Introduction
Dans son programme électoral, Québec Solidaire promet d’abolir le financement public des écoles privées. Cette abolition ne serait pas brutale, mais amortie sur un petit nombre d’années.
Les 500 millions$ ainsi épargnés serviraient à améliorer le financement des écoles publiques. Cela représente cinq pour cent des sommes consacrées à l’éducation primaire et secondaire au Québec.
Avec le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique, le Québec est l’une des cinq provinces canadiennes qui financent leurs écoles privées.
Le cas ontarien
La Constitution de 1867 obligeait le gouvernement du Québec à financer ses écoles protestantes en contrepartie de quoi l’Ontario était obligé de financer ses écoles catholiques.
En plus de son rôle éducatif, l’école publique ontarienne visait à l’assimilation de la minorité francophone de cette province.
Ce qui a poussé les Franco-Ontariens à créer le réseau indépendant des Roman Catholic Schools. Qualifiées d’écoles ‘séparées’, ce sont des écoles privées sous un autre nom. Pour y être admis, la présentation du certificat de baptême est obligatoire.
La création d’un réseau séparé était d’autant plus logique qu’en vertu des obligations constitutionnelles auxquelles est soumis l’Ontario, ce réseau était complètement financé par l’État.
Ce qui n’a pas complètement protégé les Franco-Ontariens des visées assimilatrices de la majorité anglophone puisque partout où les Irlandais (anglophones) étaient majoritaires au sein des Roman Catholic Schools, on cessa d’enseigner le français.
Ce qui a poussé les Catholiques francophones à créer leur réseau séparé… d’écoles ‘séparées’.
La volonté assimilatrice de la majorité anglophone ontarienne culmina en 1912 alors que le gouvernement ontarien adopta le Règlement 17. Celui-ci interdisait l’enseignement du français autant dans les écoles publiques que dans les écoles séparées de la province, y compris dans celles où les Catholiques francophones étaient majoritaires.
Non seulement le français n’y était-il pas enseigné, mais les élèves surpris à parler français dans la cour de récréation étaient punis.
Ce règlement fut en vigueur jusqu’en 1927.
Il est donc exact de dire que l’Ontario ne finance aucune école privée… à l’exception de ses écoles ‘séparées’.
Résultat de ses querelles linguistiques et religieuses passées, l’Ontario possède 35 conseils scolaires publics (31 anglophones et 4 francophones) et 37 conseils scolaires ‘séparés’ (29 anglophones et 8 francophones). Tous financés à 100% par l’État.
Conséquemment, la majorité de la population canadienne vit dans une province où les écoles privées sont financées par l’État d’une manière ou d’une autre.
Au Québec
De manière générale, les écoles privées accueillent environ 12% des élèves du Québec et reçoivent 5% du budget de l’État consacré à l’enseignement primaire ou secondaire.
Ce qui veut donc dire que si tous ces élèves sont transférés du privé au public, on devra augmenter les budgets des commissions scolaires pour faire face à cette augmentation de leur fréquentation.
Les écoles privées sont financées à 42% par l’État. La différence est assumée principalement par les parents qui y envoient leurs enfants.
Puisque les frais scolaires sont déductibles d’impôt, on doit prendre en considération la déduction fiscale dont jouissent les parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles.
Le revenu moyen de ces familles est de 130 000$ par année. Puisque leur taux d’imposition est élevé, une bonne partie des déductions qu’ils obtiennent sont des pertes fiscales et une subvention indirecte qui s’ajoute aux sommes versées directement par l’État.
Concrètement, le contribuable dont des revenus annuels sont de 130 000$ est soumis à un taux d’imposition de 36,2%.
Il en coute annuellement entre 3 100$ et 4 000$ pour envoyer un enfant au privé. Pour l’État, la déduction fiscale de 36,2% de cette somme représente une perte de 1 122$ par élève.
En 2012-2013, on estimait qu’à l’école secondaire, il en coute 5 471$ par élève, mais que l’État ne verse que 4 090$ pour chaque élève au privé. Pour chaque élève formé au privé, l’État économise directement 1 400$ par année.
S’il passait au public, il faudrait dépenser 1 400$ de plus. En contrepartie, l’État gagnerait, indirectement, les déductions fiscales de 1 122$ dont il se prive actuellement.
En somme, il y a plusieurs raisons qui expliquent que tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir à Québec depuis des décennies n’ont pas osé abolir le financement public des écoles privées.
La première raison, facile, c’est de dire que c’est parce qu’une bonne partie des dirigeants de ces partis envoient eux-mêmes leurs enfants au privé.
La deuxième explication, tout aussi facile, est de dire que c’est parce que ce sont des vieux partis qui n’osent pas s’attaquer au problème.
Mais la troisième raison, beaucoup plus profonde, est que l’abolition du financement des écoles privées ne dégagerait, au mieux, que des économies de bout de chandelle.
Ceci étant dit, il n’est pas normal qu’on tolère un double système scolaire : l’un, élitiste, pour les classes aisées de la société, et l’autre pour les simples citoyens.
La meilleure manière de diminuer l’attrait des écoles privées est d’améliorer celui de l’école publique.
Je me dispenserai de dresser ici la longue liste des lacunes occasionnées par le sous-financement de nos écoles depuis des années.
Références :
Et si l’Ontario réglait la question des conseils scolaires?
Les écoles privées seront épargnées
Les écoles publiques de plus en plus populaires
Les examens du privé, en chiffres
Le tabou des écoles privées
Règlement 17
Parus depuis :
Écoles publiques et privées, deux réseaux complémentaires (2018-09-25)
Faut-il crucifier l’école privée? (2019-06-07)