Le déclin de l’économie québécoise

Publié le 3 juin 2013 | Temps de lecture : 8 minutes

L’enrichissement des peuples

Pour un pays, il y a deux manières de s’enrichir rapidement : en vendant ou en pillant.

On trouve dans l’Antiquité de nombreux exemples de guerres dont le but était de faire main basse sur les richesses accumulées d’une Cité-État.

Mais la plupart des peuples s’enrichissent en temps de paix. Ils peuvent s’enrichir lentement en produisant des biens destinés à satisfaire leurs propres besoins. Ou ils peuvent s’enrichir plus rapidement en vendant, en plus, à leurs voisins des produits précieux que ces derniers ont un grand besoin et, dans le meilleur des cas, qu’ils sont prêts à acquérir à n’importe quel prix.

L’économie du Québec est née du commerce de la fourrure, destinée à satisfaire la demande européenne. Mais notre économie a véritablement pris son envol grâce à Napoléon Bonaparte.

Au début du XIXe siècle, l’empereur français impose un blocus continental à la Grande-Bretagne; il interdit à tous les pays d’Europe de faire commerce avec l’Angleterre. Or celle-ci est essentiellement une puissance maritime. Pour sa construction navale, elle dépend du bois importé des riches forêts des pays scandinaves.

Puisque cette source d’approvisionnement lui est interdite, elle se tourne vers ses colonies d’Amérique. Or justement, le Québec est un immense réservoir forestier. On met donc en chantier les forêts d’ici. On y coupe des millions d’arbres dont on extrait le tronc. Au péril de leur vie, nos draveurs assurent le transport des billots — emportés par le torrent de nos rivières — vers les scieries du Sud.

Au fil des siècles, le Québec a diversifié son économie, de l’extraction de matières premières à la transformation de produits finis, puis de services. L’industrie aéronautique, les composantes électroniques et les produits pharmaceutiques se classent maintenant parmi les dix principales exportations du Québec.

L’importance de la balance commerciale

La balance commerciale d’un pays est la différence entre ce qu’il vend à d’autres pays et ce qu’il achète de l’étranger

Quand un pays vend à d’autres peuples, ces derniers déboursent de l’argent qui sert à faire travailler les gens dans le pays producteur. À l’inverse, quand ces travailleurs dépensent leurs salaires à acheter des biens importés (téléviseurs, téléphones multifonctionnels, etc.), l’argent retraverse la frontière dans le sens inverse pour créer des emplois ailleurs.

Et dans ce va-et-vient incessant, les pays qui progressent le plus rapidement sont ceux dont la balance commerciale est positive, c’est-à-dire qui vendent plus qu’ils n’achètent. Des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Indonésie sont à la fois les pays dont la croissance économique est supérieure à la moyenne, et des pays qui ont une balance commerciale positive.

Le déclin de la balance commerciale du Québec


Déficit commercial du Québec, de 1981 à 2012, en milliards de dollars
Balance_commerciale_30_ans

 
Sous la gouverne des Premiers ministres péquistes Parizeau, Bouchard et Landry, la croissance économique du Québec fut supérieure à la moyenne canadienne. Si bien qu’en 2003 le Québec était devenu la quatrième province la plus riche du pays quant au revenu par personne.

Cette bonne performance économique a été facilitée par l’amélioration remarquable de la balance commerciale du Québec, passant d’un déficit de 6 milliards$ en 1993 à un surplus, huit ans plus tard, de 7 milliards$.

Depuis, la situation s’est inversée de manière inquiétante. Jamais l’économie du Québec n’a été saignée à ce point par un déficit commercial; de nos jours, l’hémorragie atteint annuellement un niveau record de près de 30 milliards$, en bonne partie pour l’achat d’hydrocarbures.

Les déficits commerciaux des États-Unis et de la France, pourtant jugés importants, sont en réalité trois fois moindres que le déficit actuel du Québec lorsqu’on tient compte de la taille de nos produits intérieurs bruts respectifs.

Parallèlement, de 2003 à aujourd’hui, le revenu disponible par personne au Québec chutait du quatrième rang canadien à l’avant-dernier rang (devant l’Île-du-Prince-Édouard).

Quels sont les raisons qui expliquent ce déclin ?

Depuis 2002, les importations chinoises au Québec ont triplé, passant de plus de trois milliards$ à un peu moins de neuf milliards$. En contrepartie, le Québec a accru ses exportations vers la Chine d’un peu moins d’un milliard$ en 2002 à près de trois milliards$ en 2012. Le résultat est que notre déficit commercial avec la Chine est passé de 2 à 6 milliards$ au cours de cette période, pour atteindre à lui seul, le cinquième de la totalité du déficit de notre balance commerciale (estimé à 30 milliards$).

De manière générale, le déficit commercial du Québec avec l’Europe, l’Asie et l’Afrique s’est creusé depuis dix ans alors que celui avec l’Amérique du Sud est demeuré pratiquement stable. Par contre, notre commerce avec les autres provinces canadiennes, déficitaire de près de cinq milliards$ en 2002, était excédentaire de deux milliards$ en 2012.


