Introduction
En temps de pandémie, on doit s’attendre à ce que certains travailleurs de la Santé puissent finir par l’attraper.
Ils peuvent être contaminés par leurs enfants puisque l’école est le principal lieu de contagion au Québec. Ils peuvent l’attraper dans le transport en commun (où il est difficile de respecter la distance sanitaire). Ou bien dans des commerces. Ou tout simplement d’un conjoint.
Mais s’il y a un lieu où personne ne devrait attraper le Covid-19, c’est bien dans un établissement de Santé. Lorsqu’un établissement de Santé contamine ses travailleurs, cela est toujours le résultat d’une négligence.
Anecdote
En avril 2020, le texte Covid-19 : la nécessité du port du masque a été écrit après avoir appris que dans un établissement de Santé où œuvrait un membre de ma famille, on interdisait le port du masque aux travailleurs. Et ce, sous la menace de sanctions administratives.
Cette parente m’avouait qu’un ami lui avait fabriqué une visière artisanale qu’elle avait l’intention de porter la fin de semaine suivante, à l’insu de son patron alors en congé.
La contamination au cours de la première vague
À l’époque, pour compenser la pénurie de masques N95 et de masques chirurgicaux — réservés aux médecins et aux professionnels qui travaillaient en zone rouge — on aurait pu permettre aux autres travailleurs de porter un masque artisanal.
Mais on le leur défendait. Sous le prétexte qu’on devait laisser se développer l’immunité ‘naturelle’ — ce qui veut dire qu’il faut que les gens l’attrapent — on forçait ces personnes à travailler sans protection.
Les autorités sanitaires croyaient naïvement que plus tôt les travailleurs de la Santé attraperaient le Covid-19, plus tôt ils en seraient immunisés et plus tôt on pourrait passer à autre chose.
La peur au ventre, ceux-ci étaient forcés de travailler dans des conditions telles que des milliers d’entre eux ont changé de vocation.
Ces démissions ont considérablement aggravé une pénurie de personnel déjà existante.
Ceux qui sont demeurés à sauver la vie des autres au péril de la leur ont représenté le quart de tous les cas de Covid-19 au Québec lors de la première vague de la pandémie.
La contamination ces jours-ci
Radio-Canada nous apprend aujourd’hui qu’au moins 360 éclosions sont actives dans les hôpitaux du Québec. Ce qui est pire que l’an dernier puisqu’on en comptait moins que cela d’aout 2020 à février 2021 (une période beaucoup plus longue).
Au cours de la vague ‘omicronne’, 1 982 employés d’hôpitaux ont attrapé le Covid-19 au travail.
Cela ne comprend pas ceux infectés dans des hospices. Et cela ne comprend pas non plus ceux qui travaillent en hôpital mais qui ont été infectés ailleurs (soit environ dix-mille travailleurs de plus).
La contamination des travailleurs entre eux, de même qu’entre des patients admis et ceux qui les soignent, est le signe que les mesures sanitaires qui prévalent en établissement de Santé sont insuffisantes.
L’État québécois tarde à se soumettre au jugement du Tribunal administratif du travail qui, il y a dix mois, lui ordonnait de fournir des masques N95 à ses travailleurs de la Santé. On le fait dans certains hôpitaux, pas dans d’autres.
Prétendre qu’il ‘faut laisser se développer l’immunité naturelle’ ou qu’il faut ‘apprendre à vivre avec le virus’ veut dire la même chose. Cela trahit le peu de détermination de ceux qu’on paie une fortune pour nous protéger.
Quand la capitulation au virus fait office de doctrine sanitaire, cela est inquiétant…
Une série de négligences
La première étape de la stratégie est le renseignement. Or dans une lutte sanitaire, le renseignement, c’est le dépistage.
Ne tester que les travailleurs symptomatiques est une négligence qui laisse les asymptomatiques contaminer leurs collègues.
Ne pas tester l’ensemble des travailleurs quotidiennement est une négligence quand toute personne nouvellement infectée devient elle-même contagieuse deux jours plus tard.
Même si on testait deux fois par semaine (ce qu’on ne fait pas), ce serait insuffisant; ce serait comme essayer d’attraper des moustiques avec une raquette de tennis.
Ordonner aux travailleurs positifs de retourner travailler avant la fin d’une période d’isolement suffisante (huit jours) est une négligence.
Conclusion
Un grand nombre de Québécois sont en attente de procédures médicales qui sont reportées de mois en mois depuis trop longtemps.
Alors on stigmatise — d’autres diraient qu’on emmerde — les non-vaccinés, accusés d’être responsables de la pénurie de lits disponibles.
Mais pourquoi y a-t-il autant de non-vaccinés dans nos hôpitaux ? La réponse simple est : précisément parce qu’ils ne sont pas vaccinés. Ce qui est partiellement vrai.
