Tom Wesselmann au MBA : jouissif et impudique

Publié le 27 septembre 2012 | Temps de lecture : 5 minutes
Affiche de l’exposition

Le dimanche 7 octobre 2012 est la date limite pour voir l’exposition « Au-delà du Pop Art » au Musée des Beaux-Arts de Montréal, consacrée à l’artiste américain Tom Wesselmann.

Contrairement à Andy Warhol et Roy Lichtenstein dont les œuvres sont connues du grand public, Tom Wesselmann est un grand oublié du Pop Art américain.

Mais c’est quoi le Pop Art ? Il s’agit d’un mouvement artistique caractérisée par le désir de représenter le mode de vie américain, notamment par l’utilisation de matériaux environnants (des découpures de panneaux réclames ou des produits de consommation, par exemple).

En dépit de la popularité acquise par cet artiste dès les années 1960, aucun musée nord-américain n’avait jusqu’ici présenté une rétrospective couvrant la totalité de son œuvre. Le Musée des Beaux-Arts de Montréal présente pour encore quelques jours la première exposition en Amérique du Nord qui lui soit consacrée. Il s’agit donc d’un événement considérable.

Après sa création à Montréal, cette exposition sera présentée à Richmond, à Cincinnati et à Denver, mais dans aucun des musées les plus importants des États-Unis. Pourquoi ? Parce que l’œuvre de Wesselmann — qui témoigne de l’hédonisme des années 1960 avec ces lèvres pulpeuses entr’ouvertes, ces mamelons dressés, ces gros plans hypersexualisés — est de nature à choquer le puritanisme actuel de l’opinion publique américaine.

Toutefois, soyons clairs : les œuvres de Wesselmann ne sont pas plus érotiques que des nus au Louvre, des fresques de Michel-Ange au Vatican, des toiles de Klimt à Vienne ou des réclames de sous-vêtements de Calvin Klein. Wesselmann utilise simplement le corps humain pour célébrer la beauté de la vie.

Sous le titre « American Beauty », la première salle de l’exposition présente ses premiers collages (dont la taille est environ celle d’une feuille de papier à correspondance) et ses premiers grands formats, sur lesquels une silhouette de femme nue est allongée sur un fond de symboles américains (drapeau national, photo présidentielle, bouteilles de Coca-Cola, etc.). C’est la seule partie de l’exposition que je n’ai pas aimée. La composition des ces images m’a semblé être du « sous-Matisse » comme c’est le cas de l’œuvre qui décore l’affiche qui annonce l’exposition (photo ci-dessus).

Dans la deuxième salle, c’est déjà mieux. On y présente ses premiers collages tridimensionnels, c’est-à-dire des toiles desquels surgissent un téléviseur allumé, un radio transistor, une horloge électrique, un ventilateur, une porte de réfrigérateur ou même un petit évier. Le défi de l’artiste étant alors d’équilibrer la composition en recourant à la couleur ou à des motifs forts pour créer un ensemble harmonieux.

À partir de la troisième salle, l’exposition m’a complètement séduit. Oubliez ses collages aux blancs jaunis et les plastiques partiellement décolorés, et pénétrez dans un monde ludique, décoratif, lumineux et éclatant.

Wesselmann crée des toiles aux formes irrégulières où, par exemple, le pied d’une jambe dressée dépassera la limite supérieure du cadre. Il crée également ses premières toiles monumentales où la tridimensionnalité est partagée par tous les éléments de l’œuvre. Mais puisqu’il est ici question de tridimensionnalité, pourquoi ne parle-t-on pas d’une sculpture ?

Rappelez-vous de ces livres dont les pages épaisses révèlent une scène qui se déploie sous nous yeux lorsqu’on les ouvre. Chaque élément de papier se dresse alors à la verticale à différents endroits sur les pages ouvertes. S’agit-il d’une sculpture alors que rien n’y est sculpté ? Évidemment pas. Au lieu que les objets soient colorés par impression (comme c’est le cas d’un livre 3D), les divers éléments de l’œuvre de Wesselmann sont peints : c’est pourquoi on parle d’un peinture tridimensionnelle.

Sous le titre « Le dessin fait objet », on présente une série d’œuvres étonnantes. Imaginez un artiste qui dessinerait un croquis à l’aide de crayons feutres de différentes couleurs. Puis, celui-ci découperait patiemment chacune de ces lignes pour un faire une sorte de filet coloré irrégulier ayant la forme de son dessin. Reproduit à grande échelle sous forme de lanières d’acier, ces lignes imitent alors celles du croquis, avec la différence que le mur leur sert de fond à la place du papier et que ces lignes s’accompagnent d’une ombre proportionnelle à la distance du mur.

Toutes ces œuvres sont d’une extraordinaire beauté. Si vous n’avez pas encore vu cette exposition — qui se termine le 7 octobre 2012 — je vous conseille d’y aller dans les plus brefs délais. Il est hautement improbable que vous ayez l’occasion de voir une autre exposition d’une telle qualité consacrée à cet artiste contemporain.

La rétrospective du Musée des Beaux-Arts nous offre donc une occasion unique de découvrir un coloriste exceptionnel dont les œuvres sont de nature à séduire un très large public.

Quant au livre de l’exposition, simplement intitulé du nom du peintre, il coûte 35$ : le texte y est excellent mais les reproductions qu’il renferme ne rendent pas justice à l’éclat et à la luminosité des œuvres qui y sont montrées.

