L’or et les indices boursiers

Publié le 25 octobre 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

Introduction

En tant que liquidateur, j’ai eu à disposer des biens que ma mère nous avait laissés en héritage, dont plusieurs titres boursiers. L’essentiel de ceux-ci était des actions minières dont elle avait elle-même hérité de mon père.

Ma surprise fut de constater que ces impressionnants certificats — grands comme des napperons de table et richement décorés comme de vieux billets de banque — ne valaient rien. En effet, à l’épuisement de son filon, une mine déclare faillite en ne laissant derrière elle que, justement, des certificats sans valeur.

Le mirage des indices boursiers

Sous le titre ‘Pourquoi l’or n’est pas sans risque’, le quotidien La Presse publiait dimanche dernier un texte plutôt intéressant, mais dont l’extrait suivant m’a fait sursauter :

Selon [les calculs du professeur Jeremy Siegel, professeur émérite d’économie à l’Université de Pennsylvanie] 1 $ investi dans l’or en 1801 valait 127 $ en 2024. Mais 1 $ investi dans les actions américaines en 1801 valait 42 millions en 2024.

Cela est totalement faux; un dollar investi dans des actions américaines en 1801 ne vaudrait pas 42 millions en 2024, mais aurait été une perte totale. Et ce, pour une raison très facile à comprendre; aucune des compagnies qui existaient en 1801 n’est encore en activité 224 ans plus tard.

Le livre Stocks for the long run, écrit par le professeur Siegel, est basé sur la croissance des indices boursiers.

Le plus connu d’entre eux est l’indice Dow Jones. Trente compagnies en font partie.

Depuis sa création en 1896, sa composition a changé 59 fois. Car lorsqu’une compagnie ne ‘performe’ pas suffisamment au gout de ceux qui déterminent qui fait partie de l’indice, on l’expulse.

C’est ainsi que la compagnie Nortel — dont la valeur capitalisée comptait pour environ la moitié de l’indice boursier de Toronto — fut radiée de l’indice torontois avant même sa faillite en 2013.

En réalité, les indices boursiers sont l’opium de l’investisseur niais; ils servent à le rassurer autant que possible.

C’est d’ailleurs pourquoi les indices boursiers grandissent généralement bien au-delà de la croissance de l’économie. Ce qui prouve bien qu’ils ne sont pas le miroir de l’économie mondiale.

Conclusion

Un pays ne peut pas prospérer sans investissement. Voilà pourquoi les marchés financiers sont essentiels.

L’or n’est qu’une valeur refuge. Son prix croît depuis des siècles de manière beaucoup plus stable que les indices boursiers, sujets à l’éclatement de bulles spéculatives.

Actuellement, deux facteurs expliquent la popularité de l’or.

Premièrement, la crainte de l’éclatement d’une Troisième Guerre mondiale. Une crainte entretenue avec succès par certains dirigeants européens pour faire diversion de leurs problèmes internes.

Et surtout, le prix de l’or augmente en raison des achats massifs des banques centrales (sauf celle du Canada, qui s’obstine à ne pas en avoir du tout).

L’utilisation du dollar américain comme arme financière par Washington provoque ainsi une perte de confiance dans la devise américaine comme monnaie de réserve au profit d’autres devises et de l’or.

Références :
Historical components of the Dow Jones Industrial Average
L’or et la Banque centrale du Canada
Pourquoi l’or n’est pas sans risque
Stocks for the Long Run

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La bourse et le vent

Publié le 15 février 2011 | Temps de lecture : 6 minutes
© 2008 — Wikipedia

Toutes les entreprises possédant des titres financiers inscrits en bourse utilisent les marchés boursiers comme source de financement. Celui-ci survient au moment de l’émission d’actions ou d’obligations.

Par la suite, lorsqu’un titre est convoité, sa valeur en bourse augmente. Si, au contraire, une compagnie annonce des pertes importantes, la valeur de la compagnie diminue et conséquemment, ses actions en font autant. Mais une fois que ces titres ont trouvé preneurs, au départ, toute croissance ultérieure de la valeur en bourse — à l’occasion de changements de propriété de ces titres — ne donnent pas un sou de plus à la compagnie.

Beaucoup de petits investisseurs parient sur la valeur anticipée de titres financiers. Ces spéculateurs sont des parasites économiques. Lorsqu’ils font des gains, cet enrichissement n’apporte rien à la collectivité puisqu’il s’est fait exclusivement au dépend d’autres investisseurs. Cela ne crée pas d’emploi, cela ne stimule pas l’économie, cela ne fait rien d’autre que d’échanger de la richesse d’une personne à une autre.

Au cours des dernières décennies, les bourses se sont démocratisées. À l’époque où les taux d’intérêts favorisaient l’épargne, les bourses étaient réservées dans les faits aux détenteurs de cette épargne (banques, sociétés de fiducie, etc.) : de nos jours, la clientèle des bourses comprend des millions de particuliers. Ceux-ci réagissent au moindre signal annonciateur de la hausse ou du déclin de la valeur d’un titre, ce qui amplifie les variations des indices boursiers (par exemple le Dow Jones Index).

Lorsque la valeur d’un titre financier augmente lentement, les perspectives de gain (ou de pertes) sont beaucoup moindre que lorsque la valeur d’un titre subit de grandes variations. D’où la tentation de déstabiliser un titre (par de fausses rumeurs) afin de créer des occasions d’affaires. Dans une bonne mesure, l’assaut contre la monnaie européenne est essentiellement spéculatif alors que plus spécifiquement, le discrédit des bons du trésor de la Grèce ne l’est pas.

Normalement, la valeur d’un titre boursier est liée à la valeur d’une entreprise. Si une compagnie vaut un million de dollars et si cette compagnie a émis un million d’actions, chacune de ces actions devrait valoir un dollar, majoré de la perspective de profit au cours des prochaines années.

Pour le spéculateur, cela n’a pas d’importance. Il peut très bien acheter du vent s’il a la conviction de trouver un imbécile assez fou pour acheter ce vent plus cher qu’il ne l’a payé. Et cet imbécile est peut-être moins fou qu’on pense s’il peut trouver, lui, quelqu’un d’autre prêt à payer encore plus cher pour cette marchandise. En somme, l’important, c’est de ne pas se retrouver avec ce titre sans valeur réelle lorsque plus personne n’en voudra.

C’est ce qui explique le succès phénoménal du « papier commercial » et le krach boursier qui en était la conséquence inéluctable. De manière analogue, ce n’est qu’une question de temps pour que le prix de l’or chute de son prix actuel (plus de 1 300$ l’once) à son prix réel (environ 350$ à 400$ l’once).

Mais comment savoir lorsque la valeur d’un titre boursier est purement spéculative ? C’est simple. Lorsque la valeur totale des actions et obligations d’une compagnie équivaut à plusieurs fois la valeur réelle de l’entreprise, c’est que ses titres boursiers sont du vent.

De manière analogue, on peut prévoir un krach boursier quand la croissance des indices boursiers est bien au-delà de celle de l’économie mondiale.

D’août 1921 à septembre 1929, l’indice Dow Jones a gagné 468%. Si les années ’20 sont qualifiées d’années folles, elles l’ont été seulement pour une minorité de privilégiés. A titre d’exemple, c’est à cette époque que Montréal comptait un des taux les plus élevés de tuberculose en Amérique du nord alors des fermiers dans la misère quittaient la campagne pour s’installer dans des logis insalubres de l’est de la ville dans l’espoir d’une vie meilleure.

De septembre 1929 à juin 1932, l’indice Dow Jones perd 89% de sa valeur.

Tout comme ce qui s’est passé dans les années ’20, le Dow Jones a connu une croissance phénoménale durant les années ’90. Le 17 avril 1991, cet indice clôture pour la première fois au-dessus des 3 000 points. Le 3 mai 1999, il franchit des 11 000 points. Au cours de cette période, les pays ont construit des infrastructures (routes, hôpitaux, écoles, systèmes d’aqueduc, etc.), les particuliers ont accumulé des biens durables (maison, automobile, appareils électro-ménagers, etc.). Bref, les pays occidentaux se sont enrichis. Mais se sont-ils enrichis de 3,6 fois au cours de cette décennie comme l’a fait le Dow Jones ?

Le krach de 2008 était donc inévitable. Ce qui est étonnant, c’est que cette correction ait pris tant de temps à survenir. On peut présumer que les taux d’intérêts anormalement bas durant cette période ont découragé l’épargne et favorisé l’achat aveugle de titres boursiers. Si bien que la valeur de l’ensemble des titres, gonflée par la spéculation, s’est maintenue artificiellement pendant cette période.

Il a fallu la pourriture générale du système financier américain — à la faveur de la dérégulation néo-libérale — pour placer l’économie mondiale au bord du gouffre et la faillite colossale de la banque d’investissement Lehman Brothers pour réveiller les investisseurs.

Référence :
Il était une fois le Dow Jones…

Complément de lecture :
La dictature des actionnaires coûte cher

Paru depuis :
Wall Street vit le plus long cycle de hausse de son histoire (2018-08-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel