Niqab
Introduction
Après la réussite de son examen visant à vérifier ses connaissances au sujet du Canada, une femme portant le niqab a obtenu l’autorisation de rejoindre son mari, déjà citoyen du pays.
Toutefois, apprenant que la cérémonie de naturalisation se faisait à visage découvert, cette personne a contesté la légalité de cette exigence, dictée par une simple directive ministérielle.
Cette dernière a été émise après que de nombreux citoyens se soient plaints de voir des personnes masquées prêter publiquement ce serment.
Strictement parlant, c’est la signature d’un document par le requérant qui scelle l’appartenance au pays. La cérémonie de naturalisation n’a aucune importance légale; ce n’est qu’une séance patriotique au cours de laquelle on agite son petit drapeau canadien devant les appareils photo des membres de la famille venus assister à l’événement. En réalité, la signature du document en question peut se faire en privé.
Cette femme était d’accord pour retirer son voile lors des vérifications d’identité avant la cérémonie, mais ne voulait pas se dévoiler publiquement lors de la cérémonie elle-même, invoquant ses croyances religieuses.
La saga judiciaire
Cette affaire judiciaire a déclenché un scandale. En première instance, le juge Keith M. Boswell avait tranché en faveur de la plaignante en octobre 2014. Plus tôt cette semaine, la Cour d’appel de l’Ontario confirmé ce jugement.
Le gouvernement Harper a annoncé sa décision d’en appeler de cette décision devant la Cour suprême du pays. Il est probable que celle-ci refusera d’entendre cette cause.
En toute logique, les tribunaux disent que dans une démocratie, on ne peut pas donner préséance à une directive ministérielle lorsque celle-ci va à l’encontre d’une loi adoptée par le parlement, ce dernier étant souverain.
Or cette contradiction est flagrante. La directive ministérielle interdit le port du niqab à la cérémonie de naturalisation. Alors que la loi (adoptée par le gouvernement Harper) donne toute la latitude aux responsables de l’événement de permettre des accommodements religieux lors de cette cérémonie.
Le niqab et le gouvernement Harper
La menace de mort détermine l’urgence d’une demande d’immigration. Toutefois, des dizaines de millions de personnes à travers le monde vivent sous cette menace. Conséquemment, celle-ci ne peut se substituer aux critères d’acceptation usuels, notamment quant à l’employabilité et quant à la perspective de contribuer à l’économie et à la culture canadiennes.
Mais les Conservateurs en ont jugé autrement. Depuis qu’ils sont au pouvoir, ceux-ci ont fait de la persécution religieuse un des critères principaux d’acceptation des demandes d’immigration au Canada.
Au Pakistan, la secte musulmane des Ahmadis est persécutée parce que jugée hérétique. Comme la majorité des Pakistanaises, les femmes ahmadies portent le niqab.
En vertu de sa politique d’immigration, le gouvernement Harper a accueilli entre 25 000 et 35 000 Ahmadis au pays. Ceux-ci se sont installés principalement en Ontario. Une fois admises, ces personnes ont des droits constitutionnels, notamment au chapitre des croyances religieuses.
La création du Bureau de la liberté de religion, dotée d’un budget annuel de cinq millions$, a été annoncée en 2013 par M. Harper dans une mosquée ahmadie. En écho à l’idéologie gouvernementale, le quotidien National Post (d’allégeance conservatrice) estimait cette année-là que les Ahmadis représentaient « un symbole des valeurs canadiennes ».
Mais à la suite de nombreuses plaintes, le gouvernement Harper a fait volteface. Non seulement a-t-il émis cette directive ministérielle à l’origine de cette cause, mais lors de son passage à Victoriaville en février dernier, M. Harper a osé qualifier le jugement de première instance de « contraire aux valeurs canadiennes ».
Sur le site de Statistique Canada, je n’ai pas réussi à trouver les données les plus récentes relatives au nombre d’Ahmadis au pays. Je présume que le robinet de l’immigration a été fermé pour eux après qu’on se soit rendu compte des conséquences politiques des décisions du gouvernement Harper à ce sujet.
Le Parti conservateur, qui veut maintenant laver plus blanc que blanc, a même créé une pétition en ligne s’opposant au port du niqab lors des cérémonies de naturalisation.
L’illogisme
Si le port du niqab est contraire aux valeurs canadiennes, pourquoi le gouvernement Harper a-t-il admis au pays des milliers de femmes qui le portent ?
La jurisprudence actuelle veut qu’une fois que des personnes sont admises officiellement au pays, elles aient des droits. M. Harper aurait dû y penser avant d’accorder la citoyenneté à toutes ces personnes.
Sa tentative de récupérer cette controverse en se transformant en champion de valeurs qu’il a ignorées par sa politique migratoire, est d’un ridicule consommé.
On peut espérer que les électeurs ne se laisseront pas tromper par cette grossière tentative de manipulation.
Références :
Ahmadisme
Harper annonce la création du Bureau de la liberté de religion
Jonathan Kay: Ahmadi Muslims, killed in Pakistan but welcomed here, perfectly symbolize our Canadian values
Pétition des conservateurs contre le port du niqab lors des cérémonies d’assermentation
Qui est dérangé par Peace Village?
Paru depuis :
Port du voile en hausse parmi les musulmanes au Canada (2016-04-27)
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/125 sec. — F/3,2 — ISO 200 — 23 mm
Merci pour cet éditorial bien documenté.
Le niqab,la burka et le tchador sont des signes d’infériorisation des femmes et non des signes religieux ..
Avant tout, ce sont des tenues vestimentaires (ou un accessoire dans le cas du hijab).
Le niqab et la burqa sont tellement distinctifs qu’on peut en effet dire que ce sont des ’signes’ religieux, dans le sens qu’on peut raisonnablement présumer qu’une Musulmane s’y cache.
Pour le chador, je ne serais par surpris d’apprendre que des veuves de Sicile ou de Grèce portent une tenue identique (nommée différemment).
Ces tenues, sont-elles des symboles d’oppression des femmes ? C’est ce que disent de nombreuses personnes en Occident.
Personnellement, je me suis toujours opposé au féminisme de chiffon. Qu’on s’attaque à l’exploitation des femmes, je suis entièrement d’accord. Mais qu’on s’attaque à un tissu perçu comme un symbole de l’exploitation des femmes, je trouve cela futile.
Il y a cinq ans, je me suis prononcé contre le port d’un masque en public :
//www.jpmartel.quebec/2010/02/23/en-marge-du-debat-sur-le-voile-islamique-integral/
Je n’ai pas changé d’idée. Que la personne masquée soit un homme ou une femme, que le port de ce masque soit dicté par une croyance religieuse ou non, pour moi c’est pareil.
Mais le chador et le hijab ne sont pas des masques. Si une femme désire porter l’un ou l’autre, qui suis-je pour tenter de l’en empêcher et en quoi est-ce que cela me regarde ?