La photographie infrarouge

Le 28 octobre 2010
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À l’aide d’un prisme, on peut décomposer la lumière visible du soleil : cela donne un spectre presque continu qui va du rouge au violet.

Mais ce prisme fait plus que cela ; il extrait aussi des rayons invisibles à nos yeux. Au delà du violet, ce sont les rayons ultraviolets. À l’extrémité opposée, ce sont les rayons infrarouges. Ces derniers représentent près de la moitié de l’énergie émise par le soleil.

D’habitude, les appareils-photo sont dotés d’un filtre qui bloque la presque totalité des rayons infrarouges afin de capter des images conformes à ce que nos yeux perçoivent.

Dans l’image ci-dessus, on aperçoit la même scène, captée à gauche par un appareil-photo conventionnel, et à droite, par un appareil infrarouge. Dans ce dernier cas, on voit que la végétation réfléchit beaucoup de lumière. Si ces rayons n’étaient pas bloqués par un filtre, le feuillage serait trop pâle dans l’image à gauche.

L’équipement

Il y a deux moyens de photographier le rayonnement infrarouge.

Premièrement, on peut visser sur l’objectif une lentille qui bloque la lumière visible mais laisse passer les rayons infrarouges. Ces derniers seront à leur tour bloqués presque totalement par le filtre anti-IR à l’intérieur de l’appareil lui-même. On comptera ainsi sur la faible partie des rayons infrarouges qui auront réussi à se rendre jusqu’au capteur. On aura donc besoin d’un temps d’exposition extrêmement long, ce qui nécessite un trépied et des sujets immobiles.

Les premiers appareils-photo numériques étaient dotés de filtres anti-IR moins efficaces que ceux qui équipent les appareils d’aujourd’hui ; ils laissaient donc passer plus de rayonnement infrarouge. Si vous avez dans un placard un vieil appareil numérique inutilisé, vous pourriez le doter d’un filtre infrarouge (pour moins de 25$ ou 17 euros) et avoir la surprise de constater qu’il prend de meilleures photos infrarouges (en contrepartie de plus de grain) que votre appareil le plus récent.

Le deuxième moyen de prendre des photos infrarouges est plus coûteux mais donne de bien meilleurs résultats. C’est d’utiliser un appareil-photo infrarouge : celui-ci est un appareil conventionnel dont on a retiré le filtre anti-IR pour le remplacer par un filtre qui fait l’inverse, c’est-à-dire qui bloque la lumière visible mais laisse passer les rayons infrarouges.

Plusieurs types de filtres peuvent être utilisés à cette fin. On les distingue par la limite en deçà de laquelle la lumière est bloquée. Par exemple, on parlera d’un filtre de 590 nanomètres, de 665 nm, de 720 nm (les plus populaires), de 850 nm, ou de 950 nm (dit à contraste élevé). Puisque la frontière entre la lumière rouge et les rayons infrarouges se situe aux alentours de 750 nm, les trois premiers filtres laissent passer un peu de lumière rouge, alors que les deux derniers bloquent complètement la lumière visible.

En fait, à 950 nm, on bloque non seulement tout le visible mais également la très grande majorité du rayonnement infrarouge. En effet, 96% du rayonnement infrarouge solaire est compris entre 750 nm et 950 nm.

Puisque les capteurs des appareils-photo numériques cessent d’être sensibles à l’infrarouge au delà de 1300 nm, les photos infrarouges enregistrent donc le rayonnement entre 750 nm et 1300 nm, soit l’infrarouge rapproché.

Mais comment faire la mise au point d’un rayonnement qu’on ne voit pas ? C’est simple. Contrairement à nos yeux (qui ne voient que la lumière visible), les cellules photo-électriques des capteurs sont plus sensibles à l’infrarouge qu’à la lumière visible. Or puisque l’écran arrière des appareils-photo numériques reproduisent ce que le capteur voit, il affichera donc l’image destinée à être enregistrée. De plus, lorsque cet appareil dispose d’un viseur électronique (lui aussi connecté sur le capteur), ce dernier affiche la même image.

On trouvera sur eBay, des appareils-photos infrarouges de très bonne qualité. Leur prix varient généralement entre 200$ et 700$ (140 à 500 euros).

Pour une somme de 250$US (180 euros), certains fournisseurs offrent même de transformer l’appareil-photo que vous leur enverrez en appareil infrarouge : c’est donc un excellent moyen de donner une seconde vie à un appareil-photo numérique dépassé.

Une fois votre appareil transformé, on peut augmenter sa puissance à volonté en vissant sur l’objectif, une lentille infrarouge plus restrictive. À titre d’exemple, en ajoutant un filtre de 850nm ou de 950nm à un appareil bloquant déjà la lumière jusqu’à 720nm, on obtient un appareil qui se comporte exactement comme si on avait choisi de le transformer en appareil infrarouge plus sélectif dès le départ.

Mais l’inverse n’est pas vrai ; visser un filtre IR de 720nm à un appareil infrarouge doté d’un filtre interne de 920nm est complètement inutile puisque les rayonnements entre 720 et 920nm que laissera passer le filtre externe seront bloqués par le filtre interne. D’où l’importance de bien choisir son mode de conversion.

Afin de vous aider à choisir, on trouvera sur ce blogue, un test comparatif entre l’infrarouge de 720nm et celui de 950nm.

Le résultat

Strictement parlant, la photographie infrarouge est du domaine de la perception extra-sensorielle : elle permet de voir ce que la vision humaine ne peut capter. Toutefois, l’infrarouge rapproché suit de près la lumière rouge. Par conséquent, la photo infrarouge ne donne pas des images ésotériques, sans rapport avec la réalité, mais plutôt des images étranges. Dans le cas des paysages, on croirait la nature recouverte de givre.

De manière générale, les personnes photographiées en infrarouge ont un air cadavérique. Puisque l’atmosphère est remarquablement transparente aux rayons infrarouges, les paysages sont d’une netteté exceptionnelle, peu affectés par la pollution. Conséquemment, les ciels sont foncés, comme si on avait utilisé un filtre polarisant. À l’opposé, les nuages dispersent les rayons infrarouges et paraissent très pâles. Les plans d’eau sont particulièrement sombres. La végétation est éclatante tandis que les troncs d’arbres sont noirs.

Puisque les lumières fluorescentes (c’est-à-dire les néons) émettent peu de radiation infrarouge, ce type d’éclairage demandera des temps prolongés d’exposition.

Toute substance incandescente (par exemple, une ampoule au tungstène allumée) émet beaucoup de rayons infrarouges. De plus, n’importe quel objet chauffé à plus de 300 degrés Celsius (ou 572 degrés Fahrenheit) émettra des rayons infrarouges même s’il n’est pas incandescent.

Pour vous donner une idée de ce qu’on peut obtenir avec un appareil infrarouge, voici quelques unes des photos que j’ai prises en septembre dernier dans les parcs de Shanghai, à l’aide d’un appareil doté d’un filtre de 720 nm.

Cliquez sur une des imagettes ci-dessous pour l’agrandir


Détails techniques :
Photo double au début du texte :
À gauche : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45 mm — 1/1250 sec. — F/13 — ISO 640 — 14 mm
À droite : Canon Powershot G6 modifié pour faire de la photographie infrarouge

Les 21 imagettes ci-dessus : Canon Powershot G6 modifié pour faire de la photographie infrarouge.

Complément de lecture :
L’infrarouge pamplemousse rose
L’infrarouge rose rétro
L’infrarouge rose bonbon

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’infrarouge noir et blanc, veuillez cliquer sur ceci. Mais pour consulter l’ensemble des articles publiés sur ce blogue relativement à la photographie infrarouge couleur, veuillez cliquer sur cela.

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9 commentaires à La photographie infrarouge

  1. Bonjour, intéressé par la photographie infra-rouge je recherche un fournisseur capable de retirer le filtre IR de mon boitier Réflex, avez-vous des contacts à proposer ? Merci d’avance !

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Sur eBay USA (donc en anglais), des artisans américains offrent de transformer à peu près n’importe quel appareil photo en appareil infrarouge et ce, pour la somme de $270 US (plus les frais d’expédition de votre appareil aux USA). Pour accéder à leur offre, cliquez sur ceci.

      Ce que font ces artisans, c’est de retirer le filtre anti-infrarouge de votre appareil reflex et le remplacer par un filtre de 720 nanomètres qui fait l’inverse, c’est-à-dire qui bloque la lumière visible mais laisse passer les rayons infrarouges.

      C’est un excellent moyen de donner une seconde vie à un appareil photo. Cela donne de biens meilleurs résultats que de visser un filtre IR à l’objectif de votre appareil actuel.

      Il est à noter que d’autres fournisseurs offrent d’installer (pour environ $200 US) des filtres qui laissent passent d’avantage de lumière visible. Il se peut que cela vous convienne mais comme je n’ai aucune expérience avec ces appareils, je ne peux pas me prononcer.

      En espérant que ces informations vous seront utiles, je vous souhaite bon succès dans vos démarches et autant de plaisir à prendre des photos IR que j’en ai moi-même…

  2. Gilles Marcil dit :

    Intéressant! J’ai un Canon Rebel T1i que je serais intéressé à faire transformer. Connaissez-vous un technicien, au Québec, préférablement dans la région de Montréal, capable d’effectuer ce travail? Ou autre, aux USA, que e-bay?