Balance commerciale québécoise selon les régions du monde, en milliards de dollars
Partenaires

 
Parallèlement à la croissance de nos déficits commerciaux avec les pays d’autres continents, notre surplus commercial avec les États-Unis a considérablement diminué.

À la fin des années 1990, le Québec exportait pour 12 milliards$ de matériel de télécommunication à l’étranger, principalement aux États-Unis. Il s’agissait de notre principal produit d’exportation.

L’effondrement de cette industrie (en particulier la faillite de Nortel), l’appréciation (de plus 30 cents) du dollar canadien par comparaison avec la monnaie américaine depuis 2002, la guerre commerciale du bois d’œuvre, la chute de nos exportations de meubles à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, et la récession de 2007-2008 sont autant de facteurs qui expliquent la diminution de nos exportations vers nos voisins du Sud et le déclin relatif de l’économie québécoise.

Pistes de solutions

Le Québec importe annuellement plus de dix milliards$ d’hydrocarbures. Si on exclut les produits manufacturiers asiatiques, notre dépendance au pétrole est la principale cause “corrigeable” de notre déficit commercial.

À l’avenir, il faudra investir massivement dans le transport en commun. En particulier, il faudra remplacer le matériel vétuste du métro de Montréal (et faire cesser ses nombreuses pannes quotidiennes).

Que cela nous plaise ou non, le Québec ne peut pas se permettre le luxe de tourner le dos à l’exploitation pétrolière obtenue autrement que par fracturation hydraulique. Donc on devra faciliter la mise en exploitation du gisement Old Harry (à la frontière entre le Québec et Terre-Neuve).

L’immatriculation des véhicules qui carburent à l’essence devra devenir onéreuse. À l’exemple de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, la circulation automobile dans les rues secondaires de Montréal doit être découragée en la limitant aux résidents du quartier et à la livraison de marchandise.

De plus, le Québec devra trouver de nouveaux créneaux industriels.

Le réchauffement climatique et la croissance de la population mondiale contribueront à la rareté croissante de l’eau potable. Le Québec pourrait songer à nationaliser l’industrie de l’eau embouteillée afin que ses profits croissants profitent au Québec.

Le déclin des économies occidentales et la montée de pays émergeants provoquera un réalignement de l’ordre mondial et, conséquemment, une multiplication des guerres de type insurrectionnel. Or dans de tels conflits, les drones — malgré tout le mal qu’on en dit — représentent l’avenir. Notre expertise en aéronautique, de même qu’en informatique, pourrait faciliter notre implication dans ce créneau très précis de l’industrie militaire.

Dans tous les cas, le Québec n’a pas le choix. Après le bilan économique désastreux de l’ère Charest, il est urgent de nous ressaisir.

Référence : Déficit commercial record au Québec

Parus depuis :
Comprendre le déficit commercial en trois graphiques (2014-01-09)
Les drones armés vont-ils remplacer le Casque bleu canadien? (2017-12-07)

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Un commentaire à Le déclin de l’économie québécoise

  1. Jean-Pierre Martel dit :

    Afin d’actualiser les données relatives au déficit de la balance commerciale du Québec, voici le commentaire de Pierre Cousineau, publié en réponse à un éditorial du Devoir. J’ai restructuré légèrement son texte pour le rendre plus clair :

    Je citerai les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec sur le commerce des biens et des services pour la période 2008-2014.

    Pendant ces sept années, la balance du commerce international du Québec a accumulé un déficit de 160,3 milliards$. Sur la même période, le Québec a dégagé un surplus de 21,3 milliards$ du côté du commerce interprovincial, ce qui le laisse tout de même avec un déficit gigantesque de 139 milliards$.

    Pendant la même période, l’Alberta a accumulé un surplus (de son commerce international) de 199,4 milliards$. À cela s’ajoute un surplus de 20,9 milliards$ en commerce interprovincial pour un plantureux surplus de 219,4 milliards$ au chapitre de son commerce des biens et services.

    Ces deux statistiques montrent les effets de la balance commerciale sur l’économie d’une province. Frénésie et hauts salaires en Alberta, et déclin au Québec.

    Par ailleurs, l’Ontario, sur la même période a également accumulée un déficit gigantesque de sa balance commerciale internationale de 173,5 milliards$, mais du côté du commerce interprovincial elle a dégagé un surplus de 192,8 milliards$, ce qui fait qu’elle s’en tire avec un surplus de 19,3 milliards$.

    M. Martel, dans son article « Le déclin de l’économie du Québec », publié sur son blogue, explique en bonne partie les causes de ce déclin. Mais il y a plus.

    Comment expliquer ce revirement économique pour le Québec pendant les années Charest et j’ajouterai, les années Harper ? Ce pas-de-chicane consentant ?

    Plusieurs auront constaté que la période 2008-2014 inclut un gouvernement péquiste, mais je prends pour acquis que les 18 mois au pouvoir du gouvernement Marois, n’ont pas été suffisants pour influer sur la tendance.

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