
En 2003, lors de mon premier voyage ‘officieux’ à Paris, une des choses qui m’avait frappé, c’est que toutes les boutiques de chaussures pour dames offraient des souliers aux bouts excessivement pointus.
En les voyant, je m’étais dit : « C’est tellement ridicule. Jamais les Montréalaises n’accepteront de porter des souliers pareils.»
Et l’été suivant, tous les magasins de la rue Sainte-Catherine n’offraient plus que cela.
Évidemment, deux ans plus tard, on ne voyait plus personne les porter. Et pour cause. Cela faisait tellement Paris 2003. Ou pire : Montréal 2004.
Déjà, deux ans à porter des souliers dans lesquels les orteils sont coincés dans un espace trop petit pour eux, et à acheter des pansements Scholls contre les ampoules au talon, ça suffit.
Voilà pourquoi, à mes oreilles, mode éphémère sonne comme comme un pléonasme.
Évidemment, j’entends parfois des gens parler d’un style qui a traversé le temps. La formule est jolie. Mais quand j’essaie de trouver un exemple de ‘mode qui a traversé le temps’, c’est étrange, rien ne me vient à l’esprit…
Pas mes beaux pantalons à pattes d’éléphant. Pas mes chemises psychédéliques de l’époque hippie. Pas même mes vestons à épaulettes disproportionnées des années 1980.
Portant, ils sont tous là, bien rangés, à attendre que la mode revienne…
Il y a quelques jours, je lisais un article qui visait, à juste titre, à nous conscientiser au sujet du gaspillage vestimentaire. Selon l’article — qui prenait les produits Shein comme un exemple de mode éphèmère — des millions de tonnes de vêtements sont jetés chaque année.
Malheureusement, l’article oubliait de nous préciser le pourcentage de ce gaspillage qui est causé par les boutiques Shein.
Que des boutiques chinoises permettent aux étudiants et aux travailleurs moins fortunés d’accéder à la mode sans se ruiner, cela me semble louable.
Imaginons qu’il soit préférable d’aller dans une boutique chic pour acheter un vêtement beaucoup plus original (mais un peu cher) conçu par un couturier italien et fabriqué par des mains expertes de Florence à partir d’un tissu fait pour durer.
Deux ou trois ans plus tard, lorsque la mode est passée, si on se demande ce qui nous a pris d’acheter une telle horreur, quelle est la différence ?
Un vêtement fait pour durer deux ans et qu’on jette à sa date d’expiration ou un vêtement fait pour durer des décennies mais qu’on a honte de porter deux ans plus tard, c’est la même chose du strict point de vue environnemental.
En somme, dans le pléonasme ‘mode éphémère’ ce n’est pas le qualificatif qui est le problème.
Le véritable problème, c’est notre souci inconscient de témoigner de notre appartenance à la société qui nous entoure en adoptant, notamment, ses codes vestimentaires. Même les plus éphémères.
Jean-Pierre souligne un fait majeur et catastrophique : la surproduction et la sur-consommation de vêtement.
J’ai gardé 30 ans mes chemises à longs collets des 1970s ! La calotte américaine qui nous protège si bien du soleil –et assez laide au demeurant– est indémodable.
Mais la mode est un irrépressible besoin humain. Pourquoi ?
Parce que de très nombreux humains veulent séduire et se faire remarquer. Sortir de l’anonymat et se faire apprécier est viscéral pour des millions de personnes.
Le plus emblématique était les deux Trudeau : le père portait fleur à la boutonnière, même inutilement. Le fils portait ces hideux souliers orangés qui pétaient sur le plancher…
La solution : le beau vêtement classique, toujours soigné et seyant. Porté en harmonie des couleurs : des bas au coiffe.
Se faire remarquer, sortir du rang par des vêtements durables et bien agencés. Classique quoi !
«Le propre de la mode est de se démoder.»
Jean Cocteau
«La mode se démode, le style, jamais.»
Coco Chanel