    Merci,

    http://gilmarcil.wordpress.com/

    • Jean-Pierre Martel dit :

      N’importe quel technicien capable de réparer un appareil photo est sans doute apte à transformer votre appareil. Toutefois, il est probablement préférable de recourir à ceux qui en ont l’habitude, qui sont familiers avec cette procédure, qui ont déjà tous les pièces nécessaires et surtout, qui savent par expérience que certains modèles sont plus aptes que d’autres à subir cette transformation.

      La photographie infrarouge est une toute petite niche dans l’industrie de la photo. Les techniciens expérimentés à travers le monde sont sans doute très rares. Je n’en connais pas au Québec. Si vous en trouvez, je serai heureux de publier ses coordonnées ici, dans ce billet.

      Pour terminer, je vous souhaite bonne chance avec votre exposition “Espaces et moments choisis”, à Repentigny, du 23 juillet au 21 août 2011 :
      http://www.flickr.com/photos/gilmarcil/sets/72157626929019018/

  3. matty dit :

    Bonjour,

    Je débute moi-même dans la photographie infrarouge et suis étonnée de la vitesse que vous avez choisi pour vos clichés. Mes temps de pause étant aux environs de cinq secondes par temps très clair (avec un filtre 720 mm). Je pense que mon appareil photo numérique (un Lumix d’il y a deux ans) est équipé d’un filtre anti-infrarouge.

    Cherchant très rarement de la netteté dans mes clichés, cela me gêne relativement peu.

    C’est avec plaisir que j’ai visionné vos photos.

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Effectivement, les appareils modernes sont dotés de filtres anti-infrarouge très performants ; ils ne laissent passer que très peu de rayonnement infrarouge vers le capteur. Lorsqu’en plus, on leur visse une filtre qui fait l’inverse (c’est-à-dire qui bloque la lumière visible), presque plus rien ne se rend au capteur, d’où des images très sombres sur l’écran arrière de l’appareil et des temps d’exposition extrêmement longs.

      Mes temps d’exposition très brefs s’expliquent par le fait que le filtre anti-IR interne de mon appareil a été remplacé par un filtre qui bloque la lumière visible au lieu de la lumière infrarouge. Puisque celle-ci représentent à elle seule près de la moitié de l’énergie émise par le soleil, cela donne des temps d’exposition semblables à la prise de photo normale.

      Ceci étant dit, dans la mesure où la photographie infrarouge excelle dans les objets inanimés, visser un filtre infrarouge sur un appareil normal donne des résultats intéressants en contrepartie de plus de grain dans l’image et de la nécessité absolue d’utiliser un trépied (alors que toutes mes photos sont prises à main levée).

      Je vous remercie pour votre témoignage et vous souhaite beaucoup de plaisir à la découverte du monde fascinant de la photographie infrarouge.

  4. Blum dit :

    Bonjour,

    Je cherche à modifier ou faire modifier un appareil GH2 pour la photo IR, mais c’est un peu confus…

    J’ai des options chez Lifepixel ou Jeff Poon à Hong Kong : j’habite Paris et tout cela est trop loin. De fait, je vais le faire moi-même… mais je cherche des infos complémentaires pour ne pas rater l’histoire. Le GH2 possède un filtre antipoussière transparent que je veux garder. Le filtre anti-IR a l’air simple à enlever…

    So what is the problem, tout le monde a l’air de dire qu’il y a des secrets qu’il faut connaitre ? Bullshit ou not ?

    Thanks for any help.

    Best regards,

    gB

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Pour les travaux manuels, la plupart des personnes apprennent à regarder quelqu’un d’autre effectuer le travail. Donc si vous songez à retirer le filtre anti-infrarouge de votre appareil et le remplacer par un filtre 720nm, je vous suggèrerais de regarder les vidéos à ce sujet sur YouTube. Si vous réalisez votre projet, je vous félicite : vous êtes plus courageux que je le suis.

      Mais si vous renoncez à le faire vous-même, assurez-vous de confier votre petit bijou à quelqu’un d’expérimenté et dont l’offre de service soit claire et explicite. Par exemple, sur eBay, on voit beaucoup une offre que j’ai lu plusieurs fois sans comprendre si on fera simplement me poster un filtre IR ou si on transformera réellement mon appareil.

      Ceci étant dit, je vous souhaite de réussir votre projet.

  5. […] en savoir un peu plus sur la photographie infrarouge rendez vous sur le blog de Jean-Pierre Martel ou sur Infrared Photography Blog pour y voir de magnifiques photos et bien sur Google est votre ami […]

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