Immigration : expulsions et droits de la personne

28 novembre 2019

C’est hier soir que les cinq membres de la famille Batalla-Charris ont été expulsés vers l’Espagne par ordre d’Ottawa.

Cette famille a été accueillie à titre de réfugiés colombiens, après avoir séjourné huit ans en Espagne. Les parents avaient deux enfants à leur arrivée au Canada. Depuis, un troisième est né au Québec.

Les autorités fédérales ont estimé que les membres de cette famille ne pouvaient invoquer le danger qu’ils courent dans leur pays d’origine puisqu’ils avaient refait leur vie en Espagne.

C’est donc vers ce pays qu’ils ont été expulsés.

On peut se demander pourquoi cela prend cinq ans pour en arriver à une décision aussi évidente.

À sa face même, des gens qui vivent depuis huit ans en Espagne — qui ont probablement la citoyenneté de ce pays — ne peuvent prétendre être encore en danger en Colombie alors qu’ils n’y vivent plus depuis des années.

Normalement leur demande aurait dû être rejetée immédiatement.

Mais à Ottawa, une âme bienveillante a décidé de les accueillir à titre de réfugiés, en attente d’une décision. Une décision longuement évaluée par des commissaires fédéraux payés de l’heure et rendue par un tribunal administratif où des avocats se sont graissé la patte.

Bref, tout cela aura pris cinq ans et probablement couté une petite fortune aux contribuables canadiens.

Entretemps, cette famille s’était établie à Sherbrooke. Toute la famille parlait français et les parents occupaient un emploi dans cette ville. Ils payaient des taxes et des impôts, en plus de contribuer à l’activité économique de la ville en tant que consommateurs.

Or partout au Québec, on manque de main-d’œuvre. Qui est gagnant dans cette décision de corriger maintenant une erreur commise il y a cinq ans ?

En d’autres mots, y a-t-il encore quelqu’un qui a du jugement à Ottawa et qui est capable de se demander s’il est raisonnable de jeter des gens à la rue en raison de l’incurie administrative du ministère fédéral de l’Immigration ?

Représentante de Sherbrooke à l’Assemblée nationale du Québec, la députée Christine Labrie (de Québec Solidaire) s’est dite déçue que le ministre québécois de l’Immigration ne se soit pas empressé de délivrer aux parents un certificat de sélection à titre de travailleurs qualifiés. Ce qui, selon elle, les aurait rendus aptes à demeurer au pays à ce titre (et non en tant que réfugiés).

Rappelons qu’en décembre 2017, les huit membres de la famille Lawrence (établie à Montréal et décrite comme un modèle d’intégration) avaient alors été expulsés du pays en dépit du fait que le ministre québécois de l’Immigration de l’époque leur avait délivré d’urgence un certificat de sélection.

Ottawa avait été impitoyable. Si bien que ces gens avaient, eux aussi, quitté le pays.

En matière migratoire, il serait peut-être temps de faire en sorte que tout dossier qui traine à Ottawa depuis plus de deux ans est automatiquement accepté. Quitte à prévoir des exceptions dans des cas d’une extrême complexité.

Et même deux ans, je me demande si cela n’est pas encore trop. Certainement, cela serait un pas dans la bonne direction.

Références :
À quelques heures de leur expulsion, la famille Batalla-Charris garde toujours espoir
Élan de solidarité contre l’expulsion d’une famille colombienne installée à Sherbrooke
La famille Lawrence expulsée du Canada
Les Batalla-Charris expulsés en Espagne

Laissez un commentaire »

| Immigration, Politique canadienne | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel