L’importance des mots

Publié le 9 décembre 2017 | Temps de lecture : 3 minutes

Les êtres humains ont deux modes de pensée.

La pensée suggestive

D’abord un mode très ancien, d’origine animale, qui est celui des songes, des prémonitions et des mythes.

Plus on essaie de décrire la prémonition angoissante d’un malheur, plus on la dénature. Parce que cette pensée est comme une grande fresque imprécise qui occupe tout notre esprit.

La pensée discursive

Dans la vie de tous les jours, le plus important mode de pensée est le second. Celui-ci est lié au langage discursif. Il est constitué de sujets, de verbes et de compléments regroupés en phrases successives.

Sans mots, on ne peut pas exprimer de pensée complexe.

Le nourrisson peut pleurer quand il a faim. Et toute bonne mère apprend à reconnaitre les pleurs de son enfant qui sont différents lorsqu’il a mal, qu’il a faim, qu’il a froid, qu’il est malheureux ou qu’il est simplement fatigué.

Et le doigt pointé de l’enfant permet d’exprimer la préférence pour le biscuit au chocolat dans l’armoire plutôt que le chou de Bruxelles dans son assiette.

Mais le langage corporel est incapable d’exprimer autre chose que des besoins primaires. Pour aller au-delà, il nous faut des mots.

La mémoire

Ce à quoi nous pensons est comme la mémoire vive d’un ordinateur.

Ce que nous écrivons, c’est cette mémoire vive couchée sur papier ou enregistrée dans les fichiers textes de notre ordinateur.

C’est en accumulant, couche par-dessus couche, le contenu variable de cette mémoire vive que se créent les romans, les thèses ou les encyclopédies. Comme une série de mémoires vives sauvegardées cumulativement sur ordinateur et qui occupent une part croissante de l’espace disque.

Aucun auteur ne pourrait apprendre par cœur un de ses romans pour la simple raison que ce roman dépasse la capacité de sa mémoire vive.

Comme tout ordinateur qui peut avoir des téraoctets d’espace disque, mais seulement quelques gigaoctets de mémoire vive.

Le pouvoir des mots

Sœur Pierre-de-Bethsaïde fut ma professeure de cinquième année.

Lorsque mes devoirs étaient à la hauteur de ses attentes, elle me surnommait affectueusement ‘mon petit Prince de Galles’.

Mais lorsque je la décevais, elle fronçait les soucis en me traitant ‘d’espèce de prince de galles’.

C’est donc elle qui m’a appris que les mots n’étaient que de simples conventions, susceptibles de signifier une chose ou son contraire.

Mais ces mots — tellement fragiles qu’ils se dissipent en silence dès qu’on cesse de les prononcer — sont capables du meilleur et du pire.

Si volages dans la bouche du séducteur ou du courtisan, ils peuvent inciter les peuples à la guerre comme à la réconciliation des amants en brouille.

Ce sont eux qui suspendent la foule aux lèvres du chanteur.

Racontées lors de la mise au lit, leurs histoires merveilleuses accompagneront l’enfant au pays enchanté des rêves.

Au contraire, ils pousseront à l’insomnie le lecteur incapable d’abandonner le récit palpitant d’une intrigue policière.

Et ce sont ces mots, tout simples, qui ont su jusqu’ici me valoir l’honneur de retenir votre attention. Merci.

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