Violations par la Russie de l’espace aérien de pays d’Europe de l’Est

Publié le 20 septembre 2025 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Après que l’Ukraine eût subi une attaque de 458 drones et missiles dans la nuit du 9 au 10 septembre dernier, au moins 19 drones russes ont pénétré l’espace aérien de la Pologne et, dans un cas, celui de la Roumanie trois jours plus tard.

Il n’existe pas de preuve que ces drones visaient à détruire des installations situées en sol polonais ni que ces drones se dirigeaient vers l’Ukraine en effectuant un détour par la Pologne.

Au contraire, plusieurs chaines Telegram ukrainiennes ont rapporté que trois engins quittaient la région de Volhynie pour la Pologne. Cette région est située au nord-ouest de l’Ukraine.

Il y a donc deux possibilités. Soit que ces drones ont été tirés de Russie avant de dévier vers la Pologne après un bref survol du territoire ukrainien. Ou soit que leur point de départ était situé en sol ukrainien et n’ont pas été tirés par la Russie.

La violation par des drones

Lors de ses attaques massives, la Russie utilise deux sortes de drones.

Il y a d’abord les leurres. Ceux-ci ne transportent pas de charge explosive.

Tirés dès le début de l’offensive, leur rôle est d’épuiser les défenses ukrainiennes afin d’augmenter les chances que les drones suivants (ceux armés, trois fois moins nombreux) atteignent leurs cibles.

Puisqu’il est impossible de distinguer les drones-leurres des drones armés, l’armée ukrainienne ne peut prendre de risque. Donc, elle recourt indistinctement à ses missiles sol-air afin, idéalement, de tous les détruire.

Dans plus de 83 % des cas, les systèmes de missiles sol-air occidentaux détruisent leurs cibles.

Toutefois, leur cout est astronomique, pouvant atteindre cinq-millions de dollars par missile. Par contre, les drones iraniens et chinois utilisés par la Russie lui coutent de dix-mille à quatre-vingt-mille dollars chacun.

La Russie n’utilise pas des drones-leurres puis soudainement, des drones armés. La transition entre les deux se fait progressivement. Donc, il n’y a pas de moment précis avant lequel l’armée ukrainienne pourrait ‘laisser faire’ et le moment où il faudrait absolument les détruire.

Dans le cas des drones-leurres, ils ne sont pas destinés à revenir en Russie après avoir échappé aux défenses de l’Ukraine parce que cela nécessiterait que la Russie les équipe de deux fois plus de carburant (pour leur permettre d’effectuer le voyage de retour). Or si plus de 80 % sont détruits à l’aller, autant le seraient au retour. Ce qui fait qu’à peine trois ou quatre pour cent d’entre eux reviendraient à leur point de départ.

En somme, les drones qui se sont écrasés en Pologne n’effectuaient pas un voyage de retour en Russie en faisant le détour par la Pologne ou la Roumanie.

Pour expliquer leur présence en Pologne, il y a deux hypothèses.

La première suppose que la défense ukrainienne soit capable de brouillage électromagnétique qui perturbe la navigation de ces drones et les fasse dévier de leur destination prévue.

L’autre hypothèse veut que l’Ukraine récupère les drones-leurres qui s’écrasent au sol en bon état après avoir épuisé leur carburant, leur fasse le plein d’essence et les reprogramme afin qu’ils survolent l’espace aérien de la Pologne dans le but de pousser l’Otan à entrer en guerre directement contre la Russie.

Étant donné que ce n’est pas la première fois que l’Ukraine s’essaie, l’Otan en a vu d’autres.

De plus, il est hautement improbable que l’Alliance atlantique déclenche une Troisième Guerre mondiale au motif que ces ‘attaques’ — qui n’ont fait aucune victime — ont percé le toit de quelques bâtiments agricoles.

Par contre, l’Otan n’allait pas manquer l’occasion d’en faire un drame. C’est ainsi que la Pologne a porté l’affaire au Conseil de sécurité de l’Onu où elle se butera au véto russe. Lorsqu’on tient compte des destructions israéliennes dans la bande de Gaza, on se rend compte de la futilité de la plainte polonaise à l’Onu.

La violation par des MIG-31


 
Hier, des chasseurs-bombardiers de l’Otan ont intercepté trois MIG-31 russes qui survolaient l’espace aérien de l’Estonie.

À aucun moment, les avions russes n’ont survolé le sol estonien; toutefois, ils ont pénétré pendant douze minutes l’espace aérien situé au-dessus de son territoire maritime.

Sur la carte ci-dessus, la Finlande et l’Estonie sont situées de part et d’autre du golfe de Finlande. En vertu du Droit international, l’espace aérien de chacun d’eux s’étend dans le golfe sur une distance de douze milles nautiques (équivalent à environ vingt-et-un kilomètres).

Le problème, c’est que la distance minimale qui sépare les rives de ces deux pays est de 45 km. Ce qui signifie que par endroits, les eaux internationales n’ont que trois kilomètres de large, le reste étant constitué des territoires maritimes de la Finlande et de l’Estonie.

Tracez une ligne droite entre Saint-Pétersbourg et la mer Baltique et vous avez nécessairement une intrusion dans l’espace aérien maritime d’un de ces pays.

Voilà pourquoi les ‘violations’ de l’espace aérien en golfe de Finlande sont devenues fréquentes depuis trois décennies.

Avant l’effondrement de l’URSS (en 1991), le golfe de Finlande et la mer Baltique formaient presque une mer intérieure soviétique puisque de la Russie à l’Allemagne de l’Est, tous les pays riverains étaient soit des républiques soviétiques, soit des pays neutres.

Depuis l’expansion de l’Otan vers l’Est et l’adhésion de la Suède et la Finlande à l’Alliance atlantique, cette mer intérieure a basculé dans le giron otanien.

La conséquence de ce basculement géostratégique majeure, c’est la multiplication des incidents entre ces deux blocs ennemis.

Ce qui prouve que deux empires militaires hostiles devraient toujours être séparés par des pays tampons.

Les pays baltes (dont l’Estonie) devraient être du nombre. Mais depuis que l’Otan a commis l’erreur de les admettre parmi ses membres, ils se sentent invulnérables. Et comme des chihuahuas, ils ne cessent de japper contre le bouledogue russe. S’il n’en tenait qu’à eux, la Troisième Guerre mondiale serait déjà déclenchée.

Fait à noter : l’Otan n’a pas rendu publique la trajectoire précise des trois avions russes au-dessus de la zone maritime estonienne. Ce qui nous empêche d’évaluer l’importance de cette intrusion.

Selon plusieurs experts, les violations mineures de l’espace aérien estonien par la Russie seraient volontaires et serviraient à tester les règles d’engagement des pays de l’Otan, notamment quant au sort à réserver à un avion qui pénètre l’espace aérien d’un membre de l’Alliance.

Références :
Ce que l’on sait des drones russes abattus en Pologne
Infographie : Des drones russes s’incrustent dans des pays de l’OTAN
Intrusion de drones : la Pologne met en garde contre un « conflit ouvert » avec la Russie
Intrusion de drones : le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit à la demande de la Pologne
La Russie passe les frontières de l’OTAN (vidéo)
Les missiles Patriot américains : caractéristiques, prix, puissance et répartition dans le monde
L’OTAN intercepte trois avions de chasse russes en Estonie

Paru depuis : Guerre en Ukraine : le virage des nouvelles règles d’engagement de l’OTAN face aux incursions russes (2025-09-29)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

Laissez un commentaire »

| Géopolitique, Guerre russo-ukrainienne | Mots-clés : , , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel