Introduction
Lorsque j’ai lu la nouvelle ce matin sur Facebook, j’ai cru à un canular. Selon celle-ci, le fédéral aurait annoncé une subvention de dizaines de millions de dollars afin de favoriser l’accès des angloMontréalais aux services de santé dans leur langue.
Comme si la santé était un domaine de compétence constitutionnelle fédérale.
Lorsque j’ai retrouvé la source journalistique de cette nouvelle — Henri-Paul Raymond, de la station de radio FM103,3 — je n’y croyais toujours pas.
C’est seulement après avoir trouvé le communiqué émis mercredi dernier par Santé Canada que je me suis rendu à l’évidence; le fédéral donnera 52 millions sur cinq ans pour améliorer les services de santé dispensés en anglais au Québec.
Cette somme sera versée au Community Health and Social Services Network (CHSSN) et à l’université McGill.
L’accès linguistique aux soins de santé au Canada
En 2022, une étude de l’université d’Ottawa rapportait que des communautés francophones hors Québec se plaignaient que l’offre de services de santé en français y était minime, voire inexistante.
L’inverse — la difficulté des angloQuébécois d’être servis dans leur langue — ne se rencontrait que dans des régions rurales et éloignées des centres urbains québécois, là où presque personne ne parle anglais.
En février 2023, une directive mal écrite du ministère de la Santé du Québec (aussitôt corrigée) avait soulevé des inquiétudes infondées quant au droit des angloQuébécois de recevoir des soins de santé dans leur langue.
Un quiproquo qu’une députée fédérale s’est empressée d’utiliser à des fins démagogiques.
Cette controverse avait été l’occasion pour de nombreux francoMontréalais de témoigner de leur difficulté à se faire servir en français dans les hôpitaux anglophones de la métropole.
D’autre part, depuis la pandémie, Ottawa a fait entrer au Québec plus d’un demi-million d’immigrants dont la majorité ne parle pas français.
Cette immigration massive aggrave la crise du logement, la pénurie de places dans les écoles et, dans le cas qui nous intéresse, l’attente de soins dans nos hôpitaux. Si cette immigration s’avère généralement positive en région pour y soulager les pénuries de main-d’œuvre, les inconvénients à Montréal l’emportent amplement sur les avantages.
Les millions que versera Ottawa à Montréal ont pour but de favoriser l’accès aux soins en santé de tous les locuteurs anglophones, dont cette majorité de néoQuébécois qui ne parle pas français.
Ces derniers seront à même de comparer la bienveillance dont ils seront l’objet lorsqu’ils iront dans les hôpitaux anglophones (dont le CUSM, tout neuf) avec la désorganisation qui règne dans les hôpitaux francophones en raison de leur sous-financement et qui, dans certains cas, tombent littéralement en ruine.
Ce qui devrait les disposer favorablement à l’assimilation à l’anglais, langue de l’excellence à leurs yeux.
La Loi fédérale sur les langues officielles, instrument du colonialisme canadian
Selon le point de vue, il y a deux manières de considérer les angloQuébécois.
La première consiste à les voir comme la plus importante minorité ethnique du Québec. La deuxième les voit plutôt comme l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne.
Appelé à se prononcer à ce sujet, le Comite des droits de la Personne de l’ONU statuait en 1993 :
To summarize, the United Nations Human Rights Committee ruled […] that Quebec’s English community does not qualify for protection as a minority language group, because it forms part of the Canadian English-speaking majority.
En d’autres mots, les Québécois anglophones ne peuvent pas être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien où ils sont majoritaires.
Depuis toujours, Ottawa soutient le contraire. Sa loi sur les langues officielles trace un parallèle artificiel entre, d’une part, les minorités francophones hors Québec et d’autre part, la minorité anglophone au Québec.
Ottawa feint d’ignorer que la plus importante minorité du Canada, c’est nous, les francoQuébécois et que la langue menacée au Canada, c’est le français et non l’anglais.

Les recensements de Statistique Canada sont formels; l’anglais progresse inexorablement au Québec depuis plus de deux décennies.
En dépit de cela, c’est l’anglais qu’Ottawa protège au Québec.
Combattre les efforts de francisation du Québec
Le moteur qui a justifié l’adoption de la Canadian constitution de 1982, c’est l’adoption de la Loi 101 cinq ans plus tôt par le Québec.
Cette dernière proclamait la préséance de certains droits collectifs — notamment, ceux nécessaires à la pérennité de la langue française au Québec — sur certains droits individuels, dont celui de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.
Pour contrer cela, les idéologues fédéraux ont rédigé une constitution qui consacre, au contraire, la suprématie absolue des droits individuels.
De la même manière, Ottawa a adopté la loi C-13 peu de temps après l’adoption de la loi 96, une loi québécoise destinée à renforcer (mollement) la Loi 101.
Alors que la loi 96 exige que les entreprises opérant dans les champs de compétence fédérale soient soumises à l’obligation d’obtenir un certificat de francisation, la loi fédérale sabote cette obligation en leur laisser le choix entre l’assujettissement à la législation québécoise ou à la législation fédérale.
Au premier coup d’œil, ce choix est anodin puisque les principes de la loi 96 se retrouvent, identiques, dans la loi C-13. La différence est dans leur application.
À Ottawa, les fonctionnaires sont majoritairement unilingues anglais. En effet, la fonction publique s’y divise en trois groupes ethniques; les Anglophones unilingues et, secondairement, les Francophones bilingues et les Anglophones bilingues.
Bref, ce sont des gens qui ont en commun la connaissance de l’anglais et conséquemment, qui travaillent en anglais. Voilà pourquoi aucun des quatre millions de Québécois francophones unilingues n’a la moindre chance d’être embauché par le plus important employeur du pays. Cette discrimination existe depuis toujours et constitue un tabou dont personne ne parle.
Pour donner l’impression du contraire, l’État canadien se dote d’une façade ministérielle où les Francophones occupent une place bien évidente.
Revenons à la loi C-13.
Lorsqu’une entreprise choisit de se soumettre à la loi fédérale, les plaintes formulées à son endroit seront traitées par cette fonction publique majoritairement anglophone. Comment peut-on s’imaginer sérieusement qu’elle fera preuve de zèle dans la défense du français au Québec ?
Parallèlement à l’adoption de ces lois dont le but est de contrer les efforts à assurer la pérennité du français au Québec, Ottawa finance, par le biais de son Programme de contestation judiciaire, la contestation juridique de toutes lois québécoises visant à défendre le français.
Conclusion
L’adoption d’une nouvelle constitution en 1982 par l’ethnique dominante du pays — à la suite d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité — est l’expression ultime de l’assujettissement colonial du Québec à l’ethnie dominante du pays.
Dans peu de temps, les Québec auront à décider s’ils remettent de nouveau leur sort entre les mains d’une machine étatique opérée majoritairement par des unilingues anglais.
C’est-à-dire par des gens qui jugent le Québec au travers du prisme de leurs préjugés nourris par des quotidiens qui ne manquent jamais une occasion de nous dénigrer.
Puissent les Québécois faire cette fois-ci le bon choix…
Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Décision de l’Onu
Incapables d’être soignés en français : peu de patients portent plainte
L’accès aux soins de santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) au Canada : une recension des écrits
La députée Romanado annonce des millions en services santé
La façade ministérielle de l’État canadien
Le gouvernement du Canada améliore l’accès aux
services de santé pour les communautés
anglophones en situation minoritaire du Québec
Le témoignage de Mme Lambropoulos justifie une enquête policière
Un premier ministre indigne
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