Le feu à la place d’Youville : pour la scission de l’arrondissement Ville-Marie

Le 21 mars 2023

Avant-propos

Airbnb est une plateforme de location de courte durée née en 2008.

Deux copains californiens eurent l’idée d’offrir à prix modique le petit déjeuner à des visiteurs qui accepteraient de dormir sur un matelas pneumatique dans des pièces de leur appartement transformées en dortoir.

Textuellement, Airbnb ou Air Bed and Breakfast veut dire ‘Lit pneumatique et petit déjeuner’.

L’incendie du 226 place d’Youville

Aspect de l’édifice William-Watson-Ogilvie avant l’incendie

Le Jeudi 16 mars dernier, dans le Vieux-Port de Montréal, un incendie a ravagé vers 5h45 l’édifice William-Watson-Ogilvie, construit en 1890.

Situé au 226 place d’Youville, à l’intersection de la rue du Port, l’édifice est adossé au sud et à l’est à d’autres bâtiments.

Si bien qu’on en sortait par l’entrée principale (au coin de la rue) ou en empruntant l’escalier métallique rétractable accroché au mur extérieur donnant sur la rue du Port.

L’édifice de trois étages abritait quatorze logements, en plus des bureaux d’une firme d’architectes au rez-de-chaussée. Une partie de ces logements étaient consacrés à de la location de courte durée sur Airbnb.

En raison de l’animation et du bruit susceptible de nuire à la quiétude nocturne des touristes, la location sur Airbnb est interdite dans le Vieux-Port par la ville de Montréal.

Le sinistre a fait un mort, six disparus, et neuf blessés, dont deux qui ont été hospitalisés à une unité de soin pour grands brulés.

L’édifice appartient à un avocat montréalais dont le permis d’exercice est l’objet de limites imposées par le Barreau du Québec (l’Ordre professionnel des avocats). Et ce, probablement à la suite d’une condamnation pour fraude en janvier 2021.

Selon celui-ci, il n’exerce plus sa profession, se consacrant plutôt à son important parc immobilier. Fait à noter : ce n’est pas cet avocat qui louait une partie des logements sur Airbnb; c’était un de ses locataires.

Ce dernier sous-louait plusieurs unités locatives dans l’édifice. Puisqu’il est rare qu’un locataire ait besoin de plusieurs logements, on peut présumer que le propriétaire savait qu’ils étaient sous-loués (en ignorant peut-être que c’était sur Airbnb).

Depuis le sinistre, la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec se blâment mutuellement à ce sujet.

Ce qui complique la discussion, c’est que l’on confond deux choses qui n’ont pas de rapport, mais qui se chevauchent dans ce cas particulier; la location illégale et la sécurité des bâtiments.

La location illégale découle du laxisme à la fois du gouvernement et de la ville, alors que la sécurité des bâtiments est une responsabilité exclusive de la ville.

La location illégale sur Airbnb

La loi québécoise exige qu’on obtienne un certificat délivré par le ministère du Revenu pour chaque unité locative (chambre, appartement ou maison) offerte à la location de courte durée.

Sur les 13 913 unités offertes sur Airbnb au Québec, 92,5 % le sont illégalement. À Toronto et Vancouver, ce pourcentage est respectivement de 55,8 % et de 23,5 %.

Sur Airbnb, les personnes intéressées à louer un logement connaissent d’avance sa situation géographique approximative, son prix de location et peuvent voir des photos de l’intérieur de l’unité locative, des aires communes et de la vue sur la ville.

Mais ils ne connaitront le pseudonyme du ‘locateur’ et l’adresse exacte du logement qu’après avoir acquitté le prix de location.

Ce qui complique la tâche des inspecteurs du ministère du Revenu; ils doivent louer un logement pour découvrir son adresse exacte et enfin pouvoir vérifier si un certificat a été délivré à son sujet.

En Ontario et en Colombie-Britannique, il est interdit à Airbnb de permettre qu’un logement soit offert en vente si l’annonce à son sujet ne précise pas son numéro de certificat.

En cas de non-conformité, c’est Airbnb qui est coupable.

Le gouvernement du Québec se propose d’adopter des exigences similaires.

Idéalement, dans le cas des villes qui ont adopté une règlementation à ce sujet, celles-ci devraient émettre les certificats et percevoir les frais d’enregistrement puisqu’elles sont mieux en mesure de distinguer là où la location est permise et là où elle est interdite.

Mais dans ce cas-ci, ce n’est pas la location qui a causé ces décès; la cause réside dans les graves lacunes à la sécurité de l’édifice.

