Ville contre peuple

Publié le 9 décembre 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Une attitude conflictuelle

On croit généralement que la démocratie se limite au droit des peuples de choisir leurs dirigeants. Aussi important que soit ce droit, il est insuffisant puisque la fabrication du consentement politique amène de nombreux peuples à consentir à leur assujettissement à des régimes totalitaires.

Depuis six décennies, l’idéologie néolibérale a perverti nos institutions politiques.

Au niveau municipal, au lieu de se concevoir modestement comme les dirigeants d’un gouvernement de proximité au service du peuple, nos élus municipaux agissent comme le feraient les PDG nommés à la tête de n’importe quelle entreprise.

À titre d’exemple, lorsque des citoyens subissent des préjudices causés par la ville de Montréal, celle-ci nie toute responsabilité dans l’immense majorité des cas.

Cela a pour effet de décourager les plaintes futiles, mais aussi les plaintes légitimes des citoyens. Et ce, dans l’espoir que ceux-ci n’aient pas les moyens de s’adresser aux tribunaux.

Le regard

On appelle ‘regard’ une ouverture pratiquée dans un conduit pour en permettre la visite ou le nettoyage. Les trous dans la chaussée qui donnent accès aux égouts ou à un aqueduc sont des regards.

Le 24 décembre 2024, un septuagénaire montréalais est tombé dans un regard dont le couvercle en saillie avait été déplacé huit heures plus tôt par la lame d’une déneigeuse.

Plutôt que de réparer le regard afin d’abaisser son couvercle au niveau de la chaussée, la ville préfère différer les travaux… qui n’ont toujours pas été réalisés un an plus tard.

Entretemps, les avocats de la ville soutiennent que dans ce cas, la faute incombe à ce citoyen qui n’a pas traversé la rue à l’intersection.

Quand la ville poursuit un utilisateur de la voie publique (automobiliste, cycliste ou piéton) parce qu’il n’a pas circulé au bon endroit, la ville est dans son droit.

Par contre, lorsque c’est la ville qui est accusée de négligence, elle ne peut pas s’en laver les mains en invoquant des arguments qui seraient pertinents si les rôles étaient inversés.

Imagine-t-on la ville blâmer un enfant tombé dans une bouche d’égout restée ouverte alors qu’il courant après son ballon ?

La ville préfère dépenser des dizaines de milliers de dollars en honoraires professionnels plutôt que de payer pour de petites réclamations (5 000$ dans ce cas-ci).

En réalité, le contentieux de la ville suggère le refus presque systématique d’indemnisation parce que cela apporte de l’eau à son moulin.

Une solution radicale

Toutes les réclamations de la sorte devraient être filtrées par un comité de citoyens plutôt que d’être décidées sur l’avis d’avocats qui, disons-le franchement, sont en conflit d’intérêts.

Mieux qu’un comité de citoyens qui juge de la recevabilité des plaintes, l’idéal serait de créer des tribunaux populaires sur lesquels des citoyens ordinaires, élus, pourraient siéger.

Ces citoyens-juges n’auraient pas besoin d’avoir une formation juridique : seulement de l’expérience de la vie et un bon jugement. Comme c’est le cas dans n’importe quelle société primitive.

Et les décisions qu’ils rendraient séance tenante seraient des amendes inférieures à un plafond relativement bas. Ce qui permettrait de régler des conflits mineurs comme celui de ce septuagénaire.

Malheureusement, la Canadian Constitution de 1982 est figée dans le béton.

Ceci étant dit, le prochain référendum sur l’indépendance nationale nous donne l’occasion de faire table rase de cette monarchie parlementaire sclérosée dans laquelle nous sommes enfermés et de créer à neuf la première République digne du XXIe siècle.

Ce qui pourrait être l’occasion, si la nation québécoise le souhaite, de casser le monopole de la profession juridique sur l’appareil judiciaire, transformée en machine à sous au bénéfice de cette caste sociale richissime.

Références :
Il chute dans un trou d’homme et la Ville le tient pour responsable de son malheur
La fabrication du consentement politique : un exemple américain
La fabrication du consentement politique : un exemple chinois
La richesse des juges

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Écrit par Jean-Pierre Martel