Rencontre avec deux candidats à la chefferie du PQ

8 avril 2015

Dans le cadre de la course à la chefferie du Parti Québécois, cette formation politique organise deux types de rencontres.

Premièrement, il y a des débats contradictoires — qui font salles combles — et qui permettent de comparer les cinq candidats entre eux. Ces face-à-face sont aussi diffusés en temps réel sur l’internet.

Deuxièmement, on organise des rencontres régionales — réunissant quelques dizaines de personnes — qui permettent à chaque candidat de présenter son programme électoral aux sympathisants de l’endroit, et de répondre à leurs questions.

Implicitement, en choisissant un chef, les membres du Parti québécois adopteront les mesures proposées par ce candidat. Certains d’entre eux ont un programme détaillé : chez d’autres, c’est plus sommaire.

J’étais disponible pour deux de ces rencontres.

Prévues pour débuter à 19h, celles-ci commencent avec vingt minutes de retard. Le conférencier fait d’abord un exposé d’une vingtaine de minutes. Suivent des questions préparées par l’exécutif régional du PQ (et qui sont les mêmes posées à chaque aspirant à la chefferie). Des représentants de l’aile jeunesse posent ensuite les leurs et finalement le public est invité à poser les siennes. Le tout se termine vers 21h.

Alexandre Cloutier

La première des rencontres auxquelles j’ai assisté, le 22 mars 2015, mettait en vedette Alexandre Cloutier.

Âgé de 37 ans, ce spécialiste en droit constitutionnel a occupé des fonctions ministérielles sous le bref gouvernement de Pauline Marois, principalement à titre de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

À ses apparitions télévisées, ce ministre m’a toujours semblé superficiel.

Au contraire, la rencontre avec M. Cloutier permet de découvrir un politicien remarquablement compétent. En effet, M. Cloutier semble avoir pris connaissance de tous les rapports et études qui concernent les affaires de l’État.

Le discours qu’il tient est positif, dit d’un ton rassurant. Et le programme qu’il défend est particulièrement bien étoffé. Toutefois, presque toutes les mesures qu’il propose sont réalisables dans le cadre constitutionnel canadien.

Martine Ouellet

Lundi soir dernier, c’était l’occasion d’entendre Martine Ouellet, la seule femme de cette course à la chefferie.

Âgée de 45 ans, Mme Ouellette est ingénieure mécanique et possède une longue expérience au sein d’Hydro-Québec où elle a occupé brillamment différentes fonctions supérieures.

Elle fut ministre des Ressources naturelles dans le bref gouvernement de Pauline Marois. On lui doit la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-II, non rentable, dont la réfection aurait coûté 4,3 milliards$ aux contribuables québécois.

Lundi dernier, le discours de Mme Ouellet soulignait que les investissements structurants du gouvernement canadien s’effectuent presque toujours dans les provinces anglophones du pays.

Contribuant à hauteur de 42 milliards$ des revenus du fédéral, le Québec paie pour ces emplois créés ailleurs et ne reçoit que le prix de consolation qu’est la péréquation canadienne.

Mme Ouellet croit que le PQ doit recentrer son message sur la sociale Démocratie et sur la promotion de l’indépendance.

Avec un PIB par habitant plus élevé qu’en Grande-Bretagne, le Québec est suffisamment riche pour devenir un pays autonome, selon Mme Ouellet.

Se sentant de moins en moins chez elle dans le pétroÉtat militariste canadien, Mme Ouelllet souhaite que dès son premier mandat péquiste, un gouvernement péquiste procède à un référendum sur l’indépendance du Québec.

Conclusion

Lorsque des personnes occupent des fonctions ministérielles, il est presque impossible de les rencontrer sauf lors des soirées de collecte de fonds dont de prix d’entrée est hors de portée du modeste citoyen.

Ces rencontres régionales, gratuites et ouvertes à tous, permettent d’évaluer les qualités personnelles de futurs dirigeants politiques et de leur faire des représentations informelles.

