans la fable ‘Le coche et la mouche’ de La Fontaine — se prend pour le portevoix des va-t-en-guerre de l’Otan.

Par ailleurs, la Russie possède une enclave territoriale (l’oblast de Kaliningrad), totalement isolée du reste de la Russie. Elle est située au nord de la Pologne et au sud de la Lituanie (au centre de la carte ci-dessus).

Dernièrement, la Lituanie — un autre pays balte, de 2,7 millions d’habitants — décidait d’interdire le passage ferroviaire du minerai de fer, des matériaux de construction et des produits technologiques en transit sur son territoire vers cette enclave russe.

Il y a une différence entre interrompre nos relations commerciales avec la Russie et instaurer un blocus terrestre contre elle (ce qui va bien au-delà des sanctions économiques décidées par les pays occidentaux).

Un blocus, qu’il soit terrestre ou maritime, est un casus belli, c’est-à-dire un acte considéré comme justifiant une déclaration de guerre.

Le blocus maritime de l’Ukraine en mer Noire, décidé par Moscou, est également un casus belli. Mais il s’agit de deux pays déjà en guerre. Ce qui n’est pas le cas, pour l’instant, entre la Russie et la Lituanie

L’audace insensée de cette dernière est le résultat d’un expansionnisme devenu risqué pour la paix dans le monde.

Conclusion

Entre deux blocs hostiles — comme le sont devenus l’Occident et la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine — il est sage de maintenir une zone tampon entre les deux afin d’éviter qu’une simple escarmouche de frontière entre l’Otan et la Russie dégénère en guerre mondiale.

C’est sur ce principe que reposent les forces d’intervention de l’Onu; s’interposer entre des belligérants épuisés par la guerre et qui aspirent maintenant à être séparés.

Bref, une des leçons de l’Histoire, c’est que — autant que possible — on doit éviter que des empires ennemis aient une frontière commune.

Conséquemment, l’expansionnisme aveugle de l’Otan jusqu’aux frontières de la Russie fait planer une menace considérable sur la paix mondiale.

Références :
Le terrible sort des personnes exilées en Lituanie
Growing tensions between Russia and the Baltic States: the Kremlin threatens NATO members
La tension monte à Kaliningrad, autour de l’enclave russe, la Lituanie bloquant le passage de certaines marchandises
Oblast de Kaliningrad
Organisation du traité de l’Atlantique nord
‘Putin’s Appetite Will Only Grow.’ Estonia’s Prime Minister Says We’re Not Doing Enough to Stop Russia
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Russia threatens retaliation as Lithuania bans goods transit to Kaliningrad
Ukraine Is the Latest Neocon Disaster

Paru depuis :
La Pologne construit une barrière à la frontière avec Kaliningrad (2022-11-02)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Finlande croque la pomme d’Otan

Publié le 4 juillet 2022 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

Les ONG financées par Washington ont mis dix-huit ans à convaincre les Ukrainiens de devenir les ennemis militaires de leurs voisins russes. Avec les conséquences qu’on sait.

Mais il a suffi de quelques semaines à une croisade médiatique occidentale pour persuader les Finlandais de l’urgence d’adhérer à l’Otan avant d’être, eux aussi, envahis par l’armée russe.

La décision finlandaise de demander l’adhésion à l’Otan est la première défaite importante de Vladimir Poutine depuis le début de la guerre russo-ukrainienne.

Les relations russo-finlandaises depuis la Deuxième Guerre mondiale

Craignant qu’en s’alliant à l’URSS contre l’Allemagne nazie, elle ne retrouve plus son indépendance une fois la guerre terminée, la Finlande a choisi d’être un allié de l’Allemagne.

À l’issue de sa défaite, la Finlande perdit le dixième de son territoire et accepta de payer en six ans un tribut de guerre de trois-cent-millions de dollars à l’URSS.

Puisque le pays comptait alors 3,75 millions d’habitants, cela représentait 80 $ par personne, soit 1 329 dollars d’aujourd’hui.

Au cours des années qui suivirent, les deux pays ont entretenu des relations cordiales. Un traité de coopération et d’assistance mutuelle fut signé en 1948 et fut renouvelé en 1955, en 1970 et en 1983.

Par ce traité, la Finlande acceptait d’éviter de joindre toute organisation considérée comme hostile à l’URSS.

Toutefois, lorsque le bloc soviétique s’est effondré en 1991, la Finlande a estimé que cette entente devenait caduque, l’autre signataire ayant disparu.

Une nouvelle entente intervenue avec la Russie l’année suivante ne contenait rien de précis à ce sujet si ce n’est une vague résolution à régler mutuellement leurs différends de manière pacifique.

En 1995, la Finlande adhérait à l’Union européenne et adoptait l’euro comme devise.

Sans être officiellement membre de l’Otan, la Finlande (tout comme la Suède) participait déjà, depuis des années, à des exercices militaires de l’Otan sur son territoire. Des exercices que la Russie, évidemment, voyait d’un mauvais œil.

En 2014, les pays membres de l’Otan se sont lancés dans une course à l’armement, voyant dans l’annexion de la Crimée une preuve de l’expansionnisme russe.

En Finlande, la possibilité que le pays se joigne à l’Otan était un sujet de controverse. En janvier dernier, seul le quart des Finlandais y étaient favorables : toutefois, au 12 mai dernier, ce pourcentage avait bondi à 76 %.

La crise des missiles

En 1962, les États-Unis avaient instauré un blocus maritime autour de Cuba après que ce pays eut décidé de se doter de missiles dirigés contre les États-Unis.

