Le pouvoir des étagères

Le 7 mai 2020
Prunksaal de Vienne ou Salle d’apparat de la Bibliothèque nationale

Sur l’internet, j’écoutais dernièrement les propos d’un artiste de la Comédie française.

Confinement oblige, celui-ci s’était filmé assis entre un grand miroir (derrière lui) et la fenêtre de son appartement.

Nous, spectateurs, avions donc l’acteur de face, éclairé par sa fenêtre. Et dans le miroir, on voyait son reflet de dos, l’iPhone au bout du bras. En arrière-fond, par la fenêtre, se déployait le feuillage majestueux d’un arbre vu du premier étage.

Le résultat était aussi charmant qu’original.

Au cours des grands concerts collectifs en appui aux travailleurs américains de la Santé ou aux banques alimentaires canadiennes, on pouvait comparer l’intérieur bourgeois du logis des vedettes de la chanson américaine avec celui, plus modeste (et plus sympathique), des vedettes canadiennes. Ces décors révélaient des différences de niveaux de vie.

Durant les entrevues par Skype, on se plait à observer la décoration intérieure des appartements de nos vedettes quand nous ne sommes pas distraits par le chat qui s’invite à marcher en gros plan sur le clavier de son ordinateur.

Et lorsque des experts — médecins, infectiologues, et épidémiologistes — sont invités à parler du Covid-19, on remarque leur souci de faire sérieux et de se mettre en scène. Comme des artistes.

Ceux qui s’expriment de leur cabinet prennent soin de se filmer devant un mur de diplômes académiques.

Mais que faire lorsqu’on doit répondre à une entrevue de la maison ?

Pour rehausser la crédibilité, l’urgentologue animé de compassion évitera de se filmer devant la tête empaillée d’un trophée de chasse.

Pour ce qui est du directeur tout endimanché d’un CIUSSS, d’un CLSC, d’un CHSLD — ou de tout autre organisme dont le nom, impossible à prononcer, témoigne de la déshumanisation que des technocrates lui ont fait subir — celui-ci évitera d’accorder l’entrevue du sous-sol de son bungalow, devant la belle peinture à la craie d’une nue sur velours noir.

Au contraire, rien de mieux qu’une étagère de livres pour rehausser la crédibilité d’un expert.

Vous noterez; la plupart d’entre eux font la mise au point sur l’étagère derrière eux plutôt que sur leur visage. C’est ce qui s’appelle une entrevue de fond.

Évidemment la basse résolution de l’image ne permet pas de distinguer tous les titres. Mais on peut lire les plus gros.

Et on se dit : « C’est merveilleux, il a lu ça, lui aussi.» ou « Tiens, ç’a l’air intéressant; l’ont-ils chez Archambault ?»

Et quand l’entrevue est terminée, on se demande : « Mais de quoi parlait-il au juste…»

Malheureusement, les experts de demain ne pourront pas se filmer devant leur collection de livres électroniques. Toutefois, en réalité virtuelle, ils pourraient choisir d’apparaitre devant les étagères des plus grandes bibliothèques du monde…

Détails techniques de la photo : Panasonic GH1, objectif Lumix 7-14mm F/4,0 — 1/15 sec. — F/4,0 — ISO 400 — 10 mm

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3 commentaires à Le pouvoir des étagères

  1. André dit :

    Au contraire, rien de mieux qu’une étagère de livres pour rehausser la crédibilité d’un expert.

    En effet. Ce qui me frappe, c’est que dans toute bibliothèque telle la mienne, il n’y a plus de place… On voit des livres les uns sur les autres.

    Parfois on peut même lire le titre de certains livres. J’ai l’impression d’en reconnaître.

  2. sandy39 dit :

    Sans se prendre pour des experts…, Ici, réunis, n’avons-nous pas fabriqué, Vous et Moi, une des plus belles bibliothèques du monde, même si elle n’est pas la plus grande ?…

    Je vous laisse réfléchir, aujourd’hui… Vous avez du travail !

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Vous avez raison.

      Sur ce blogue, on trouve 2 545 titres (pour autant de textes) et 3 139 commentaires. Cela commence à faire une jolie petite bibliothèque électronique, visitée plus de quatre-millions de fois. Pas si mal, après tout.

      Il nous appartient de la rendre encore plus belle.

      Ne lâchons pas : à nos claviers !

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