Oublions le fait qu’on aurait plus de lits sans ces politiques néolibérales qui ont réduit notre capacité hospitalière au cours des quarante dernières années.
On aurait moins de non-vaccinés à l’hôpital — et on aurait plus de lits disponibles — si on n’avait pas commis la négligence de laisser l’école devenir la plaque tournante de la contagion communautaire. Selon Radio-Canada, cinq fois plus d’écoliers sont infectés ces jours-ci qu’à la rentrée de janvier 2021.
Non seulement l’insuffisance des mesures de mitigation à l’école a entraîné dix fois plus d’admissions de courte durée dans nos hôpitaux pédiatriques, mais la contamination importante des mineurs se répercute sur les membres de leur famille, particulièrement lorsqu’ils ne sont pas vaccinés.
Voilà le fond du problème.
Et cela se répercute également sur la famille des travailleurs de la Santé dont certains ne sont toujours pas vaccinés.
On aurait plus de personnel pour s’occuper des gens hospitalisés si on n’avait pas commis la négligence de protéger insuffisamment ceux qui y œuvrent.
Bref, la situation dans laquelle nous nous trouvons tire son origine des décisions regrettables prises par la Santé publique du Québec. Un organisme qui, depuis la démission de son directeur incompétent, est comme une poule décapitée qui coure dans toutes les directions.
Références :
Au Québec, la grippe saisonnière est plus à craindre que le coronavirus
Cinq fois plus d’élèves infectés au Québec par rapport à la rentrée de janvier 2021
Cinquième vague : 2000 travailleurs de la santé infectés à l’hôpital au Québec
Covid-19 : la nécessité du port du masque
Covid-19 : le dépistage parmi les travailleurs de la santé
Covid-19 : l’utilisation ‘judicieuse’ des masques
Hypothèse : a-t-on donné naissance à un variant québécois ?
Legault mise sur l’«immunité naturelle» des Québécois
Les autorités sanitaires du Québec et la justice
Omicron : bond des hospitalisations d’enfants, mais peu de cas lourds
Travailler malade du Covid-19 en établissement de Santé
Parus depuis :
Plus de 2 millions de Québécois auraient eu la COVID-19 depuis décembre (2022-02-09)
Plus d’un adulte sur quatre infecté par la COVID-19 au cours de l’hiver (2022-05-09)
Le cercle vicieux des vagues de COVID-19 à répétition (2022-07-18)
COVID longue Des milliers de travailleurs de la santé atteints (2023-09-21)
Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci
J’ai lu : Cinquième vague : 2000 travailleurs de la santé infectés à l’hôpital au Québec.
Est-ce-vrai : si l’infection se fait dans la communauté… le personnel soignant n’a pas de salaire ? Même si on interdisait, en avril 2020, le port du masque…
Quant à la poule décapitée… elle court de la même façon, dans toutes les directions du monde…, quand on sait que la France n’avait plus une usine de masques… et le peu qu’on avait de services, en zone rurale, ferme…
Lorsqu’un travailleur de la Santé attrape une maladie vénérienne, l’État paie ses antibiotiques, peu importe l’endroit de sa contamination.
Quand la quarantaine est un remède prescrit, c’est la même chose.
Que l’infection ait eu lieu au travail (où l’État protège insuffisamment ses employés) ou à l’extérieur (où l’État favorise la contagion par le biais du réseau scolaire), l’État en est responsable dans les deux cas.
L’idée que l’État doit payer le salaire du travailleur de la Santé en quarantaine s’il a attrapé le Covid-19 au travail, mais pas quand il l’a attrapé ailleurs est typique d’un gouvernement de droite, soucieux de son image de bon gestionnaire des deniers publics.
Les seules fois où on peut avoir la certitude absolue qu’un travailleur de la Santé n’a pas été contaminé au travail, c’est quand il y est le seul infecté. Ce qui, ces jours-ci, n’arrive à peu près jamais.
Quand un test de laboratoire révèle la positivité d’un employé, l’enquête épidémiologique révèlera presque toujours à la fois la contamination du lieu de travail et des membres de sa famille. Qui peut dire où la contamination est survenue en premier ?
Si le refus de payer le salaire de l’employé découle d’une décision patronale arbitraire, sa contestation devant des tribunaux administratifs — où le juge et l’avocat du gouvernement gagnent plus de 250$ de l’heure — finira par couter plus cher que l’économie qu’on voulait réaliser.
Et si le refus découle d’une enquête épidémiologique, la rémunération des épidémiologistes chargés de l’enquête dépassera largement le salaire qu’on voulait épargner.
Dans un cas comme dans l’autre, cela est typique des économies de bouts de chandelles de la CAQ.