L’enrichissement des peuples
Pour un pays, il y a deux manières de s’enrichir rapidement : en vendant ou en pillant.
On trouve dans l’Antiquité de nombreux exemples de guerres dont le but était de faire main basse sur les richesses accumulées d’une Cité-État.
Mais la plupart des peuples s’enrichissent en temps de paix. Ils peuvent s’enrichir lentement en produisant des biens destinés à satisfaire leurs propres besoins. Ou ils peuvent s’enrichir plus rapidement en vendant, en plus, à leurs voisins des produits précieux que ces derniers ont un grand besoin et, dans le meilleur des cas, qu’ils sont prêts à acquérir à n’importe quel prix.
L’économie du Québec est née du commerce de la fourrure, destinée à satisfaire la demande européenne. Mais notre économie a véritablement pris son envol grâce à Napoléon Bonaparte.
Au début du XIXe siècle, l’empereur français impose un blocus continental à la Grande-Bretagne; il interdit à tous les pays d’Europe de faire commerce avec l’Angleterre. Or celle-ci est essentiellement une puissance maritime. Pour sa construction navale, elle dépend du bois importé des riches forêts des pays scandinaves.
Puisque cette source d’approvisionnement lui est interdite, elle se tourne vers ses colonies d’Amérique. Or justement, le Québec est un immense réservoir forestier. On met donc en chantier les forêts d’ici. On y coupe des millions d’arbres dont on extrait le tronc. Au péril de leur vie, nos draveurs assurent le transport des billots — emportés par le torrent de nos rivières — vers les scieries du Sud.
Au fil des siècles, le Québec a diversifié son économie, de l’extraction de matières premières à la transformation de produits finis, puis de services. L’industrie aéronautique, les composantes électroniques et les produits pharmaceutiques se classent maintenant parmi les dix principales exportations du Québec.
L’importance de la balance commerciale
La balance commerciale d’un pays est la différence entre ce qu’il vend à d’autres pays et ce qu’il achète de l’étranger
Quand un pays vend à d’autres peuples, ces derniers déboursent de l’argent qui sert à faire travailler les gens dans le pays producteur. À l’inverse, quand ces travailleurs dépensent leurs salaires à acheter des biens importés (téléviseurs, téléphones multifonctionnels, etc.), l’argent retraverse la frontière dans le sens inverse pour créer des emplois ailleurs.
Et dans ce va-et-vient incessant, les pays qui progressent le plus rapidement sont ceux dont la balance commerciale est positive, c’est-à-dire qui vendent plus qu’ils n’achètent. Des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Indonésie sont à la fois les pays dont la croissance économique est supérieure à la moyenne, et des pays qui ont une balance commerciale positive.
Le déclin de la balance commerciale du Québec
Déficit commercial du Québec, de 1981 à 2012, en milliards de dollars
Sous la gouverne des Premiers ministres péquistes Parizeau, Bouchard et Landry, la croissance économique du Québec fut supérieure à la moyenne canadienne. Si bien qu’en 2003 le Québec était devenu la quatrième province la plus riche du pays quant au revenu par personne.
Cette bonne performance économique a été facilitée par l’amélioration remarquable de la balance commerciale du Québec, passant d’un déficit de 6 milliards$ en 1993 à un surplus, huit ans plus tard, de 7 milliards$.
Depuis, la situation s’est inversée de manière inquiétante. Jamais l’économie du Québec n’a été saignée à ce point par un déficit commercial; de nos jours, l’hémorragie atteint annuellement un niveau record de près de 30 milliards$, en bonne partie pour l’achat d’hydrocarbures.
Les déficits commerciaux des États-Unis et de la France, pourtant jugés importants, sont en réalité trois fois moindres que le déficit actuel du Québec lorsqu’on tient compte de la taille de nos produits intérieurs bruts respectifs.
Parallèlement, de 2003 à aujourd’hui, le revenu disponible par personne au Québec chutait du quatrième rang canadien à l’avant-dernier rang (devant l’Île-du-Prince-Édouard).
Quels sont les raisons qui expliquent ce déclin ?