Murale inspirée de l’œuvre de Wesselmann

Références :
Pop art
Tom Wesselmann au MBAM: célèbre inconnu

Paru depuis :
Great American Nudes artist Tom Wesselmann was no sexist, say the women in his life (2016-01-19)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif Lumix 12-35mm F/2,8
1re photo : 1/400 sec. — F/6,3 — ISO 200 — 14 mm
2e  photo : 1/200 sec. — F/5,0 — ISO 200 — 16 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le pavillon Claire et Marc Bourgie du MBAM

Publié le 7 avril 2012 | Temps de lecture : 2 minutes

 
Le Pavillon Claire et Marc Bourgie a été aménagé dans l’ancienne église néo-romane Eskine and American, construite en 1894 et fermée au culte depuis 2004. Ce pavillon est entièrement consacré à l’art québécois et canadien.

La nef de l’église a été convertie en salle de concert. L’arrière de l’édifice a été agrandi et, sur six étages, présente 600 œuvres regroupés principalement de manière chronologique.

Le coût de cette transformation a été de 42,4 millions$. Ceci comprend l’achat de l’église, la restauration des vitraux exceptionnels de Tiffany, l’aménagement de la salle de concert, la restauration des œuvres présentés (12 610 heures de travail), et le chantier de l’aménagement arrière du pavillon.

Je ne voulais pas photographier des œuvres en particulier, quoique je n’ai pas pu y résister. Mon intention était surtout de présenter l’aménagement des lieux. Montrer ses murs aux couleurs chaudes, ses éclairages expressifs et, de manière générale, cette « mise en scène » des œuvres présentées.

Détail des œuvres :

De 0:13 à 0:23. il s’agit d’une vidéo créée par l’artiste algonquine Nadia Myre, de Montréal.

À 0:58, c’est Composition 44 (1959) de Paul-Émile Borduas.

De 1:00 à 1:08, on voit deux toiles de Jean-Paul Riopelle : Autriche (1954) et Vent traversier (1952).

À 1:19, voici Mirabia (2001), une installation de la montréalaise Dominique Blain.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le premier empereur de Chine au MBA

Publié le 4 mars 2011 | Temps de lecture : 4 minutes
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Depuis le 11 février, et jusqu’au 26 juin 2011, le Musée des Beaux-Arts de Montréal présente l’exposition « L’empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite ». Cette exposition est basée sur 240 objets archéologiques dont certains sont montrés pour la première fois hors de Chine.

Ces objets furent prêtés par seize instituts de recherche et musées de la région de Xi’an (prononcer « scie Anne »), une ville qui fut capitale de la Dynastie Qin (prononcer « TChine »), soit celle du premier empereur (qui vécut approximativement de 259 à 210 av. J.-C.).

J’ai visité cette exposition à deux reprises et j’en ai retiré deux impressions diamétralement opposées.

Ayant déjà vu les collections de plusieurs parmi les plus importants musées de Chine — dont le Musée d’histoire du Shaanxi, à Xi’an — j’ai effectué une première visite il y a deux jours simplement pour juger du nombre et de la qualité des objets présentés. Puis, hier soir, je me suis procuré un audio-guide et j’ai pris le temps de lire toute la documentation affichée dans les salles consacrées à l’exposition.

À la première visite, j’ai trouvé que c’était une exposition mineure avec, par exemple, une seule cloche (tirée d’un carillon funéraire) et seulement cinq guerriers en terre cuite (sur des milliers existants).

À la deuxième visite, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une exposition très bien faite où prime l’aspect pédagogique. Pour reprendre l’exemple que je viens de donner, les cinq guerriers — un conducteur de char et un cavalier avec leur monture respective, de même qu’un fantassin, un arbalétrier, et un général — représentent les différents types de guerriers en terre cuite découverts jusqu’ici dans le mausolée du premier empereur. C’est ainsi que le général est l’un des très rares — il y en existe seulement neuf — généraux découverts jusqu’à présent : cela donne une idée du caractère exceptionnel des objets présentés à Montréal.

Bref, je me suis rendu compte qu’on retire de cette exposition ce qu’on y investit. Une visite superficielle peut laisser croire qu’il s’agit d’un événement culturel secondaire, alors qu’une visite approfondie permet de juger réellement de la valeur de l’exposition, consacrée non pas à la culture chinoise en général mais plutôt à l’histoire de cet empereur dont le règne relativement court a été déterminant pour l’histoire de la Chine et dont le mausolée, oeuvre de plus de 700 000 travailleurs, est la plus vaste nécropole au monde, couvrant une superficie de 56 km².

En somme, cette exposition tire son importance non pas de l’abondance des objets présentés mais de leur qualité, de même que de leur variété.

Contrairement à l’habitude d’éditer des catalogues dispendieux, le Musée offre cette fois-ci un catalogue de 72 pages de 20 x 12,5 cm qui ne coûte que 5$. Les parents n’auront pas à se ruiner cette fois-ci pour offrir à leurs enfants ce souvenir, illustré d’une centaine de photos et croquis et qui résume parfaitement ce qu’il faut retirer de cette exposition exceptionnelle.

Pour ceux qui parlent anglais, je recommande fortement de vous procurer le DVD « China’s First Emperor » à 37$, spectaculairement bien réalisé et disponible lui aussi à la boutique de l’exposition.

Références :
L’armée en terre cuite du premier empereur
Le mausolée impérial vandalisé
Un soldat en terre cuite

Détails techniques (Note : les 2e et 3e photos ont été prises en Chine) :
1re photo : Panasonic GF1, objectif Lumix 20 mm F/1,7 — 1/1,000 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm
2e photo  : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45 mm — 1/25 sec. — F/3,5 — ISO 400 — 14 mm
3e photo  : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45 mm — 1/10 sec. — F/5,6 — ISO 400 — 45 mm

Extrait d’une vidéo relative aux soldats en terre cuite du mausolée du premier empereur de Chine :
 

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Écrit par Jean-Pierre Martel