Sans Airbnb, d’autres personnes auraient été locataires : en cas d’incendie, ce serait elles qui auraient été brûlées vives.

La sécurité du bâtiment

On sait qu’une adolescente et son conjoint ont péri dans le sinistre parce que la chambre qu’ils ont louée ne comportait pas de fenêtre vers l’extérieur et que, au moment de leurs deux appels désespérés au 9-1-1, le brasier était rendu à la porte de leur chambre.

D’une survivante de l’incendie, on sait également qu’aucun avertisseur de fumée n’a résonné cette nuit-là pour prévenir les personnes endormies du danger. C’est le bruit du crépitement des flammes et la fumée qui ont incité son conjoint à briser la vitre par laquelle ils sont sortis de leur appartement loué au sous-sol.

De plus, on sait du collègue avocat qui représente le propriétaire, qu’au cours de la dernière inspection municipale du bâtiment, la ville n’a pas demandé l’installation de gicleurs.

Installer des gicleurs coute cher. Voilà pourquoi la ville ne les exige pas systématiquement. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un édifice patrimonial adossé à d’autres édifices tout aussi importants, il est étonnant que la ville ne les juge pas nécessaires.

De plus dans l’arrondissement que j’habite, les pompiers visitent systématiquement les unités d’habitation pour vérifier la présence de détecteurs de fumée.

Il y a quelques mois, lors de leur plus récente visite, ils ont vérifié le mien et m’en ont offert gratuitement un neuf, malgré le fait que celui que j’avais (également donné par eux trois ans plus tôt) était censé être bon pour sept autres années.

De toute évidence, un tel service n’est pas offert dans l’arrondissement Ville-Marie.

Trop de responsabilités pour une seule personne

Il faut savoir qu’à Montréal, la mairesse de la ville est également mairesse de l’arrondissement Ville-Marie. Or son territoire comprend le centre-ville et le Vieux-Montréal. C’est trop pour une personne.

Valérie Plante est dotée d’une intelligence remarquable. De plus, elle est parfaitement au courant de ses dossiers. Contrairement à son prédécesseur brouillon.

Mais gérer à la fois la métropole du Canada et l’immense arrondissement Ville-Marie est trop pour elle. Comme il le serait pour n’importe qui.

Si bien qu’indépendamment de l’opinion qu’on pourrait avoir d’elle en tant que mairesse, il est clair que son bilan en tant que mairesse d’arrondissement est exécrable. À la fois au sujet de la sécurité des piétons que celle des locataires de l’arrondissement Ville-Marie.

En réalité, le Centre-Ville devait disposer de son propre maire d’arrondissement. Tout comme le Vieux-Montréal.

Dans le cas de cet incendie, Mme Plante a clairement manqué à son devoir. Tout comme c’est le cas au sujet de la petite Mariia Legenkovska, tuée récemment par un chauffard en se rendant à l’école.

Références :
Au moins une personne manque à l’appel après un grave incendie dans le Vieux-Montréal
Et Québec dit : emmenez-en des Airbnb !
Incendie dans le Vieux-Montréal : « Je visite mes immeubles tous les jours », jure le propriétaire
Incendie dans le Vieux-Montréal : sept personnes portées disparues
Incendie dans le Vieux-Montréal : un locataire dénonce le manque d’issues de secours
«Tout autour éclatait et tombait»: un résident sauvé in extremis raconte l’incendie du Vieux-Montréal
Un dix-huitième piéton mort à Montréal en 2022

Parus depuis :
Des murs coupe-feu retirés pour gagner plus sur Airbnb (2023-03-22)
Des chambres sans fenêtre approuvées par la Ville (2023-03-24)
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Recul du nombre d’inspections de bâtiments par les pompiers dans Ville-Marie (2023-07-10)

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Un commentaire à Le feu à la place d’Youville : pour la scission de l’arrondissement Ville-Marie

  1. André Joyal dit :

    Merci de m’informer sur l’origine de l’appellation airbnb, ça m’intriguait depuis toujours.

    « Mais gérer à la fois la métropole du Canada et l’immense arrondissement Ville-Marie est trop pour elle. Comme il le serait pour n’importe qui.»

    Vraiment? Que penser de villes comme New York, Chicago, Sao Paulo, Tokyo ou encore Hidalgo, maire de Paris?

    Est-ce à dire que vous verriez mieux V. Plante mairesse de St-Jérôme ou de Granby? Moi je le crois entéka.

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