Microsoft et le paradis irlandais

Le 3 juin 2021

Lorsque des programmeurs rédigent du code informatique, ce code — illisible pour le commun des mortels — est protégé par des droits d’auteurs. Comme s’il s’agissait d’une œuvre littéraire.

Or tout roman, livre de poésie, ou bande dessinée est protégé par des droits d’auteur jusqu’à 70 ans après le décès de son auteur.

Par exemple, chaque fois qu’on achète un livre qui n’est pas encore tombé dans le domaine public, une partie du prix d’achat est versé aux détenteurs du droit d’auteur, c’est-à-dire l’écrivain ou ses héritiers.

La somme que vous payez sert à acquitter de votre droit d’utilisation.

De la même manière, chaque fois que vous renouvelez en ligne votre abonnement à une version infonuagique de Word, d’Excel ou de n’importe quel logiciel payant de Microsoft, une partie de cette somme sert à acquitter votre droit d’utilisation.

Légalement, les Victor Hugo et les Émile Zola du code informatique sont des tâcherons. Le fruit de leur travail ne leur appartient pas. Dans la mesure où ils étaient payés pour programmer, les droits d’auteur découlant de leurs créations ‘littéraires’ appartiennent à leur employeur.

Chez Microsoft, dès que du code informatique est protégé par des droits d’auteur, ces droits sont donnés ou vendus pour une somme symbolique à la filiale irlandaise de cette compagnie. Apple fait pareil.

Le résultat, c’est que toutes les filiales de Microsoft à travers le monde doivent donner une partie de leurs recettes à la filiale irlandaise, détentrice exclusive des droits.

C’est ainsi que cette filiale a réalisé l’an dernier des profits de 375 milliards de dollars canadiens en collectant les droits d’utilisation perçus par toutes les autres filiales de Microsoft.

Et de cette somme — qui correspond aux trois quarts du produit intérieur brut (PIB) irlandais — le gouvernement de ce pays n’a pas perçu un seul centime d’impôt puisque les profits de cette succursale sont aussitôt délocalisés aux Bermudes, un paradis fiscal.

C’est donc à dire que les politiques accommodantes de l’Irlande à l’égard du grand capital international profitent très peu au peuple irlandais puisque des compagnies comme Microsoft laissent une empreinte fiscale nulle ou presque dans le pays.

Tout au plus, cela permet aux politiciens néolibéraux du pays de vanter un rapport PIB per capita au deuxième rang en Europe (derrière le Luxembourg), de même qu’une croissance illusoire du PIB national.

Cette richesse factice entraine que les Irlandais sont les deuxièmes plus taxés par la Commission européenne puisque la contribution par habitant des membres de l’Union européenne est basée sur ce PIB par personne, gonflé artificiellement dans ce cas-ci.

En réalité, au lieu d’être les deuxièmes plus riches d’Europe, les Irlandais ont un pouvoir d’achat légèrement sous la moyenne européenne (plus précisément au 12e rang), derrière la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, mais devant les anciennes républiques soviétiques.

Références :
Microsoft Irish subsidiary paid zero corporate tax on £220bn profit last year
Multinationals make Ireland’s GDP growth ‘clearly misleading’
Sauvetage économique de l’Irlande : miracle ou mirage ?

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