Ne pouvant tolérer des missiles ennemis dans leur cour arrière, les États-Unis avaient menacé de faire sombrer tout navire russe qui s’approcherait des côtes cubaines.

Les navires russes décidèrent de rebrousser chemin. Et c’est ainsi qu’on a évité une Troisième Guerre mondiale.

Les côtes cubaines sont à 1 860 km de Washington alors que la frontière ukrainienne est à 458 km de Moscou (trois fois plus proche).

Du coup, la possibilité que l’Otan déploie en Ukraine des missiles hostiles contre la Russie devenait aussi intolérable pour Moscou que le déploiement de missiles russes à Cuba l’était pour Washington.

C’est encore plus vrai dans le cas de la Finlande puisque Saint-Pétersbourg est à seulement 150 km des frontières finlandaises.

Bref, la décision de la Finlande d’adhérer à l’Otan correspond à un bouleversement géostratégique puisqu’on triple l’interface terrestre entre l’Otan et la Russie.

Autrefois limitée à la frontière orientale de l’Estonie et de la Lettonie, de même que l’extrémité septentrionale de la Norvège (soit au total 480 km), l’Otan possèdera bientôt 1 710 km de frontière commune avec la Russie.

Entre deux blocs hostiles — comme le sont devenus l’Occident et la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine — il est sage de maintenir une zone tampon entre les deux afin d’éviter qu’une simple escarmouche de frontière dégénère en guerre mondiale.

La déstabilisation de la Finlande

Pour avoir une idée des moyens que pourrait utiliser la Russie en Finlande afin de l’inciter à revenir sur sa décision, voyons les moyens utilisés par les États-Unis en Amérique latine afin de lutter contre les gouvernements de gauche.

À Cuba, ils ont financé une opération (celle dite de la baie des Cochons) visant à renverser le régime castriste, et ont soutenu des dizaines de tentatives d’assassinat contre Fidel Castro.

Afin de limiter l’influence de la Révolution cubaine en Amérique latine, ils y ont renversé des gouvernements élus démocratiquement (dont celui de Salvador Allende au Chili en 1973) afin d’installer des dictateurs d’extrême-droite qui ont fait des dizaines de milliers de morts parmi leurs opposants.

De 1979 à 1990, ils ont financé 23 000 terroristes au Honduras dans l’espoir de susciter l’insécurité et le mécontentement contre le gouvernement de Daniel Ortega.

Sous le gouvernement socialiste de Luiz-Inácio Lula da Silva (2003-2011), ils ont soudoyé les syndicats brésiliens afin de déstabiliser l’économie du pays.

Ils ont financé des opérations militaires dans le but de renverser le gouvernement du Venezuela en 2020.

Tout cela donne une idée de ce qui attend la Finlande.

On ne voit pas comment Moscou pourrait avoir des scrupules à utiliser des moyens auxquels les États-Unis eux-mêmes n’hésitent pas à recourir lorsque cela leur convient.

Conclusion

Depuis quelques années, les Finlandais étaient le peuple le plus heureux du monde.

L’histoire d’Adam qui croque la pomme de l’arbre de la connaissance de bien et du mal — ce qui provoque son expulsion du paradis — est l’équivalent biblique de la décision finlandaise d’adhérer à l’Otan; cela ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de ce pays. Un chapitre beaucoup plus mouvementé.

Après avoir bénéficié d’une longue période de paix et de stabilité en cultivant des relations harmonieuses avec l’URSS, la Finlande vient de choisir une autre voie, dictée par un nouveau contexte international.

On peut souhaiter que la période qui s’achève, la plus heureuse de l’histoire de ce pays, se poursuive d’une autre manière.

Mais on peut raisonnablement anticiper que cela ne sera pas le cas.

Références :
Arbre de la connaissance du bien et du mal
C’est quoi un parti de droite ou un parti de gauche ?
Débarquement de la baie des Cochons
Contras
Crise des missiles de Cuba
Finland : The postwar period
Guerre américano-mexicaine
Guerre anglo-américaine de 1812
Guerre de Continuation
La Finlande, pays le plus heureux du monde
La Suède et la Finlande aux portes de l’OTAN
Opération Gideon
Opération Mongoose
Salvador Allende

Compléments de lecture :
L’engrenage ukrainien
L’épouvantail russe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le bannissement de la salade russe

Publié le 30 juin 2022 | Temps de lecture : 2 minutes
Salade russe (accompagnée de saumon)

En marge du sommet de l’Otan qui se termine aujourd’hui à Madrid, certains diplomates ont remarqué que plusieurs restaurants madrilènes offrent au menu de la ‘salade russe’ (ensaladilla Rusa en espagnol).

Ce mets porte différents noms selon les pays. On l’appelle ‘salade Olivier’ en Russie, en Asie Centrale, en Iran et aux États-Unis.

En gros, c’est une macédoine de légumes et de morceaux de viande coupés en dés, accompagnée d’œufs cuits durs, le tout lié par de la mayonnaise. Mais sa composition exacte varie considérablement.

Cette salade a été créée dans les années 1860 par le chef belge Lucien Olivier qui, à l’époque, œuvrait pour le restaurant moscovite L’Ermitage. Cet établissement devait fermer ses portes en 1905.

Sa composition exacte était conservée jalousement; c’est le chef Olivier lui-même qui, seul dans une pièce adjacente à la cuisine, préparait secrètement la mayonnaise. Jamais son secret n’a été éventé.

Toutes les recettes existantes sont donc des reconstitutions plus ou moins fidèles de l’original.

Salade Olivier au poulet et aux écrevisses

De nos jours, en Russie même, les grands restaurants n’ont pas hésité à moderniser ce mets de l’époque tsariste. Comme l’a fait le café Pouchkine de Moscou (photo ci-dessus).

Mais revenons à Madrid.

À l’époque de la guerre civile espagnole (1936-9) — qui opposait les troupes de Franco soutenus par l’Allemagne nazie aux forces républicaines soutenues notamment par la Russie — on l’avait renommée ‘salade nationale’ afin d’éviter de faire référence à ce pays.

Depuis, peu à peu, ce mets avait retrouvé le nom qu’il portait autrefois en Espagne, soit ‘salade russe’.

Toutefois, dès la fin du mois de février dernier — donc bien avant le sommet de l’Otan — certains restaurants avaient commencé à modifier leur menu de manière à l’offrir sous le nom de ‘salade Kiev’ ou de ‘salade ukrainienne’.

Références :
‘I’m a little surprised’: Nato summit venue in Madrid serves ‘Russian salad’
Salade russe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La dérussification de l’Ukraine

Publié le 25 juin 2022 | Temps de lecture : 2 minutes
Assemblée législative ukrainienne

En janvier 2014, le parlement ukrainien décidait de retirer au russe son statut de langue officielle dans toutes les régions administratives du pays qui comptaient une majorité ou une forte proportion de locuteurs russophones.

En décembre 2016, l’Ukraine limitait à dix le nombre de livres qui pouvaient être importés de Russie.

Depuis dimanche dernier, la législation est devenue plus sévère, interdisant totalement l’importation d’un imprimé provenant de Russie, de Biélorussie ou des territoires ukrainiens occupés par la Russie.

Cela comprend les livres, les brochures, les cartes géographiques, les atlas, les globes terrestres, de même que les livres pour enfants (dont les livres à colorier).

Selon certaines sources, cet interdit ne concernerait que les œuvres de citoyens de la Fédération de Russie (née après le démantèlement de l’Union soviétique en 1991). En d’autres mots, cela ne concernerait pas les auteurs classiques comme Dostoïevski, Pouchkine ou Tolstoï.

S’ils sont écrits en russe, les livres provenant d’autres pays seront soumis à un bureau de censure afin de s’assurer qu’ils ne contiennent pas de propagande antiukrainienne.

À partir du 1er janvier 2023, seront également interdits de publication et de distribution les livres ukrainiens d’auteurs russophones publiés en russe ou traduits du russe.

Une autre loi bannit également la diffusion de la musique russe aux stations de radio ou de télévision, de même que dans les lieux publics.

Les artistes et les auteurs qui vivent en Ukraine, mais qui ont conservé leur citoyenneté russe après l’indépendance ukrainienne seront exceptés s’ils renoncent à leur citoyenneté russe et s’ils déclarent publiquement leur appui à l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie.

Références :
L’engrenage ukrainien
Russian book ban in Ukraine
Ukraine restricts Russian books and music in latest step of ‘derussification’

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe

Publié le 23 juin 2022 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

On attribue à Montesquieu la maxime suivante : « Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.»

Depuis la nuit des temps, le sort d’un pays faible qui est voisin d’un pays puissant, c’est d’être son vassal. Le Canada en est un exemple.

Dans le texte L’engrenage ukrainien, nous avons vu que les organisations non gouvernementales américaines (financées par Washington) ont dépensé des milliards de dollars pour amener le peuple ukrainien à croire qu’il était dans son intérêt de devenir l’ennemi militaire de son puissant voisin.

Ce qui rendait inévitable la guerre entre eux.

Guerres courtes vs guerres longues

Les guerres les moins pénibles — autant pour l’agresseur que pour l’agressé — sont celles qui sont courtes.

Si la France n’avait pas capitulé à l’Allemagne dès 1940, on admirerait aujourd’hui la copie de la tour Eiffel et de l’Arc de Triomphe, l’une et l’autre reconstruits à l’identique.

L’armement sophistiqué que les États-Unis fournissent à l’Ukraine a pour but de transformer cette guerre en entreprise ruineuse pour la Russie. En vain jusqu’ici.

Mais cela ne changera pas l’issue de la guerre, connue d’avance. Tout cela ne fait que prolonger les souffrances du peuple ukrainien.

Ceci étant dit, la victoire militaire de l’Ukraine demeure possible. Mais seulement à l’issue d’une guerre d’usure s’échelonnant sur de très longues années.

À titre d’exemple, en Afghanistan, les Talibans ont vaincu l’armée américaine après vingt ans de lutte armée. Et au Vietnam, le Viêt Cong a fait de même après une décennie de guérilla.

Une guerre d’usure qui n’est pas qu’une suite de petites escarmouches transforme inévitablement le théâtre de la guerre en champ de ruines.

Depuis 2011, la guerre en Syrie a détruit 98 % de son économie, de la raffinerie de pétrole à la petite boulangerie de quartier.

C’est ce qui attend l’Ukraine si ce pays ne renonce pas définitivement à son intention d’adhérer à l’Otan.

La vassalisation de l’Europe

En participant à la croisade américaine contre la Russie, l’Europe occidentale se tire dans le pied.

Contrairement à ce qu’on tente de nous faire croire, la Russie a toujours été un fournisseur fiable d’hydrocarbures.

Toutefois, en bannissant les banques russes du système SWIFT — qui facilite les flux financiers — les pays européens ne pouvaient pas s’attendre à ce que la Russie leur livre du pétrole et du gaz naturel sans être payée en retour.

Ce pays a donc exigé d’être payé en roubles. Seuls les pays qui se sont entêtés à ne pas payer leur gaz ont été pénalisés.

L’Allemagne a accepté. Malheureusement, ce pays a commis deux imprudences.

Premièrement, dans le cadre de ses sanctions contre la Russie, il a refusé en février dernier d’homologuer la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, prolongeant l’exclusivité de son approvisionnement par Nord Stream 1.

Deuxièmement, alors que les turbines et les compresseurs de ce gazoduc plus ancien ont une importance stratégique, l’Allemagne a accepté que le conglomérat allemand Siemens confie leur entretien à sa filiale canadienne.

Ces appareils hautement spécialisés doivent être régulièrement entretenus et réparés. Malheureusement, une partie d’entre eux sont bloqués à Montréal puisque le Canada refuse leur sortie du pays, invoquant ses sanctions économiques contre la Russie.

Du coup, le gouvernement allemand annonce aujourd’hui qu’il se voit dans l’obligation d’envisager sérieusement le rationnement du gaz naturel.

On ne devrait pas être surpris d’apprendre que le zèle canadien s’explique par des directives secrètes reçues de Washington dans le but de forcer l’Allemagne à se sevrer dès maintenant du gaz russe, peu importe les conséquences immédiates pour ce pays.

En 2017, on comptait 511 méthaniers en service à travers le monde. Il en faut peu puisque le mode de transport idéal du gaz naturel, c’est par gazoduc.

Mais si du jour au lendemain, les pays européens voulaient s’approvisionner en gaz naturel auprès du Qatar ou de l’Amérique du Nord, il faudrait construire immédiatement cinq-mille méthaniers et équiper des dizaines de ports européens des installations nécessaires.

Voilà un aperçu de ce signifie concrètement le sevrage immédiat au gaz naturel russe.

Compte tenu de tout cela, pourquoi l’Europe a-t-elle accepté de dépendre des hydrocarbures russes ?

C’est que les contrats d’approvisionnement avec la Russie sont libellés en euros, une devise dont l’Europe contrôle l’émission et, par ricochet, la valeur.

Dans l’éventualité d’une très grave crise économique, il suffit à l’Europe de dévaluer sa monnaie pour payer ses hydrocarbures moins chers.

En achetant plutôt son gaz naturel du Qatar ou son pétrole d’Arabie saoudite, les contrats d’approvisionnement seront en dollars américains.

En vertu de l’extraterritorialité du droit américain, cela signifie que l’Europe devient complètement vassalisée aux États-Unis. Il suffit alors à Washington d’interdire tout commerce avec un pays fournisseur pour que l’Europe soit obligée d’obéir.

Références :
Extraterritorialité et pétainisme
Guerre russo-ukrainienne : ces sanctions qui font du bien
L’Allemagne contourne les termes de sa Constitution pour renforcer son armée
L’Allemagne passe en niveau d’alerte face au tarissement du gaz russe
La Russie va suspendre samedi ses exportations de gaz vers la Finlande
Les Sanctions canadiennes contraignent Nord Stream 1
Moscou coupe le gaz à la Pologne et à la Bulgarie
Ukraine : l’opérateur du gazoduc Nord Stream 2 acculé à la faillite

Paru depuis :
The Energy Shock — Germany Plans for a Winter Without Gas from Russia (2022-07-29)

Complément de lecture : L’épouvantail russe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guerre russo-ukrainienne : ces sanctions qui font du bien

Publié le 22 juin 2022 | Temps de lecture : 5 minutes

En mars dernier, je prédisais que le retrait de certaines sociétés occidentales de Russie provoquerait la russification de son économie.

C’est exactement ce qui est en train de se produire. Par exemple, en fermant tous ses restaurants russes, MacDonald’s a perdu un milliard de dollars. Et l’investisseur qui s’en est porté acquéreur pour une bouchée de pain fait depuis des affaires d’or.

Les choses s’avèrent parfois plus compliquées que prévu.

Pour pallier l’accusation de financer indirectement l’invasion russe en Ukraine, les pays d’Europe occidentale ont annoncé leur intention de cesser, d’ici la fin de l’année, leurs achats d’hydrocarbures russes.

La distribution mondiale de pétrole et de gaz naturel s’opère par une série de vases communicants. Ce que la Russie ne vend pas à l’Europe, elle le vend là où la consommation est croissante.

Les États-Unis peuvent bien interdire à la Chine ou à l’Inde d’en acheter; tant que les oléoducs ne seront pas équipés de compteurs américains, c’est peine perdue.

En annonçant leur résolution pieuse, les pays européens ont déclenché de l’insécurité sur les marchés mondiaux.

Cette ‘insécurité’ est bien relative. Au lieu de décharger sa cargaison à sa destination prévue, un méthanier la déchargera ailleurs. Et ce qui ne sera pas acheminé ailleurs le sera autrement.

Le mot ‘insécurité’ est le signal qu’attendent toutes les pétrolières pour hausser leurs prix. C’est l’équivalent de la cloche qui annonce aux écoliers le début de la récréation.

Depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le prix du pétrole s’est accru de manière importante. Si bien que les revenus que la Russie en tire sont 60 % supérieurs cette année en comparaison avec ceux de l’an dernier.

C’est plus que tout le matériel militaire russe détruit depuis le début de la guerre.

Et ce, en dépit du fait que ce pays écoule son pétrole à 30 % en dessous du prix courant.

Ce prix d’ami est une des conséquences de l’appréciation de la valeur du rouble.

En bannissant les banques russes du système SWIFT — qui facilite les flux financiers — les pays européens ne pouvaient pas s’attendre à ce que la Russie leur livre du pétrole et du gaz naturel sans être payée en retour.

Ce pays a donc exigé d’être payé en roubles. Hypocritement, les dirigeants de l’Union européenne l’ont accusé de violer les termes des contrats d’approvisionnement, libellés en euros.

Imaginez un locataire qui paierait son loyer avec un chèque postdaté. Il aurait beau dire qu’il a payé; si le propriétaire est incapable de toucher cet argent, c’est comme si le paiement n’avait jamais été effectué.

Donc il était normal que la Russie impose le paiement en roubles.

Bref, après les protestations d’usage, les pays concernés (dont l’Allemagne) ont secrètement cédé à cette exigence.

En temps normal, la Russie est payée en devises fortes, dont le dollar américain et l’euro. Ce qui lui permet de payer ses importations.

En somme, il est rare que d’importants contrats internationaux soient conclus en devise russe.

La demande soudaine pour cette dernière par les pays acheteurs d’hydrocarbures russes augmente sa valeur.

Tout au début de l’invasion russe, cette devise s’est effondrée, passant de 78 à un creux de 138 roubles pour un dollar américain.

Depuis le contournement des sanctions occidentales, cette devise a repris de la vigueur. Ces jours-ci, elle vaut plus qu’avant le début de la guerre, soit 57 roubles pour un dollar.

Toutefois, quand la monnaie d’un pays vaut plus cher, cela nuit à ses exportations. Pour compenser, la Russie diminue donc le prix de ses hydrocarbures à des pays amis. Ce qui lui permet de demeurer compétitive.

Références :
La Russie inonde la Chine avec son pétrole
Les usines russes de Renault passent aux mains de Moscou
Malgré les sanctions, la monnaie russe est aujourd’hui plus forte qu’avant la guerre
Malgré les sanctions, les revenus pétroliers de la Russie augmentent
McDonald’s et la culture du bannissement

Parus depuis :
Sanctions occidentales en Russie : pas le choc auquel on s’attendait (2022-07-01)
Tarifs sur les engrais russes : « On se pénalise nous-mêmes! » (2022-09-23)
Mersin, le grand port turc transformé en plate-forme de commerce avec la Russie (2022-10-18)
La Russie résiste aux sanctions (2022-11-27)
Bean counters: how Russia’s wealthy profited from exit of western brands (2023-06-14)
EU imports of Russian liquified gas leap by 40% since Ukraine invasion (2023-08-30)
Malgré les sanctions, le pétrole russe traverse l’Europe (2023-09-06)
Revealed: Europe’s role in the making of Russia killer drones (2023-09-27)
La Russie a presque entièrement redirigé ses exportations de pétrole vers l’Asie (2023-12-27)
Guerre en Ukraine : le fiasco du départ des entreprises françaises de Russie (2024-02-22)
Gaz russe : la grande hypocrisie française ? (2024-08-11)
European imports of liquefied natural gas from Russia at ‘record levels’ (2025-01-09)
Shipowners have made £4.8bn selling tankers to Russian ‘shadow fleet’ (2025-02-04)

Contrepartie : Is the Ukraine war boosting or damaging the Russian economy? (2023-04-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Mer Noire : vers une Troisième Guerre mondiale ?

Publié le 22 mai 2022 | Temps de lecture : 9 minutes


 
Introduction

Les guerres entre deux belligérants sont toujours des occasions d’affaires pour des pays tiers.

Afin de ne pas être considérés comme des cobelligérants, les pays fournisseurs évitent de faire en sorte que leurs soldats à eux soient directement impliqués dans les opérations.

L’exemple afghan

De 1979 à 1989, la première phase de la guerre en Afghanistan opposa les Moudjahidines — en gros, les ‘ancêtres’ des Talibans — soutenus par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Pakistan et l’Arabie saoudite, au régime communiste afghan soutenu par l’URSS.

Pour les Américains, il s’agissait d’attirer l’URSS dans un piège similaire à celui dans lequel les États-Unis étaient tombés au Vietnam; faire de cette guerre un gouffre financier qui affaiblit l’envahisseur.

Débutée sous le président Jimmy Carter et renforcée sous Reagan, cette stratégie fonctionna tellement bien qu’elle entraina en 1991 l’effondrement de l’URSS. Le facteur déclenchant fut la révolte du Mouvement Solidarité en Pologne. Mais la cause profonde fut l’implication militaire ruineuse de la Russie en Afghanistan.

Tout cela est admis publiquement aujourd’hui. Mais à l’époque, l’appui de la CIA à la guérilla afghane était ultrasecrète. Par exemple, les armes fournies par les États-Unis étaient principalement de modèle soviétique (achetées de Chine, d’Égypte et de pays de l’Est) afin de ne pas prouver l’implication des États-Unis.

Pour les Américains, le cout annuel de l’opération passa d’environ 25 millions de dollars en 1980 à 630 millions en 1987, pour un cout total compris entre trois et vingt-milliards de dollars.

La guerre russo-ukrainienne

Après avoir décrété un blocus financier contre la Russie, les États-Unis ont officiellement offert une aide militaire de quarante-milliards de dollars à l’Ukraine.

L’armement américain n’est pas acheminé directement, mais passe par des pays de l’Otan limitrophes de l’Ukraine.

De plus, même si c’est un secret de Polichinelle, les États-Unis nient fournir à l’Ukraine des données de géolocalisation destinées à suivre à la trace des troupes russes au sol. Ce qui permet aux Ukrainiens de monter des opérations militaires d’une redoutable précision.

Toutefois, jusqu’ici, l’Otan a soigneusement évité que des militaires de l’alliance atlantique participent sur le terrain à des opérations aux côtés des forces ukrainiennes.

De manière à éviter un casus belli, c’est-à-dire à un incident justifiant une déclaration de guerre. Comme ce fut le cas en 1914 lors de l’attentat de l’héritier de l’Empire austro-hongrois à Sarajevo.

Ce fait divers entraina l’entrée en guerre de presque tous les pays européens. Et ce, en raison de tout un réseau d’alliances militaires qui, tel un jeu de dominos, les fit entrer en guerre les uns contre les autres.

La prudence de l’Otan jusqu’ici tire à sa fin puisque l’alliance atlantique a décidé de déployer des navires de guerre en mer Noire. Ce qui augmente considérablement le risque de déclenchement d’une Troisième Guerre mondiale.

La mer Noire et l’ordre mondial

On estime que 12 % de toutes les calories alimentaires sur Terre — blé, orge, betterave sucrière, pommes de terre, soja, maïs, huile de tournesol, etc.— sont produites à partir des sols fertiles d’Ukraine et de Russie.

L’agriculture russe n’est pas affectée par la guerre. Il en est autrement en Ukraine, un pays qui importe ses engrais chimiques de Russie.

Non seulement la mobilisation générale en Ukraine diminue d’autant la main-d’œuvre agricole et compromet les récoltes à venir, mais le blocus maritime de la Russie en mer Noire empêche l’Ukraine d’écouler ses réserves de grains récolés antérieurement.

C’est par les ports d’Odessa (en mer Noire) et de Marioupol (en mer d’Azov) que l’Ukraine exportait une bonne partie de ses produits agricoles et de sa production industrielle.

Leur importance s’est accrue depuis la perte de la Crimée, où se trouvait environ le tiers des terminaux de conteneurs du pays.

L’Ukraine exportait cinq-millions de tonnes de céréales par mois avant la guerre. Elle n’en exportait plus que 200 000 tonnes en mars 2022, puis 1,1 million de tonnes le mois dernier. C’est par bateau que l’Ukraine exporte 90 % de ses céréales.

Ce pays ne peut pas les exporter autrement parce que les chemins de fer en Ukraine — tout comme ceux en Finlande, ancien duché russe — ont un écartement différent du standard occidental. Ce qui signifie qu’aux frontières vers l’Europe, on doit transborder le grain dans des trains différents.

D’autre part, lorsque les navires de guerre russes confisquent le blé que l’Ukraine tente d’exporter d’Odessa, et lorsque l’armée russe vide les silos de céréales des villes ukrainiennes conquises, ce n’est pas parce que la Russie craint de ne pouvoir nourrir sa propre population; c’est pour servir de monnaie d’échange avec les pays sous-développés qui, privés des produits alimentaires ukrainiens, pourraient connaitre des famines, des révoltes et probablement des renversements de gouvernement.

En somme, le blocus maritime de la Russie en mer Noire compromet l’ordre mondial.

C’est ce qui explique que la croisade américaine contre la Russie a suscité l’adhésion des pays riches d’Occident, mais a été accueillie très froidement ailleurs.

Transformer la mer Noire en poudrière

Le désir de l’Otan de faire lever ce blocus et de protéger l’ordre mondial est donc parfaitement légitime.

On peut y arriver par deux moyens.

Le moyen le plus sage aurait été d’utiliser des moyens diplomatiques pour faire cesser cette guerre.

Ce qui signifie enlever à la Russie sa motivation principale à la déclencher, soit la crainte que l’Ukraine se dote de missiles nucléaires dirigés contre Moscou.

Le texte ‘L’engrenage ukrainien’ explique les mécanismes qui ont conduit à la guerre russo-ukrainienne.

En résumé, de la même manière que la décision cubaine de se doter de missiles hostiles envers les États-Unis a déclenché la guerre des missiles de 1962, l’adoption en septembre 2020 de la stratégie ukrainienne de sécurité nationale qui prévoyait le développement d’un partenariat en vue de l’adhésion de ce pays à l’Otan est la cause directe de la guerre avec la Russie.

Signalons que la guerre russo-géorgienne a cessé quand la Géorgie a renoncé à son intention d’adhérer à l’Otan.

Apparemment, les États-Unis ont choisi une stratégie beaucoup plus risquée; s’attaquer au blocus maritime russe.

Depuis des années, l’Otan se livre à des exercices militaires dans les eaux territoriales des trois pays membres qui bordent la mer Noire : la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie.

Ces jours-ci, des navires de l’Otan se trouvent stationnés à la base roumaine de Constanța — à 150 km des frontières ukrainiennes — où des soldats alliés se préparent à un conflit direct avec la Russie.

Afin de casser le blocus maritime russe, les États-Unis veulent fournir aux Ukrainiens certains des plus puissants missiles antinavires.

Or ceux-ci ne peuvent être tirés du rivage. En d’autres mots, ils doivent être lancés à partir de navires ukrainiens.

De plus, il ne s’agit pas d’un équipement qu’on peut expédier accompagné d’un manuel d’instruction; des techniciens américains devront installer eux-mêmes ces missiles à bord des navires ukrainiens.

En supposant que les États-Unis prennent soin de faire en sorte que l’installation se fasse en Roumanie, le chemin que devront emprunter les navires ukrainiens pour s’y rendre sera surveillé par les sous-marins russes.

Puisque la Roumanie et l’Ukraine sont des pays limitrophes, si une erreur de géolocalisation amène un sous-marin russe à torpiller un de ces navires dans les eaux territoriales de la Roumanie, nous sommes alors en présence d’un casus belli, susceptible donc de déclencher une guerre mondiale.

Pour parler simplement, quand un couple est en train de se quereller, ce n’est pas le temps d’aller jouer aux cartes à côté d’eux; on risque de recevoir une taloche par mégarde.

Conclusion

Ceux qui croient que nous sommes déjà entrés dans une nouvelle guerre mondiale ne savent pas de quoi ils parlent.

