Histoire de chenille (1re partie)

13 mai 2018

Préambule

‘Papillons en liberté’ est un évènement que le Jardin botanique de Montréal organise chaque printemps dans sa serre d’exposition.

L’an dernier, il m’arrivait parfois d’éplucher une orange et de me rendre au Jardin botanique sans me laver les mains dans le but d’inciter des papillons à se poser sur mes doigts.

À une occasion, un papillon s’était plutôt posé sur mon appareil photo et, titubant du haut de ses longues pattes, y avait pondu un œuf.

Comment réagit-on lorsqu’on vous confie un petit être vivant ? Sans doute de la même manière que la fille du Pharaon a réagi en trouvant un bébé, Moïse, flottant sur le Nil dans un panier d’osier.

Arrivé à la maison, j’ai transféré cet œuf dans la soucoupe d’une tasse à café.

Originellement, cet œuf était jaune pâle. Après quelques jours, il était devenu presque noir. Ce qui annonçait son éclosion imminente.

J’ai alors sorti de mon congélateur un assortiment de légumes coupés — carotte, cèleri, haricot vert, navet et ognion — que j’ai disposé au centre de la soucoupe.

Après l’éclosion, la jeune chenille s’était approchée de ce buffet, n’avait rien gouté, et s’était mise à tourner tristement pendant des heures sur le pourtour de la soucoupe.

De toute évidence, cette chenille préférait mourir de faim plutôt que de gouter mes légumes.

Je me suis alors rappelé que le papillon qui avait pondu cet œuf appartenait à une espèce qui ne se nourrit que de feuilles de citrus, ces plantes qui produisent des agrumes.

Puisque les extrémités des pattes de papillon servent d’organes gustatifs qui permettent à la femelle de pondre sur des plantes que ses chenilles pourront manger, cette femelle papillon avait sans doute été trompée par l’odeur d’orange que mes mains avaient répandue sur mon appareil photo.

À chaque tour de soucoupe, je sentais plus pressant le besoin de faire quelque chose.

Afin d’éviter que ma chenille ne meure de faim, je me suis aussitôt rendu dans un magasin de variétés asiatiques situé près de chez moi. Celui-ci vendait des plants de limettiers.

Dès que j’ai transféré la chenille sur une de ses feuilles, la chenille en a gouté une petite partie puis s’est arrêtée net.

Le lendemain, je l’avais retrouvée la tête plongée dans une goutte de liquide, le corps dressé en l’air.

C’est alors que j’ai réalisé que le limettier avait été traité par des insecticides. Cette chenille avait probablement décidé de se suicider par noyade afin d’échapper aux douleurs causées par le poison qui l’affligeait.

Un deuxième essai

Afin d’éviter qu’une telle chose ne se reproduise cette année, je me suis pris d’avance.

Dès l’automne, à ce même magasin de variétés asiatiques, j’ai acheté un oranger à défaut d’y trouver un limettier.

Sur la documentation qui accompagnait ce plant, on précisait que le traitement venait à échéance en février. C’était un peu avant l’évènement ‘Papillons en liberté’.

Quelques semaines après le début de cet événement, je rapportais enfin chez moi un premier œuf.

Une fois éclose, la chenille gouta de cet oranger, s’arrêta et disparut de la plante quelques heures plus tard en se laissant probablement tomber au sol.

Même si le producteur suggérait un second traitement insecticide en février, cela ne signifiait pas que l’ancien traitement était complètement dépourvu d’effets résiduels.

Ma dernière chance

Quelques jours avant la fin de ‘Papillons en liberté’, j’obtenais un autre œuf.

Cette fois-ci, si j’échouais encore, il me faudrait sans doute attendre à l’an prochain pour tenter une nouvelle expérience.

Mon seul espoir était que les jeunes feuilles d’oranger qui se sont développées depuis l’achat soient saines.

Les branches de cette plante avaient été taillées deux fois. Une première fois chez le producteur afin de favoriser leur ramification. Et une deuxième fois chez moi, lorsque les branches se sont mises à être trop longues à mon gout.