Depuis 2002, les importations chinoises au Québec ont triplé, passant de plus de trois milliards$ à un peu moins de neuf milliards$. En contrepartie, le Québec a accru ses exportations vers la Chine d’un peu moins d’un milliard$ en 2002 à près de trois milliards$ en 2012. Le résultat est que notre déficit commercial avec la Chine est passé de 2 à 6 milliards$ au cours de cette période, pour atteindre à lui seul, le cinquième de la totalité du déficit de notre balance commerciale (estimé à 30 milliards$).
De manière générale, le déficit commercial du Québec avec l’Europe, l’Asie et l’Afrique s’est creusé depuis dix ans alors que celui avec l’Amérique du Sud est demeuré pratiquement stable. Par contre, notre commerce avec les autres provinces canadiennes, déficitaire de près de cinq milliards$ en 2002, était excédentaire de deux milliards$ en 2012.
Balance commerciale québécoise selon les régions du monde, en milliards de dollars
Parallèlement à la croissance de nos déficits commerciaux avec les pays d’autres continents, notre surplus commercial avec les États-Unis a considérablement diminué.
À la fin des années 1990, le Québec exportait pour 12 milliards$ de matériel de télécommunication à l’étranger, principalement aux États-Unis. Il s’agissait de notre principal produit d’exportation.
L’effondrement de cette industrie (en particulier la faillite de Nortel), l’appréciation (de plus 30 cents) du dollar canadien par comparaison avec la monnaie américaine depuis 2002, la guerre commerciale du bois d’œuvre, la chute de nos exportations de meubles à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, et la récession de 2007-2008 sont autant de facteurs qui expliquent la diminution de nos exportations vers nos voisins du Sud et le déclin relatif de l’économie québécoise.
Pistes de solutions
Le Québec importe annuellement plus de dix milliards$ d’hydrocarbures. Si on exclut les produits manufacturiers asiatiques, notre dépendance au pétrole est la principale cause “corrigeable” de notre déficit commercial.
À l’avenir, il faudra investir massivement dans le transport en commun. En particulier, il faudra remplacer le matériel vétuste du métro de Montréal (et faire cesser ses nombreuses pannes quotidiennes).
Que cela nous plaise ou non, le Québec ne peut pas se permettre le luxe de tourner le dos à l’exploitation pétrolière obtenue autrement que par fracturation hydraulique. Donc on devra faciliter la mise en exploitation du gisement Old Harry (à la frontière entre le Québec et Terre-Neuve).
L’immatriculation des véhicules qui carburent à l’essence devra devenir onéreuse. À l’exemple de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, la circulation automobile dans les rues secondaires de Montréal doit être découragée en la limitant aux résidents du quartier et à la livraison de marchandise.
De plus, le Québec devra trouver de nouveaux créneaux industriels.
Le réchauffement climatique et la croissance de la population mondiale contribueront à la rareté croissante de l’eau potable. Le Québec pourrait songer à nationaliser l’industrie de l’eau embouteillée afin que ses profits croissants profitent au Québec.
Le déclin des économies occidentales et la montée de pays émergeants provoquera un réalignement de l’ordre mondial et, conséquemment, une multiplication des guerres de type insurrectionnel. Or dans de tels conflits, les drones — malgré tout le mal qu’on en dit — représentent l’avenir. Notre expertise en aéronautique, de même qu’en informatique, pourrait faciliter notre implication dans ce créneau très précis de l’industrie militaire.
Dans tous les cas, le Québec n’a pas le choix. Après le bilan économique désastreux de l’ère Charest, il est urgent de nous ressaisir.
Référence : Déficit commercial record au Québec
Parus depuis :
Comprendre le déficit commercial en trois graphiques (2014-01-09)
Les drones armés vont-ils remplacer le Casque bleu canadien? (2017-12-07)
Afin d’actualiser les données relatives au déficit de la balance commerciale du Québec, voici le commentaire de Pierre Cousineau, publié en réponse à un éditorial du Devoir. J’ai restructuré légèrement son texte pour le rendre plus clair :