Une Troisième guerre mondiale, c’est une guerre russo-ukrainienne sur les stéroïdes. La Deuxième Guerre mondiale s’est soldée par la mort 70 millions de personnes. En Ukraine, nous en sommes très loin.

Depuis 1945, plusieurs pays se sont dotés de l’arme nucléaire.

On peut estimer qu’une Troisième Guerre mondiale pourrait amener l’espèce humaine au bord de l’extinction, non seulement en raison des pertes occasionnées par l’explosion de milliers d’ogives nucléaires, mais également à cause de l’augmentation des cas de cancer là où la radioactivité rendrait certains territoires impropres à la vie humaine.

Bref, que vaut la Démocratie si les gens qu’on élit laissent aux va-t-en-guerre de l’Otan toute la liberté de nous entrainer en guerre sans que nous ayons un seul mot à dire ?

Références :
Aide de Washington à l’Ukraine : l’industrie militaire américaine craint la surchauffe
Attentat de Sarajevo
Exclusive: U.S. aims to arm Ukraine with advanced anti-ship missiles to fight Russian blockade
Face à la Russie, la mer Noire reste le “maillon faible” de l’Otan
Guerre en Ukraine : quand les États-Unis dégainent l’arme du renseignement militaire
L’OTAN se tient prêt à une attaque de la Russie avec des exercices dans la Mer Noire
Ports de la mer Noire bloqués : Washington accuse Moscou d’utiliser la faim comme une arme
Programme afghan
Qu’est-ce que le système financier SWIFT?
Un deuxième navire canadien déployé dans le cadre d’une mission d’appui à l’OTAN

Parus depuis :
Russian fighter jet ‘released missile’ near RAF plane due to malfunction, MPs hear (2022-10-20)
Attaque de navires en Crimée : Moscou blâme Londres et évoque l’implication d’Ottawa (2022-10-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La saisie fictive des avoirs d’oligarques russes au Canada

Publié le 10 mai 2022 | Temps de lecture : 5 minutes
Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

Introduction

Par le biais de son ministère de l’Économie, la France a gelé pour 32 milliards$ d’avoirs russes dans l’Hexagone. La Belgique, pour 13,6 milliards$ sur son territoire. La Suisse, 8 milliards$. L’Italie, 1,4 milliard$. Le Canada, lui, ne le sait pas.

Non seulement on ne connait pas la valeur précise de ce qui aurait été gelé, mais la ministre des Affaires étrangères du Canada est incapable d’en donner une estimation grossière, une liste, ni même un seul exemple.

Le gouvernement fédéral possède sa propre police; c’est la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Interrogé par Radio-Canada, le porte-parole de la GRC a déclaré :

[il incombe à] tous les Canadiens de geler les avoirs et de suspendre des transactions en lien avec les personnes désignées par les sanctions économiques.

Autrement dit, la GRC s’en lave les mains. Alors les sanctions, cela concerne qui, au juste ?

Gel, saisie et expropriation

Lorsque des avoirs sont gelés, leur détenteur en perd temporairement l’accès. Mais il en demeure le propriétaire.

Par le biais de pouvoirs conférés par une loi à un ministre — celui de la Justice ou celui de l’Économie, par exemple — l’État peut saisir des biens sans avoir à obtenir l’autorisation préalable d’un tribunal.

Toutefois, la saisie par l’État n’est que la première étape d’une expropriation. Après la saisie, l’État doit obligatoirement s’adresser aux tribunaux pour que les biens saisis deviennent des propriétés de l’État et que ce dernier puisse en disposer à sa guise.

Si ce bien nécessite des soins particuliers — comme c’est le cas d’un yacht de luxe — son entretien devient à la charge de l’État au cours de la période de saisie qui précède l’expropriation.

De plus, s’il s’avère que le ministre a abusé de ses pouvoirs, non seulement le bien sera restitué à son propriétaire, mais ce dernier pourra s’adresser aux tribunaux pour que l’État paie les dommages causés à sa propriété, le cas échéant.

Les assisses légales des sanctions canadiennes

Normalement, les tribunaux canadiens ne sanctionnent que des infractions qui répondent aux deux critères suivants. Premièrement, il doit s’agir d’infractions à des dispositions législatives en vigueur au pays. Et deuxièmement, l’infraction doit avoir été commise en sol canadien.

Toutefois, en 1992, le gouvernement canadien a adopté une loi d’exception appelée Loi sur les mesures économiques spéciales.

Celle-ci donne au fédéral le pouvoir de décréter la saisie en sol canadien de tout bien détenu par un État étranger ou une personne qui ne réside pas habituellement au Canada.

Ces jours-ci, le parlement canadien étudie deux projets de loi qui visent à étendre la portée de cette loi en y ajoutant un droit fédéral de confiscation et de liquidation (c’est-à-dire de revente).

L’adoption de ces amendements devrait se faire assez facilement.

Reste à savoir si tout cela résistera à l’épreuve des tribunaux.

Plus tôt, nous avons vu qu’en vertu du droit, on ne peut confisquer des biens qu’à la suite d’une condamnation. Or la Loi sur les mesures économiques spéciales considère qu’un blâme adopté par l’Onu fait office de condamnation.

Puisqu’à l’Onu tout s’achète, est-ce que les tribunaux canadiens estimeront qu’une résolution non contraignante adoptée par l’Assemblée générale fait office de loi au Canada alors qu’en réalité, seules les résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu font partie du droit international ?

C’est très douteux.

Conclusion

La ministre des Affaires étrangères, Mme Mélanie Joly, est incapable de dire la valeur des biens saisis par le Canada parce que rien n’a été saisi.