Toute branche née au-delà de la deuxième coupe représentait une pousse survenue après le traitement insecticide et conséquemment dépourvue de toxicité. C’est du moins ce que j’espérais.

Œuf à trois jours de l’éclosion

Le moment de vérité arriva lorsque mon dernier œuf vint à éclosion. J’avais placé l’oeuf sur une petite feuille vert tendre, fraichement apparue à l’extrémité d’une branche.

La première chose que fit la chenille fut de dévorer la coquille de son œuf.

Puis elle se dirigea au bord de la feuille gorgée d’eau et s’en régala.

Les heures qui allaient suivre étaient cruciales; si cette chenille se mettait à jeuner ou adoptait un comportement étrange, cela voulait dire que toute la plante était encore toxique et qu’il me fallait remettre mes projets à l’an prochain.

Un bon départ

Chenille au jour No 2

Deux jours après l’éclosion, la chenille était en parfaite santé. Elle terminait alors de dévorer sa première feuille dont elle n’avait laissé que la nervure centrale, sans doute trop coriace pour ses petites mâchoires.

Durant ces deux jours, la chenille mangeait brièvement puis se dirigeait vers une feuille à proximité pour digérer son repas pendant de longues heures.

Son petit monde se limitait à un deux-pièces : sa salle à manger et sa chambre à coucher.

Lorsque sa première feuille fut presque complètement dévorée, elle entama une nouvelle feuille, se réfugiant dans sa chambre à coucher habituelle pour passer le reste de la journée.

Une première mue

Au neuvième jour, après avoir mangé plusieurs feuilles, la chenille entama un périple vers le début de l’embranchement sécuritaire.

Ne pouvant courir le risque qu’elle aille au-delà et se mette à dévorer une feuille toxique, je pris l’initiative de la délocaliser à la cime d’une nouvelle branche, plus précisément sur une feuille adjacente à un bourgeon de fleur.

Mon but était de vérifier si la chenille aimait non seulement les feuilles d’oranger mais également les pétales de ses fleurs. Si c’était le cas, cela permettait de varier sa diète.

Chenille au jour No 9

C’est alors que le mystère de cette fuite soudaine vers le bas trouva son explication; la chenille avait voulu y muer.

De mignonne chenille décorée d’aiguilles inoffensives, l’insecte prenait dorénavant l’aspect d’un taureau bossu orné de papules brillantes.

Quel prédateur aurait envie de s’attaquer à une proie aussi répugnante ? Mais pour moi, il s’agissait d’un magnifique bibelot de jade vivant.

Après l’éclosion d’une fleur de cet oranger, ses pétales empiétaient sur la feuille que dévorait la chenille.

Non seulement celle-ci ne manifesta aucun intérêt pour manger de la fleur, mais elle refusa d’enjamber ses pétales, laissant inachevée cette feuille pour débuter la consommation d’une autre.

Dans les jours qui suivirent, une bonne partie des feuilles de cet embranchement fleuri furent dévorées par la chenille. Si bien qu’elle adopta une nouvelle chambre à coucher située plus bas. Malheureusement, il s’agissait d’une feuille toxique.

Devais-je intervenir de nouveau ? Puisque ma première intervention avait peut-être été injustifiée, je décidai de laisser-faire tout en renforçant ma surveillance.

J’étais parfaitement conscient que ce choix était risqué. Il suffisait d’un moment d’inattention (lors d’un repas, en prenant ma douche, ou en allant acheter des vivres), pour retrouver ma chenille agonisante.

Durant un jour ou deux, la chenille faisait l’aller-retour entre sa chambre à coucher toxique et les feuilles saines qu’elle dévorait.

Au dixième jour, je réalisai quelque chose d’évident mais qui ne m’avait pas traversé l’esprit; les chenilles font des crottes.

Au début, elles avaient la taille de têtes d’épingle. Pour cette raison, elles n’avaient pas attiré mon attention. Mais avec la croissance de la taille de ma chenille, elles devenaient plus évidentes.

Au dixième jour, je décidai de placer une boite de conserve vide sous la chambre à coucher de la chenille, là où elle passait la majorité du temps.

Je me sentais devenu comme ces médecins de Louis XIV qui analysaient les selles du monarque afin d’évaluer son état de santé.

Après 24 heures (de midi à midi), on y trouvait cinquante-huit crottes. Mais à midi le douzième jour, il n’y en avait plus que trois nouvelles. Autre sujet d’inquiétude; cela faisait vingt-neuf heures que la chenille jeunait.

Que s’était-il passé ? Au total, combien de temps m’étais-je absenté ?

Pendant que dans ma tête tourbillonnaient toutes les possibilités — des plus anodines aux plus inquiétantes — et pendant que croissait un vague sentiment de culpabilité, l’explication apparut soudainement…

La suite de cette histoire :
Histoire de chenille (2e partie)
Histoire de chenille (3e et dernière partie)
Histoire de chenille (épilogue).

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 60mm Macro F/2,8
1re photo : 1/125 sec. — F/11,0 — ISO 5000 — 60 mm
2e  photo : 1/100 sec. — F/8,0 — ISO 6400 — 60 mm
3e  photo : 1/160 sec. — F/9,0 — ISO 2500 — 60 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Histoire de chenille (2e partie)

20 mai 2018

Une deuxième mue

Chenille au jour No 12

Ce jeûne mystérieux — qui dure depuis trente-trois heures — trouve son explication vers 16h.

La chenille a procédé à une autre transformation physique; elle vient de prendre l’aspect chimérique d’un serpent vert à tête de canard.

Ce bec aplati, ce front orné de cercles noirs et ces grands yeux de chaque côté de la tête ne sont là que pour impressionner n’importe quelle petite bête qui se trouverait sur son chemin.

En réalité, le menton rond et poilu sous le ‘bec’, ce sont ses yeux. Sa mâchoire est cachée dans l’ombre. Tout le reste est une parure.

L’ensemble du corps est marbré de vert, de jaune et de blanc. Vue de loin, la chenille ressemble à une fiente d’oiseau.

À cause de l’immense bosse qu’elle porte sur le dos, la chenille ne peut plus relever la tête. Elle est condamnée à manger et à laisser un fil de soie partout où elle passe. Un fil de soie qui lui permettra de retrouver son chemin lors de fringales nocturnes.

Mais pour l’instant, son jeûne se poursuivra jusqu’au lendemain matin.

Chenille au jour No 13

Tôt le treizième jour, la chenille a faim. Très faim. Elle se retourne et mange son ancienne peau de bovidé biscornu. Puis dévore deux feuilles dans l’avant-midi. Une troisième suivra en après-midi. Le tout espacé de longues pauses digestives.

Et pendant que je travaille tard le soir sur mon ordinateur, je suis rassuré d’entendre aux demi-heures le tic sonore des déjections qui tombent dans la boite de conserve qui sert à les accumuler.

À midi le quatorzième jour, j’en compte cinquante-trois. Sur ma balance électronique, elles totalisent entre 0,2 et 0,3 gramme, soit environ cinq milligrammes par crotte.

Au début de la nuit qui suit, je la surprends à aller et venir, la mine basse, le long de la branche qu’elle a dégarnie. Je décide de la relocaliser sur la plus longue branche saine, là où se trouvent en abondance les feuilles les plus grandes et les plus appétissantes.

Appétit au jour No 15

Au quinzième jour, la chenille atteint une longueur de cinq centimètres, soit la longueur du corps d’un papillon de grandeur moyenne.

Son appétit est devenu gargantuesque. Une feuille qui, hachée, ferait la moitié d’elle est dévorée en quarante minutes. Or elle en mange trois par jour.

Selon la documentation, cette chenille devrait former une chrysalide entre le quinzième (aujourd’hui) et le vingt-sixième jour. Or au rythme de trois feuilles par jour, je commence à craindre de manquer de feuilles saines.

À midi, elle a laissé soixante-douze crottes.

Au début d’après-midi, je fais aérer la pièce puisque je me rends compte que la chenille pue.

Ce n’est pas l’odeur de ses excréments puisque lorsque je les compte, j’ai le nez dans l’ouverture du contenant où elles s’accumulent. Grosses comme des grains de poivre noir, elles sont inodores.

Aujourd’hui il fait plus chaud que d’habitude. Peut-être pour cette raison, le corps de la chenille dégage une subtile odeur rance, légèrement désagréable.

Chenille au jour No 16

Depuis quelque temps, elle mange en début et en fin de journée et demeure immobile, toute dodue, une bonne partie du jour. En raison de sa taille, son déguisement de fiente d’oiseau ne suffirait plus à la protéger; tout déplacement attirerait l’attention de prédateurs. Donc, elle se tient tranquille.

À midi, elle a éliminé soixante-deux crottes d’environ neuf milligrammes chacune. Presque le double de leur poids d’il y a deux jours.

En après-midi, en se reposant, la chenille est prise de légers spasmes, comme si elle avait la toux.

Au dix-septième jour, son appétit demeure insatiable.

Ce qui est nouveau, c’est qu’elle se déplace beaucoup. Elle brule les calories à arpenter les branches de l’oranger. Aucun coin ne l’effraie, même les branches les plus anciennes, donc les plus toxiques. Cette mobilité fait en sorte que toute intervention de ma part serait vaine.

Déjections de la chenille

Au début de la nuit précédant le dix-huitième jour, je note un liquide verdâtre au fond du récipient où s’accumulent ses matières fécales. L’une d’elles s’est émiettée en tombant en une multitude de débris végétaux.

Serait-ce de la diarrhée ? Peu importe la cause (bactérienne ou virale), comment l’aurait-elle attrapée ?

Par contre, si c’est un effet toxique (une feuille recouverte d’insecticide grignotée par mégarde), il est trop tard pour agir.

Le lendemain matin, la chenille s’apprête à vivre une des transformations les plus importantes de sa vie; sa métamorphose en chrysalide.

Ce stade transitoire entre la chenille et le papillon devrait durer, selon la température ambiante, entre huit et dix-neuf jours.

Parce qu’elle vivra tout ce temps complètement scellée dans une nouvelle peau, le tube digestif de la nymphe ne peut être le site de macération bactérienne.

D’où les spasmes observés le seizième jour et leur résultat; la vidange complète de l’intestin au début de cette nuit.

Voilà l’explication.

De toute évidence, cette modeste chenille, comme nous, est le résultat de millions d’années d’évolution.

La suite de cette histoire :
Histoire de chenille (3e et dernière partie)
Histoire de chenille (épilogue)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 60mm Macro F/2,8
1re photo : 1/125 sec. — F/9,0 — ISO 800 — 60 mm
2e  photo : 1/125 sec. — F/11,0 — ISO 1000 — 60 mm
3e  photo : 1/125 sec. — F/5,6 — ISO 2000 — 60 mm
4e  photo : 1/125 sec. — F/2,9 — ISO 4000 — 60 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Histoire de chenille (3e et dernière partie)

29 mai 2018

La chrysalide

La chenille tôt le 18e jour

Vers 6h du matin, le 18e jour, la chenille entame sa métamorphose en chrysalide.

Elle tisse un anneau de soie qui servira à la relier à une branche verticale. À la suite d’une série de contorsions, elle réussit à se glisser à l’intérieur de cet anneau et à le loger de manière à ce qu’il soutienne la partie supérieure du dos.

Une chenille n’a pas de squelette. Pendant près de trente heures, la chrysalide va remodeler ses tissus larvaires de manière à former ceux du papillon.

Chrysalide au matin du 19e jour

Durant la matinée du 19e jour, la chrysalide s’est cambrée vers l’arrière afin de déchirer sa dernière peau de chenille et de la faire tomber au sol.

Elle apparait alors dans une magnifique enveloppe vert tendre, biscornue et veinée comme un bois précieux.

Chrysalide au jour No 25

Au cours des jours qui suivent, en devenant vert feuille, la chrysalide se fond dans le feuillage de la plante-hôte. Dans la nature, elle échapperait ainsi à ses prédateurs.

Pendant 8 à 19 jours (selon le climat), la chrysalide vivra couchée sur le dos, le ventre bombé, et reliée au tronc par ce mince fil de soie.

Ce répit nous donne l’occasion de planifier son émergence sous forme de papillon adulte.

Jusqu’à maintenant, la chenille se nourrissait exclusivement du feuillage de citrus. Adulte, son seul aliment sera un liquide sucré appelé ‘nectar’ fabriqué de manière variable par des fleurs.

Or sur ma rue, les fleurs que font pousser mes voisins ne sont pas de bons producteurs de nectar.

Pochette pour le transport du papillon

Je dois donc prévoir le transport vers le Jardin botanique de Montréal, situé tout près.

Au vingtième jour, je dessine et découpe une pochette triangulaire de papier rigide qui sera utilisée à cette fin. Les personnes intéressées n’ont qu’à cliquer sur ceci pour en voir le patron.

De plus, dans l’éventualité où l’éclosion de la chrysalide surviendrait alors que le Jardin botanique serait fermé, je passe à l’épicerie acheter une orange et des bananes qui, tranchées et bien mures, serviront de substitut au nectar.

Au 33e jour, la chrysalide (vieille de quinze jours) est devenue soudainement beaucoup plus foncée. Cela annonce l’imminence de l’apparition du papillon adulte.

Est-ce que ce sera un mâle ou une femelle ?

Mâle, une heure après la sortie de sa chrysalide

Effectivement, vers 11h le lendemain, le papillon adulte émerge de sa chrysalide. Il prendra moins d’une heure pour déployer et faire sécher ses ailes. Et il attendra environ 90 minutes de plus pour entreprendre son premier vol.

Après avoir inséré le papillon dans la pochette que je lui ai construite, je me rends au Jardin botanique.

Au sortir de sa pochette, en plein air
De dos, sur sa première fleur
De face, sur la même fleur (une Doronic du Caucase)

Pendant que ce papillon apprend à découvrir ce nouveau monde qui s’offre à lui, je quitte les lieux sans me retourner…

Le Porte-queue lowi laissé seul

Et pour lire la véritable fin de cette histoire :
Histoire de chenille (épilogue)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectifs M.Zuiko 60 mm Macro F/2,8 (les 5 premières photos) et M.Zuiko 40-150 mm + multiplicateur de focale MC-14 (les autres photos)
 1re photo : 1/125 sec. — F/4,5 — ISO 4000 — 60 mm
 2e  photo : 1/125 sec. — F/2,8 — ISO 1600 — 60 mm
 3e  photo : 1/160 sec. — F/2,8 — ISO 2500 — 60 mm
 4e  photo : 1/160 sec. — F/5,6 — ISO 4000 — 60 mm
 5e  photo : 1/125 sec. — F/2,8 — ISO 6400 — 60 mm
 6e  photo : 1/250 sec. — F/11,0 — ISO 2500 — 115 mm
 7e  photo : 1/250 sec. — F/4,0 — ISO 250 — 210 mm
 8e  photo : 1/250 sec. — F/4,0 — ISO 250 — 210 mm
 9e  photo : 1/250 sec. — F/4,0 — ISO 500 — 175 mm
10e photo : 1/125 sec. — F/9,0 — ISO 400 — 56 mm


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Écrit par Jean-Pierre Martel


Histoire de chenille (épilogue)

29 mai 2018

J’avais pourtant décidé que c’était fini.

Mais à 22h hier soir, il a plu.

Si dans la nature, les papillons trouvent facilement des abris pour se protéger, l’endroit où j’ai libéré mon papillon quelques heures plus tôt était plutôt à découvert.

Dans le noir, a-t-il réussi à trouver refuge ?

Dans le pire des cas, il devrait être encore vivant ce matin, à se débattre dans la boue.

Et dans le meilleur des cas, il devrait être perché quelque part, immobile au soleil à réchauffer ses muscles afin les préparer à battre des ailes.

Au parterre de fleurs jaunes où j’ai vu mon papillon pour la dernière fois, il n’y était plus ce matin. J’ai soigneusement scruté le sol pour le trouver. En vain.

Mais à deux pas, un scintillement perçu du coin de l’œil attire mon attention : c’est lui !

C’est quand même incroyable; quelles sont les probabilités de retrouver un papillon en liberté une vingtaine d’heures plus tard à peu près au même endroit ? Une chance sur un million, peut-être.

De ces temps-ci, les seules choses qui volent au Québec sont les libellules et les oiseaux; aucun papillon ‘autochtone’ n’a eu le temps de se former. Et à le voir de près, il n’y a aucun doute; c’est bien lui.

À 9h45, ce matin

J’en prends trois photos, dont celle-ci, que je trouve banales. Alors que je j’approche dans le but d’en prendre une meilleure, le voilà qui prend peur et s’envole.

Mais qu’est-ce qu’il lui prend ? Un papillon que j’ai nourri et protégé depuis sa ponte. Et voilà qu’il ne me reconnait plus. Après tout, j’ai presque changé ses couches.

D’un autre côté, c’est bon signe; son caractère sauvage le protègera des prédateurs.

Comme il s’est envolé au loin alors qu’il n’avait pas vraiment quitté les lieux depuis hier après-midi, je présume qu’il reviendra.

Je m’assois dans une de ces chaises de bois si confortables que le Jardin botanique a placé çà et là à la disposition des visiteurs.

Après une dizaine de minutes à l’attendre, je décide plutôt d’aller voir ce qu’il y a de neuf au Jardin botanique. Or justement, il y a toujours du neuf puisque c’est dans un endroit pareil qu’on met en scène le spectacle changeant de la nature.

Après avoir fait le tour, je reviens à mon point de départ non sans avoir scruté les lieux en m’approchant. Toujours rien.

Je reste planté là un court moment en balayant du regard l’horizon tout autour de moi. Puis à regret, je mets lentement en marche pour rentrer à la maison… tout en me retournant à plusieurs reprises dans l’espoir de l’apercevoir une dernière fois.

Cette silhouette sombre que j’ai vue voler au loin à la cime d’un arbre et disparaitre derrière une serre, était-ce un oiseau ou mon papillon ? Je ne le saurai jamais.

Dès que je traverse les grilles du Jardin botanique, la page est définitivement tournée.

Puisqu’il ne trouvera jamais une femelle de son espèce, son histoire s’arrêtera dans quelques semaines. Son sort est maintenant entre les mains de Dieu.

Ceci étant dit, envisageons le pire.

S’il devait être dévoré par le premier oiseau venu, il contribuera à la survie de son prédateur.

Et cet été, lorsque j’entendrai le chant d’un oiseau, je penserai que peut-être cet oiseau a le cœur à la fête parce qu’il y a quelques semaines, les rayons du soleil ont permis à mon oranger de développer ses feuilles et de nourrir une petite chenille devenue papillon devenue sa proie, permettant à cet oiseau de grandir et d’enjoliver ce jour-là le murmure du vent.

Quelles sont les probabilités qu’une telle coïncidence se produise ? Elles sont très minces. Tout comme les chances de retrouver en liberté un papillon là où on l’a quitté vingt heures plus tôt.

Et pourtant…

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 40-150mm F/2,8 + multiplicateur de focale MC-14 — 1/250 sec. — F/4,0 — ISO 1000 — 210 mm


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Écrit par Jean-Pierre Martel