Il existe des personnes remarquables dans tous les partis politiques. Parce qu’ils sont en mode séduction, ceux du PQ sont présentement les plus accessibles. C’est une occasion pour ceux qui, comme moi, s’intéressent aux affaires publiques.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectifs PanLeica 42,5 mm F/1,2 (1re photo) et M.Zuiko 12-40 mm (2e photo)
1re photo : 1/100 sec. — F/1,2 — ISO 400 — 42,5 mm
2e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 2000 — 40 mm

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pourquoi le PQ veut-il l’indépendance du Québec ?

20 mars 2015

Introduction

Hier, M. Pierre-Karl Péladeau, aspirant à la chefferie du Parti Québécois, a déclenché une vive controverse après avoir déclaré : « On n’aura pas 25 ans devant nous pour réaliser l’indépendance. Avec la démographie, avec l’immigration, c’est certain qu’on perd un comté à chaque année. On souhaiterait pouvoir mieux les contrôler, mais ne nous faisons pas d’illusion. (…) Qui prend en charge les immigrés qui viennent s’installer ici au Québec ? C’est le gouvernement fédéral. »

Par souci de rectitude politique, les autres candidats à la chefferie se sont empressés de corriger M. Péladeau en soulignant que le projet indépendantiste du Parti Québécois devait rallier tous les Québécois, et que les néoQuébécois constituaient une richesse pour le Québec.

Les porte-paroles des autres formations politiques, dont le Premier ministre du Québec, ont accusé le Parti Québécois d’être animé par un nationalisme ethnique, et d’être un parti sectaire et xénophobe.

Désapprouvé de toutes parts, M. Péladeau a finalement présenté ses excuses.

Les faits

Déclin de l’appui à l’indépendance du Québec depuis une décennie

Depuis une décennie, l’appui à l’indépendance du Québec est passé d’environ 50% à environ 39% de l’ensemble de la population québécoise.

Si on tient compte du fait que la minorité anglophone du Québec est demeurée tout aussi opposée à l’indépendance, il peut conclure que ce déclin est essentiellement lié à une diminution de la ferveur indépendantiste des Francophones eux-mêmes.

Selon Statistique Canada, de 2006 à 2011, le pourcentage de Francophones sur l’île de Montréal est passé de 54,5% en 2006 à 53,3% en 2011 et, dans l’ensemble de la région montréalaise, de 69,2% à 68,4%.

Le déclin de 1% des Francophones montréalais en seulement cinq ans — aussi inquiétant que soit cette tendance à long terme quant à la survie de la majorité francophone au Québec — compte secondairement sur le déclin de l’option indépendantiste dans l’ensemble de la population québécoise depuis une décennie. La cause principale est sa perte de popularité chez les Francophones dits « de souche ».

Nationalisme ethnique vs nationalisme linguistique

Aussi maladroits qu’aient été les propos de M. Péladeau, ceux-ci reflètent une inquiétude sincère chez lui quant à l’avenir du français au Québec, préoccupation partagée par une bonne partie des Montréalais francophones, témoins quotidiens de l’anglicisation de la métropole.

Face aux accusations libérales d’ethnocentrisme et de xénophobie, les autres candidats à la chefferie ont raté une occasion de réitérer que la raison d’être fondamentale du Parti Québécois est la lutte pour la pérennité du caractère majoritairement francophone de la Nation québécoise; en effet, rien d’autre ne justifie l’indépendance du Québec et les risques entrainés par la sécession du Canada.

On a tort de penser qu’on pourra motiver les Québécois à faire l’indépendance pour des raisons aussi abstraites que le désir de voir le Québec écrire son nom dans le grand livre de l’histoire des peuples ou dans le but d’avoir sa propre voix à l’ONU. Même l’argument du chevauchement des domaines de compétence entre le fédéral et le provincial justifie autant la souveraineté du Québec que son contraire, soit la centralisation de tous les pouvoirs à Ottawa.

En diluant son programme afin de le rendre acceptable au plus grand nombre et le rendre aussi inoffensif que des granules homéopathiques, le Parti Québécois a perdu de vue les raisons qui justifient la création d’un pays appelé Québec. Il ne suffit pas de prêter allégeance à la cause souverainiste : le PQ doit expliquer ce qui justifie le partage du Canada.

La cuisante défaite de ce parti aux dernières élections aurait dû provoquer une profonde remise en question de son idéologie. Au contraire, afin d’éviter des déchirements internes, les rescapés du naufrage vivent depuis dans le déni.

Les programmes des candidats à la chefferie péquiste comportent des idées certes intéressantes, mais majoritairement réalisables à l’intérieur du cadre constitutionnel canadien. À titre d’exemple, a-t-on besoin de faire l’indépendance pour favoriser l’électrification des transports ?

Ces idées servent donc de paravent à la soumission à une idéologie qui a fait long feu et qui colle de moins en moins aux préoccupations actuelles des Québécois.

Seul le principal candidat dans cette course — se comportant parfois comme un cheval fou trop à l’étroit dans son enclos — laisse présager, en dépit de ses maladresses, qu’il est le seul qui ait l’envergure, la volonté et la poigne pour amener ce parti à de douloureuses mais nécessaires remises en question.

Références :
Déclin de l’option souverainiste: les immigrants n’y sont pour rien, dit un chercheur
Données linguistiques de Montréal selon le recensement de 2011
L’immigration menace le projet souverainiste, selon Péladeau
Péladeau sur l’immigration: dérive vers le «nationalisme ethnique», selon Couillard
Programme du Parti québécois

Publié depuis :
La rondelle ne roule pas pour le français dans la LHJMQ (2017-08-26)

Compléments de lecture :
Jacques Parizeau radote
La Charte de la laïcité : un mauvais départ
Parti Québécois : une décennie de dysfonctionnement électoral

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Parti Québécois : une décennie de dysfonctionnement électoral

10 avril 2014

À la suite de la cuisante défaite électorale de lundi dernier, le Parti Québécois aura à procéder à une analyse des causes de cet échec afin d’éviter sa répétition.

Cette défaite est la dernière d’une longue suite de résultats décevants que le PQ obtient à toutes les élections depuis plus d’une décennie.

Peu importe son bilan lorsqu’il est au pouvoir, peu importe la compétence des candidats qu’il recrute, peu importe ses promesses électorales, des millions d’électeurs préfèrent voter pour un parti qu’ils croient corrompu plutôt que de voter péquiste. Il y a plusieurs explications à cette préférence.

Le Parti Libéral, lui il connaît ça, l’économie

La force et la faiblesse du Parti Libéral du Québec, c’est que les électeurs sont persuadés que cette formation politique est la plus compétente pour assurer la croissance de l’économie québécoise. C’est sa force parce que tout le monde y croit. C’est également sa faiblesse parce que c’est faux.

Au cours de neuf des dix années qui ont précédé l’arrivée au pouvoir du premier ministre Jean Charest — en d’autres mots, sous les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry — la croissance économique du Québec a été supérieure à la moyenne canadienne. Conséquemment, le gouvernement fédéral avait réduit le montant de la péréquation auquel le Québec avait droit.

Par la suite, durant les neuf années au cours desquelles le Parti libéral a été au pouvoir, la croissance économique du Québec est redescendue sous la moyenne canadienne, à l’exclusion des années de la crise économique de 2007-2010 au cours desquels la croissance du Québec a été annuellement de 0,3% au-dessus de la moyenne nationale. Mais pour l’ensemble des neuf années libérales, ce fut un désastre.

Si bien que notre province est passée du quatrième rang (à l’arrivée de Jean Charest au pouvoir) au neuvième rang canadien (à la chute de ce gouvernement) quant au revenu par personne.

De plus, le déficit commercial du Québec a explosé au cours de cette période au point de devenir le triple (toutes proportions gardées) du déficit commercial américain.


Déficit commercial du Québec, de 1981 à 2012, en milliards de dollars
Balance_commerciale_30_ans

 
À l’élection de 2012, le chef de la CAQ en a parlé. Mais étonnamment, le Parti Québécois n’a pas jugé bon abonder dans le même sens.

Comment voulez-vous mettre fin au préjugé favorable des Québécois à l’égard du Parti Libéral si le PQ hésite à leur dire la vérité ?

Le prix de l’appartenance au Canada

Les Québécois connaissent les avantages de l’appartenance au Canada. Dans l’esprit du Québécois moyen, ces avantages sont évidents : des milliards de péréquation déversées dans l’économie québécoise et un grand marché commun pan canadien qui profitent à nos industries. En contrepartie, il nous faut endurer le visage des descendants de nos conquérants sur nos timbres et nos pièces de monnaie. Dans ce contexte, qui peut soutenir l’indépendance du Québec ? Quelques artistes et une poignée rêveurs nonagénaires.

Mais quelqu’un au Parti Québécois a-t-il eu l’idée d’expliquer aux Québécois qu’il y a un prix très élevé à notre appartenance à la fédération canadienne; notre lente disparition comme peuple majoritaire au Québec.

La loi 101 prescrit que l’école publique est française pour tous sauf en ce qui concerne la minorité anglophone. En d’autres mots, les 50 000 immigrants que le Québec accueille chaque année doivent envoyer leurs enfants à l’école française. S’ils désirent que leurs enfants aillent à l’école anglaise, ce sera à leurs frais, c’est-à-dire à l’école privée.

La Constitution canadienne-anglaise de 1982 — adoptée après la loi 101 — prescrit plutôt que tout citoyen a le droit de s’assimiler au groupe linguistique de son choix. En d’autres mots, si les immigrants choisissent de devenir anglophones, les contribuables francophones du Québec (majoritaires à 80% dans cette province) doivent subventionner l’anglicisation de leur propre province.

Cette exigence occupe une place particulière dans la Constitution canadienne-anglaise : de toutes les dispositions constitutionnelles, c’est la seule au sujet de laquelle on ne peut se soustraire en invoquant la clause dérogatoire.

Le Québec a déjà fait l’expérience du libre choix de la langue. En effet, en 1969, le gouvernement québécois de l’Union nationale (un parti politique aujourd’hui disparu) adoptait une loi qui laissait aux parents le libre choix de la langue d’enseignement de leurs enfants.

Le résultat est connu : lorsque les immigrants ont le choix de la langue pour leurs enfants, ils jugent l’anglais plus susceptible de leur assurer un meilleur avenir. Se refusant à obéir à une constitution qui prescrit sa perte, le Québec adopte depuis quarante ans des lois linguistiques qui sont anticonstitutionnelles et qui, les unes après les autres, sont invalidées par la Cour suprême du pays.

Mais plutôt que de lutter contre cette constitution, ne vaudrait-il pas mieux dire la vérité aux Québécois : le Canada anglais a adopté en 1982 une constitution qui condamne le Québec à disparaitre. Voulez-vous vous y soumettre ou préférez-vous conserver la langue de vos ancêtres en proclamant votre indépendance ?

Confrontés à ce dilemme, les Québécois ne voudront pas admettre qu’ils sont condamnés à disparaitre. Leur première réaction sera le déni. « Les Péquistes disent ça parce qu’ils veulent qu’on vote pour l’indépendance » diront certains. Et les Québécois les croiront.

Et, peu à peu, au fur et à mesure du déclin démographique des Francophones sur l’île de Montréal, les Québécois commenceront à s’ouvrir les yeux.

Ce sera un travail long et épuisant. Un travail de fond. Le seul qui peut porter fruit.

Au lieu de présumer que les défaites du PQ se résument à des erreurs stratégiques et que la bonne stratégie, c’est celle qui amènent les poissons à mordre à l’hameçon, j’inviterais plutôt le PQ à un long travail qui consiste à miser sur l’intelligence du peuple et à lui faire réaliser que l’appartenance au Canada a un prix. Un prix extrêmement élevé.

D’ici là, comment s’étonner qu’il préfère se laisser séduire par le chant des sirènes libérales…

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Écrit par Jean-Pierre Martel