Les automobilistes montréalais ont certainement bien des raisons de se plaindre : du cout de l’essence, des viaducs qui s’effondrent, des nids-de-poule au printemps, des élus municipaux hostiles à la circulation automobile, etc.
Mais toutes ces raisons sont presque rien en comparaison avec le traitement que doivent subir de nombreux automobilistes à Berlin : un groupe radical y brule leurs voitures.
Tôt hier, une Mercedes stationnée dans le quartier chic de Shöneberg était la proie des flammes. Peu de temps après, une Audi stationnée quelques rues plus loin subissait le même sort. Cela porte à 372 le nombre de voitures incendiées depuis le début de cette année dans la capitale allemande. On s’approche donc du record établi en 2009, soit 401 automobiles incendiées. Au total, c’est plus d’un millier de voitures brulées à Berlin depuis quelques années. Cela représente des dommages de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Jusqu’ici la police a appréhendé treize suspects, sans toutefois porter d’accusation. L’impunité des coupables vient de leur façon de procéder. Ils utilisent des allume-feux pour charbon de bois qu’ils placent sous les pneus de l’automobile. Lorsque finalement le véhicule prend en feu, l’incendiaire est déjà rendu loin.
Puisque des élections municipales et régionales se tiennent le mois prochain, cette question est sur toutes les lèvres. D’autant plus qu’il y a risque de contagion ; mercredi matin, des incendiaires se sont attaqué à quatre voitures à Düsseldorf tandis que des attaques similaires se sont produites plus tôt cette année à Hambourg.
Fils de l’ex-président d’un groupe de députés au parlement fédéral allemand, Matthias Filbinger est un nouveau candidat à la Chambre des représentants de Berlin. Il se présente sous la bannière du parti de la Chancelière allemande. Il a promis de mettre sur pied des milices auxquelles participeraient un millier de citoyens équipés de matraques et de menottes.
Dans cette ville au passé turbulent, une telle suggestion a inquiété plusieurs personnes et a fait bondir le président du syndicat des policiers allemands. Celui-ci a déclaré : « Les groupes d’autodéfense représentent un danger de débordement. Les chasseurs de primes, c’est bon pour les films de cowboys. »
Pressée par les dirigeants du pays, la police berlinoise a promis de consacrer un bataillon de cinq cents policiers à cette affaire, mettant même un hélicoptère à leur disposition.
Ce qui nuit à cette enquête, c’est le mutisme des incendiaires. Pas de demande de rançon. Pas de communiqué où ils s’attribueraient le mérite de leurs actes. Pas de message politique. Bref, le silence complet.
On se perd donc en conjectures. Puisque la grande majorité des voitures incendiées étaient des berlines de luxe, on suppose que c’est l’œuvre de groupes gauchisants opposés à l’embourgeoisement de la ville. Une porte-parole de la police a émis l’hypothèse que les coupables pourraient venir du quartier de Friedrichshain-Kreuzberg, un bastion de la gauche radicale allemande.
C’est précisément là que j’habitais en 2005, lors de mon voyage à Berlin. Il s’agit d’un quartier paisible et charmant où se concentre la minorité turcophone (et donc musulmane) de Berlin.
Alors que les autorités privilégient la piste des « Robins des Voies », j’ai toutefois une autre hypothèse. Elle vaut ce qu’elle vaut, surtout de la part de quelqu’un qui habite à l’autre bout du monde.
Pourquoi ne serait-ce pas l’œuvre d’écologistes radicaux ? Les Verts ont une longue tradition d’activisme, de désobéissance civile et de gestes d’éclat. Qu’est-ce qui devrait leur faire craindre de s’adonner à un terrorisme bon chic, bon genre ? En effet, on ne tue personne et on sauve la planète.
Puisque les voitures de luxe sont généralement lourdes, elles sont donc plus énergivores que les autres véhicules de taille similaire. De plus, en évitant de cibler les voitures d’ouvriers, on évite de s’aliéner le travailleur moyen.
Il est probable que les victimes s’achèteront un autre véhicule pour remplacer celui incendié. La majorité des voitures de luxe étant allemandes, en brulant ces voitures, on stimule l’économie du pays et on donne du travail aux ouvriers. Si on ne craint pas le cynisme, on pourrait même dire que c’est un geste patriotique…
Puisque nous vivons à une époque où les plus grands bandits portent le veston et la cravate, et où ceux qui ont bousillé l’économie occidentale refusent d’en payer le prix, en ciblant les voitures de luxe, on ferait ainsi une pierre deux coups.
C’est donc une histoire à suivre…
Références :
Berlin’s burning cars a hot topic in forthcoming elections
Carte géographique des incendies (jusqu’en octobre 2010)
Germany’s Capital Burns Bright, and Without Explanation
Matthias Filbinger
Political, economical motivation behind Berlin’s burning cars
Détails techniques de la photo : Panasonic GF1, objectif Lumix 20mm f/1,7 — 1/1250 sec. — F/2,0 — ISO 125 — 20 mm
J’aime ça :
J’aime chargement…