La cervelle inclusive

Le 18 février 2024

Le site de Radio-Canada publie aujourd’hui le texte ‘L’écriture inclusive sous la loupe de la science’ dont l’ambition est de présenter de manière factuelle les effets de l’écriture inclusive sur le cerveau.

Le texte soutient vaguement qu’en français, la règle selon laquelle le genre masculin l’emporte sur le genre féminin entraine des effets ‘cognitifs’.

Il est indéniable qu’en parlant constamment des camionneurs au masculin, on contribue au préjugé selon lequel il s’agit d’un métier d’hommes.

Toutefois, pour affirmer que l’écriture inclusive pallierait ce préjugé, il faut prouver, par exemple, que dans les pays anglophones (où la suprématie grammaticale du genre masculin n’existe pas), plus de femmes y font ce choix de carrière qu’au Québec. Malheureusement, cette preuve n’existe pas.


 
La majorité des gens parcourent un texte en le faisant lire silencieusement par leur petite voix intérieure. Conséquemment, certains procédés de l’écriture inclusive — exemples : les camionneur.euse.s ou les auteur.trice.s — nuisent à la lisibilité du français.

Si tous les manuels scolaires utilisaient ce procédé d’écriture, la réussite scolaire chuterait.

Il ne faut pas exagérer le pouvoir de la grammaire. Entre la représentation physique de la personne type qui exerce un métier et la manière d’écrire collectivement ses praticiens, il est probable que l’influence du cliché visuel l’emporte largement sur l’influence de l’écrit.

En conclusion, si on l’avait appelé autrement, l’écriture inclusive aurait rencontré beaucoup moins de succès. Mais à une époque où il est bon de paraitre bienveillant, l’écriture inclusive permet au loup de se présenter sous la toison de la brebis.

Complément de lecture : L’écriture inclusive

Postscriptum du 20 février 2024 : À la suite des commentaires très pertinents de madame Marsolais, je me rends compte que j’ai manqué de clarté au sujet de ma position au sujet de l’écriture inclusive.

Celle-ci est composée de différents procédés d’écriture auxquels j’adhère sauf quant au plus ostentatoire d’entre eux, soit l’écriture woke (ex.: ‘Les bâtisseur·euse·s culturel·le·s montréalais·e·s’).

Or c’est précisément sur ce procédé (le plus controversé) que l’article paru sur le site de Radio-Canada a le plus insisté comme exemple modèle d’écriture inclusive.

Dans une émission qui se voulait la synthèse scientifique des études à ce sujet, comment a-t-on pu passer sous silence l’effet de l’écriture woke sur la lisibilité du français.

Prenant fait et cause pour les travaux du professeur Gygax, l’émission prétend que l’emploi de l’écriture inclusive est nécessaire afin d’éviter des biais cognitifs, notamment « l’activation de la représentation androcentrique du monde par le cerveau.»

Au cours de mes études universitaires, je ne me rappelle pas qu’on m’ait parlé de la présence, au niveau du cerveau, d’un centre de la représentation androcentrique du monde dont l’activation (sic) conduirait à des problèmes cognitifs.

Bref, cette émission est un plaidoyer idéologique indigne de la rigueur scientifique habituelle de cette émission.

Peut-on comprendre le découragement du néoQuébécois confronté aux textes écrits de la sorte, lui qui aimerait apprendre le français, mais dont tout l’entourage répète que l’anglais est tellement plus facile à apprendre ?

Si on craint pour la pérennité du français au Québec, il faudrait cesser de creuser notre propre tombe. Ce n’est pas l’écriture woke seule qui y parviendra, mais c’est une pelleté de terre de trop.

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4 commentaires à La cervelle inclusive

  1. André joyal dit :

    On dit bien d’une femme qu’elle est un bon médecin, alors pourquoi ne pourrait-on pas dire d’une femme qu’elle est un bon camionneur? Pour autant, bien sûr, qu’elles soient bonnes…

  2. Marsolais dit :

    Bonsoir,
    Avez-vous regardé « Découverte » hier soir: on parlait justement de la grammaire inclusive et on donnait un exemple soulignant l’aberration du masculin qui l’emporte sur le féminin. Ainsi, si on voulait rapporter qu’un congrès a réuni 100 physiciennes, il suffirait qu’un seul physicien se joigne au groupe pour qu’un journaliste rapportant le fait soit obligé, suivant la règle du masculin qui l’emporte sur le masculin, dire qu’un congrès a permis de réunir, la fds dernière 101 physiciens … un peu choquant, non ?
    Bonne soirée, 🙋🏻‍♀️

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Dès que j’ai pris connaissance de votre commentaire, je me suis empressé d’écouter l’émission de Découverte d’hier soir (que j’avais enregistrée sans avoir eu le temps de la regarder).

      Je suis tout à fait d’accord avec vous au sujet de l’exemple que vous donnez. En effet, c’est choquant.

      Toutefois, de nos jours, une telle aberration n’arrive jamais… ou presque.

      Quand l’ordre professionnel des infirmières a accueilli son premier infirmier, les infirmières, à juste titre, se sont opposées à la suprématie grammaticale du genre masculin. Du coup, l’Ordre des infirmières est devenu l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec. Il s’agissait d’une décision sensée.

      L’Ordre des pharmaciens du Québec n’a pas changé de nom parce que son histoire s’est déroulée dans le sens inverse; d’une profession exclusivement masculine, elle est lentement devenue majoritairement féminine. Il serait temps qu’elle fasse pareil.

      Maintenant, revenons au fond du problème.

      Contrairement à la chimie, à la physique et à l’astronomie, la psycholinguistique est une science molle. Lorsqu’on lui fait dire catégoriquement que la suprématie grammaticale du genre masculin active au niveau du cerveau une représentation androcentrique du monde et donc, que cela brime les femmes, c’est qu’on mène un combat idéologique.

      Cette suprématie grammaticale n’existe pas en anglais. Elle est spécifique à quelques langues, dont le français.

      Conséquemment, j’aimerais qu’on m’explique comment il se fait que la seule société francophone en Amérique du Nord soit également la société où les femmes sont les plus libres.

      Est-ce que quelqu’un a mesuré le statut des femmes dans le Bible Belt américain ? Est-il possible que l’interprétation littérale des Saintes Écritures — qui prescrivent, rappelons-le, la soumission voulue par Dieu de l’épouse à son mari — soit un frein beaucoup plus grand à l’émancipation féminine que des règles grammaticales dont personne ne s’est soucié pendant des siècles ?

      En définitive, la lutte contre l’invisibilisation grammaticale des femmes est un combat superficiel et bourgeois qui ne change rien à la réalité concrète des femmes.

      Depuis plusieurs années sur ce blogue, le texte publié le 8 mars — lors de la Journée internationale des femmes — applique la règle selon laquelle le genre féminin l’emporte sur le genre masculin (et non l’inverse); y a-t-il au Québec une seule féministe qui a osé faire pareil ?

  3. Marsolais dit :

    Merci Jean-Pierre pour cet argumentaire; toutefois, je pense que si les québécoises vivent plus librement que dans d’autres sociétés c’est grâce à un travail d’ensemble c’est-à dire politique, économique, social, religieux, etc .. incluant grammatical. Ce n’est pas parce que la psycholinguistique est une science molle qu’elle est sans importance; bien des avancées sont nées d’une idéologie, n’est-ce pas ?
    Bonne journée, 🙋🏻‍♀️

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