Les lecteurs de CO₂ à l’école : une tragicomédie caquiste

24 janvier 2022

L’interdiction des purificateurs d’air

Les purificateurs d’air de type HEPA sont des machines équipées d’un filtre à Haute efficacité contre les particules aériennes (d’où le sigle HEPA).

Ces machines aspirent l’air, le débarrassent des particules de plus de 0,3 µm (0,3 millionième de mètre), et rejettent de l’air purifié. Signalons que la taille du virus du Covid-19 est comprise entre 80 et 120 µm. En somme, ces filtres débarrassent complètement l’air qui les traverse du Covid-19.

Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) estime que le port du masque associé à l’usage de deux purificateurs d’air de type HEPA par classe réduit l’exposition des élèves au Covid-19 de 90 %.

Voilà pourquoi, en vue de la rentrée scolaire 2021, l’Ontario a ajouté 70 000 purificateurs d’air au nombre qu’elle possédait déjà.

Au Québec, l’installation de ces purificateurs est interdite par la Santé publique du Québec. On a poussé le zèle jusqu’à faire saisir les purificateurs que des parents avaient payés de leur poche.

Les choix de la CAQ

Pour s’éviter de dépenser des millions de dollars à l’achat de purificateurs dont l’utilité sera remise en question dès que la pandémie sera terminée, le gouvernement de la CAQ a plutôt décidé d’acheter 90 000 lecteurs de CO₂ (dont près des trois quarts ont été livrés).

Mais il ne suffit pas de suspendre un lecteur de CO₂ au mur et de le connecter; il faut le calibrer. Selon le ministère de l’Éducation, il faut compter en moyenne huit jours entre l’installation et le calibrage.

Le ministère de l’Éducation estime qu’un taux de CO₂ au-delà de 1 000 parties par million (ppm) nuit à la réussite éducative.

Dans les tests-bidons que le ministère a fait réaliser l’an dernier, l’immense majorité des classes avaient des taux acceptables de CO₂.

Mais une fois les lecteurs calibrés, on découvre les réalités du monde concret et notamment, un dépassement fréquent des normes acceptables.

Vive l’air vivifiant de l’hiver !

Les lecteurs de CO₂ n’abaissent pas les taux de gaz carbonique. Ils ne font que les mesurer.

Alors que fait-on lorsqu’il y a trop de CO₂ ? Les directives de la Santé publique prescrivent d’ouvrir les fenêtres et de les maintenir ouvertes au maximum (si le local en est muni).

Dans une classe où le lecteur de CO₂ indique 2 000 ppm — ce qui n’est pas rare — pour abaisser de moitié la quantité de CO₂, il faut que la moitié de l’air de la classe soit remplacé par de l’air hivernal.

S’il fait -4°C à l’extérieur — ce qui correspond à une journée de janvier relativement douce — on abaissera le CO₂ au niveau jugé acceptable quand la température de la classe passera de 22°C à 13°C.

Ce qui veut dire qu’une partie des écoliers du Québec devront porter leurs vêtements d’hiver en classe, particulièrement ceux qui seront assis près des fenêtres.

Si l’air de la classe contenait non seulement trop de CO₂, mais contenait également des virus de Covid-19 en suspension, réduire la température de cette classe à 13°C ne ferait que réduire de moitié la charge virale de l’air ambiant.

Pour atteindre l’efficacité des purificateurs d’air associés au port du masque en classe, on doit renouveler 90 % de l’air de la classe. Ce qui, dans l’exemple que nous avons donné, ferait descendre la température sous le point de congélation (-1,4°C).

Par contre, si aucun écolier dans cette classe n’est atteint par le Covid-19, tout le monde gèlera pour rien; le risque d’attraper le Covid-19 est nul quand personne dans une classe n’est atteint par le virus, peu importe de taux de CO₂.

Si enfant, on m’avait obligé à subir cela, aujourd’hui je poserais des bombes…

La véritable utilité des lecteurs de CO₂

Les lecteurs de CO₂ ont un rôle important à jouer dans toute politique de réussite scolaire.

En effet, les études scientifiques ont démontré que lorsque les taux de CO₂ sont élevés dans une classe, les étudiants sont portés à la somnolence et ils apprennent moins facilement.

Cet achat permet au Québec de combler son retard face aux provinces anglophones du pays où les lecteurs de CO₂ sont en service depuis quelques années.

Mais il n’y a pas de rapport entre les taux de CO₂ dans une classe et la quantité de coronavirus en suspension dans l’air. L’un dépend de l’aération tandis que l’autre dépend de la contagion. Or ce sont deux choses différentes.

Revenir à l’essentiel

Le laisser-faire conduit à des choix tragiques.

Dans toute pandémie, l’essentiel est de réduire la propagation; quand un virus cesse de contaminer de nouvelles personnes, la pandémie s’arrête net.

Et pour éviter sa propagation, il faut une stratégie. La première étape de la stratégie, c’est le renseignement. Or dans une lutte sanitaire, le renseignement, c’est le dépistage.

Actuellement, la CAQ fait le contraire. Elle fait le contraire parce que le fiasco de la lutte avaricieuse qu’elle mène depuis deux ans se retourne contre elle.

Le cas des lecteurs de CO₂ en est un exemple.

La CAQ a réussi à faire croire à la population québécoise que ces appareils étaient un moyen essentiel de combattre le Covid-19 à l’école. Peut-être présumait-elle que cette pandémie serait terminée lorsqu’elle les recevrait.

Si elle avait gagné ce pari, elle en serait à les déployer afin de favoriser la réussite scolaire.

Voilà maintenant qu’elle est prise à faire le contraire; au lieu de favoriser cette réussite, elle va dégouter nos jeunes de l’école en les forçant à étudier dans des conditions climatiques totalement inacceptables.

Pendant ce temps, la pandémie se répand sournoisement en l’absence de dépistage et de mesures destinées à réduire les contacts.

Références :
Cas de COVID-19 dans les classes : des parents et des profs prennent le relais
Consignes applicables en milieu scolaire en contexte de pandémie (Covid-19)
Covid-19 à l’école : le CO₂ et la senteur des pieds
Des enseignantes et des éducatrices se font refuser l’accès aux tests PCR
Efficacy of Portable Air Cleaners and Masking for Reducing Indoor Exposure to Simulated Exhaled SARS-CoV-2 Aerosols — United States, 2021
En retard, Québec ignore le nombre de lecteurs de CO2 livrés aux écoles
La FAE demande que les données soient rendues publiques
Le Covid-19 à l’école primaire : la CAQ met en péril la santé de nos enfants
Plus de la moitié des classes du Québec n’ont pas de lecteur de CO2 fonctionnel
Qualité de l’air et installation de lecteurs de CO2
Qualité de l’air : près de la moitié des classes dépassent la cible fixée par Québec
Québec a investi une infime partie d’une enveloppe d’aide d’Ottawa
Real-world data show that filters clean COVID-causing virus from air
Une « catastrophe annoncée », selon des experts
Une enseignante sommée de retirer des purificateurs achetés par des parents
Une stratégie basée sur des « tests rapides absents »

Parus depuis :
Cinq fois plus d’élèves infectés au Québec par rapport à la rentrée de janvier 2021 (2022-01-25)
« Maman, je pense que je vais mourir » (2022-01-26)
« L’école ne nous dit plus rien » (2022-01-28)
Taux de CO2 dans les écoles – Un syndicat dénonce le « petit jeu de cache-cache » de Québec (2022-02-04)
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Un enfant sur trois a récemment été en contact avec la COVID-19 (2022-02-23)
Plus d’un adulte sur quatre infecté par la COVID-19 au cours de l’hiver (2022-05-09)
COVID-19 : et si on pouvait offrir un purificateur d’air pour 100 $ par classe? (2022-08-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel