Covid-19 : le dépistage parmi les travailleurs de la santé

Publié le 6 janvier 2022 | Temps de lecture : 7 minutes

À quelle fréquence doit-on les tester ?

Si la capacité maximale de dépistage des laboratoires de Santé publique était exclusivement consacrée au personnel du réseau québécois de la Santé, cela prendrait six jours. En effet, le réseau compte un peu moins de 300 000 employés alors que la capacité maximale de dépistage des laboratoires est de 50 000 tests par jour.

En mettant en télétravail tous les employés qui peuvent l’être et en permettant aux employés qui ne sont pas de contact direct avec les patients de contaminer leur lieu de travail à leur guise, on pourrait, parait-il, tester tous les autres deux ou trois fois par semaine.

On le fait déjà pour les travailleurs de la Santé qui refusent d’être vaccinés.

À l’époque du Covid-19 et de ses variants ‘lents’, tester le personnel de la Santé deux fois par semaine était une idée excellente, réclamée en vain.

Entre le moment où on attrapait le Covid-19 ‘classique’ — en inspirant les gouttelettes respiratoires d’une personne contagieuse — et le moment où apparaissaient les premiers symptômes, il s’écoulait en moyenne 5,2 jours.

Tester deux fois par semaine permettait de dépister les personnes nouvellement contagieuses (même celles encore asymptomatiques).

Mais avec les variants ‘rapides’ du Covid-19, cela ne suffit pas.

Tant avec le variant Delta que l’Omicron, cet écart est réduit à deux jours. Tester deux fois par semaine, c’est comme essayer d’attraper des moustiques avec une raquette de tennis.

En réalité, avec l’Omicron, il faut tester quotidiennement à l’aide de tests rapides. Les tests PCR (en laboratoire) prennent trop de temps pour être utiles à empêcher la propagation de l’Omicron. Tout au plus, peuvent-ils servir à confirmer, si nécessaire, la validité du résultat d’un test rapide.

Évidemment, on nous répondra que tester quotidiennement est impossible dans le contexte actuel. Ce qui est vrai; le ‘contexte actuel’ est celui d’une Santé publique qui n’a pas su, en deux ans, se doter des moyens pour combattre efficacement cette pandémie.

Ne tester que les travailleurs symptomatiques ?

Même à cette fréquence de deux fois par semaine, on ne peut pas tester tous les travailleurs de la Santé parce qu’il faut aussi tester d’autres personnes prioritaires; les patients hospitalisés symptomatiques, les Autochtones, les policiers, les pompiers, les ambulanciers, et (bientôt) le personnel scolaire.

Bref, il faut prévoir que dans les semaines qui viennent, on ne testera plus que les personnes symptomatiques au sein des groupes prioritaires. Et ce, au nom de la ‘rationalisation’ du dépistage.

Depuis le 29 décembre 2021, on ordonne aux travailleurs essentiels positifs au Covid-19 – mais asymptomatiques – de retourner travailler avant la fin de la période d’isolement lorsqu’il y a risque de rupture de services.

Dans les faits, les gestionnaires des établissements de Santé jugent qu’il y a toujours risque de bris de service; ce risque est permanent.

Normalement, les travailleurs atteints devraient retourner au travail après deux choses; leur quarantaine de huit jours et un test rapide négatif.

Puisque la mise en quarantaine est recommandée aux personnes qui ont été en contact avec une personne contagieuse, les journalistes ont cherché à savoir si les patients hospitalisés pour des raisons autres que l’infection par Covid-19 seront prévenus s’ils ont été en contact avec un travailleur encore contagieux qui a été rappelé prématurément au travail.

Apparement, cela a pris au dépourvu les autorités sanitaires qui ont pris cette question en délibéré. La réponse est simple. La contagion par Covid-19 fait partie du dossier médical d’un travailleurs de la Santé. Qu’il soit atteint par le Covid-19 ou la syphilis, c’est confidentiel.

Ce qui veut dire que les personnes qu’on placera à risque d’attraper le Covid-19 dans nos hôpitaux n’en sauront jamais rien.

Répéter les mêmes erreurs

Sur les milliers de décisions prises par les autorités sanitaires, on peut comprendre qu’on puisse, çà et là, commettre quelques erreurs. Mais il est inacceptable qu’on répète continuellement les mêmes erreurs.

Pourquoi y a-t-il eu tant de personnes contaminées dans nos établissements de Santé au début de la pandémie ? Parce qu’on a voulu à tout prix éviter la rupture des services.

C’est pour cela qu’on a obligé des travailleurs symptomatiques à se présenter au travail dans l’attente du résultat de leur test de laboratoire.

C’est pour cela qu’on a continué d’employer des travailleurs d’agences de placement qui allaient ‘boucher les trous’ d’un endroit à l’autre car le système de Santé ne peut pas fonctionner sans eux.

Et c’est pour cela qu’on a continué d’imposer des heures supplémentaires obligatoires en pleine pandémie, poussant des centaines d’infirmières à changer de vocation. Accentuant ainsi les pénuries de personnel qu’on voulait prévenir.

Propager la contagion au sein du réseau de la Santé en permettant aux travailleurs encore contagieux d’y retourner prématurément généralise les bris de service au lieu de les éviter.

Des erreurs dont la gravité est inconnue

À l’heure actuelle, on connait la contagiosité extrême de l’Omicron. Selon la CDC américaine, elle serait le triple de celle du variant Delta, lui-même très contagieux.

Par contre, on le sait moins virulent que les autres membres de la famille covidienne. Selon l’expérience sud-africaine, il est rarement mortel, autant chez les vaccinés que chez ceux qui ne le sont pas.

Mais on ne connait pas précisément sa dangerosité.

Bon an, mal an, la grippe saisonnière fait environ mille morts au Québec et provoque l’admission de milliers d’enfants dans nos hôpitaux pédiatriques.

S’il s’avère que l’Omicron n’est pas plus mortel que la grippe ordinaire, les imprudences actuelles de la Santé publique lui seront pardonnées.

Souhaitons qu’il en soit ainsi…

Références :
Covid-19 : durée de la quarantaine
L’absentéisme loin du sommet enregistré en 2020
La présence du variant Delta encore «minime» au Québec
Le variant Omicron désormais dominant au Québec
L’Omicron : l’expérience sud-africaine
Niveau d’alerte rehaussé : des hôpitaux au bord de la rupture de services
« On est pris dans un étau »
Plus de 1 million de dollars payés aux travailleurs de la santé non vaccinés du Québec
Personnes prioritaires au test de dépistage
Une infirmière symptomatique dit avoir été forcée à se présenter au travail

Parus depuis :
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Écrit par Jean-Pierre Martel