En tant que vassal des États-Unis, le Canada a raison de se faire l’écho de la surenchère verbale de Washington contre la Russie.

Mais derrière des portes closes, si les conseillers juridiques du gouvernement canadien sont d’avis qu’il existe de fortes probabilités que toutes les mesures entreprises contre des oligarques russes tombent à l’eau, la ministre a raison de bluffer et de se trainer les pieds.

Références :
Combien de biens russes saisis au Canada? Ottawa est avare de commentaires
La liste des biens immobiliers des oligarques russes gelés en France
L’Assemblée générale de l’ONU condamne l’invasion de l’Ukraine
L’engrenage ukrainien
Loi sur les mesures économiques spéciales
L’Ukraine doit s’inspirer du Canada
Ottawa veut liquider des biens russes pour aider l’Ukraine
Projet de loi sénatorial S-217

Parus depuis :
Ottawa n’a encore liquidé aucun actif russe (2022-10-06)
Confisquer les avoirs d’un oligarque russe n’est pas sans risque, selon un expert (2022-12-22)
Vol PS752 : un tribunal ontarien empêche la saisie d’actifs iraniens (2023-01-10)
‘Le Canada fait-il le minimum pour l’Ukraine ? (2024-02-03)
L’oligarque russe Mikhaïl Fridman réclame 14,5 milliards d’euros au Luxembourg (2023-08-21)
« Contraints à l’étranger, les oligarques russes rapatrient leur argent et l’investissent dans l’immobilier de luxe à Moscou » (2025-02-04)


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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’enlisement actuel de l’armée russe en Ukraine

Publié le 2 mai 2022 | Temps de lecture : 1 minute
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Il est un peu tôt pour conclure que la Russie a échoué en Ukraine. Mais il est clair que son invasion, jusqu’ici, est un demi-succès.

À ajouter aux causes de cet enlisement : la probabilité que les services de renseignements américains réussissent le déchiffrement en direct des communications secrètes de l’armée russe et transmettent la géolocalisation des officiers aux forces ukrainiennes (qui s’empressent de les abattre).

Référence :
Guerre en Ukraine : quand les États-Unis dégainent l’arme du renseignement militaire

Paru depuis :
Guerre en Ukraine : les renseignements des É.-U. ont permis de tuer des généraux russes (2022-05-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Ukraine doit s’inspirer du Canada

Publié le 22 avril 2022 | Temps de lecture : 3 minutes

Depuis la nuit des temps, le sort de tout pays faible qui voisine un pays puissant, c’est d’être son vassal.

C’est le rôle qu’assume pleinement le Canada.

Quand le président américain dit que Vladimir Poutine est un tyran, Justin Trudeau répète que Vladimir Poutine est un tyran.

Quand Joe Biden déclare que la Russie commet des crimes de guerre, Trudeau accuse la Russie de commettre des crimes de guerre.

Quand Biden accuse la Russie de génocide, notre ministre des Affaires étrangères dit la même chose.

Rappelez-vous quand le président de la République française, Jacques Chirac, avait refusé de croire les accusations américaines selon lesquelles l’Irak possédait des armes de destruction massive.

Souvenez-vous du tollé que cela avait provoqué. Les Américains avaient boycotté les vins français. Au Capitole américain, on avait renommé les frites (qui se disent French fries en anglais) à Freedom fries. Etc.

Notre pays est trop dépendant du marché américain pour se permettre d’indisposer notre puissant voisin.

Il est donc du devoir de Justin Trudeau et de ses ministres d’être les perroquets de Washington.

Justin Trudeau n’est pas obligé de penser ce qu’il dit; s’il n’est pas d’accord, il doit simplement faire semblant. On ne lui en demande pas plus.

Or il le fait admirablement bien.

Au petit déjeuner, quand l’ambassadeur américain lit les manchettes des journaux canadiens, il est heureux. Et quand il est heureux, l’administration américaine est heureuse. Et quand celle-ci est heureuse, nos entreprises sont rassurées.

Tout comme le Canada, l’Ukraine doit réaliser que sa vassalisation à son puissant voisin est dans son intérêt.

Malheureusement, depuis 2004, les organisations non gouvernementales américaines (financées par Washington) ont dépensé cinq-milliards de dollars pour convaincre le peuple ukrainien qu’il était dans son intérêt de devenir, au contraire, un ennemi militaire de la Russie.

De la même manière que la crise des missiles à Cuba en 1962 a été provoquée par l’intention de La Havane d’acheter des missiles russes menaçant les États-Unis, la décision de l’Ukraine de rejoindre l’Otan est à l’origine de la guerre russo-ukrainienne.

Plus vite l’Ukraine renoncera à cette idée, plus vite cesseront les destructions dans ce pays.

Si Paris n’a pas été détruite en 1940, c’est parce que la France a capitulé cette année-là. Sinon, on admirerait aujourd’hui la copie de la tour Eiffel ou de l’Arc de Triomphe, l’une et l’autre reconstruits à l’identique.

De nos jours, en Occident, la guerre russo-ukrainienne est un sujet d’indignation. Mais c’est aussi un divertissement télévisuel d’autant plus captivant qu’il est vrai.

Le courage des Ukrainiens est salué comme on admirait celui des Chrétiens dévorés par les lions dans les arènes romaines.

Le meilleur service qu’on peut rendre au peuple ukrainien, c’est de lui envoyer du matériel médical (des pansements et des médicaments) et non des armes qui ne feront que prolonger ses souffrances.

Paru depuis : Guerre en Ukraine : des centaines de millions de dollars d’équipement militaire pour Kiev (2022-04-23)

Complément de lecture : L’engrenage ukrainien

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